Mar 23 Fév - 10:28
Souffle rauque, raclements des griffes et des crocs. Ca arrache, ça tire, la souffrance irradie. Les os craquent et la peau s’arrache.
Douleurs. Cris. Cris ? Sont-ce les siens ?
Ses yeux s’ouvrent, difficilement, la vue est trouble. Le corps est lourd, pesant, la douleur écrase sa conscience. Sa respiration est difficile, hasardeuse, les battements du cœur sont incertains. Les sensations s’effacent, il ne reste que cette souffrance si atroce qu’une autre plainte s’arrache de ses lèvres.
C’est d’un cauchemar qu’il s’extirpe. Péniblement, ses paupières battent, la conscience reprend ses doigts, la douleur se rétracte. Les craquements cessent, il respire, enfin, c’est sur ses mains qu’il s’appuie. De longues secondes lui sont nécessaires, avant qu’Aimable ne reconnaisse le plancher, ne ressente le froid sur son corps brûlant. Son souffle se ralentit et c’est dans un grognement plaintif qu’il s’assoit à même le sol. La migraine écrase son crâne alors que les courbatures mordent à pleines dents ses muscles, ses articulations lui semblent pleine de sable, lorsqu’il bouge les bras, ça crisse dans les coudes. Il a la bouche pâteuse, une fragrance aigre, immonde, sur les papilles, comme une remontée de bile et de sang mêlés.
Alors qu’il va pour inspirer, la douleur s’éveille dans son nez, si vive qu’elle le poignarde. Il ressent une gêne et souffle, sans réussir, il y a quelque chose qui déchire ses sinus de l’intérieur. Aimable se redresse et titube sur quelques mètres, il peine à trouver son équilibre. Il reconnaît son lit, ses affaires, la croix qui l’attend, sagement déposée sur son lit. Il ne l’enlève jamais. Jamais. Inquiet, sa main se referme sur la croix d’argent qu’il glisse autour de son cou. Sa conscience reprend ses droits et Aimable se redresse de toute sa hauteur. Ses yeux s’abaissent vers ses mains, salies par la terre, des agglomérats étranges glissés sous ses ongles, dans les rides de sa paume. La même substance souille son torse et cette douleur dans son nez vrille toujours son crâne, est-il cassé ? Qu’a-t-il fait cette nuit ?
Aimable ravale sa salive – geste qui éveille la souffrance, il sent l’étrange objet intrus déchirer ses sinus. Un tremblement bref le saisit et il récupère, dans ses affaires, son mouchoir en coton qu’il porte à son nez. Lorsqu’il souffle, c’est un sang visqueux qu’il recrache. Et l’objet est toujours là, gênant sa respiration, éveillant une peur viscérale. Après quelques secondes, il se penche au-dessus de la bassine près de son lit. Il récupère une gourde et guide l’eau dans sa narine, espérant que ce lavage le libérerait… La douleur va en croissant, les larmes montent à ses yeux, quelques papillons dansent devant ses prunelles. Et parmi leurs silhouettes, il La devine. Elle l’observe, sourire plein de crocs. Et lorsqu’elle rit, il sent sa cage thoracique vibrer, c’est un spasme proche d’un haut le cœur, l’objet, enfin, se déloge. Il le sent descendre dans sa narine, ses bords tranchants cisaillent sa peau et enfin, il parvient à l’extirper.
Il a les mains pleines de sang et de terre. Le corps tremblant sous la fatigue, la peur, lorsqu’il observe avec surprise l’objet intrus. Un fragment d’os. Grand d’une phalange, épais de quelques millimètres, dont les extrémités tranchantes sont engluées de son sang, de sa chair et de muqueuses claires.
Ç̵̨̬͍͆͛̇̾̍̓̃̅̉'̴͙͈̞̺̘͓̟̠͖̆̓̉͗̒̃͗̓̚͝͠ĕ̶̠̱̯̦͓̥̯̗͈̳ͅs̸̨͉̩̝͈̪̯̺͈̮͓͈̰̭͒͗̾̈̐͗̾̐̈̔͋͘͘͝ͅț̸̳͔̝͙̦̭̹̻̉̓̓̓́̉̃͗̔͊̽̏ͅ ̵̧̡̮͕͚̖̣̯̇͑̅͋̀͌̚͜à̸̮̙̤͇͉̀͆́̽͒̃͝ ̶̛̥̦̭̪͔̹̖̥̲̫̖͙̙̞̒͛̄̊͆̅͑͆͊͌̓̚͘͝n̷̘̯̙̹̻̹͈̅̈̋̄͐̆́̉͘ő̶̙͖̄͂̄̑ù̵͕̐̀͝͝ş̵͇̺̯͉̍͌͆̀̔͒͛̃̈́͘͝
Aimable sursaute ; il lâche le fragment d’os.
Ploc.
Il tombe dans la bassine et s’y noie. Son sang se dilue dans l’onde alors que son corps tremble. Aimable entrouvre les lèvres, mais ferme les yeux avec force.
_ Qu’est-ce que noUus avons fait cette nuit ?
Il se tient péniblement sur le rebord du meuble. Sa main saisit désespéramment la croix qu’il garde toujours autour du cou.
_ Q-Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait… ?
Il murmure alors que ses genoux n’ont plus la force de le porter. Agenouillé face à la bassine emplie de son sang – et du sang d’autres -, Aimable détourne les yeux, incapable d’affronter la réalité. De faire face à…
TuU VeeuUx que NooUs Rraacontions ?
Non. Non, il ne veut pas savoir. Il ne veut pas savoir. Cette épreuve, il ignore s’il aura le courage de l’endurer. Son visage se tord, alors qu’il porte sa main libre devant ses yeux.
_ Dieu, Dieu, donne-moi la force…
La force de quoi ? D’en finir ? Ou de tenir ? Il ne sait plus. Parfois, il se demande ce que Dieu attend de lui. Quand paiera-t-il pour ces crimes ? Pour ce démon qui l’habite ?
NoouUs avons ChaaSsSE Sang sous NoOos CrRocs et ChAiRrrs Sous nos GRIffes
Aimable porte les mains à ses oreilles mais la Voix n’arrête pas. Il prie, mais Elle ne l’écoute pas. Ses mots incarnent des carnages qu’il n’arrive pas à accepter, qu’il n’arrive pas à écouter mais Elle Gronde, elle Parle, elle mène son esprit sur des landes maudites. Les morts s’accrochent à ses chevilles, la peur dans leurs yeux l’éblouit et leurs souffrances le poignardent.
_ Dieu, donne-moi la force…
Sanglote-t-il ? Les pleurs qu’il verse, la Voix les récupère de sa langue glacée, son souffle est en écho au sien et finalement, la Voix retombe dans le silence. Quelques heures sont passées, avant qu’elle ne le laisse épuisé, le cœur brisé, les épaules lourdes d’un fardeau qu’il va encore devoir porter.
Aimable ne la questionne plus. Il ne lui demande plus ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait. Il n’y a pas de raisons. Aucune raison qu’un homme comme lui peut entendre. Et comme à chaque fois qu’il sent son esprit prêt à défaillir, lorsque la folie ou le désespoir viennent insinuer dans son esprit des pensées bien sombres, la Voix se tait.
DiEuuU ne t’appoRrte RrrIen
Aimable serre le poing alors qu’il ravale sa salive, essuie ses lèvres d’un revers de son bras.
_ Sans Dieu, il y a longtemps que j’en aurais terminé avec toi.
Il l’a craché, d’une voix froide, emplie de haine. Et la Voix, en réponse, serre les mâchoires, son grondement vibre dans ses viscères ; Aimable frappe le sol d’un coup de poing.
Tu ne pEUx RIEN face à NOuUS R̸̠͍̤̜̐͊͊̅̃̿̎͐ͅ
R̸̤͇̋̄̾͐̍̽̔̊̃͛͊͌̌̅I̴̱̰͕̞̭̥͍̲͙͛͘ͅE̶̢̲͚͎͚̺̐Ń̷̦͍̟̻̥͕̖̦̓̌̚͜ ̵̖̓̿̀͐͆̋̽͋́̚Ȓ̷̤̤̯͈̗̹̣͓̈́̏́͂̑͗́͗̈́̇͗͊Į̷̛͍̖͙̻͚̝̓̍̊͋̄͠ͅÈ̷̖̰̞̠̰̤̀̋̊̿̆́͛̄̀̈͜ͅN̶̢͔̻͇̹͓̙̠̻̞̳̰̈́́̂͜͝ ̸̧̊̋͘̚R̶̨̻̜͕̲̟̓͛̐͗̍̕I̸̙̙͖̙͉̦̣̟̦͕̒̉͐̓͊̑́́͑́̑̈́͘͝E̴̛̛̠̿̓͆̅̋͑͛͛̑͗̓̉N̸̨̨̩̱̤̠̭̗̓̏̉̔̌̇̇͜ ̷̡̙̗̖͖̬̱͎̰̠̿͆̔̒̍̐͑̓̉̕͜ͅR̶̛̖͓̗͙͙̠͆̈́̄̀Ī̶̲̥͌́̿̀̽̋̈́͌̚E̷̡͉̺̪̙̞̭͔̩̹̿̿̓̎͛̐̌͂̍͛̊͠͝N̴̢̥͒̔͂ ̴̨̗̼̙͇̗͓̙̘͎̙͑͑̈̚̚͜͝ͅȐ̴̡̟̰̞͙͔̯̪̏̉̂͋̐͆̇̿̈́̉̈ͅĮ̶̘̦̫͚̟̏͗͌̅͒̊̾͋̈́̀̀͝E̷͉̰̪̝̬̝̮̙̳̤̬̭̔̓̃͗̂̅͌̂̒̂͠N̵̛̻̭̜͙̫̺̤͚͛̿̌̋̑͘ ̶̺̟̰͍̣̺̲͕͇̯͛̈́̈͌͒͆̓̉͌̋̐͘͝͝͠R̴̼̹̦̦̠̳̳̋̈́̎̈́͊̌͗͌͒̂̓́͌͘Ȉ̶̛̜̮͉͛͒̾̑Ȩ̵̡̡̗̙̱͎̝̈́͗̓͋̅͌̈̕̕͝Ṇ̴̬͍̀̓̐̄͋͑͊͑̀̚͠͝ ̸̠͔̱̦̩̓̈́͝R̶̮͍̘͉̮̖̼̥̔̓́̈́̇̏̈́͐̂͛̂́̄͘͝I̸̧̧̛̥͕̩͉̝̙̯̦͇̲̼̰̓̎́͑̽̑͛͑̓̀̓͘͜Ẹ̶̛̬̰͚̐̓͆̊̌̇̐̄̕̕͝N̴̢̲̻͇̩͉͖̤̋̈́̍̈̌̇̀ ̶͚̒̽̄Ŗ̵̲̤̣͗̅̅̏̎͘͝I̴̧̧̞͇̻̍̈̀É̶̡͔̼̙͈̜̰͈̺̪̺̞̦̞̓̀Ń̵̡̧̡͇͍̙̯̜̖͋̀̄̅̒͂̄́̎̽ ̶̩͙͔̜͓̯͊̄͆̄͐̂̋͛́̏̇̓͠R̴̯͔̭̼̹͔̳͙̭͖̖̗̭̼̜͒̄̿̈́͗͆I̵̲̖̱̬̩̳̤̅̒̌̍̀͑̊̕ͅE̷̘̺̜͕͆̅́̋N̵̛͕͖̫̝͙͑͜ ̶̤͎̞͍͚̫̌̓͋̃̈́̒̀Ŕ̴̤̬͎̪͍̝̼͕̋̓͆̀I̴̛̭͎̪̗͚̱͓̥̹̯͊̾́͛̐̓́͌̆̈́͘͘̕Ë̶̢̼̥̳̦̱̗̙́̽̿́̚͝ͅN̸̩̊̆̉̈̊͊̀̏̈̈́͘͝ ̷̡̛̬̰̜̇̒̊͑̋̋̏͛̀̚Ŗ̸̗͇̪͙̪̿̀I̶̡͍͚̥̱̥̋͜E̶̺͐̇͒́͘N̵̡̧̻̖͎̮̣̻̬͙̗͙̯̰̍̓̀̈́̊ ̸͍̮̙̰̪̻̣̌̆ͅR̷̨̞̱͚͖̥̗͈̓İ̸͈̹̯͚̤̃̽̀̄̃́̊͊̾͋͊͜E̴̛̛̤̹̠͇̰̪̊̆̇̇̏̽N̸͇̾͆̈̏͜ ̶̢̨̠͈̲͇͔̗̝̉̐̊̅̈́͌̑
_ Qu’est ce que nous avons fait hier soir ? Qu’est-ce que nous avons fait ? Réponds-moi.
Les protestations de la Voix sont une cacophonie, faites de sons inhumains, viscéraux, tout son corps proteste. L’esprit se bat la chair, mais une main, sa main, reste accrochée à la précieuse Croix, son âme, ses prières, reviennent à Dieu. Et finalement, finalement, le silence tombe pour de bon.
La Voix s’est-elle tue ou Dieu l’a-t-il écouté ? A-t-il réussi à assourdir son cœur, à le rendre insensible aux mots de cette Voix désincarnée ? Pourtant, la douleur est toujours là.
Comme le sang sous ses ongles.
Le soleil l’éblouit, il se protège sous son avant-bras. Puis se contraint à lever les yeux vers le ciel. La lumière brûle sa rétine et il s’efforce de l’affronter. Comme le sel sur une plaie, il espère que l’astre solaire repoussera au loin l’Ombre.
Les courbatures ont disparu. Il ne persiste que son manque de souplesse habituel. Sa nuque est raide, comme ses bras, alors qu’il se glisse songeusement dans les couloirs. Il est comme un chien errant ; à avancer sans buts, la tête enfouie entre ses épaules carrées, le regard hagard.
Finalement, il rejoint un camp que ses pieds n’ont que trop de fois foulés. A croire que sa destiné est faite sans cesse de combats et d’entraînements pour une prochaine bataille à mener. Il se souvient, lorsqu’il n’était qu’un adolescent ; Ulric occupait toute la cour de son énorme masse.
L’Ours Gris était un homme craint et respecté. Il avait formé tant d’hommes, sous son regard d’acier. L’on parlait encore de lui, après tout, cela ne faisait que quelques années qu’il avait décidé d’abandonner son rôle à l’armée. Aimable effleure songeusement l’épée à sa ceinture, mais ce n’est pas elle dont il va s’armer. L’homme s’élance.
Quelques minutes, il manque d’endurance. Son souffle est rauque, la fatigue pèse sur ses membres. Il s’observe, il étudie, la chaleur qui gagne ses muscles, assouplit ses mouvements. Puis la montée, lente, certaine, déterminé. D’une énergie qui n’est pas la sienne. Alors, il ralentit l’allure. Il se contraint à la museler, bien que son cœur proteste d’un battement plus violent. L’Ouroboros gronde, mais Aimable l’ignore ; les sourcils froncés, c’est à lui de décider ! C’est son corps, le sien et la Voix se contente de le lui emprunter. L’Ouroboros proteste et, en réponse, fait accélérer son cœur, Aimable ralentit son souffle, un vertige le pousse à ralentir.
_ Tu m’exaspères.
Se murmure-t-il, profitant du silence et de l’absence de monde. Il reprend ensuite sa course. Il sent le Marquis arriver avant même de le voir et alors, se recule de la place jusqu’à se dissimuler près des ombres. Animal tapi, il l’observe du coin de ses yeux clairs. Aux aguets. LouUp.
Lorsque l’homme l’étudie en retour, Aimable détourne craintivement la tête.
Le grand chevalier a alors tout de l’allure d’un enfant intimidé lorsqu’on l’appelle. Il préfère tourner le dos au Marquis et fait mine de ramasser une épée d’entraînement abandonnée là, prenant cette excuse pour s’éloigner – Ah. Il s’est approché, s’interposant probablement involontairement entre Aimable et sa cible, un tonneau laissé dans un coin.
Aimable se recule alors d’un pas et préfère fixer ses pieds. Le De Bayard est un homme qui paraît trop petit pour son grand corps. Ses épaules massives reposent sous le poids de soucis inavoués. Face au sourire amical du Marquis, Aimable y oppose son propre visage figé ; peau tannée par le soleil. Le temps et les préoccupations ont infligé de terribles cicatrices sur son visage : rides pesant sur son front, au coin de ses lèvres, s’étirant au coin de ses yeux… La fatigue ne l’a pas épargnée, enfonçant profondément ses yeux dans ses orbites. Son visage est fait d’os, les pommettes saillantes, les mâchoires carrées, vers l’arrière, un nez droit, bossu, des lèvres si serrées qu’elles sont à peine perceptible. Sous ses sourcils broussailleux, ses paupières tressautent par instant, son regard est vif, va d’une ombre à une autre sans jamais s’élever vers le visage de son interlocuteur. Tout son corps exprime une méfiance glaçante, alors qu’il recule d’un autre pas, l’épée serrée entre son poing, l’autre se porte à la croix qu’il a autour du cou.
Le Marquis est si différent de lui. Sa voix est charismatique. Comme son allure. Il y a cette sympathie, qui brille presqu’autant que le soleil au dessus de leur tête. Une étrange douceur, dans le choix des mots, comme une main qui s’avance vers lui… mais qu’Aimable n’est pas prêt de saisir. L’Ouroboros racle dans son esprit. LouUup. LouUuUuUp.
_ Bonjour.
Enfin, il répond, après une latence de quelques minutes. Timidité ou esprit préoccupé ? Les deux, probablement. Les De Bayard ont la réputation d’être de vrais animaux sauvages.
_... Je… n’ai probablement pas votre niveau. Je vous ferai perdre votre temps. Veuillez m’excuser.
Aimable recule une fois encore d’un pas, allongeant la distance qui les sépare. A croire que l’homme l’effraie.
Douleurs. Cris. Cris ? Sont-ce les siens ?
