Le jeune ecclésiaste cherchait son chemin dans les rues de Paris. Ce matin, une lettre mystérieuse lui était parvenu, mentionnant un rendez-vous au milieu de la verdure. Il n’en avait parlé à personne. Par inadvertance, peut-être. Ou alors, il avait peur que quelqu’un lui refuse cette aventure… Courrait-il pour autant à sa perte ? Il ne le pensait pas. Un parc lui semblait inoffensif, et de toute manière, il n’avait pas assez pris de temps pour y réfléchir plus longtemps… Peut-être qu’il aurait dû. Mais la prudence était rarement citée comme étant une de ses qualités. Etrangement, l’inconnu le tourmentait moins qu’une destinée implacable… Trop réfléchir le fatiguait.

S’il ne connaissait encore pas complètement Paris, il ne mit pas si longtemps à trouver sa route jusqu’au parc central. L’endroit était prisé par les promeneurs, et on lui indiquait des directions assez claires pour qu’il ne s’y perde pas. Au milieu des feuillages, ses yeux cherchaient le lieu précis du rendez-vous, ainsi que la personne qui l’y attendait. Bientôt son regard croisa celui d’une jolie jeune femme qui l’interpella, puis sembla douter sur son identité. Cela le fit sourire. Sans vraiment d’hésitation, il s’avança vers elle, acquiesçant de la tête pour la rassurer.

« C’est bien moi ! Et vous, vous êtes bien celle qui m’a envoyé cette missive ? »

Il sortit le bout de parchemin de sa main gantée, la gauche. S’il n’avait aucune difficulté à utiliser l’une ou l’autre main, il préférait pourtant manipuler les objets avec cette celle-là, par précaution, même si on lui avait appris à être droitier… Il trouvait cela simplement ironique que la droite soit celle qui maudisse… A croire qu’il ne pouvait pas être possédé par autre chose que des pouvoirs païens…
… Voilà pourquoi il n’aimait pas trop réfléchir.

« Pour quelle raison vouliez-vous me voir ? »

Peut-être que la jeune femme cherchait des conseils de foi ? Pourtant, Raphaël ne pensait pas être celui vers qui les gens se dirigeraient pour ce genre de demande… Même s’il espérait l’être un jour, il faudrait avant tout qu’il finisse sa formation pour avoir une crédibilité auprès du peuple, non ? Pour l’instant, il espérait simplement pouvoir prononcer ses vœux solennels rapidement… Qu’ils lui soient refusés maintenant serait terrible pour son âme.

Une autre lettre ? Troublé, il descella la missive que la jeune femme lui tendait pour en lire le contenu… Toute cette mascarade prenait soudainement tout son sens. Le jeune ecclésiaste n’avait eu aucun mal à deviner qui voulait s’adresser à lui de cette façon, et en comprenait parfaitement les raisons… Cependant, il ne savait que penser de tout ce qu’on lui annonçait… On voulait lui donner une promotion ? Geôlier ? Etait-ce bien ce qu’il imaginait ? Et puis, était-il réellement le mieux placé pour tenir ce rôle ?... Il aurait pu s’attarder sur de longues interrogations, mais il n’en fit rien. Trop réfléchir, encore une fois, le fatiguait. De plus, qu’y avait-il d’autre à faire que d’obéir, après tout ? Si c’était la volonté de l’Eglise, il ferait de son mieux pour satisfaire les attentes que l’on avait de lui. C’était tout ce qui comptait, en espérant que ses actions bénéficieraient à la prospérité du monde et qu’elles pourraient racheter sa pauvre âme…
La clef lui semblait juste un peu lourde, pour une certaine raison.

Pourtant, ses mains tremblèrent à la mention « de gré ou de force ». Ses pensées n’osaient pas imaginer ce qu’il devrait commettre pour mettre à bien sa nouvelle mission… Hélas, il n’avait pu empêcher son esprit de s’égarer un instant… Il se rongea l’intérieur de la lèvre.
Cependant, rallier les gens auprès de Dieu était la meilleure chose à faire, n’est-ce pas ? Qui pouvait savoir ce qu’il se passerait, si des forces impies comme les siennes servaient le Malin ? Tout cela était pour la bonne cause, afin d’éliminer les menaces qui hantaient ce monde, de protéger les innocents… ceux qu’il aimait…

Ses poings se resserrèrent autour du parchemin. Quand il se tourna à nouveau vers la jeune femme, ce fut ce même sourire obstiné, presque nonchalant, qui étirait ses lèvres.

« Merci beaucoup, May. Si vous croisez votre employeur, dites-lui que j’accepte avec honneur. »

Au fond, il savait que l’on ne lui offrait pas réellement le choix de toute manière. Il soupira, puis inclina légèrement la tête pour saluer son interlocutrice. Sans doute ferait-il mieux de découvrir les nouveaux quartiers qu’on lui avait mis à disposition.

« Il semblerait que j’ai du travail à faire. Dieu vous garde, mademoiselle… »

Après un dernier sourire, il se prépara à s’en aller vers ses nouvelles responsabilités.
Trop grandes peut-être…

Peut-être qu’il devrait fêter cette nouvelle opportunité.