Mar 9 Mar - 17:07
@Abel de Balsac
Posé là, les jambes raides contre le sol, l’Erudit se tient presque calme, tranquille. Dans ce sous-bois, sur ce chemin de terre usé par bien des passages, il n’attend rien, ne voit rien. Si sa tête dodeline, ce n’est en aucun but précis. Lui-même ne réalise sans doute pas ce qu’il se passe vraiment autour de lui. Comme d’habitude.
Puis c’est un papillon qui agrippe son œil valide, qui le fait se concentrer sur une cible fixe. Ou mouvante. A voir.
Etonnement, ses réflexes, d’abord très pataud pour espérer attraper l’insecte, se font soudainement vif tonnerre. L’instant suivant la contrariété de l’Erudit, qui déteste bien qu’on lui résiste, et le lépidoptère voit ses ailes coincées entre les doigts crochus de l’apparent vieillard.
« HéhéhHEHEHEHEHhéhéhéhéhé… Papillooooooon… Petit petit papillon….vole vole vole VOLE ! VOLEEEEEEEEEEEE ! ….. Ou pas. »
Les ailes sont déchirées, arrachées sans sommation, les pattes ôtées les unes après les autres sans prendre acte du petit corps gigotant de souffrance par cette cruauté minime à l’échelle du monde mais ô combien affreuse pour un œil d’insecte.
L’Erudit rit, encore et encore, hoquète puis se retourne au silence, les paumes couvertes de son forfait. Son œil fixe ses doigts et il fait de ses deux mains un récipient. On ne voit plus rien de ce qui se passe à l’intérieur. Et pourtant, après quelques secondes, l’Erudit rit de nouveau, mais cette fois pour rouvrir ses paumes.
Le papillon s’y trouve, de nouveau bel et bien vivant. Il prend son envol sans demander son reste.
« WoooOOOOOOwwwoooooo ! Joli pillon ! Joli ciel bleu…. Bleu ciel… joli…. »
@Abel de Balsac
Sam 13 Mar - 16:49
Les sabots de son cheval frappent le sol dans un rythme soutenu alors que la forêt se dessine devant eux. Le chevalier tire sur la bride de son compagnon de route pour le faire ralentir. Aborder un sentier de forêt à grand galop est à la fois imprudent et inutile. Déjà parce que l’on peut risquer une mésaventure à son destrier, et également parce que les bandits aiment se terrer dans des zones comme celles-ci où la fuite n’en devient que plus aisée.
Aux dernières nouvelles, il n’a pas entendu que des malfrats sévissaient aux alentours, mais mieux vaut demeurer prudent. Et, à son âge, elle n’est que trop appréciée. Régulièrement sollicitée, même dans les moments les plus anodins. Un long soupir franchit ses lèvres alors qu’il sent une certaine raideur dans ses reins. Le temps lui est compté désormais.
Abel ne serait probablement pas chevalier encore très longtemps. Son frère aîné salue d’ailleurs souvent sa ténacité.
Son oreille valide capte soudain une sorte de complainte. Il fait s’arrêter son cheval qui s’ébroue ensuite. Abel regarde autour de lui, entendant toujours cette voix. S’il ne parvient pas à en déterminer les paroles, il réalise toutefois qu’il s’agit plus d’une sorte de divagation. Il n’en est pas certain, mais ce dont il est sûr, c’est qu’il vaut mieux tirer cela au clair afin de palier à toute éventualité.
Il met un pied à terre et, rennes en main, il reprend son chemin, regardant autour de lui. Sa main libre sur la garde de son épée, le chevalier reste alerte.
Et c’est au détour d’un bosquet surplombé d’un grand arbre qu’il aperçoit une paire de jambes au sol. Et à en juger par le son de la voix devenue claire et limpide, le barbu conclut qu’il s’agit du propriétaire de ces guiboles.
Il s’arrête à quelques mètres de lui, l’observant en silence. Il ne sait pas s’il l’a remarqué au vu de sa concentration sur ce qu’il semble emprisonner dans ses mains. Un insecte qu’il semble bien heureux de torturer. Il fronce les sourcils, dérangé par ce spectacle autant que par l’amusement malsain ressenti par le vieillard. Un pauvre fou, sans nul doute.