Ses yeux s’ouvrent, difficilement, la vue est trouble. Le corps est lourd, pesant, la douleur écrase sa conscience. Sa respiration est difficile, hasardeuse, les battements du cœur sont incertains. Les sensations s’effacent, il ne reste que cette souffrance si atroce qu’une autre plainte s’arrache de ses lèvres.
C’est d’un cauchemar qu’il s’extirpe. Péniblement, ses paupières battent, la conscience reprend ses doigts, la douleur se rétracte. Les craquements cessent, il respire, enfin, c’est sur ses mains qu’il s’appuie. De longues secondes lui sont nécessaires, avant qu’Aimable ne reconnaisse le plancher, ne ressente le froid sur son corps brûlant. Son souffle se ralentit et c’est dans un grognement plaintif qu’il s’assoit à même le sol. La migraine écrase son crâne alors que les courbatures mordent à pleines dents ses muscles, ses articulations lui semblent pleine de sable, lorsqu’il bouge les bras, ça crisse dans les coudes. Il a la bouche pâteuse, une fragrance aigre, immonde, sur les papilles, comme une remontée de bile et de sang mêlés.
Alors qu’il va pour inspirer, la douleur s’éveille dans son nez, si vive qu’elle le poignarde. Il ressent une gêne et souffle, sans réussir, il y a quelque chose qui déchire ses sinus de l’intérieur. Aimable se redresse et titube sur quelques mètres, il peine à trouver son équilibre. Il reconnaît son lit, ses affaires, la croix qui l’attend, sagement déposée sur son lit. Il ne l’enlève jamais. Jamais. Inquiet, sa main se referme sur la croix d’argent qu’il glisse autour de son cou. Sa conscience reprend ses droits et Aimable se redresse de toute sa hauteur. Ses yeux s’abaissent vers ses mains, salies par la terre, des agglomérats étranges glissés sous ses ongles, dans les rides de sa paume. La même substance souille son torse et cette douleur dans son nez vrille toujours son crâne, est-il cassé ? Qu’a-t-il fait cette nuit ?
Aimable ravale sa salive – geste qui éveille la souffrance, il sent l’étrange objet intrus déchirer ses sinus. Un tremblement bref le saisit et il récupère, dans ses affaires, son mouchoir en coton qu’il porte à son nez. Lorsqu’il souffle, c’est un sang visqueux qu’il recrache. Et l’objet est toujours là, gênant sa respiration, éveillant une peur viscérale. Après quelques secondes, il se penche au-dessus de la bassine près de son lit. Il récupère une gourde et guide l’eau dans sa narine, espérant que ce lavage le libérerait… La douleur va en croissant, les larmes montent à ses yeux, quelques papillons dansent devant ses prunelles. Et parmi leurs silhouettes, il La devine. Elle l’observe, sourire plein de crocs. Et lorsqu’elle rit, il sent sa cage thoracique vibrer, c’est un spasme proche d’un haut le cœur, l’objet, enfin, se déloge. Il le sent descendre dans sa narine, ses bords tranchants cisaillent sa peau et enfin, il parvient à l’extirper.
Il a les mains pleines de sang et de terre. Le corps tremblant sous la fatigue, la peur, lorsqu’il observe avec surprise l’objet intrus. Un fragment d’os. Grand d’une phalange, épais de quelques millimètres, dont les extrémités tranchantes sont engluées de son sang, de sa chair et de muqueuses claires.
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Il tombe dans la bassine et s’y noie. Son sang se dilue dans l’onde alors que son corps tremble. Aimable entrouvre les lèvres, mais ferme les yeux avec force.
_ Qu’est-ce que noUus avons fait cette nuit ?
Il se tient péniblement sur le rebord du meuble. Sa main saisit désespéramment la croix qu’il garde toujours autour du cou.
_ Q-Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait… ?
Il murmure alors que ses genoux n’ont plus la force de le porter. Agenouillé face à la bassine emplie de son sang – et du sang d’autres -, Aimable détourne les yeux, incapable d’affronter la réalité. De faire face à…
TuU VeeuUx que NooUs Rraacontions ?
Non. Non, il ne veut pas savoir. Il ne veut pas savoir. Cette épreuve, il ignore s’il aura le courage de l’endurer. Son visage se tord, alors qu’il porte sa main libre devant ses yeux.
_ Dieu, Dieu, donne-moi la force…
La force de quoi ? D’en finir ? Ou de tenir ? Il ne sait plus. Parfois, il se demande ce que Dieu attend de lui. Quand paiera-t-il pour ces crimes ? Pour ce démon qui l’habite ?
NoouUs avons ChaaSsSE Sang sous NoOos CrRocs et ChAiRrrs Sous nos GRIffes
Aimable porte les mains à ses oreilles mais la Voix n’arrête pas. Il prie, mais Elle ne l’écoute pas. Ses mots incarnent des carnages qu’il n’arrive pas à accepter, qu’il n’arrive pas à écouter mais Elle Gronde, elle Parle, elle mène son esprit sur des landes maudites. Les morts s’accrochent à ses chevilles, la peur dans leurs yeux l’éblouit et leurs souffrances le poignardent.
_ Dieu, donne-moi la force…
Sanglote-t-il ? Les pleurs qu’il verse, la Voix les récupère de sa langue glacée, son souffle est en écho au sien et finalement, la Voix retombe dans le silence. Quelques heures sont passées, avant qu’elle ne le laisse épuisé, le cœur brisé, les épaules lourdes d’un fardeau qu’il va encore devoir porter.
Aimable ne la questionne plus. Il ne lui demande plus ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait. Il n’y a pas de raisons. Aucune raison qu’un homme comme lui peut entendre. Et comme à chaque fois qu’il sent son esprit prêt à défaillir, lorsque la folie ou le désespoir viennent insinuer dans son esprit des pensées bien sombres, la Voix se tait.
DiEuuU ne t’appoRrte RrrIen
Aimable serre le poing alors qu’il ravale sa salive, essuie ses lèvres d’un revers de son bras.
_ Sans Dieu, il y a longtemps que j’en aurais terminé avec toi.
Il l’a craché, d’une voix froide, emplie de haine. Et la Voix, en réponse, serre les mâchoires, son grondement vibre dans ses viscères ; Aimable frappe le sol d’un coup de poing.
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_ Qu’est ce que nous avons fait hier soir ? Qu’est-ce que nous avons fait ? Réponds-moi.
Les protestations de la Voix sont une cacophonie, faites de sons inhumains, viscéraux, tout son corps proteste. L’esprit se bat la chair, mais une main, sa main, reste accrochée à la précieuse Croix, son âme, ses prières, reviennent à Dieu. Et finalement, finalement, le silence tombe pour de bon.
La Voix s’est-elle tue ou Dieu l’a-t-il écouté ? A-t-il réussi à assourdir son cœur, à le rendre insensible aux mots de cette Voix désincarnée ? Pourtant, la douleur est toujours là.
Comme le sang sous ses ongles.
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Deux jours sont nécessaires pour qu’Aimable trouve la force de sortir de son antre.Le soleil l’éblouit, il se protège sous son avant-bras. Puis se contraint à lever les yeux vers le ciel. La lumière brûle sa rétine et il s’efforce de l’affronter. Comme le sel sur une plaie, il espère que l’astre solaire repoussera au loin l’Ombre.
Les courbatures ont disparu. Il ne persiste que son manque de souplesse habituel. Sa nuque est raide, comme ses bras, alors qu’il se glisse songeusement dans les couloirs. Il est comme un chien errant ; à avancer sans buts, la tête enfouie entre ses épaules carrées, le regard hagard.
Finalement, il rejoint un camp que ses pieds n’ont que trop de fois foulés. A croire que sa destiné est faite sans cesse de combats et d’entraînements pour une prochaine bataille à mener. Il se souvient, lorsqu’il n’était qu’un adolescent ; Ulric occupait toute la cour de son énorme masse.
L’Ours Gris était un homme craint et respecté. Il avait formé tant d’hommes, sous son regard d’acier. L’on parlait encore de lui, après tout, cela ne faisait que quelques années qu’il avait décidé d’abandonner son rôle à l’armée. Aimable effleure songeusement l’épée à sa ceinture, mais ce n’est pas elle dont il va s’armer. L’homme s’élance.
Quelques minutes, il manque d’endurance. Son souffle est rauque, la fatigue pèse sur ses membres. Il s’observe, il étudie, la chaleur qui gagne ses muscles, assouplit ses mouvements. Puis la montée, lente, certaine, déterminé. D’une énergie qui n’est pas la sienne. Alors, il ralentit l’allure. Il se contraint à la museler, bien que son cœur proteste d’un battement plus violent. L’Ouroboros gronde, mais Aimable l’ignore ; les sourcils froncés, c’est à lui de décider ! C’est son corps, le sien et la Voix se contente de le lui emprunter. L’Ouroboros proteste et, en réponse, fait accélérer son cœur, Aimable ralentit son souffle, un vertige le pousse à ralentir.
_ Tu m’exaspères.
Se murmure-t-il, profitant du silence et de l’absence de monde. Il reprend ensuite sa course. Il sent le Marquis arriver avant même de le voir et alors, se recule de la place jusqu’à se dissimuler près des ombres. Animal tapi, il l’observe du coin de ses yeux clairs. Aux aguets. LouUp.
Lorsque l’homme l’étudie en retour, Aimable détourne craintivement la tête.
Le grand chevalier a alors tout de l’allure d’un enfant intimidé lorsqu’on l’appelle. Il préfère tourner le dos au Marquis et fait mine de ramasser une épée d’entraînement abandonnée là, prenant cette excuse pour s’éloigner – Ah. Il s’est approché, s’interposant probablement involontairement entre Aimable et sa cible, un tonneau laissé dans un coin.
Aimable se recule alors d’un pas et préfère fixer ses pieds. Le De Bayard est un homme qui paraît trop petit pour son grand corps. Ses épaules massives reposent sous le poids de soucis inavoués. Face au sourire amical du Marquis, Aimable y oppose son propre visage figé ; peau tannée par le soleil. Le temps et les préoccupations ont infligé de terribles cicatrices sur son visage : rides pesant sur son front, au coin de ses lèvres, s’étirant au coin de ses yeux… La fatigue ne l’a pas épargnée, enfonçant profondément ses yeux dans ses orbites. Son visage est fait d’os, les pommettes saillantes, les mâchoires carrées, vers l’arrière, un nez droit, bossu, des lèvres si serrées qu’elles sont à peine perceptible. Sous ses sourcils broussailleux, ses paupières tressautent par instant, son regard est vif, va d’une ombre à une autre sans jamais s’élever vers le visage de son interlocuteur. Tout son corps exprime une méfiance glaçante, alors qu’il recule d’un autre pas, l’épée serrée entre son poing, l’autre se porte à la croix qu’il a autour du cou.
Le Marquis est si différent de lui. Sa voix est charismatique. Comme son allure. Il y a cette sympathie, qui brille presqu’autant que le soleil au dessus de leur tête. Une étrange douceur, dans le choix des mots, comme une main qui s’avance vers lui… mais qu’Aimable n’est pas prêt de saisir. L’Ouroboros racle dans son esprit. LouUup. LouUuUuUp.
_ Bonjour.
Enfin, il répond, après une latence de quelques minutes. Timidité ou esprit préoccupé ? Les deux, probablement. Les De Bayard ont la réputation d’être de vrais animaux sauvages.
_... Je… n’ai probablement pas votre niveau. Je vous ferai perdre votre temps. Veuillez m’excuser.
Aimable recule une fois encore d’un pas, allongeant la distance qui les sépare. A croire que l’homme l’effraie.
Lun 1 Mar - 12:00
L’homme s’approche.
Aimable se recule d’un nouveau pas. Ses muscles se contractent alors que sa poigne se resserre nerveusement sur la lame d’entraînement ; il sent l’Ouroboros qui monte dans ses côtes, la pression rejoint sa gorge, c’est un son bref, un grondement viscéral qui s’échappe de ses lèvres. Ce n’est pas un soupir, ce n’est pas un gémissement, c’est une prévention. D’un battement de paupières, le son prend fin, il s’éteint et peut-être Gabriel ne l’a pas même perçu. L’attitude décontractée du Chevalier masque la tension naissante de son corps ; son souffle est lent, ses épaules relâchées et c’est en un geste parfaitement maîtrisé qu’il propose à Gabriel de récupérer l’épée.
Tout bon combattant sait qu’une distraction peut suffire à détourner l’issue d’un combat.
_ Pouvez-vous la remettre à son emplacement ?
Sans répondre à sa question, Aimable désigne d’un geste de tête le tonneau dans lequel les autres épées sont rangées. Il profite de la diversion pour observer du coin des yeux le Marquis. Non. Il ne se sent pas bien, mais ça ne le regarde pas. C’est son fardeau. Son devoir. Et seul lui peut les endurer.
Bien qu’aucun ordre n’ait été donné, il y a cette autorité appuyée par le positionnement de ses épaules, la droiture de son dos. Sa tête droite, le port noble et altier ; en contradiction, ses yeux restent fixés sur le sol, et finalement, sa tête se détourne légèrement alors qu’il finit par croiser songeusement les bras sur son torse. Comme si ce geste pouvait suffire à emprisonner ses instincts et la VOIX
_ … fatigué…
Fatigué ? Parle-t-il de lui ? Son attention revient et ses paupières battent quelques secondes lorsqu’il se ressaisit. Ses yeux, vifs, s’élèvent vers l’homme qui s’adresse à lui. Leurs regards se croisent, l’acier se rencontre et claque dans son esprit, c’est un crissement de crocs contre sa tempe. De ce qu’il en discerne, Gabriel ne devine probablement qu’un éclat clair tapi sous les prunelles, instincts sauvages contenus par cette apparence si usée, si maîtrisée, aucun trouble ne dérange la quiétude de ses traits.
_ Ne vous inquiétez pas.
Il allait nier sa fatigue, mais se retient : peut-être est-ce une bonne excuse pour éviter une confrontation. Alors il accepte de décontracter légèrement son bras, assez pour le glisser le long de sa nuque dans un soupir. Ses yeux se referment, sa tête s’incline alors qu’il endure le regard de l’homme. Son jugement. Ils sont tous ainsi. A juger ce qu’ils voient – et que diraient-ils s’ils voyaient ?
_ Je me suis entraîné avant votre arrivée. Je n’aurais pas l’énergie pour un duel.
Aimable espère éviter ainsi l’occasion de tester sa force, ses compétences, contre l’homme face à lui. Ils sont nombreux, à vouloir tâter de l’acier d’un De Bayard ; leur réputation n’est plus à prouver mais est sans cesse défiée. Si Aimable s’est entraîné maintes fois contre Ulric, il est rare de le voir croiser l’acier. Aimable se méfie de l’Ouroboros. Bien trop pour le tenter. Il sait que se battre contre ce Loup serait comme donner une pomme à un affamé ; c’est à plein crocs que la Voix se jetterait dans la bataille.
L’homme devant lui est assez grand, plus que lui. Bien vêtu, il s’approche encore. Sa voix est douce, intriguée, Aimable y décèle une bonté étrange, qui attise sa méfiance. Que veut-il de lui ? Pourquoi tant de sympathie ? Qu’attend-t-il et que cherche-t-il à savoir ? Les questions fourmillent dans son esprit, l’inquiétude les arme de piques acérés et le venin qu’elles déversent agite son cœur. Il ressent la montée de ce stress familier dans ses veines, la vigilance s’accroît, il hume l’air mais ne sent que la poussière. Ses yeux s’élèvent, observent les mâchoires carrées de son collègue, effleurent ses lèvres. Certains parlent de canines effilées…
L̸̢̡̨͇̳̖̼͉͙͓̞͇̖̙̘̱͓̮̹͚̫̯͋́̌̈́͆̄͋̓̃̂̾̍̎͂͒̽͌̄̈́̓͌͋̐̓͛̃̊̀͂̅̋͋̇͘͘͘̚͜͜͝͝ͅȌ̵̡̟̹̲̹̰̥̫̳͍͖͕͕̖͔̃́͑̅̾̾̊̈́̀̋̑͆̌̀̈́̌͛͑̑͌̔̾̏̈́̽̔̉͂͗̅̌̉̾̍̎̚̕͝͠͠͠Ṵ̴̧̨̢͖̰̥̪͙̟̝̳̳̺̜̮̋̆͊̄̓͋̃͐̂̂̓̎̊̈́͗̌̅͐͌̽͑̌̂̋̀̊͋̇̓̄̔̐̈́̕̚͘̚̚̕͝͝͠͝P̴̧̭͛̈́̓̅̔̀́̓͛̋̚͘͠͝͠
La pensée l’heurte de nouveau comme un coup de poignard, son souffle se retient quelques secondes puis se relâche. Ses yeux se détournent de sa bouche, reviennent sur ses mains, observent ses gestes.
_ Rien. Vous n’avez rien fait.
Le problème… n’est pas ce qu’il fait. C’est ce qu’il E̷̡̢̼̜̹̠̥̱͕͂̐͗̅̅̒͝͝S̸͙̤̜͔̘̼͉̳̊̎̒̈͊̿̐̔̽̄̊͘͜T̸͈̝̩̣͉̳̔́́͂̃͆̿̚
_ Je vous présente mes excuses. Je ne souhaite pas à ce que mon attitude vous offense.
S’excuser. Il a la sensation de passer ses journées à s’excuser. Pourtant, cela ne soulage ni sa culpabilité, ni n’enlève le sang sur ses mains ou les larmes qu’il a fait verser. Il pense au sang, il pense à son corps souillé de ce mucus où terre et viscères se mêlent sur son derme, l’horreur le saisit à la gorge et l’Ouroboros Ȓ̶̛̭̟̯̥̪͓͎͚́̀͊̃̒́̈̽͜͜͜ͅI̸̦̽̓̈͆̔̄̄̕͝͝T̶̡̡̩̙̰͙̺͐͋̍̍̓̕͜ͅ
Doit-il se justifier ? Il ne sait plus s’il l’a fait. Se justifier de quoi ? Il mentirait.
_ Je suis… fatigué. De vieilles douleurs à l’épaule.
