Et ce qui devait fatalement arriver arriva. Aucune des parties n'était prêt à reculer et aucune sage parole ne saurait leur éviter à tous de devoir une fois de plus, faire couler le sang. Peut-être que dans le fond, Dieu avait soif de vengeance. Ce même Dieu qui autrefois avait fait déborder les rives du Nil avec le sang des nouveaux-nés égyptiens.

▬ Soeur Merill non ! Eut-il le temps de hurler avant que les choses ne dégénèrent. Pour de vrai.

Soudainement, toute la tension dans l'air déjà saturé de macabre éclata. Constantin ne saisit pas le cours des choses. En un, deux, trois, battements de cils, Béatrice et Merill étaient toutes deux à terre, recouvertes de plaies et une vive douleur à la hanche lui fit lui-même plier le genou, le souffle coupé : quelque chose venait de lui manger la chair. Et il réalisa avec un effroi mêlé à l'étonnement que son corps ne connaissait que trop bien cette sensation.
Le prêtre sentit son coeur bondir dans sa poitrine, sentit le souvenir lointain et flou de cette geôle du Vatican aux pierres humides et aux fenêtres absentes ramper le long de sa nuque, comme un insecte répugnant caché sous le col de son vêtement. Il sentit Rome revenir, le pas lourd des geôliers masqués, leurs aboiements en latin. La honte, la douleur, la tristesse. Rome revenait ! Lui ne pouvait pas y retourner. Absolument pas.
Constantin paniqua. Animé d'une frayeur presque animale, l'évêque se jeta sur la comtesse, les deux mains tendues vers elle.

Un agneau de plus sur l'autel de Pâques. Un agneau terrifié.