Cependant, alors que le silence reprend ses droits, l’ancien referme ses mains sur le corps meurtri, et sans vie assurément, de la bestiole avant de les ouvrir de nouveau. Bientôt, un papillon surgit et s’envole, attirant inévitablement le regard d’Abel. Il hausse un sourcil en détaillant le vieillard au sol ; il s’étonne de ce résultat, pourtant persuadé de ce que ses yeux ont vu malgré la fatigue du voyage.
Il s’avance néanmoins, fléchissant les genoux pour mieux l’inspecter.
« Dites donc l’ancêtre, on peut savoir comment vous avez réussi ce tour ? » Ses yeux glissent sur ses jambes avant de remonter vers lui. « Qu’est-ce que vous faites ici au juste ? »
Peut-être a-t-il besoin d’assistance ?
Ou sans doute pas. Il semble bien calme pour quelqu’un qui aurait besoin d’aide.
Dim 14 Mar - 22:18
Le vieillard ne comprit pas tout de suite qu’il n’était plus seul, ici. Et lorsqu’une voix percuta ses tympans, il cligna de son œil boursouflé par deux fois avant de tourner la tête en une infinie lenteur. « OoOOooOOooOOOooooh. »
Il sembla examiner la personne qui venait d’arriver pour tenter de communiquer avec lui mais les mots étaient déjà perdus dans sa folie, dans les idées impalpables qui y flottaient en maëlstrom. « Huhuhu, pillon, joli pillon… TOI VOULOIR VOIR PILLON AUSSI ? »
Il rit, agite ses bras sans aucune coordination. Sa tête balance de gauche à droite, d’en haut vers le bas et inversement. « HiHIHIHIhihihihi… »
Il montre ensuite ses mains et les claquent l’une contre l’autre « Faut faire comme ça, comme ça, comme çaaaaaaaaaaaaaa ! » Et enfin, d’un doigt squelettique, que beaucoup désignerait comme répugnant, sans doute, il vous désigne. « Essaie ! Essaie ! Essaie ! Faut essayer ! TOUJOURS ESSAYER ! Pour voler, voler, voleeeeeEEEEEEEEEeeer ! AHHhaHAHhahH ! »
Dim 11 Avr - 17:04
A en juger par la réaction hystérique du vieillard, Abel comprend qu’il n’a pas à faire à une personne très saine d’esprit.
Qui sait ce que cet homme a bien pu voir tout le long de sa vie ? Des guerres, des maladies. Et peut-être pire encore. Le chevalier se masse la nuque, hésitant entre ramener ce vieux fou au village le plus proche, ou à le laisser moisir là.
Une décision qui paraît bien inhumaine mais, dans son état, plus personne ne peut plus faire grand-chose pour lui. Toutefois, ses valeurs chevaleresques le poussent à lui tendre la main. Abel sait qu’il doit le faire, mais il n’en a guère envie. Encore moins quand l’autre se met à taper dans ses mains comme un enfant.
Son doigt tendu alors vers lui, Abel ne peut que faire un écoeurant rapprochement avec les sorcières si laides dépeintes dans les contes pour enfants. L’ours le regarde encore longuement, se demandant quelle attitude adopter.
Entrer dans son jeu, c’est encourager sa folie.
Ne pas le faire, ce serait risquer de le vexer, de le braquer, et ne pas pouvoir le ramener chez lui.
D’un grognement agacé, Abel s’exécute en tapant deux ou trois fois dans ses mains tout en ayant l’intime conviction de passer pour un gros gland.
« Pas de papillon. Avec moi ça ne marche pas, l’ancêtre. »
Il s’approche, attrapant son bras avec le plus de soin possible. Pas qu’il se soucie plus que ça de son état ; les vieillards dans son état sont légions. Mais compte tenu de sa carrure, il a appris depuis longtemps à mesurer sa force. Claire avait fait les frais de sa force naturelle, au début.