M̸̨̛̘̪̙̣̱̳̼͔̞̥͍̘̰̞͋̉̃̒̋̏̐̇͝E̷͖̳͉͚̯̦̬̰̍̀͆̓̈́̍͛̅̀͠͝n̴̨̛̦͖̘̗̹̳̬̣̥̹̞̾̿͋̓̊̓S̸̱̖͚̠̺̻̀̆̈́̈͗̕ȍ̵̠̜͂́͊̔̾̊͒̚͝ò̵̡̟͓̜͓̟̈̊̉̋̽̓̔̂͗̏̚̕͝O̶̮̻͂̾͗̅̈́̓̆͜ͅň̵͇͎̟͍̖̩̘͔̠̓̈́̿̎͜g̵͕͋̔͋͗͆͌̽͌̓ḙ̵͔̦̥̰͖̭͔͉̪͔̹͍̈̈́̍̾͘͜ş̴͈̤͕̝͖̟̹̯͐̉͝ͅ ̴̹̞͒̎͂̒́̾̑̈̏̍̈́̀͐
_ Je ne suis pas en état de m’entraîner.
M̷̪͙̱͇͈͚̟͈̣̟͚͔̭̓̽͗̋̈Ȩ̸͙̖̰͚̰̞͙̞̠̈́̂́͑̒̓͒́̎̏͜͜N̴͚̖̜̬̦̤̮̟͓͇͙̟͂̔̿̊̋̚͠Š̴̠́̎̈́͜͝O̸͈̹̰̰̞͖̮̝͎̼̜͊ͅN̵̫̦̼̭͈̪͛̋̑̆͛̾̈̀̊̀̐̋̿̚͝Ģ̶̡͖̟̗͇̪͚̄̇͊̚͘Ē̵̢̪̺̜͚̜͗̈́̎͆͋̍͑͐ͅS̵̡̯̮̝̠̽͗̓̀̈̊ ̸̛̻͍̠̭̝͇̦͈̗͔̫̏̈́̈́̍͜͝͝!̸̰̝̜̲͙̪̋͜ ̴̡̘̟̇̊͑̓͆Ń̷̡̨̛̹̦̫͓͚̹̘̰̝̭̝̞͇̈̊́͐̒͑͂̃̕̚Ō̸͖̍̿͆̀̀̂̒͂̕̚͝͝U̴̝͔̪͚̺͗̅͛͐̽͐͐̑̐͊̉̎͘Ş̵̨͔̞̙͚̹̣͕̈́̾̀́͝ ̴̢͔̣̇̀̌̽͌̔̅͌̄̅̃́͘͝ͅP̵͔̭̦̙̼͎̟͠O̷͓̣͊̽̓̄̕Ư̴̡̡͇̣͇̫͍͚̂̑̿̀̈́͑̑̈́͝͠͝͝V̶̝͔̙̭̫͎͓̗̮̣̻̜̺̝̇͜O̵̢̧̪̭̯̐̅̅͊̉̀͐͊̎͊͛̈́́̇N̸̨͎̙͖̜̹͇͇̥̳͎͉͖͛́̔̈́S̵͖̆̃̔̇̊͜͠ ̷̥̑̓̑!̷̡̼̘̳͚͖̼͉̗͎̠̥̫̳̑̐̍͌͋̐͑̆̅̅͝͝
La douleur vrille son crâne. Ses yeux se referment, ses sourcils se froncent et instinctivement, il porte sa manche à ses narines par crainte qu’elle ne saigne. Un soupir s’arrache ses lèvres, celui-ci est plus rauque.
_ Veuillez m’excuser, je vais…
L̸̛̞̭͓͐͗̎͂̌́͊͋͜͝Ę̷͔͉̣̭̑̈̄͋͊́̆͗͆̀̕͘ ̶̗͇́̽̒̌͐̆̿̂͊͘͝T̸̰̖̦͕̉͒͐͆͐̍̂́͝U̸̧͓͎̪̟̹͔͔̻̞̓̀͋̀̽Ę̵̡̧͇̬̞̫̯͕͐̆̈́̇̾̐́̈́͘͠R̶̨͈̘̘̱̺̗̣̜̓̏̉ͅ
_ …
Aimable s’est déjà éloigné avant de réaliser qu’il n’a pas terminé sa phrase.
_ Je vais boire. Me rafraîchir. Migraine.
Bafouille-t-il, la douleur vibre dans sa tête. Il s’éloigne jusqu’à une fontaine, y plonge ses mains, s’asperge le visage, avant de boire quelques gorgées puis s’essuyer d’un revers de manches. L’homme l’a-t-il suivi ? Il le sent sans même avoir à se retourner, l’Ouroboros gronde derrière son crâne.
_ Si vous souhaitez vous entraîner, de jeunes recrues seraient probablement honorées de croiser le fer avec vous.
Car malgré tout, il ne peut pas s’empêcher d’aider.
Il ne voit en sa demande que le désir d’un homme à se défouler ; le besoin d’un loup à chasser. Et ce n’est pas sur lui qu’il se fera les crocs ; il a bien d’autres menaces à gérer.
Il ne voit pas son désir de lier une amitié ; il ne le comprend probablement même pas. Pas, lorsqu’il entend la Haine de la Voix, lorsqu’il sent la peur dans ses veines et lorsqu’il redoute de se retourner ou de regarder son propre reflet.
Par peur.
Peur de voir les crocs percer ses – leurs - lèvres.
Aimable se recule d’un nouveau pas. Ses muscles se contractent alors que sa poigne se resserre nerveusement sur la lame d’entraînement ; il sent l’Ouroboros qui monte dans ses côtes, la pression rejoint sa gorge, c’est un son bref, un grondement viscéral qui s’échappe de ses lèvres. Ce n’est pas un soupir, ce n’est pas un gémissement, c’est une prévention. D’un battement de paupières, le son prend fin, il s’éteint et peut-être Gabriel ne l’a pas même perçu. L’attitude décontractée du Chevalier masque la tension naissante de son corps ; son souffle est lent, ses épaules relâchées et c’est en un geste parfaitement maîtrisé qu’il propose à Gabriel de récupérer l’épée.
Tout bon combattant sait qu’une distraction peut suffire à détourner l’issue d’un combat.
_ Pouvez-vous la remettre à son emplacement ?
Sans répondre à sa question, Aimable désigne d’un geste de tête le tonneau dans lequel les autres épées sont rangées. Il profite de la diversion pour observer du coin des yeux le Marquis. Non. Il ne se sent pas bien, mais ça ne le regarde pas. C’est son fardeau. Son devoir. Et seul lui peut les endurer.
Bien qu’aucun ordre n’ait été donné, il y a cette autorité appuyée par le positionnement de ses épaules, la droiture de son dos. Sa tête droite, le port noble et altier ; en contradiction, ses yeux restent fixés sur le sol, et finalement, sa tête se détourne légèrement alors qu’il finit par croiser songeusement les bras sur son torse. Comme si ce geste pouvait suffire à emprisonner ses instincts et la VOIX
_ … fatigué…
Fatigué ? Parle-t-il de lui ? Son attention revient et ses paupières battent quelques secondes lorsqu’il se ressaisit. Ses yeux, vifs, s’élèvent vers l’homme qui s’adresse à lui. Leurs regards se croisent, l’acier se rencontre et claque dans son esprit, c’est un crissement de crocs contre sa tempe. De ce qu’il en discerne, Gabriel ne devine probablement qu’un éclat clair tapi sous les prunelles, instincts sauvages contenus par cette apparence si usée, si maîtrisée, aucun trouble ne dérange la quiétude de ses traits.
_ Ne vous inquiétez pas.
Il allait nier sa fatigue, mais se retient : peut-être est-ce une bonne excuse pour éviter une confrontation. Alors il accepte de décontracter légèrement son bras, assez pour le glisser le long de sa nuque dans un soupir. Ses yeux se referment, sa tête s’incline alors qu’il endure le regard de l’homme. Son jugement. Ils sont tous ainsi. A juger ce qu’ils voient – et que diraient-ils s’ils voyaient ?
_ Je me suis entraîné avant votre arrivée. Je n’aurais pas l’énergie pour un duel.
Aimable espère éviter ainsi l’occasion de tester sa force, ses compétences, contre l’homme face à lui. Ils sont nombreux, à vouloir tâter de l’acier d’un De Bayard ; leur réputation n’est plus à prouver mais est sans cesse défiée. Si Aimable s’est entraîné maintes fois contre Ulric, il est rare de le voir croiser l’acier. Aimable se méfie de l’Ouroboros. Bien trop pour le tenter. Il sait que se battre contre ce Loup serait comme donner une pomme à un affamé ; c’est à plein crocs que la Voix se jetterait dans la bataille.
L’homme devant lui est assez grand, plus que lui. Bien vêtu, il s’approche encore. Sa voix est douce, intriguée, Aimable y décèle une bonté étrange, qui attise sa méfiance. Que veut-il de lui ? Pourquoi tant de sympathie ? Qu’attend-t-il et que cherche-t-il à savoir ? Les questions fourmillent dans son esprit, l’inquiétude les arme de piques acérés et le venin qu’elles déversent agite son cœur. Il ressent la montée de ce stress familier dans ses veines, la vigilance s’accroît, il hume l’air mais ne sent que la poussière. Ses yeux s’élèvent, observent les mâchoires carrées de son collègue, effleurent ses lèvres. Certains parlent de canines effilées…
L̸̢̡̨͇̳̖̼͉͙͓̞͇̖̙̘̱͓̮̹͚̫̯͋́̌̈́͆̄͋̓̃̂̾̍̎͂͒̽͌̄̈́̓͌͋̐̓͛̃̊̀͂̅̋͋̇͘͘͘̚͜͜͝͝ͅȌ̵̡̟̹̲̹̰̥̫̳͍͖͕͕̖͔̃́͑̅̾̾̊̈́̀̋̑͆̌̀̈́̌͛͑̑͌̔̾̏̈́̽̔̉͂͗̅̌̉̾̍̎̚̕͝͠͠͠Ṵ̴̧̨̢͖̰̥̪͙̟̝̳̳̺̜̮̋̆͊̄̓͋̃͐̂̂̓̎̊̈́͗̌̅͐͌̽͑̌̂̋̀̊͋̇̓̄̔̐̈́̕̚͘̚̚̕͝͝͠͝P̴̧̭͛̈́̓̅̔̀́̓͛̋̚͘͠͝͠
La pensée l’heurte de nouveau comme un coup de poignard, son souffle se retient quelques secondes puis se relâche. Ses yeux se détournent de sa bouche, reviennent sur ses mains, observent ses gestes.
_ Rien. Vous n’avez rien fait.
Le problème… n’est pas ce qu’il fait. C’est ce qu’il E̷̡̢̼̜̹̠̥̱͕͂̐͗̅̅̒͝͝S̸͙̤̜͔̘̼͉̳̊̎̒̈͊̿̐̔̽̄̊͘͜T̸͈̝̩̣͉̳̔́́͂̃͆̿̚
_ Je vous présente mes excuses. Je ne souhaite pas à ce que mon attitude vous offense.
S’excuser. Il a la sensation de passer ses journées à s’excuser. Pourtant, cela ne soulage ni sa culpabilité, ni n’enlève le sang sur ses mains ou les larmes qu’il a fait verser. Il pense au sang, il pense à son corps souillé de ce mucus où terre et viscères se mêlent sur son derme, l’horreur le saisit à la gorge et l’Ouroboros Ȓ̶̛̭̟̯̥̪͓͎͚́̀͊̃̒́̈̽͜͜͜ͅI̸̦̽̓̈͆̔̄̄̕͝͝T̶̡̡̩̙̰͙̺͐͋̍̍̓̕͜ͅ
Doit-il se justifier ? Il ne sait plus s’il l’a fait. Se justifier de quoi ? Il mentirait.
_ Je suis… fatigué. De vieilles douleurs à l’épaule.
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_ Je ne suis pas en état de m’entraîner.
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La douleur vrille son crâne. Ses yeux se referment, ses sourcils se froncent et instinctivement, il porte sa manche à ses narines par crainte qu’elle ne saigne. Un soupir s’arrache ses lèvres, celui-ci est plus rauque.
_ Veuillez m’excuser, je vais…
L̸̛̞̭͓͐͗̎͂̌́͊͋͜͝Ę̷͔͉̣̭̑̈̄͋͊́̆͗͆̀̕͘ ̶̗͇́̽̒̌͐̆̿̂͊͘͝T̸̰̖̦͕̉͒͐͆͐̍̂́͝U̸̧͓͎̪̟̹͔͔̻̞̓̀͋̀̽Ę̵̡̧͇̬̞̫̯͕͐̆̈́̇̾̐́̈́͘͠R̶̨͈̘̘̱̺̗̣̜̓̏̉ͅ
_ …
Aimable s’est déjà éloigné avant de réaliser qu’il n’a pas terminé sa phrase.
_ Je vais boire. Me rafraîchir. Migraine.
Bafouille-t-il, la douleur vibre dans sa tête. Il s’éloigne jusqu’à une fontaine, y plonge ses mains, s’asperge le visage, avant de boire quelques gorgées puis s’essuyer d’un revers de manches. L’homme l’a-t-il suivi ? Il le sent sans même avoir à se retourner, l’Ouroboros gronde derrière son crâne.
_ Si vous souhaitez vous entraîner, de jeunes recrues seraient probablement honorées de croiser le fer avec vous.
Car malgré tout, il ne peut pas s’empêcher d’aider.
Il ne voit en sa demande que le désir d’un homme à se défouler ; le besoin d’un loup à chasser. Et ce n’est pas sur lui qu’il se fera les crocs ; il a bien d’autres menaces à gérer.
Il ne voit pas son désir de lier une amitié ; il ne le comprend probablement même pas. Pas, lorsqu’il entend la Haine de la Voix, lorsqu’il sent la peur dans ses veines et lorsqu’il redoute de se retourner ou de regarder son propre reflet.
Par peur.
Peur de voir les crocs percer ses – leurs - lèvres.
Lun 8 Mar - 15:41
Ce mensonge mis à jour est comme une épée pointée vers sa gorge ; face à la menace, une part en lui s’en intimide. L’autre se gonfle de fierté et ne demande qu’à montrer les crocs. Aimable ne répond pas. Il se contente de fixer les lèvres de l’homme, comme si cela pouvait suffire à lui faire ravaler ses mots. Cette assurance.
Lorsque l’épée abandonne ses doigts, sa main s’en écarte avec vivacité pour éviter un quelconque contact. Sans plus un regard, il se détourne, s’éloigne ; c’est insuffisant. La main se referme sur son épaule. La pression est légère et pourtant, suffisante pour qu’il s’arrête.
Aimable, en réponse, détourne légèrement la tête. Ses yeux d’acier se reposent sur les doigts de l’homme, remontent vers son bras ; par-dessus son épaule, son regard ne croise le sien qu’une seconde. Le temps d’un battement de paupières. La pupille qui se gonfle comme un chien montre les crocs, avant que le Chevalier ne fasse rouler son épaule pour se dégager. Le geste est ferme, sans violence ni réel rejet, avant qu’il ne rejoigne la fontaine pour y plonger ses mains. Il rafraîchit son visage, puis glisse ses mains trempées dans ses cheveux bruns pour humidifier son crâne. Un soupir s’arrache de ses lèvres alors qu’il a la désagréable sensation d’être sur un territoire qu’il ne veut pas disputer – mais que l’Ouroboros se refuse à abandonner.
_ Non.
La réponse est claire et Aimable cligne des yeux. Il se ressaisit et sa voix s’adoucit, ses épaules s’affaissent. Sa main s’égare dans l’eau fraiche, elle entrouvre ses doigts, l’eau caresse sa peau abîmée. Est-ce la poussière, la terre, qui se dissout dans l’eau ? Il l’espère. Il a la vision du sang séché sur sa peau, ses paupières se closent, enferment cette image dans un coin de son esprit. Elle reviendra cette nuit.
_ Je n’ai pas assez dormi. Ce n’est rien de grave. Merci pour votre prévenance.
Il observe attentivement le reflet de l’homme face à lui, ses doigts finissent par s’écarter de l’eau et reviennent s’appuyer contre la pierre. Assis sur le rebord, profitant de la pénombre du bâtiment, Aimable écoute son doux bruissement alors que les mots du Marquis se fraient un chemin dans son esprit. Il les entend, les comprend avec un temps de retard ; il lui faut quelques minutes pour ignorer la Voix et accorder son attention aux sens de ses mots.
Le silence a pris ses aises depuis de longues minutes déjà. Il repose sur ses épaules et voir qu’il ne suffit pas à faire partir l’homme… Oh, il sent la pression de lui répondre. Mais que lui dire ? Aimable est un homme peu accoutumé aux bavardages et l’Ouroboros qui fait ses dents sur ses côtes ne l’aide pas vraiment à avoir une idée constructive. Soudain, vient une idée ! Mais son éducation la musèle. Quelques minutes encore. Son cœur s’accélère. On va le prendre pour « bizarre » ou un « sauvage », il y est accoutumé et pourtant, ce jour, ces rumeurs le préoccupent.
Face à un homme comme le Marquis de Sercey, d’un statut sociétal bien plus important que le sien, c’est à lui de faire l’effort. De se soumettre à son désir. La tentation d’un entraînement est délicieuse ; ils n’auraient pas à discuter, l’homme serait satisfait et s’en irait.
Non. Non, il reconnaît la Voix, aussi doucereuse soit-elle.
Il faut répondre. Il doit trouver quelque chose d’intelligent à dire. Doit-il présenter ses excuses ? Il ne souhaite pas gâcher sa réputation, ni ternir l’honneur des De Bayard. Ses lèvres s’entrouvrent, alors que ses pensées virevoltent à vive allure dans son esprit. Trouver quelque chose à dire. Rapidement. Ses yeux rejoignent les lèvres de l’homme et sa voix franchit enfin ses lèvres.
_ Est-ce vrai… pour vos canines ?
La question lui échappe. Et Aimable, de nouveau, est surpris par ce qu’il vient de dire. La honte le fait rougir et il enfonce sa tête dans ses épaules comme un enfant. La naïveté, l'impulsivité et la stupidité d'un enfant. Isabeau, du haut de ses 5 ans, n'aurait pas fait mieux ; quoi que, l'enfant aurait eu l'audace de gonfler son bedon de fierté et d'attendre une réponse en reposant ses poings sur ses hanches. Lui, l'adulte, a conscience de la portée de ses mots et de tout ce qu'ils sous-entendent. Si l'on pardonne la bêtise à un bambin, il n'en est pas de même lorsque cela concerne un homme de sa tempe. Le cœur battant à vivre allure, la Voix éclate de rire et lui susurre
Nous AurrRions DÛ AccePTER, S’entrrrRaINer
Le Chevalier ravale sa salive et ferme les paupières avec lassitude. Ce ne serait pas la première fois qu’il se ridiculise sous l’anxiété. Il a entendu cette rumeur dans les couloirs, celle de ses crocs aiguisés et à dire vrai, n’y pensait plus tellement. Mais sous la pression, il a saisi la première pensée qui passait. Penaud, Aimable détourne finalement les yeux dans une petite moue. De toute façon, il a la réponse. Un LOuUp MORD. Crocs. AiguiSES. Dans la CHaaiR, déchHIqueTER.
Lorsque l’épée abandonne ses doigts, sa main s’en écarte avec vivacité pour éviter un quelconque contact. Sans plus un regard, il se détourne, s’éloigne ; c’est insuffisant. La main se referme sur son épaule. La pression est légère et pourtant, suffisante pour qu’il s’arrête.
Aimable, en réponse, détourne légèrement la tête. Ses yeux d’acier se reposent sur les doigts de l’homme, remontent vers son bras ; par-dessus son épaule, son regard ne croise le sien qu’une seconde. Le temps d’un battement de paupières. La pupille qui se gonfle comme un chien montre les crocs, avant que le Chevalier ne fasse rouler son épaule pour se dégager. Le geste est ferme, sans violence ni réel rejet, avant qu’il ne rejoigne la fontaine pour y plonger ses mains. Il rafraîchit son visage, puis glisse ses mains trempées dans ses cheveux bruns pour humidifier son crâne. Un soupir s’arrache de ses lèvres alors qu’il a la désagréable sensation d’être sur un territoire qu’il ne veut pas disputer – mais que l’Ouroboros se refuse à abandonner.
_ Non.
La réponse est claire et Aimable cligne des yeux. Il se ressaisit et sa voix s’adoucit, ses épaules s’affaissent. Sa main s’égare dans l’eau fraiche, elle entrouvre ses doigts, l’eau caresse sa peau abîmée. Est-ce la poussière, la terre, qui se dissout dans l’eau ? Il l’espère. Il a la vision du sang séché sur sa peau, ses paupières se closent, enferment cette image dans un coin de son esprit. Elle reviendra cette nuit.
_ Je n’ai pas assez dormi. Ce n’est rien de grave. Merci pour votre prévenance.
Il observe attentivement le reflet de l’homme face à lui, ses doigts finissent par s’écarter de l’eau et reviennent s’appuyer contre la pierre. Assis sur le rebord, profitant de la pénombre du bâtiment, Aimable écoute son doux bruissement alors que les mots du Marquis se fraient un chemin dans son esprit. Il les entend, les comprend avec un temps de retard ; il lui faut quelques minutes pour ignorer la Voix et accorder son attention aux sens de ses mots.
Le silence a pris ses aises depuis de longues minutes déjà. Il repose sur ses épaules et voir qu’il ne suffit pas à faire partir l’homme… Oh, il sent la pression de lui répondre. Mais que lui dire ? Aimable est un homme peu accoutumé aux bavardages et l’Ouroboros qui fait ses dents sur ses côtes ne l’aide pas vraiment à avoir une idée constructive. Soudain, vient une idée ! Mais son éducation la musèle. Quelques minutes encore. Son cœur s’accélère. On va le prendre pour « bizarre » ou un « sauvage », il y est accoutumé et pourtant, ce jour, ces rumeurs le préoccupent.
Face à un homme comme le Marquis de Sercey, d’un statut sociétal bien plus important que le sien, c’est à lui de faire l’effort. De se soumettre à son désir. La tentation d’un entraînement est délicieuse ; ils n’auraient pas à discuter, l’homme serait satisfait et s’en irait.
Non. Non, il reconnaît la Voix, aussi doucereuse soit-elle.
Il faut répondre. Il doit trouver quelque chose d’intelligent à dire. Doit-il présenter ses excuses ? Il ne souhaite pas gâcher sa réputation, ni ternir l’honneur des De Bayard. Ses lèvres s’entrouvrent, alors que ses pensées virevoltent à vive allure dans son esprit. Trouver quelque chose à dire. Rapidement. Ses yeux rejoignent les lèvres de l’homme et sa voix franchit enfin ses lèvres.
_ Est-ce vrai… pour vos canines ?
La question lui échappe. Et Aimable, de nouveau, est surpris par ce qu’il vient de dire. La honte le fait rougir et il enfonce sa tête dans ses épaules comme un enfant. La naïveté, l'impulsivité et la stupidité d'un enfant. Isabeau, du haut de ses 5 ans, n'aurait pas fait mieux ; quoi que, l'enfant aurait eu l'audace de gonfler son bedon de fierté et d'attendre une réponse en reposant ses poings sur ses hanches. Lui, l'adulte, a conscience de la portée de ses mots et de tout ce qu'ils sous-entendent. Si l'on pardonne la bêtise à un bambin, il n'en est pas de même lorsque cela concerne un homme de sa tempe. Le cœur battant à vivre allure, la Voix éclate de rire et lui susurre
Nous AurrRions DÛ AccePTER, S’entrrrRaINer
Le Chevalier ravale sa salive et ferme les paupières avec lassitude. Ce ne serait pas la première fois qu’il se ridiculise sous l’anxiété. Il a entendu cette rumeur dans les couloirs, celle de ses crocs aiguisés et à dire vrai, n’y pensait plus tellement. Mais sous la pression, il a saisi la première pensée qui passait. Penaud, Aimable détourne finalement les yeux dans une petite moue. De toute façon, il a la réponse. Un LOuUp MORD. Crocs. AiguiSES. Dans la CHaaiR, déchHIqueTER.
Mer 24 Mar - 9:56
Son rire l’invite à lever les yeux.
Instinctivement, ses prunelles cherchent ses crocs, mais nous savons ce qu’il est.
D’ailleurs, sa réponse appuie un clou déjà bien planté et Aimable détourne finalement les prunelles vers l’eau. Il glisse ses doigts au travers de sa surface, la laisse ruisseler entre ses doigts. Ses yeux s’égarent sur ce reflet déformé qu’il aperçoit – et il a l’impression que ce dernier, en réponse, lui sourit. Cette vision lui arrache un frisson, affreux, ses paupières se referment sur ses yeux, il détourne la tête. Mais fuir ce qu’il voit ne suffit pas, il sait que la menace est toujours là, elle est sous sa peau. Sous la sienne et sous celle de l’homme qui sourit en face de lui, de ce loup qui dévoile ses canines.
Ce simple geste de sympathie lui paraît menaçant.
Et pourtant, ses mots l’invitent à croire le contraire. Le langage est le propre de l’homme, en tous cas, ces mots révèlent une raison qui appelle à la sienne. Aussi dangereux soit-il, le Chevalier le croit, lorsque Gabriel affirme qu’il n’a aucunement l’intention de mordre. Aimable ne parvient toujours pas à unir ses yeux à ceux de Gabriel, sa main replonge dans l’eau et ses doux bruissements apaisent son esprit craintif. La caresse de l’onde soulage quelque peu ses muscles toujours courbaturés ; leur pression relâche la souffrance de ses articulations.
Gabriel De Sercey, un homme bien plus noble que lui ne l’est, un homme qui agit avec respect et civilité. Il est bien loin de la nature qui se tapit sous sa peau, qu’il sent gronder dans ses veines. Tous deux sont semblables, et pourtant, d’une telle différence ; Aimable a la sauvagerie dans la peau. Dans ces traits taillés à la serpe, ses yeux vifs qui fuient l’affrontement, mais l’observent avec attention, dans ses mâchoires carrés, cette barbe drue de quelques joues qui dévorent ses joues, ses mains, son corps, usés. Usés par la guerre.
Il n’a pas l’endurance des monstres hérétiques, sa chair humaine est fatiguée, malmenée, sans cesse mâchonnée par l’Ouroboros. Ses os sont souffrance, ses articulations craquent à chaque mouvement, le poids de sa propre peau est un fardeau pénible à porter. Rire… ça ne lui vient pas si facilement. Et ses rires sont des sons brefs, que sa cage thoracique a tôt fait d’étouffer.
Gabriel est si différent de lui. Si Gabriel fait preuve de patience, de détermination, si Gabriel est un loup qui cherche une meute, Aimable est un solitaire. Est-ce l’Ouroboros qui le pousse à s’isoler ? Sa Voix est toujours là, il n’est jamais seul et il cherche le silence pour se reposer.
Le silence… En cet instant, est loin d’être du repos pour lui. Car l’Ouroboros est toujours là, sa Voix est toujours, toujours, toujours là. Les secondes qui défilent sont emplies de sa rage, d’une haine qui lui écorche les veines. La migraine se réveille et il serre les poings, discrètement, son souffle s’apaise pour contenir cet élan de colère qui heurte ses côtes. L’Ouroboros se débat et Aimable s’efforce de le contenir.
Gabriel et Aimable sont si semblables, si différents. Car si l’un peut affirmer qu’il ne le mordra pas, l’autre ne peut rien promettre. Il ne peut rien assurer. Il ne peut pas se contrôler. Il n’est pas sûr d’y parvenir ; la Bête qu’il contient n’est pas lui.
Ses lèvres sont scellées et à dire vrai, un certain poids se dépose sur ses épaules. L’inquiétude pulse au bout de ses doigts – à moins que ce ne soit l’Ouroboros qui mordille sa carne.
_... Les crocs ne sont pas faits pour simplement sourire.
Se contente de répondre Aimable. Son problème… Ce n’est ni ses crocs, ni la possibilité d’une morsure. Son problème, c’est ce qu’il est. Aimable a une pensée pour Emilien. Pour cet enfant, ce jeune loup innocent, victime de sa nature, comme Aimable est victime de la sienne. Il n’en veut pas à Gabriel, tout comme il n’en veut pas à Emilien, mais l’Ouroboros veut CHASSER, TUER, TUER LES LOUPS, TUER LES LOUPS.
Les LOuPs RODENT, et l’OuROboros RODE sous sa PEAU.
La pulsation remonte dans sa gorge et Aimable préfère se rafraîchir. Il prie Dieu pour ne pas trembler.
_ Je suis désolé. Je vais vous laisser.
Aimable ne sait pas comment réagir… Alors, comme toujours, il prend la fuite. Ca, plutôt que prendre le risque de laisser l’Ouroboros pointer son nez – ses crocs. Il ne veut pas succomber à la pression de son être et ne sait pas comment le calmer, comment le pousser à accepter l’homme face à lui ou au moins tolérer sa présence sans vouloir l’éliminer…
Le danger est trop grand. Et il n’émane pas de Gabriel.
Mais de ce qui vit au fond de ses viscères.
_ Je suis désolé…
Désolé. Désolé de ce qu’il est, de ce qu’il n’arrive pas à faire, de ce qu’il est contraint de faire. La fatigue revient, énorme, la lassitude, ce désespoir, il a le goût du sang dans le nez, dans la bouche, il s’efforce de les ravaler mais il peine à bouger. Ses muscles lui font affreusement mal ; sous la pression de l’Ouroboros, quelque chose se fend et du sang se met à couler de son nez. Il l’essuie d’un revers de manche, sa vision se trouble, mais Aimable tient bon.
De longues, très longues minutes sont nécessaires avant que l’Ouroboros ne cesse son assaut, il a la tête qui résonne, un acouphène dans les oreilles. Il a soudainement peur de vomir non pas le contenu de son estomac, mais ses propres entrailles alors que la douleur déchire son ventre.
Il ne laisse rien paraître. Il est de ce calme olympien, mais sa main reste crispée sur le bord de la fontaine et il expire, inspire, avec lenteur pour se détendre. Ses paupières se referment, le soleil l’éblouit. Il veut reposer ses prunelles… L’espace de quelques secondes. Quelques secondes.
Il ne se sent pas bien. Pas bien. Sa tête dodeline. La bouche pâteuses, les yeux qui s’entrouvrent péniblement, le sang qu’il veut essuyer mais son bras pèse lourd, tellement lourd qu’il peine à le soulever jusqu’à son visage.
L’Ouroboros se rétracte dans ses veines, mais laisse une saveur si amère dans sa bouche qu’enfin, un haut le cœur saisit Aimable. Il se penche vers l’avant, un vertige. Il bascule au sol, à 4 pattes, un nouveau haut le cœur et il vomit de la bile mêlée d’une muqueuse rougeâtre. L’acidité, l’amer, emplissent sa bouche, ça pulse dans sa tête, il tremble malgré lui. Il se sent épuisé et ses ongles pénètrent le sable clair, déchirent la terre. Il y cherche la force de se redresser. La croix autour de son cou s’échappe de son col ; aussi large que sa paume, elle tire son cou, c’est une corde qui l’étrangle. Le chapelet est constitué d’anneaux d’acier, qui entravent alors sa gorge mais Aimable saisit la croix d’une main, péniblement, il s’y accroche bien qu’elle l’étouffe. Il prie, par réflexe et quelques minutes sont encore nécessaires pour qu’il revienne à son corps, dans sa tête.
Il a réussi à se reprendre. Il faut croire que son corps n’est pas prêt à supporter une nouvelle transformation et l’Ouroboros, agacé, s’est finalement tu. Ses paupières battent, effreinées et, enfin, il parvient à s’assoir, son dos épouse la pierre glacée.
Ses yeux clairs se sont naturellement élevés vers le ciel, alors qu’Aimable garde précieusement sa main refermée sur la croix à son cou, croix d’argent qui repose sur son cœur. On y voit tout le geste d’un fervent croyant ; certains y verraient le réflexe d’un enfant. Celui de serrer sa peluche pour s’apaiser.
Quelques larmes ont coulé de ses yeux, Aimable les essuie de sa main abîmée, la peau rêche et crevassée, gercée et blessée. Le sel de ses larmes ne pique plus que ses yeux, alors que l’acide ronge ses papilles, il renifle et crache un peu, avant de détourner les yeux.
La fièvre trempe son front de sueurs, ses yeux restent hagards et sa main, sa main ne tremble pas, ne tremble plus. Aimable reprend lentement son souffle.
Désolé. Désolé d’être ce qu’il est, et de ne rien pouvoir y faire. Désolé d’haïr des personnes qui, comme lui, subissent leur nature et ses déboires.
Désolé d’haïr ces loups pour ce qu’ils sont et désolé d’être voué à leur extermination.
C’est plus fort que lui, plus fort que Dieu ; tout ce qu’il fait pour lutter contre ne fait que retarder la terrible échéance.
Désolé d’être si faible et de n’avoir aucune solution.
Instinctivement, ses prunelles cherchent ses crocs, mais nous savons ce qu’il est.
D’ailleurs, sa réponse appuie un clou déjà bien planté et Aimable détourne finalement les prunelles vers l’eau. Il glisse ses doigts au travers de sa surface, la laisse ruisseler entre ses doigts. Ses yeux s’égarent sur ce reflet déformé qu’il aperçoit – et il a l’impression que ce dernier, en réponse, lui sourit. Cette vision lui arrache un frisson, affreux, ses paupières se referment sur ses yeux, il détourne la tête. Mais fuir ce qu’il voit ne suffit pas, il sait que la menace est toujours là, elle est sous sa peau. Sous la sienne et sous celle de l’homme qui sourit en face de lui, de ce loup qui dévoile ses canines.
Ce simple geste de sympathie lui paraît menaçant.
Et pourtant, ses mots l’invitent à croire le contraire. Le langage est le propre de l’homme, en tous cas, ces mots révèlent une raison qui appelle à la sienne. Aussi dangereux soit-il, le Chevalier le croit, lorsque Gabriel affirme qu’il n’a aucunement l’intention de mordre. Aimable ne parvient toujours pas à unir ses yeux à ceux de Gabriel, sa main replonge dans l’eau et ses doux bruissements apaisent son esprit craintif. La caresse de l’onde soulage quelque peu ses muscles toujours courbaturés ; leur pression relâche la souffrance de ses articulations.
Gabriel De Sercey, un homme bien plus noble que lui ne l’est, un homme qui agit avec respect et civilité. Il est bien loin de la nature qui se tapit sous sa peau, qu’il sent gronder dans ses veines. Tous deux sont semblables, et pourtant, d’une telle différence ; Aimable a la sauvagerie dans la peau. Dans ces traits taillés à la serpe, ses yeux vifs qui fuient l’affrontement, mais l’observent avec attention, dans ses mâchoires carrés, cette barbe drue de quelques joues qui dévorent ses joues, ses mains, son corps, usés. Usés par la guerre.
Il n’a pas l’endurance des monstres hérétiques, sa chair humaine est fatiguée, malmenée, sans cesse mâchonnée par l’Ouroboros. Ses os sont souffrance, ses articulations craquent à chaque mouvement, le poids de sa propre peau est un fardeau pénible à porter. Rire… ça ne lui vient pas si facilement. Et ses rires sont des sons brefs, que sa cage thoracique a tôt fait d’étouffer.
Gabriel est si différent de lui. Si Gabriel fait preuve de patience, de détermination, si Gabriel est un loup qui cherche une meute, Aimable est un solitaire. Est-ce l’Ouroboros qui le pousse à s’isoler ? Sa Voix est toujours là, il n’est jamais seul et il cherche le silence pour se reposer.