Abel met l’autre sur ses pieds en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
« Allez, je vous ramène au village. Ce n’est pas prudent de rester à même le sol dans la forêt. Surtout dans votre condition. »
Jeu 15 Avr - 23:09
L’Erudit ne remarqua même pas qu’il avait quitté le sol forestier pour être de retour sur ses guibolles. « HeehHheHEHEHEHe… »
L’homme en face de lui ayant obeit et ayant tapé dans ses mains, comme si le papillon pouvait sortir de ses paumes, l’Erudit fut pris d’un mouvement tremblant. « Bwaaaaaah ! Pas de PILLOOOOOOOOOOOOOOON ! »
Pas de pillon, oui, mais bien autre chose. En un instant, le doigt décharné de l’Erudit touchait le torse musculeux du chevalier. « Les Pillons c’est comme les OS ! S’ils ont mal fallu les SOIGNEEEEEEEER HIHIHIH ! »
Il y a bien une lueur et l’instant suivant, plus rien. L’Erudit se redresse à s’en faire craquer la colonne vertébrale, sourit de toutes ses dents – t il lui en manque – et saute deux fois en arrière.
« Il est assez souvent tendu,
Et on l'évite quand on l'a vu.
Des alouettes, le miroir,
Prenez bien garde à ses mâchoires.
Qui est-il ? »
De nouveau, il tape dans ses mains et fait volte-face pour aller courir dans les buissons.
Il aura disparu du champ de vision du chevalier pour aujourd’hui.
Toutefois, si Abel est attentif, il remarquera qu’il n’a plus aucunes douleurs, ni rhumatismes.
Qu’est-ce que … ?
Sam 17 Avr - 10:56
Le voilà qui repart dans ses délires.
Abel aimerait bien l’assommer pour avoir la paix et le ramener rapidement, histoire de passer à autre chose. Mais l’idée ne fait qu’effleurer l’esprit du chevalier. Dans le fond, même s’il semble complètement instable et dérangé, il n’a pas l’air bien dangereux.
C’est quand son doigt touche son torse qu’Abel s’arrête pour le regarder, entre étonnement et agacement. Il s’apprête d’ores et déjà à lui grogner dessus pour qu’il se tienne tranquille une bonne fois pour toute, mais il est coupé dans son élan.
La lueur le prend au dépourvu et, par instinct, il lâche le vieillard, sa main trouvant aisément la poignée de son épée. Abasourdi, Abel regarde autour de lui ; c’est comme si un soudain rayon de soleil était venu l’éblouir. Mais ce n’était ni le soleil, ni rien de bien naturel, il en est presque convaincu.
L’ancêtre se redresse et s’éloigne avec une sorte d’agilité déstabilisante. Cette vieille branche toute tordue s’avère bien plus souple qu’il ne l’aurait soupçonné. Le chevalier fronce les sourcils alors que son interlocuteur parle.
Adieu le discours insensé et la manière enfantine de s’exprimer.
Ce sont des mots précis et une façon de parler posée. Une énigme.
Encore une fois, le chevalier n’a guère le temps de réagir tandis que le vieillard disparaît dans la forêt. Il cherche à s’élancer et est presque projeté trop vite en avant. Abel s’arrête, clignant des yeux avant de jeter un coup d’œil à son propre corps.
Il se redresse, s’inspecte, fait quelques mouvements banals avant de relever la tête vers le chemin emprunté par le vieillard.
Abel ne ressent plus la moindre courbature, qu’elle soit liée au voyage ou à son âge. Le chevalier est perplexe et, en même temps, il éprouve un sentiment qu’il n’avait pas ressenti depuis quelques années.
La peur.
Pas celle de perdre un proche ; celle-ci n’est finalement qu’un artifice de résignation mêlée à l’espoir vain de voir l’être aimé survivre.
Non, c’est la peur primitive ; celle qui nous fait frémit du plus profond de nos entrailles. Celle qui nous fait comprendre que nous sommes face à une force qui nous dépasse.
Et toute la fierté de l’ours ne suffirait sans doute pas à chasser ces prémices de sentiment, cette crainte naissante au creux de son ventre.
« Le piège. »
Son unique réponse à cette énigme qu’il devine être de mauvais présage. Mais pour qui ? Lui ou un plus grand nombre ?
Que lui a-t-il seulement fait ?
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