Le silence… En cet instant, est loin d’être du repos pour lui. Car l’Ouroboros est toujours là, sa Voix est toujours, toujours, toujours là. Les secondes qui défilent sont emplies de sa rage, d’une haine qui lui écorche les veines. La migraine se réveille et il serre les poings, discrètement, son souffle s’apaise pour contenir cet élan de colère qui heurte ses côtes. L’Ouroboros se débat et Aimable s’efforce de le contenir.
Gabriel et Aimable sont si semblables, si différents. Car si l’un peut affirmer qu’il ne le mordra pas, l’autre ne peut rien promettre. Il ne peut rien assurer. Il ne peut pas se contrôler. Il n’est pas sûr d’y parvenir ; la Bête qu’il contient n’est pas lui.
Ses lèvres sont scellées et à dire vrai, un certain poids se dépose sur ses épaules. L’inquiétude pulse au bout de ses doigts – à moins que ce ne soit l’Ouroboros qui mordille sa carne.
_... Les crocs ne sont pas faits pour simplement sourire.
Se contente de répondre Aimable. Son problème… Ce n’est ni ses crocs, ni la possibilité d’une morsure. Son problème, c’est ce qu’il est. Aimable a une pensée pour Emilien. Pour cet enfant, ce jeune loup innocent, victime de sa nature, comme Aimable est victime de la sienne. Il n’en veut pas à Gabriel, tout comme il n’en veut pas à Emilien, mais l’Ouroboros veut CHASSER, TUER, TUER LES LOUPS, TUER LES LOUPS.
Les LOuPs RODENT, et l’OuROboros RODE sous sa PEAU.
La pulsation remonte dans sa gorge et Aimable préfère se rafraîchir. Il prie Dieu pour ne pas trembler.
_ Je suis désolé. Je vais vous laisser.
Aimable ne sait pas comment réagir… Alors, comme toujours, il prend la fuite. Ca, plutôt que prendre le risque de laisser l’Ouroboros pointer son nez – ses crocs. Il ne veut pas succomber à la pression de son être et ne sait pas comment le calmer, comment le pousser à accepter l’homme face à lui ou au moins tolérer sa présence sans vouloir l’éliminer…
Le danger est trop grand. Et il n’émane pas de Gabriel.
Mais de ce qui vit au fond de ses viscères.
_ Je suis désolé…
Désolé. Désolé de ce qu’il est, de ce qu’il n’arrive pas à faire, de ce qu’il est contraint de faire. La fatigue revient, énorme, la lassitude, ce désespoir, il a le goût du sang dans le nez, dans la bouche, il s’efforce de les ravaler mais il peine à bouger. Ses muscles lui font affreusement mal ; sous la pression de l’Ouroboros, quelque chose se fend et du sang se met à couler de son nez. Il l’essuie d’un revers de manche, sa vision se trouble, mais Aimable tient bon.
De longues, très longues minutes sont nécessaires avant que l’Ouroboros ne cesse son assaut, il a la tête qui résonne, un acouphène dans les oreilles. Il a soudainement peur de vomir non pas le contenu de son estomac, mais ses propres entrailles alors que la douleur déchire son ventre.
Il ne laisse rien paraître. Il est de ce calme olympien, mais sa main reste crispée sur le bord de la fontaine et il expire, inspire, avec lenteur pour se détendre. Ses paupières se referment, le soleil l’éblouit. Il veut reposer ses prunelles… L’espace de quelques secondes. Quelques secondes.
Il ne se sent pas bien. Pas bien. Sa tête dodeline. La bouche pâteuses, les yeux qui s’entrouvrent péniblement, le sang qu’il veut essuyer mais son bras pèse lourd, tellement lourd qu’il peine à le soulever jusqu’à son visage.
L’Ouroboros se rétracte dans ses veines, mais laisse une saveur si amère dans sa bouche qu’enfin, un haut le cœur saisit Aimable. Il se penche vers l’avant, un vertige. Il bascule au sol, à 4 pattes, un nouveau haut le cœur et il vomit de la bile mêlée d’une muqueuse rougeâtre. L’acidité, l’amer, emplissent sa bouche, ça pulse dans sa tête, il tremble malgré lui. Il se sent épuisé et ses ongles pénètrent le sable clair, déchirent la terre. Il y cherche la force de se redresser. La croix autour de son cou s’échappe de son col ; aussi large que sa paume, elle tire son cou, c’est une corde qui l’étrangle. Le chapelet est constitué d’anneaux d’acier, qui entravent alors sa gorge mais Aimable saisit la croix d’une main, péniblement, il s’y accroche bien qu’elle l’étouffe. Il prie, par réflexe et quelques minutes sont encore nécessaires pour qu’il revienne à son corps, dans sa tête.
Il a réussi à se reprendre. Il faut croire que son corps n’est pas prêt à supporter une nouvelle transformation et l’Ouroboros, agacé, s’est finalement tu. Ses paupières battent, effreinées et, enfin, il parvient à s’assoir, son dos épouse la pierre glacée.
Ses yeux clairs se sont naturellement élevés vers le ciel, alors qu’Aimable garde précieusement sa main refermée sur la croix à son cou, croix d’argent qui repose sur son cœur. On y voit tout le geste d’un fervent croyant ; certains y verraient le réflexe d’un enfant. Celui de serrer sa peluche pour s’apaiser.
Quelques larmes ont coulé de ses yeux, Aimable les essuie de sa main abîmée, la peau rêche et crevassée, gercée et blessée. Le sel de ses larmes ne pique plus que ses yeux, alors que l’acide ronge ses papilles, il renifle et crache un peu, avant de détourner les yeux.
La fièvre trempe son front de sueurs, ses yeux restent hagards et sa main, sa main ne tremble pas, ne tremble plus. Aimable reprend lentement son souffle.
Désolé. Désolé d’être ce qu’il est, et de ne rien pouvoir y faire. Désolé d’haïr des personnes qui, comme lui, subissent leur nature et ses déboires.
Désolé d’haïr ces loups pour ce qu’ils sont et désolé d’être voué à leur extermination.
C’est plus fort que lui, plus fort que Dieu ; tout ce qu’il fait pour lutter contre ne fait que retarder la terrible échéance.
Désolé d’être si faible et de n’avoir aucune solution.
Ven 16 Avr - 11:51
Le contact du tissu contre ses doigts est, étrangement, tendrement, familier.
Ses doigts se serrent précieusement sur le mouchoir, sur cette corde qu’on lui tend. C’est le geste dont il a besoin. Présent, sans être envahissant. Attentionné, sans être méprisant. Attentif, sans être intrusif. Il applique le mouchoir humide sur son front, pour pallier sa fièvre, avant de s’essuyer les lèvres dans un soupir. La lassitude écrase ses épaules, sa nuque rencontre la pierre de la fontaine, l’humidité embrasse ses muscles tendus, apaise la chaleur de son crâne brûlant.
L’homme lui tourne le dos, Aimable l’a suivi du regard. En silence, il est ailleurs. Plongé dans un souvenir, sa tête dédiée au passé – Eleanor penchée sur lui, Eleanor et ses mains fraiches sur sa peau, Eleanor qui caresse sa peau, étouffant la douleur sous sa douceur – son corps s’est levé. Le mouvement a été si rapide, si souple, si discret qu’Aimable lui-même ne l’a pas remarqué. Ses paupières battent, quelques secondes, le temps nécessaire pour qu’il s’immobilise. Son esprit revient au présent, revient dans son corps, reprend le contrôle de sa chair. L’Ouroboros gronde et Gabriel s’est alors placé de côté. A-t-il senti la menace s’approcher ?
Et pourtant, il suffit d’un battement de paupières pour qu’Aimable ait disparu. Sans un son, le chevalier s’est retourné dans les ombres. Sa silhouette s’efface sans un bruissement, le mouchoir plaqué contre son nez, ses lèvres, son souffle ne se fait plus même entendre. Ses chausses foulent la pierre dans le plus parfait des silences, sa tête se réfugie au creux de ses épaules, l’homme s’arme de discrétion. Il n’écoute plus la douleur, mais se laisse guidé par son instinct, celui de se cacher, de s’enfoncer au fond de son repère où personne ne viendra l’y trouver.
Dieu est le seul témoin de sa déchéance. Et c’est à Dieu qu’il adresse ses prières quand le fouet rencontre sa peau, qu’il la déchire et la laisse ensanglantée. Ce sang qu’il n’a cesse de cracher. Calice, dont l’Ouroboros se nourrit, et qu’il ne cesse de gaspiller. S’affaiblissant alors qu’il croit se renforcer.
Quelques jours sont nécessaires, avant que l’Ouroboros n’accepte de se retirer au fond de ses veines. Pour ne plus se manifester. Aimable prend le temps de soigneusement nettoyer le mouchoir du Marquis – et celui que son épouse lui a laissé. Son mouchoir à elle est brodé de leurs initiales, d’un côté. De l’autre, une vache paître paisiblement dans un champ. Songeusement, Aimable prend le temps de l’observer. Il est souillé de tant de sang. Tant de sang.
Ses épaules lui paraissent si lourdes. Elle n’est pas là. Pas là, pour prendre ses mains dans les siennes, quand il a envie d’arracher sa peau. Pas là, pour le rassurer de ses cauchemars. Mais ce simple bout de tissu. Ce simple bout de tissu… Lorsqu’il le tient entre ses doigts, c’est comme si elle le tenait par la main. Lorsqu’il essuie ses plaies, c’est comme si elle les nettoyait, embrassait sa peau pour chasser la douleur. Et lorsqu’il le garde contre son cœur, il a la sensation qu’elle est contre lui. Son front, sa main, appuyée contre ses pectoraux. Contact tendre et familier.
Les deux mouchoirs lui semblent immaculés. Avec application, Aimable les frotte une dernière fois à l’aide de son savon, prend le temps de les rincer, jusqu’à les étendre pour les faire sécher. Depuis sa fenêtre, il observe la ville s’éveiller. Les dernières fraicheurs de l’hiver prennent leur retraite. Le soleil imprègne les rues, se renvoie sur les pierres claires, la poussière s’agite sous les pressions de vents chauds. Ici et là, les herbes poussent, courageusement, ignorant les semelles qui les écrasent quotidiennement. Aimable écoute la vie. Ses yeux se ferment. Il entend son propre cœur battre, au loin. Mais tous ces sons sont si paisibles, loin de la Voix qui hurle et détruit. Ses yeux s’entrouvrent, alors qu’une esquisse de sourire éclaire ses traits. C’est une caresse rapide, une brise qui longe sa joue, agite ses quelques mèches brunes. Eleanor. Il pense à elle et se surprend à sourire plus franchement à la vue d’une femme qui remonte la rue, avec son panier sous le bras. Le temps que ses mouchoirs sèchent… Il peut bien aller l’aider. Serviable, Aimable descend l’escalier pour la rejoindre.
C’est en fin de matinée qu’il rejoint le camp d’entraînement. Un mouchoir glissé contre son cœur, à sa place, l’autre, dans sa paume, Aimable cherche le marquis du regard.
_ Hey, M’sieur D’Bayard ?
Aimable, surpris, tourne les yeux. En réponse, un garde le salue d’un geste de la main.
_ J’m’appelle Paul, on s’est p’t’êt’ pas encore croisé. Z’avez du temps ?
_ Qu’il y a-t-il ? Demande le Chevalier, abruptement. L’homme est pragmatique ; les bavardages ou autres commérages ne sont pas son fort. Face à lui, le soldat, rustre, se contente d’un rire bref mais croise les bras sur son torse.
_ Z’êtes comme vot’ frère, l’Ours ! J’allais entraîner le p’tit Tancrède mais j’me dis que vous pourriez vous en occuper ? J’aimerai faire 2 3 courses avec le marché, s’savez et…
Aimable, alors, remarque une silhouette familière… Il adresse un discret geste de main au dénommé Paul.
_ Attendez un instant.
Aimable soupire mais s’éloigne pour s’approcher de Gabriel. A quelques mètres de lui, il hésite. Comment l’aborder ? Il récupère instinctivement le mouchoir à son cœur pour se donner le courage d’approcher, finissant de réduire la distance qui les séparait.
_ Monsieur ? Votre mouchoir.
Peut-être aurait-il dû le saluer. Ne serait-ce que faire un effort de politesse… mais le Chevalier n’est pas à l’aise avec les mots. Il tend le bras, lui offrant le tissu soigneusement plié, écrin de porcelaine serti au creux de sa paume. Ses mains sont gantées. L’homme porte son écu sur l’épaule, son épée à ses hanches, ses protections de cuir et d’acier.
Il n’a plus l’aspect maladif, ni fragile d’il y a quelques jours. Son port est droit, son geste est assuré. Ses yeux bleus rejoignent les lèvres de Gabriel, mais ne vont pas explorer davantage les traits de son visage. Il détourne ensuite la tête et va pour s’écarter une fois le mouchoir rendu… Mais son corps s’immobilise. La tête baissée vers le sol, Aimable finit par adresser un regard à l’homme, du coin des yeux.
_ … Si votre proposition tient toujours… Je suis disponible, aujourd’hui.
Sur ces mots, le Chevalier se détache encore de quelques pas. Sa main a seulement effleuré le pommeau de son épée, avant qu’il ne se positionne au centre du terrain d’entraînement. Un vent chaud, s’élève. Aimable décroche l’écu de son épaule et fait légèrement craquer sa nuque.
Le dénommé Paul balance un coup de coude à Tancrède, le jeune garde à l’allure bien plus sophistiquée.
_ C’est l’fils De Bayard ! L'frère de l’Ours ! T’sais ! Z’ont fait une démonstration y’a que’ques années, avant qu’l’Ours reparte dans ses montagnes ! J’m’y d’mande bien s’il a pris du galon, le p’tiot !
Tancrède adresse un regard à son comparse.
_ Hm… Enfin, de là à défier le Marquis de Sercey… Le Marquis est un combattant réputé. Il est d’une vivacité assez impressionnante et nombreux sont ceux qui vantent son endurance au combat.
_ Ah ! T’as donc ton favori ? Tu vas lui filer ton mouchoir ? Se moque malicieusement Paul. Tancrède rougit et, en réponse, fronce le nez en se redressant avec dignité.
_ Cessez donc vos inepties, Paul. Je suis simplement curieux de voir ces deux combattants s’entraîner.
_ Et t’as pas tord ! Prends-y donc d’la graine, gamin, t’as bien des progrès à faire !
Aimable tâche de les ignorer. Ses yeux s’élèvent de nouveau vers Gabriel, leurs prunelles s’effleurent. L’acier de ses prunelles acérées rencontre le bleu du LOUP – Aimable referme les paupières pour éviter toute confrontation, les rouvre pour les fixer sur la gorge de l’homme qu’il accepte d’affronter.
_ M’autorisez-vous à conserver mon écu ?
C'est mieux pour eux deux.
Ses doigts se serrent précieusement sur le mouchoir, sur cette corde qu’on lui tend. C’est le geste dont il a besoin. Présent, sans être envahissant. Attentionné, sans être méprisant. Attentif, sans être intrusif. Il applique le mouchoir humide sur son front, pour pallier sa fièvre, avant de s’essuyer les lèvres dans un soupir. La lassitude écrase ses épaules, sa nuque rencontre la pierre de la fontaine, l’humidité embrasse ses muscles tendus, apaise la chaleur de son crâne brûlant.
L’homme lui tourne le dos, Aimable l’a suivi du regard. En silence, il est ailleurs. Plongé dans un souvenir, sa tête dédiée au passé – Eleanor penchée sur lui, Eleanor et ses mains fraiches sur sa peau, Eleanor qui caresse sa peau, étouffant la douleur sous sa douceur – son corps s’est levé. Le mouvement a été si rapide, si souple, si discret qu’Aimable lui-même ne l’a pas remarqué. Ses paupières battent, quelques secondes, le temps nécessaire pour qu’il s’immobilise. Son esprit revient au présent, revient dans son corps, reprend le contrôle de sa chair. L’Ouroboros gronde et Gabriel s’est alors placé de côté. A-t-il senti la menace s’approcher ?
Et pourtant, il suffit d’un battement de paupières pour qu’Aimable ait disparu. Sans un son, le chevalier s’est retourné dans les ombres. Sa silhouette s’efface sans un bruissement, le mouchoir plaqué contre son nez, ses lèvres, son souffle ne se fait plus même entendre. Ses chausses foulent la pierre dans le plus parfait des silences, sa tête se réfugie au creux de ses épaules, l’homme s’arme de discrétion. Il n’écoute plus la douleur, mais se laisse guidé par son instinct, celui de se cacher, de s’enfoncer au fond de son repère où personne ne viendra l’y trouver.
Dieu est le seul témoin de sa déchéance. Et c’est à Dieu qu’il adresse ses prières quand le fouet rencontre sa peau, qu’il la déchire et la laisse ensanglantée. Ce sang qu’il n’a cesse de cracher. Calice, dont l’Ouroboros se nourrit, et qu’il ne cesse de gaspiller. S’affaiblissant alors qu’il croit se renforcer.
Quelques jours sont nécessaires, avant que l’Ouroboros n’accepte de se retirer au fond de ses veines. Pour ne plus se manifester. Aimable prend le temps de soigneusement nettoyer le mouchoir du Marquis – et celui que son épouse lui a laissé. Son mouchoir à elle est brodé de leurs initiales, d’un côté. De l’autre, une vache paître paisiblement dans un champ. Songeusement, Aimable prend le temps de l’observer. Il est souillé de tant de sang. Tant de sang.
Ses épaules lui paraissent si lourdes. Elle n’est pas là. Pas là, pour prendre ses mains dans les siennes, quand il a envie d’arracher sa peau. Pas là, pour le rassurer de ses cauchemars. Mais ce simple bout de tissu. Ce simple bout de tissu… Lorsqu’il le tient entre ses doigts, c’est comme si elle le tenait par la main. Lorsqu’il essuie ses plaies, c’est comme si elle les nettoyait, embrassait sa peau pour chasser la douleur. Et lorsqu’il le garde contre son cœur, il a la sensation qu’elle est contre lui. Son front, sa main, appuyée contre ses pectoraux. Contact tendre et familier.
Les deux mouchoirs lui semblent immaculés. Avec application, Aimable les frotte une dernière fois à l’aide de son savon, prend le temps de les rincer, jusqu’à les étendre pour les faire sécher. Depuis sa fenêtre, il observe la ville s’éveiller. Les dernières fraicheurs de l’hiver prennent leur retraite. Le soleil imprègne les rues, se renvoie sur les pierres claires, la poussière s’agite sous les pressions de vents chauds. Ici et là, les herbes poussent, courageusement, ignorant les semelles qui les écrasent quotidiennement. Aimable écoute la vie. Ses yeux se ferment. Il entend son propre cœur battre, au loin. Mais tous ces sons sont si paisibles, loin de la Voix qui hurle et détruit. Ses yeux s’entrouvrent, alors qu’une esquisse de sourire éclaire ses traits. C’est une caresse rapide, une brise qui longe sa joue, agite ses quelques mèches brunes. Eleanor. Il pense à elle et se surprend à sourire plus franchement à la vue d’une femme qui remonte la rue, avec son panier sous le bras. Le temps que ses mouchoirs sèchent… Il peut bien aller l’aider. Serviable, Aimable descend l’escalier pour la rejoindre.
C’est en fin de matinée qu’il rejoint le camp d’entraînement. Un mouchoir glissé contre son cœur, à sa place, l’autre, dans sa paume, Aimable cherche le marquis du regard.
_ Hey, M’sieur D’Bayard ?
Aimable, surpris, tourne les yeux. En réponse, un garde le salue d’un geste de la main.
_ J’m’appelle Paul, on s’est p’t’êt’ pas encore croisé. Z’avez du temps ?
_ Qu’il y a-t-il ? Demande le Chevalier, abruptement. L’homme est pragmatique ; les bavardages ou autres commérages ne sont pas son fort. Face à lui, le soldat, rustre, se contente d’un rire bref mais croise les bras sur son torse.
_ Z’êtes comme vot’ frère, l’Ours ! J’allais entraîner le p’tit Tancrède mais j’me dis que vous pourriez vous en occuper ? J’aimerai faire 2 3 courses avec le marché, s’savez et…
Aimable, alors, remarque une silhouette familière… Il adresse un discret geste de main au dénommé Paul.
_ Attendez un instant.
Aimable soupire mais s’éloigne pour s’approcher de Gabriel. A quelques mètres de lui, il hésite. Comment l’aborder ? Il récupère instinctivement le mouchoir à son cœur pour se donner le courage d’approcher, finissant de réduire la distance qui les séparait.
_ Monsieur ? Votre mouchoir.
Peut-être aurait-il dû le saluer. Ne serait-ce que faire un effort de politesse… mais le Chevalier n’est pas à l’aise avec les mots. Il tend le bras, lui offrant le tissu soigneusement plié, écrin de porcelaine serti au creux de sa paume. Ses mains sont gantées. L’homme porte son écu sur l’épaule, son épée à ses hanches, ses protections de cuir et d’acier.
Il n’a plus l’aspect maladif, ni fragile d’il y a quelques jours. Son port est droit, son geste est assuré. Ses yeux bleus rejoignent les lèvres de Gabriel, mais ne vont pas explorer davantage les traits de son visage. Il détourne ensuite la tête et va pour s’écarter une fois le mouchoir rendu… Mais son corps s’immobilise. La tête baissée vers le sol, Aimable finit par adresser un regard à l’homme, du coin des yeux.
_ … Si votre proposition tient toujours… Je suis disponible, aujourd’hui.
Sur ces mots, le Chevalier se détache encore de quelques pas. Sa main a seulement effleuré le pommeau de son épée, avant qu’il ne se positionne au centre du terrain d’entraînement. Un vent chaud, s’élève. Aimable décroche l’écu de son épaule et fait légèrement craquer sa nuque.
Le dénommé Paul balance un coup de coude à Tancrède, le jeune garde à l’allure bien plus sophistiquée.
_ C’est l’fils De Bayard ! L'frère de l’Ours ! T’sais ! Z’ont fait une démonstration y’a que’ques années, avant qu’l’Ours reparte dans ses montagnes ! J’m’y d’mande bien s’il a pris du galon, le p’tiot !
Tancrède adresse un regard à son comparse.
_ Hm… Enfin, de là à défier le Marquis de Sercey… Le Marquis est un combattant réputé. Il est d’une vivacité assez impressionnante et nombreux sont ceux qui vantent son endurance au combat.
_ Ah ! T’as donc ton favori ? Tu vas lui filer ton mouchoir ? Se moque malicieusement Paul. Tancrède rougit et, en réponse, fronce le nez en se redressant avec dignité.
_ Cessez donc vos inepties, Paul. Je suis simplement curieux de voir ces deux combattants s’entraîner.
_ Et t’as pas tord ! Prends-y donc d’la graine, gamin, t’as bien des progrès à faire !
Aimable tâche de les ignorer. Ses yeux s’élèvent de nouveau vers Gabriel, leurs prunelles s’effleurent. L’acier de ses prunelles acérées rencontre le bleu du LOUP – Aimable referme les paupières pour éviter toute confrontation, les rouvre pour les fixer sur la gorge de l’homme qu’il accepte d’affronter.
_ M’autorisez-vous à conserver mon écu ?
C'est mieux pour eux deux.
Jeu 27 Mai - 11:49
Face au sourire amical offert par l’homme, Aimable répond en baissant les yeux.
La chaleur du Marquis n’est pas suffisante pour vaincre les barrières de glace érigées par le Chevalier : il se contente d’un haussement d’épaules en réponse. Timide, Aimable soupire et préfère se reculer de quelques pas pour se positionner. D’une oreille, il entend Tancrède murmurer à l’adresse de Paul.
_ J’ai toujours rêvé de voir le Marquis se battre. Ne le trouvez-vous donc pas plus gracieux que votre Chevalier ? Il a déjà su se défaire d’un guerrier impitoyable en quelques coups.
_ C’est un mignon, pas un guerrier, ton Marquis, bougonne Paul.
_ Comme si les hommes beaux n’étaient pas capables de se battre ! Eux, au moins, ont le talent et l’intelligence de protéger leur visage !
_ J’préfère protéger mes bourses que ma gueule, ricane Paul.
_ … Vous dîtes ça parce que vous êtes déjà marié, Paul, râle Tancrède en détournant les yeux.
Lorsque le Marquis les apostrophe, le jeune homme s’avance avec enthousiasme, adressant un discret regard admiratif à l’adresse de Gabriel. Paul, quant à lui, reste en retrait, hésitant à profiter de la distraction pour aller acheter les quelques pommes de terre que son épouse lui a demandées.
Durant ces quelques minutes, la posture d’Aimable change.
Sa tête toujours inclinée se redresse avec lenteur. Ses yeux s’élèvent, jusqu’à s’unir à ceux de Gabriel. Pour la première fois.
Le ciel se mêle à l’océan, un bleu céleste s’oppose violemment à des profondeurs abyssales. Combat titanesque, au centre duquel se loge une pupille noire. D’une obscurité si profonde que Gabriel discerne, peut-être, les ombres qui y rodent. C’est un mouvement vif et lent à la fois, la pupille qui se déforme sous la pression d’une Bête prête à s’en arracher. Le pourtour de la pupille s’en modifie, les arabesques se rétractent. La paupière bat. Lorsqu’elle s’ouvre, plus rien. Rien d’autre que cette bataille éternelle, entre l’ombre et la lumière.
L’homme est usé. Usé. Ses yeux sont crevassés, soigneusement enfoncés dans ses orbites. Il n’a qu’une trentaine d’années et déjà, des rides s’étirent au coin de ses yeux, creusent ses traits. Ce n’est pas le temps qui a marqué son front de ces valons profonds. Ce n’est pas l’âge qui blanchit quelques poils de sa barbe, ses sourcils, ses cheveux. L’épuisement écrase ses épaules, tire ses lèvres, à moins que ce ne soit la douleur ?
L’un de ses pieds s’avance, l’autre, s’écarte légèrement. Le Chevalier stabilise sa position, renforce ses appuis. Il étire son dos, se redresse de toute sa hauteur. Il n’est pas si grand, et pourtant, il semble occuper toute la place. Lorsqu’il se débarrasse de sa besace, c’est son fardeau qu’il semble abandonner. Il fait rouler ses épaules. La musculature étire le tissu de ses vêtements, une articulation émet un craquement lugubre, sa nuque se tend vers l’arrière avant qu’un soupir ne franchisse ses lèvres. Il tend ses bras vers l’arrière, étirant ses pectoraux, gonflant son ventre d’un souffle profond. Finalement, il se protège derrière son bouclier. Malgré sa stature, c’est avec expérience qu’il se positionne, de sorte à protéger son corps derrière ce rempart improvisé. Pour le toucher, il faudrait viser ses jambes ou l’atteindre sur les côtés… Et prendre le risque de se prendre un coup de bouclier.
Lui ne joue pas. Pas encore.
Il a appris à prendre au sérieux chaque entraînement. Les entraînements sont les seules occasions où l’erreur est possible. Où l’on peut apprendre. Sans mourir. Alors il saisit chaque occasion.
Que Gabriel attaque ou qu’il reste immobile, l’issue reste la même. D’un mouvement soudain, Aimable se projette vers l’avant, son bouclier comme arme improvisée. Il a mis tout son poids dans l’élan, comptant sur l’impact de son bouclier pour renverser son adversaire, le bousculer ou dévier le coup qu’il pourrait lui donner. Ses jambes restent en arrière, hors de portée d’un coup direct alors que sa main droite descend effleurer la poignée de son épée, s’apprêtant à la dégainer si le besoin s’avère nécessaire… Bien qu’il pense se contenter d’un revers de bouclier pour repousser Gabriel sur le côté.
La chaleur du Marquis n’est pas suffisante pour vaincre les barrières de glace érigées par le Chevalier : il se contente d’un haussement d’épaules en réponse. Timide, Aimable soupire et préfère se reculer de quelques pas pour se positionner. D’une oreille, il entend Tancrède murmurer à l’adresse de Paul.
_ J’ai toujours rêvé de voir le Marquis se battre. Ne le trouvez-vous donc pas plus gracieux que votre Chevalier ? Il a déjà su se défaire d’un guerrier impitoyable en quelques coups.
_ C’est un mignon, pas un guerrier, ton Marquis, bougonne Paul.
_ Comme si les hommes beaux n’étaient pas capables de se battre ! Eux, au moins, ont le talent et l’intelligence de protéger leur visage !
_ J’préfère protéger mes bourses que ma gueule, ricane Paul.
_ … Vous dîtes ça parce que vous êtes déjà marié, Paul, râle Tancrède en détournant les yeux.
Lorsque le Marquis les apostrophe, le jeune homme s’avance avec enthousiasme, adressant un discret regard admiratif à l’adresse de Gabriel. Paul, quant à lui, reste en retrait, hésitant à profiter de la distraction pour aller acheter les quelques pommes de terre que son épouse lui a demandées.
Durant ces quelques minutes, la posture d’Aimable change.
Sa tête toujours inclinée se redresse avec lenteur. Ses yeux s’élèvent, jusqu’à s’unir à ceux de Gabriel. Pour la première fois.
Le ciel se mêle à l’océan, un bleu céleste s’oppose violemment à des profondeurs abyssales. Combat titanesque, au centre duquel se loge une pupille noire. D’une obscurité si profonde que Gabriel discerne, peut-être, les ombres qui y rodent. C’est un mouvement vif et lent à la fois, la pupille qui se déforme sous la pression d’une Bête prête à s’en arracher. Le pourtour de la pupille s’en modifie, les arabesques se rétractent. La paupière bat. Lorsqu’elle s’ouvre, plus rien. Rien d’autre que cette bataille éternelle, entre l’ombre et la lumière.
L’homme est usé. Usé. Ses yeux sont crevassés, soigneusement enfoncés dans ses orbites. Il n’a qu’une trentaine d’années et déjà, des rides s’étirent au coin de ses yeux, creusent ses traits. Ce n’est pas le temps qui a marqué son front de ces valons profonds. Ce n’est pas l’âge qui blanchit quelques poils de sa barbe, ses sourcils, ses cheveux. L’épuisement écrase ses épaules, tire ses lèvres, à moins que ce ne soit la douleur ?
L’un de ses pieds s’avance, l’autre, s’écarte légèrement. Le Chevalier stabilise sa position, renforce ses appuis. Il étire son dos, se redresse de toute sa hauteur. Il n’est pas si grand, et pourtant, il semble occuper toute la place. Lorsqu’il se débarrasse de sa besace, c’est son fardeau qu’il semble abandonner. Il fait rouler ses épaules. La musculature étire le tissu de ses vêtements, une articulation émet un craquement lugubre, sa nuque se tend vers l’arrière avant qu’un soupir ne franchisse ses lèvres. Il tend ses bras vers l’arrière, étirant ses pectoraux, gonflant son ventre d’un souffle profond. Finalement, il se protège derrière son bouclier. Malgré sa stature, c’est avec expérience qu’il se positionne, de sorte à protéger son corps derrière ce rempart improvisé. Pour le toucher, il faudrait viser ses jambes ou l’atteindre sur les côtés… Et prendre le risque de se prendre un coup de bouclier.
Lui ne joue pas. Pas encore.
Il a appris à prendre au sérieux chaque entraînement. Les entraînements sont les seules occasions où l’erreur est possible. Où l’on peut apprendre. Sans mourir. Alors il saisit chaque occasion.
Que Gabriel attaque ou qu’il reste immobile, l’issue reste la même. D’un mouvement soudain, Aimable se projette vers l’avant, son bouclier comme arme improvisée. Il a mis tout son poids dans l’élan, comptant sur l’impact de son bouclier pour renverser son adversaire, le bousculer ou dévier le coup qu’il pourrait lui donner. Ses jambes restent en arrière, hors de portée d’un coup direct alors que sa main droite descend effleurer la poignée de son épée, s’apprêtant à la dégainer si le besoin s’avère nécessaire… Bien qu’il pense se contenter d’un revers de bouclier pour repousser Gabriel sur le côté.
Lun 31 Mai - 11:57
Face à l’instinct s’oppose la raison.
L’épée a accompagné ses premiers pas. Elle lui a appris à se tenir sur ses appuis, à faire preuve d’agilité, à bondir, sauter, surgir, frapper. Elle lui a fait goûter la terre. Le sang. L’acier a déjà mordu ses chairs. Laissant sur ses doigts des cicatrices que le temps n’a pas su effacer. Elle l’a fait tenir face à ses frères. L’épée a fait de lui un Chevalier. Symbole de ses valeurs et de son serment, protectrice de la veuve et de l’orphelin. Combien d’hommes a-t-elle transpercé ? Combien de familles a-t-elle brisé ? Elle a versé le sang. Arraché tant de vies – tant de cris.
Se battre n’a rien d’un plaisir. C’est une habitude. Depuis sa naissance, elle est inscrite dans sa chair. Dans son esprit. Ses yeux trahissent le combat incessant entre le ciel et la marée, entre la lumière et l’obscurité, entre le monstre et le chevalier. Son corps contient péniblement les deux entités. La misérable force d’un être humain qui, à elle seule, maintient la sauvagerie d’une bête enragée.
Le souffle est lent. Chaque coup est réfléchi, avant d’être porté. Il sait qu’un simple entraînement peut blesser, et qu’il faudra quelques jours pour en être soigné. L’homme observe, le moindre mouvement doit être étudié pour être amélioré. L’Ouroboros observe, la moindre erreur doit être décelée pour en profiter.
Quand son bouclier rencontre brutalement le corps du Marquis, Aimable laisse son souffle s’échapper dans un grognement rauque. Un de ses pieds s’est fermement ancré au sol, le talon enfoncé dans le sable meuble, l’autre jambe s’est reculée, pour garantir une échappée si cela est nécessaire. Leur impact est suffisant pour couper l’élan du Chevalier, croit-on. Aimable a coupé l’élan, laissant Gabriel heurter de tout son poids le bouclier alors qu’il s’appuie sur sa jambe pour soutenir l’assaut, cherchant à le repousser sur le côté. Emporté par son élan, il serait possible de le dévier…
Si le loup cherche sa force, l’animal risque d’être déçu. Aimable ne souhaite pas confronter sa pure force brute à celle du Marquis, où il se serait contenté d’un tir de corde. Si Gabriel cherche son regard, l’homme risque d’être déçu. Aimable observe, mais n’affronte plus son regard.
Ses prunelles claires parcourent, sans cesse, autour d’eux. Leurs jambes, leurs bras, parfois, leurs regards se croisent, c’est un échange fugace avant que les paupières d’Aimable ne les séparent. Le marquis réduit sa force. Aimable profite de l’occasion. S’appuyant sur sa jambe d’appui, Aimable s’élance en avant. Son autre jambe le suit, et c’est un coup brutal qu’il porte vers l’avant, contraignant le colonel à se reculer davantage s’il ne veut pas se faire renverser… Le bras gauche immobilisé par le bouclier, Aimable remarque, à temps, le coup que l’homme s’apprête à lui donner. Sa paume droite, par réflexe, repousse le plat de la lame, contraignant l’épée à se dévier.
Aimable est loin d’être un bleu. Ce ne sont pas de simples bottes qui parviendront à briser sa défense ou à le toucher. Gabriel éloigné de lui, Aimable consolide de nouveau sa posture.
La Voix éclate, dans son crâne.
A cet instant, Gabriel fond vers lui. Comme un faucon sur sa proie. Aimable plisse les paupières ; il doit se concentrer sur le combat. PAS LA VOIX QUI HURLE DANS SA TETE
Le coup est franc. Droit. Puissant.
Le marquis est habile. Rapide et fort, dans ses coups LOUP
Quelques milisecondes sont précieusement perdues. Agir. Il faut agir. Aimable donne un violent coup de bouclier. Son bras gauche s’élève, le tranchant de la lame heurte la surface d’acier. Son geste, vertical, dévie la lame vers le haut ; sans rompre son élan, il l’emmène ailleurs, contraignant Gabriel à se reculer ou à suivre le mouvement. Armé de ses deux mains, son adversaire dévoile son flanc. Vulnérable
Aimable cligne des yeux. Son épée s’élance déjà vers la taille de Gabriel. Sa pointe file, à vive allure, sous les côtes – lorsque la lame percera la peau, il saignera. Son souffle ! Erratique ! ERRRRAAAAAAAAATIQUE –
Le chevalier se contracte de toutes ses forces, raffermit sa main sur la poignée de son épée. Il ralentit son mouvement – PAS ASSEZ ! – lâche l’épée.
L’épée tombe au sol, dans le sable. Aimable l’écarte d’un coup de pied, haletant, se reculant déjà derrière son bouclier. Ca n’a duré qu’un battement de paupières.
Quand a-t-il dégainé son épée ? Aimable ne l’a pas même remarqué – les spectateurs non plus. Il ne se souvient pas avoir porté la main à sa poignée. Il a pensé à cette ouverture, mais pas à en profiter. Son cœur s’accélère, il bat dans sa tête, l’Ouroboros gronde dans son crâne. Le Chevalier s’efforce de l’ignorer ; sa main se referme en poing serré. De nouveau, Aimable se tapit sous son bouclier alors qu’il roule des épaules. Il veut se débarrasser des tensions étrangères dans son bras droit. Ces crampes qu’il ne maîtrise pas.
Laisse-moi, demande-t-il, ĵ̷̨̗͕̻̘͇͇̪̗̳̘̍͊͑̇̈͊̀̑̇̓̎͘͜͝͝ą̸̨̹̼̟͎̖͈̘͇͚̦̐͒͜m̴̨͍̭͔͚̥̥̱͙̆ͅa̴̻͑̿͒̾ḯ̵͉̮̟̲̱̪͎͍͖̗̖̼̼̰̾̃͑͋͒̂͊̑̍͛̋̇̕̚ͅś̶̘̥̠̺̥̺̺͔̓̒̄́̈́̅̍̎͐͘͝, répond la Voix.
_... Vous n’avez qu’une épée, je me contenterai de mon bouclier.
Toujours se justifier.
Ses combats se sont toujours faits à l'usure. Dans le meilleur des cas, son adversaire se fatigue avant lui - avant N̸͓̠͕̱̩̓̊͑̈̋̀̑̐̊̑́̀̕ơ̷̢̧̢̳̫͚͉̰̬͍̱͐͛̍͂͋̾͛͋̇̌͘͜͠͝͠Ǘ̶̧̲͙͖̠̫̯̇́̐̐̍̋͆̋̀͘͝͠S̶̡̧̱̫̮̳̘̬̹̬̺̬͖͔̿̽̀̒͂̒͐̐̆̉͗̉͠.
L’épée a accompagné ses premiers pas. Elle lui a appris à se tenir sur ses appuis, à faire preuve d’agilité, à bondir, sauter, surgir, frapper. Elle lui a fait goûter la terre. Le sang. L’acier a déjà mordu ses chairs. Laissant sur ses doigts des cicatrices que le temps n’a pas su effacer. Elle l’a fait tenir face à ses frères. L’épée a fait de lui un Chevalier. Symbole de ses valeurs et de son serment, protectrice de la veuve et de l’orphelin. Combien d’hommes a-t-elle transpercé ? Combien de familles a-t-elle brisé ? Elle a versé le sang. Arraché tant de vies – tant de cris.
Se battre n’a rien d’un plaisir. C’est une habitude. Depuis sa naissance, elle est inscrite dans sa chair. Dans son esprit. Ses yeux trahissent le combat incessant entre le ciel et la marée, entre la lumière et l’obscurité, entre le monstre et le chevalier. Son corps contient péniblement les deux entités. La misérable force d’un être humain qui, à elle seule, maintient la sauvagerie d’une bête enragée.
Le souffle est lent. Chaque coup est réfléchi, avant d’être porté. Il sait qu’un simple entraînement peut blesser, et qu’il faudra quelques jours pour en être soigné. L’homme observe, le moindre mouvement doit être étudié pour être amélioré. L’Ouroboros observe, la moindre erreur doit être décelée pour en profiter.
Quand son bouclier rencontre brutalement le corps du Marquis, Aimable laisse son souffle s’échapper dans un grognement rauque. Un de ses pieds s’est fermement ancré au sol, le talon enfoncé dans le sable meuble, l’autre jambe s’est reculée, pour garantir une échappée si cela est nécessaire. Leur impact est suffisant pour couper l’élan du Chevalier, croit-on. Aimable a coupé l’élan, laissant Gabriel heurter de tout son poids le bouclier alors qu’il s’appuie sur sa jambe pour soutenir l’assaut, cherchant à le repousser sur le côté. Emporté par son élan, il serait possible de le dévier…
Si le loup cherche sa force, l’animal risque d’être déçu. Aimable ne souhaite pas confronter sa pure force brute à celle du Marquis, où il se serait contenté d’un tir de corde. Si Gabriel cherche son regard, l’homme risque d’être déçu. Aimable observe, mais n’affronte plus son regard.
Ses prunelles claires parcourent, sans cesse, autour d’eux. Leurs jambes, leurs bras, parfois, leurs regards se croisent, c’est un échange fugace avant que les paupières d’Aimable ne les séparent. Le marquis réduit sa force. Aimable profite de l’occasion. S’appuyant sur sa jambe d’appui, Aimable s’élance en avant. Son autre jambe le suit, et c’est un coup brutal qu’il porte vers l’avant, contraignant le colonel à se reculer davantage s’il ne veut pas se faire renverser… Le bras gauche immobilisé par le bouclier, Aimable remarque, à temps, le coup que l’homme s’apprête à lui donner. Sa paume droite, par réflexe, repousse le plat de la lame, contraignant l’épée à se dévier.
Aimable est loin d’être un bleu. Ce ne sont pas de simples bottes qui parviendront à briser sa défense ou à le toucher. Gabriel éloigné de lui, Aimable consolide de nouveau sa posture.
ATTAQUONS ATTAQUONS ATTAQUONS
La Voix éclate, dans son crâne.
A cet instant, Gabriel fond vers lui. Comme un faucon sur sa proie. Aimable plisse les paupières ; il doit se concentrer sur le combat. PAS LA VOIX QUI HURLE DANS SA TETE
Le coup est franc. Droit. Puissant.
Le marquis est habile. Rapide et fort, dans ses coups LOUP
Quelques milisecondes sont précieusement perdues. Agir. Il faut agir. Aimable donne un violent coup de bouclier. Son bras gauche s’élève, le tranchant de la lame heurte la surface d’acier. Son geste, vertical, dévie la lame vers le haut ; sans rompre son élan, il l’emmène ailleurs, contraignant Gabriel à se reculer ou à suivre le mouvement. Armé de ses deux mains, son adversaire dévoile son flanc. Vulnérable
C̴̪̗̽̋̇̈̄̍̂͊̈́́R̵̨̨͖̼̥͇̻̮̗̮̻̮̯̙̼͐̓̍̾͛̊̏͆͝E̶̛͚̬͖̝͇̼̱̦̜͓͔͎͕̜̔͊̈̅̓̍͗̍̈́͘̚͘͝͝ͅV̵̼̳̾Ę̴͈̹͙̥̈́ ̶̱̳̜̳̆̋̓̎̂͘L̷̩̻̦͕̥̳͇̳̯̳̤̔͑̄E̴̎͛̊̿̊̈́̓ͅ ̴̧̨̢̢̛̰̜̺̤̲̗̲̃̈́̆̈́C̷͚͉̎̌̀͜R̸͙̯̦̳̩̟̳̃̑̎̎́̆̒̂̿͌̌̎́͝E̸̥̝̖̠̘͎̜̣̋̃̈́͋͛̍̐͗̾͛̕͠V̵̡̭̻̽̒͑̈́̒̒̀̍͐͘͝È̵̜̮͉̣͌ ̸̧̥̝͕͎̀L̷̪̮̖͕̻̦͇̹̼͔̍̿͊̇̽̈́͂̃̚͘͝͠Ë̸͓̝͙̬͍͖́̇͒͗͐́̽ ̵̹̳̊̃̚Ĉ̶̡̯̤̎̇̈́̆̚͝͝R̴̙̟͕̎̈͆̾̅̏͝͝E̵͈̳͌͋̽̎̓͋̔̽͒̅́̚͠V̵̛̲̤͍͕̣̙͓̌̽̐Ę̴̢̗̫̭̖͖͔͈͍̪͂͑̐̃͌͂̔̒̓̿̒͂͘͘ ̶̭̞̰̳̺͕̪̮̝̟͑͌͂̄͂͠͝͝͝L̴̢̫̱̯̥̝̪͍̦̤̠͓̈̆͑̒̽͗̐̍̍̋̀̋̾͌̆͜E̸̢͙̟̱̥̖̗̲͖̬͍͙̲̯̱͒̄͋̒̎̓̓͌̿ ̶̧̦̪̹̟̙̠̪͐̏̓
Aimable cligne des yeux. Son épée s’élance déjà vers la taille de Gabriel. Sa pointe file, à vive allure, sous les côtes – lorsque la lame percera la peau, il saignera. Son souffle ! Erratique ! ERRRRAAAAAAAAATIQUE –
Le chevalier se contracte de toutes ses forces, raffermit sa main sur la poignée de son épée. Il ralentit son mouvement – PAS ASSEZ ! – lâche l’épée.
L’épée tombe au sol, dans le sable. Aimable l’écarte d’un coup de pied, haletant, se reculant déjà derrière son bouclier. Ca n’a duré qu’un battement de paupières.
Quand a-t-il dégainé son épée ? Aimable ne l’a pas même remarqué – les spectateurs non plus. Il ne se souvient pas avoir porté la main à sa poignée. Il a pensé à cette ouverture, mais pas à en profiter. Son cœur s’accélère, il bat dans sa tête, l’Ouroboros gronde dans son crâne. Le Chevalier s’efforce de l’ignorer ; sa main se referme en poing serré. De nouveau, Aimable se tapit sous son bouclier alors qu’il roule des épaules. Il veut se débarrasser des tensions étrangères dans son bras droit. Ces crampes qu’il ne maîtrise pas.
Laisse-moi, demande-t-il, ĵ̷̨̗͕̻̘͇͇̪̗̳̘̍͊͑̇̈͊̀̑̇̓̎͘͜͝͝ą̸̨̹̼̟͎̖͈̘͇͚̦̐͒͜m̴̨͍̭͔͚̥̥̱͙̆ͅa̴̻͑̿͒̾ḯ̵͉̮̟̲̱̪͎͍͖̗̖̼̼̰̾̃͑͋͒̂͊̑̍͛̋̇̕̚ͅś̶̘̥̠̺̥̺̺͔̓̒̄́̈́̅̍̎͐͘͝, répond la Voix.
_... Vous n’avez qu’une épée, je me contenterai de mon bouclier.
Toujours se justifier.
Ses combats se sont toujours faits à l'usure. Dans le meilleur des cas, son adversaire se fatigue avant lui - avant N̸͓̠͕̱̩̓̊͑̈̋̀̑̐̊̑́̀̕ơ̷̢̧̢̳̫͚͉̰̬͍̱͐͛̍͂͋̾͛͋̇̌͘͜͠͝͠Ǘ̶̧̲͙͖̠̫̯̇́̐̐̍̋͆̋̀͘͝͠S̶̡̧̱̫̮̳̘̬̹̬̺̬͖͔̿̽̀̒͂̒͐̐̆̉͗̉͠.
Mer 16 Juin - 10:57
La lame a eu le temps de trancher la chair.
L’acier teinté de sang. Les dents serrées. Dégoût ? Frustration ? Extase ? Ses mâchoires raffermissent l’emprise sur un frein que personne ne peut voir. L’Ouroboros gronde, c’est une vibration de son larynx que sa langue étouffe, aucun son ne franchit ses lèvres, ce n’est qu’un souffle rauque.
Est-il essoufflé ? Pourtant, sa respiration reste paisible. Sa main se contracte, ses doigts se crispent, se tendent, l’épée tombe au sol, il la repousse d’un coup de pied. Il ne veut pas attaquer. Il ne veut pas attaquer. Il a peur de craquer.
Le sang sur l’acier – le sang qui coule de la plaie. Y planter ses ongles. Savourer la résistance de la chair, lorsque nous y enfoncerons nos doigts. L’ouvrir, l’ouvrir jusqu’à le déchirer
La vision est affreuse. Aimable la chasse d’un battement de paupières. Sur ses papilles, s’abandonne une saveur amère et métallique. Sang ? Le sien. La bile ? Il ne sait pas. Il renifle et crache par terre, essuie son nez d’un revers de manche. Non, pas de sang, pas encore.
L’autre type lui sourit. Rictus carnassier. Ses yeux luisent. D’une lueur animale.
Leurs yeux se croisent.
L’Ouroboros observe le loup, derrière ses prunelles. Et l’excitation qu’il devine est un défi qu’il ne peut pas refuser.
Le Chevalier, lui, se sent pris d’une terrible lassitude en réalisant l’étrange alchimie qui s’installe entre les deux bêtes. Ses dents claquent – l’Ouroboros veut ouvrir ses mâchoires, Aimable les retient.
L’épée rencontre le bouclier. L’impact lui arrache un grognement sous l’effort. Les tensions de sa musculature s’étirent le long de son dos. Il se sent gagner en raideur, à moins qu’il ne gagne en puissance ? Ses propres mouvements lui semblent différents, le Chevalier veut se protéger, l’OUROBOROS VEUT ATTAQUER.
Le combat gagne en intensité. Ce sont deux adversaires qu’Aimable doit surveiller. La Voix qui n’attend qu’à se manifester et le loup qui cherche une ouverture, sa vulnérabilité. Il la trouve. Gabriel vise son côté gauche, le bras protégé du bouclier – sottises, folie, ou génie diront certains. Le mouvement que réalise Aimable est trop lent, la lame entaille son bras et tranche l’un des liens de cuir l’attachant à son bouclier. L’Ouroboros a-t-il voulu le priver de sa défense ?
Il sent la douleur soudaine. Vive. Elle reste tolérable, mais son bouclier retombe sur son bras. Encore utilisable, il n’en reste pas pour autant gênant et d’ailleurs, Gabriel parvient à placer quelques coups.
Toujours le côté gauche. Le flanc gauche. L’épaule gauche. Il y a quelque chose. Une dissonance que seuls les yeux les plus expérimentés peuvent observer. Des mouvements offensifs, soudain coupés dans leur élan, un geste de protection qui se fige avant de correctement s’interposer. Une estafilade se dessine sur la taille du chevalier, une autre traverse sa joue et c’est alors qu’il se dégage d’un mouvement violent du bouclier. Il heurte probablement le marquis au niveau du bras, le contraignant à reculer – le geste est si brutal que son bouclier finit de s’arracher de ses attaches. Le bouclier retombe un peu plus loin.
Aimable se recule et déjà, il lève les poings pour se protéger derrière ses avant-bras, craignant que l’homme ne l’attaque une fois désarmé. Pour autant, Gabriel n’en fait rien. Le Colonel se contente d’un regard en direction de l’épée abandonnée au sol.
_ Vous n’en avez donc jamais assez ?
S’exaspère Aimable. Parle-t-il à la Voix ou au Loup face à lui ? Peut-être un peu des deux. Sa voix trahit un agacement rare, chez lui… Mais évoque une étrange connivence. Le chevalier finit par retirer la croix qu’il garde autour du cou. La croix d’argent, dont chaque extrémité s’arme d’un pique acéré. Il entoure soigneusement son poing gauche de la chaîne, scellant la croix au creux de sa paume pour qu’elle ne puisse pas s’en dégager. Ses doigts se referment précieusement sur son artefact. Pour lui, cela suffira à retenir l’Ouroboros. Pense-t-il.
L’homme est haletant. Sans son bouclier pour le protéger, il apparaît plus fragile. La marque sur sa joue, celle sur son épaule et celle de sa taille sont des victoires supplémentaires pour le Colonel, qu’il n’a aucune mal à lui accorder. Son adversaire est redoutable. Et s’il s’écoutait, il arrêterait le combat.
Alors pourquoi ne quitte-t-il pas le terrain ?
Nous ne VOooUuLONS PAS. TU AIMES. Comme NOUS. Le saang le COMBAT SAIGNER SAIGNER C’EST SI BON DE SAIGNER.
Sa main droite se referme sur la poignée de son épée. Le contact familier du cuir usé épouse les cicatrices de ses doigts abîmés. Il raffermit son emprise et élève lentement son arme devant lui.
La lame est courte, épaisse, aux bords affûtés. La pointe est épaisse, l’épée est solide. Bien loin des rapières élégantes ou des armes d’estoc. Elle n’est pas seulement faite pour percer, non ; elle est faite pour briser. Pour écraser. Pour user les chairs et l’esprit. Le potentiel mortel est mis de côté ; l’objectif est de blesser l’adversaire voire l’handicaper. Enfoncer une pièce d’armure, fendre un casque, broyer un os tapi sous une écorce de chair. Elle n’est pas faite pour des danses élégantes et envoûtantes, non, elle est faite pour déchirer, éclater, massacrer.
Ses imperfections témoignent d’histoires auxquelles Aimable n’accorde aucune valeurs. Des histoires de combat où seuls les plus chanceux – les plus violents – survivent. Des histoires cauchemardesques qui hantent ses nuits. Il se voit dormir sur les membres arrachés et les os broyés, il entend les morts et les agonisants gémir sous ses pieds. Il sent leurs souffles froids dans sa nuque et leur sang visqueux sur ses doigts, les éclaboussures de vie qui giclent dans ses yeux, la Mort qui l’embrasse à pleine bouche. Son haleine aigre et métallique mêlée à la sienne, son humanité qui s’arrache à chaque coup porté.
Aimable raffermit nerveusement l’emprise sur la poignée de son épée. Le pommeau est en métal, de forme circulaire bien que terminée d’une discrète pointe. Un balancier, pour soulager le travail de ses bras ou servir d’arme de frappe si la lame est inutilisable. La garde est en croix : elle protège ses doigts des coups. Elle protège son âme du Démon qu’il renferme.
Il n’est plus tapi derrière son bouclier.
Il se tient droit. Le côté droit, en avant. La lame levée vers son adversaire. Son souffle est hésitant, tantôt rapide, tantôt d’une lenteur inquiétante, si discrète qu’il semble à peine respirer. Ses pupilles alternent entre l’ombre et la lumière. Les fragrances putrides des morts remontent jusqu’à ses narines, troublant ses sens ; est il ici ou là bas ? Dans sa tête, dans un passé qu’il ne peut pas oublier, dans un présent si présent qu’il ne sait plus où il est.
Il ravale sa salive, s’étrangle, tousse et crache un nouveau filet de sang, qu’il essuie d’un revers de manche. Son nez saigne.
Son souffle est lent. Il n’est plus courbé : il se tient droit. Les blessures ne semblent plus l’inquiéter, il attend quelques secondes, aux aguets. Et l’on croirait presque le voir sourire. Amusé ou torturé ? Difficile à dire. Ses yeux sont pris d’un combat que personne ne peut voir. Ses traits sont tirés de fatigue et pourtant, il apparaît plus léger. Libéré de son bouclier, libéré d’un poids qui le retenait ; il n’y a que son corps à traîner. Un tas d’os et d’acier.
Soudain, Aimable s’élance. Un pied en avant, le bras se tend, la pointe fend l’air pour tenter de toucher son adversaire à l’épaule. La force donnée à l’impact reste maîtrisée. Un coup puissant dans l’épaule, pour désarçonner l’adversaire… Mais il a crainte de le toucher. De le blesser, réellement. Ses muscles se contractent, luttent contre l’avancée de l’épée, elle se rétracte comme un serpent – avant de frapper de nouveau, en pointe, vers l’abducteur.
L’Ouroboros lui a échappé. Sa pression est là, dans ses veines. Aimable resserre l’emprise sur sa croix, au point de s’en blesser ; volontairement, il écrase la pulpe de ses doigts contre les piques d’acier. La Voix, en réponse, presse ses plaies pour contraindre le saignement. Aimable sent sa MAIN PLEINE D’OS saisir son poignet pour le contraindre à frapper une nouvelle fois, un fauché des jambes pour le mettre à terre.
Nous AIMoOns jOUER avec la PROIE
Aimable n'a plus son bouclier. Le rempart s'est fragilisé. Le Chevalier fait face à la Bête et au Loup, le coeur saisi d'une peur et d'une excitation sans pareilles. Le coeur qui bat comme un tambour de guerre, le corps empli d'adrénaline. Ses mouvements sont moins raides, plus vifs, plus violents. A la recherche d'une douleur qui le fait frémir. De plaisir.
Son esprit lutte et s'affaiblit. Il se sent faillir et pourtant, il n'en ressort que plus puissant. Ses gestes sont plus rapides. Il ne réfléchit plus. Il n'utilise plus les techniques qu'il a appris. Il attaque, attaque, à de nombreuses reprises, son poing si serré sur sa croix qu'il en saigne. Il ne sent plus la douleur. Il n'y a que cette ivresse, faite de sang et de bile, d'os et de chair, de vie et de mort qui valsent autour d'eux, qui les entraînent.
Son sourire n'est pas le sien.
Un éclat attire son regard. La croix au sol.
L'acier souillé de sang. Reflète l'éclat du soleil.
La croix si paisible, blottie dans le sable et la poussière. Son humanité mise à terre.
Comme lui. Aimable a posé un genou à terre. Il sent que sa rotule menace de se déplacer. Poussée par une pression interne si vive qu'il la contient à deux mains, tenant son genou comme il a tenu sa croix. Il la maintient en place et l'Ouroboros, frustré, retourne à ses entrailles. Il a lâché son épée. Son souffle, son coeur, sont si lents qu'il a peur de s'évanouir. Il doit se reprendre.
_ Crampes. Vieilles douleurs, balbutie Aimable, d'une voix pâteuse. Il faut toujours mentir. Se justifier. Cacher la réalité.
Il ne s'est pas transformé. Il s'est repris à temps.
Leurs spectateurs ne semblent se douter de rien, il les entend vanter leurs performances sans réellement les écouter. La douleur lui donne le vertige mais il se force à ramasser sa croix, qu'il glisse autour de son cou. Son épée, qu'il glisse dans son fourreau.
Ses mouvements sont raides. Douloureux. Son souffle s'accélère.
_ Bravo. Pour votre... victoire, Colonel. Vous êtes un combattant... Exceptionnel, complimente-t-il dans une petite moue, allant récupérer son bouclier qu'il repose sur son épaule.
Ses yeux clairs reviennent sur sa main gauche. Les piques d'acier ont percé la pulpe de son pouce, son majeur et son annulaire. Une plaie perce à présent l'intérieur de sa paume. Il va devoir nettoyer et bander tout ça.
L’acier teinté de sang. Les dents serrées. Dégoût ? Frustration ? Extase ? Ses mâchoires raffermissent l’emprise sur un frein que personne ne peut voir. L’Ouroboros gronde, c’est une vibration de son larynx que sa langue étouffe, aucun son ne franchit ses lèvres, ce n’est qu’un souffle rauque.
Est-il essoufflé ? Pourtant, sa respiration reste paisible. Sa main se contracte, ses doigts se crispent, se tendent, l’épée tombe au sol, il la repousse d’un coup de pied. Il ne veut pas attaquer. Il ne veut pas attaquer. Il a peur de craquer.
Le sang sur l’acier – le sang qui coule de la plaie. Y planter ses ongles. Savourer la résistance de la chair, lorsque nous y enfoncerons nos doigts. L’ouvrir, l’ouvrir jusqu’à le déchirer
La vision est affreuse. Aimable la chasse d’un battement de paupières. Sur ses papilles, s’abandonne une saveur amère et métallique. Sang ? Le sien. La bile ? Il ne sait pas. Il renifle et crache par terre, essuie son nez d’un revers de manche. Non, pas de sang, pas encore.
L’autre type lui sourit. Rictus carnassier. Ses yeux luisent. D’une lueur animale.
Leurs yeux se croisent.
L’Ouroboros observe le loup, derrière ses prunelles. Et l’excitation qu’il devine est un défi qu’il ne peut pas refuser.
Le Chevalier, lui, se sent pris d’une terrible lassitude en réalisant l’étrange alchimie qui s’installe entre les deux bêtes. Ses dents claquent – l’Ouroboros veut ouvrir ses mâchoires, Aimable les retient.
L’épée rencontre le bouclier. L’impact lui arrache un grognement sous l’effort. Les tensions de sa musculature s’étirent le long de son dos. Il se sent gagner en raideur, à moins qu’il ne gagne en puissance ? Ses propres mouvements lui semblent différents, le Chevalier veut se protéger, l’OUROBOROS VEUT ATTAQUER.
Le combat gagne en intensité. Ce sont deux adversaires qu’Aimable doit surveiller. La Voix qui n’attend qu’à se manifester et le loup qui cherche une ouverture, sa vulnérabilité. Il la trouve. Gabriel vise son côté gauche, le bras protégé du bouclier – sottises, folie, ou génie diront certains. Le mouvement que réalise Aimable est trop lent, la lame entaille son bras et tranche l’un des liens de cuir l’attachant à son bouclier. L’Ouroboros a-t-il voulu le priver de sa défense ?
Il sent la douleur soudaine. Vive. Elle reste tolérable, mais son bouclier retombe sur son bras. Encore utilisable, il n’en reste pas pour autant gênant et d’ailleurs, Gabriel parvient à placer quelques coups.
Toujours le côté gauche. Le flanc gauche. L’épaule gauche. Il y a quelque chose. Une dissonance que seuls les yeux les plus expérimentés peuvent observer. Des mouvements offensifs, soudain coupés dans leur élan, un geste de protection qui se fige avant de correctement s’interposer. Une estafilade se dessine sur la taille du chevalier, une autre traverse sa joue et c’est alors qu’il se dégage d’un mouvement violent du bouclier. Il heurte probablement le marquis au niveau du bras, le contraignant à reculer – le geste est si brutal que son bouclier finit de s’arracher de ses attaches. Le bouclier retombe un peu plus loin.
Aimable se recule et déjà, il lève les poings pour se protéger derrière ses avant-bras, craignant que l’homme ne l’attaque une fois désarmé. Pour autant, Gabriel n’en fait rien. Le Colonel se contente d’un regard en direction de l’épée abandonnée au sol.
_ Vous n’en avez donc jamais assez ?
S’exaspère Aimable. Parle-t-il à la Voix ou au Loup face à lui ? Peut-être un peu des deux. Sa voix trahit un agacement rare, chez lui… Mais évoque une étrange connivence. Le chevalier finit par retirer la croix qu’il garde autour du cou. La croix d’argent, dont chaque extrémité s’arme d’un pique acéré. Il entoure soigneusement son poing gauche de la chaîne, scellant la croix au creux de sa paume pour qu’elle ne puisse pas s’en dégager. Ses doigts se referment précieusement sur son artefact. Pour lui, cela suffira à retenir l’Ouroboros. Pense-t-il.
L’homme est haletant. Sans son bouclier pour le protéger, il apparaît plus fragile. La marque sur sa joue, celle sur son épaule et celle de sa taille sont des victoires supplémentaires pour le Colonel, qu’il n’a aucune mal à lui accorder. Son adversaire est redoutable. Et s’il s’écoutait, il arrêterait le combat.
Alors pourquoi ne quitte-t-il pas le terrain ?
Nous ne VOooUuLONS PAS. TU AIMES. Comme NOUS. Le saang le COMBAT SAIGNER SAIGNER C’EST SI BON DE SAIGNER.
Sa main droite se referme sur la poignée de son épée. Le contact familier du cuir usé épouse les cicatrices de ses doigts abîmés. Il raffermit son emprise et élève lentement son arme devant lui.
La lame est courte, épaisse, aux bords affûtés. La pointe est épaisse, l’épée est solide. Bien loin des rapières élégantes ou des armes d’estoc. Elle n’est pas seulement faite pour percer, non ; elle est faite pour briser. Pour écraser. Pour user les chairs et l’esprit. Le potentiel mortel est mis de côté ; l’objectif est de blesser l’adversaire voire l’handicaper. Enfoncer une pièce d’armure, fendre un casque, broyer un os tapi sous une écorce de chair. Elle n’est pas faite pour des danses élégantes et envoûtantes, non, elle est faite pour déchirer, éclater, massacrer.
Ses imperfections témoignent d’histoires auxquelles Aimable n’accorde aucune valeurs. Des histoires de combat où seuls les plus chanceux – les plus violents – survivent. Des histoires cauchemardesques qui hantent ses nuits. Il se voit dormir sur les membres arrachés et les os broyés, il entend les morts et les agonisants gémir sous ses pieds. Il sent leurs souffles froids dans sa nuque et leur sang visqueux sur ses doigts, les éclaboussures de vie qui giclent dans ses yeux, la Mort qui l’embrasse à pleine bouche. Son haleine aigre et métallique mêlée à la sienne, son humanité qui s’arrache à chaque coup porté.
Aimable raffermit nerveusement l’emprise sur la poignée de son épée. Le pommeau est en métal, de forme circulaire bien que terminée d’une discrète pointe. Un balancier, pour soulager le travail de ses bras ou servir d’arme de frappe si la lame est inutilisable. La garde est en croix : elle protège ses doigts des coups. Elle protège son âme du Démon qu’il renferme.
Il n’est plus tapi derrière son bouclier.
Il se tient droit. Le côté droit, en avant. La lame levée vers son adversaire. Son souffle est hésitant, tantôt rapide, tantôt d’une lenteur inquiétante, si discrète qu’il semble à peine respirer. Ses pupilles alternent entre l’ombre et la lumière. Les fragrances putrides des morts remontent jusqu’à ses narines, troublant ses sens ; est il ici ou là bas ? Dans sa tête, dans un passé qu’il ne peut pas oublier, dans un présent si présent qu’il ne sait plus où il est.
Il ravale sa salive, s’étrangle, tousse et crache un nouveau filet de sang, qu’il essuie d’un revers de manche. Son nez saigne.
Son souffle est lent. Il n’est plus courbé : il se tient droit. Les blessures ne semblent plus l’inquiéter, il attend quelques secondes, aux aguets. Et l’on croirait presque le voir sourire. Amusé ou torturé ? Difficile à dire. Ses yeux sont pris d’un combat que personne ne peut voir. Ses traits sont tirés de fatigue et pourtant, il apparaît plus léger. Libéré de son bouclier, libéré d’un poids qui le retenait ; il n’y a que son corps à traîner. Un tas d’os et d’acier.
Soudain, Aimable s’élance. Un pied en avant, le bras se tend, la pointe fend l’air pour tenter de toucher son adversaire à l’épaule. La force donnée à l’impact reste maîtrisée. Un coup puissant dans l’épaule, pour désarçonner l’adversaire… Mais il a crainte de le toucher. De le blesser, réellement. Ses muscles se contractent, luttent contre l’avancée de l’épée, elle se rétracte comme un serpent – avant de frapper de nouveau, en pointe, vers l’abducteur.
L’Ouroboros lui a échappé. Sa pression est là, dans ses veines. Aimable resserre l’emprise sur sa croix, au point de s’en blesser ; volontairement, il écrase la pulpe de ses doigts contre les piques d’acier. La Voix, en réponse, presse ses plaies pour contraindre le saignement. Aimable sent sa MAIN PLEINE D’OS saisir son poignet pour le contraindre à frapper une nouvelle fois, un fauché des jambes pour le mettre à terre.
Nous AIMoOns jOUER avec la PROIE
Aimable n'a plus son bouclier. Le rempart s'est fragilisé. Le Chevalier fait face à la Bête et au Loup, le coeur saisi d'une peur et d'une excitation sans pareilles. Le coeur qui bat comme un tambour de guerre, le corps empli d'adrénaline. Ses mouvements sont moins raides, plus vifs, plus violents. A la recherche d'une douleur qui le fait frémir. De plaisir.
Son esprit lutte et s'affaiblit. Il se sent faillir et pourtant, il n'en ressort que plus puissant. Ses gestes sont plus rapides. Il ne réfléchit plus. Il n'utilise plus les techniques qu'il a appris. Il attaque, attaque, à de nombreuses reprises, son poing si serré sur sa croix qu'il en saigne. Il ne sent plus la douleur. Il n'y a que cette ivresse, faite de sang et de bile, d'os et de chair, de vie et de mort qui valsent autour d'eux, qui les entraînent.
Son sourire n'est pas le sien.
Un éclat attire son regard. La croix au sol.
L'acier souillé de sang. Reflète l'éclat du soleil.
La croix si paisible, blottie dans le sable et la poussière. Son humanité mise à terre.
Comme lui. Aimable a posé un genou à terre. Il sent que sa rotule menace de se déplacer. Poussée par une pression interne si vive qu'il la contient à deux mains, tenant son genou comme il a tenu sa croix. Il la maintient en place et l'Ouroboros, frustré, retourne à ses entrailles. Il a lâché son épée. Son souffle, son coeur, sont si lents qu'il a peur de s'évanouir. Il doit se reprendre.
_ Crampes. Vieilles douleurs, balbutie Aimable, d'une voix pâteuse. Il faut toujours mentir. Se justifier. Cacher la réalité.
Il ne s'est pas transformé. Il s'est repris à temps.
Leurs spectateurs ne semblent se douter de rien, il les entend vanter leurs performances sans réellement les écouter. La douleur lui donne le vertige mais il se force à ramasser sa croix, qu'il glisse autour de son cou. Son épée, qu'il glisse dans son fourreau.
Ses mouvements sont raides. Douloureux. Son souffle s'accélère.
_ Bravo. Pour votre... victoire, Colonel. Vous êtes un combattant... Exceptionnel, complimente-t-il dans une petite moue, allant récupérer son bouclier qu'il repose sur son épaule.
Ses yeux clairs reviennent sur sa main gauche. Les piques d'acier ont percé la pulpe de son pouce, son majeur et son annulaire. Une plaie perce à présent l'intérieur de sa paume. Il va devoir nettoyer et bander tout ça.
Jeu 8 Juil - 10:52
Cela faisait si longtemps qu’il ne s’était pas senti si bien.
Ivre de douleur. Il peine à rassembler ses pensées. La bouche sèche, il ravale vainement sa salive pour se soulager – C’EST DU SANG QUE NOUS VOULONS.
La souffrance est une maîtresse si tendre. Elle glisse ses mains aux ongles aiguisés le long de sa peau. Elle rit, succube terrible, parcourant de sa langue brûlante ses chairs mises à nu. Ses lèvres incandescentes s’écartent, dévoilant des crocs effilés qu’elle plante impitoyablement dans les articulations de ses doigts, de ses épaules. Le sang qui coule de ses plaies est une offrande, non, l’espoir d’une rédemption à laquelle il ne croit plus, pas quand la souffrance susurre à son oreille – encore ! Encore ! Sentir son corps heurter celui de son adversaire, s’heurter jusqu’à ce que sa peau éclate et que ses os se brisent. Jusqu’où irait la souffrance ? Jusqu’à quelle profondeur viendrait-elle s’insérer en lui, vorace, avide, possessive ? Il veut la sentir en lui, sentir chaque fibre se tendre, sentir son cœur battre, la violence dans ses veines monter jusqu’à sa tête, un alcool qu’il boirait jusqu’à s’en noyer. Immergé enfin dans un monde semblable à celui des cauchemars qui hantent ses nuits.
Où la mort et la vie s’enlacent et s’embrassent, leurs mains nouées et leur souffle entremêlé, une danse où son existence est en suspens. Où il n’est plus question d’être humain ou monstre, mais d’être, d’être, d’être et de continuer à être quelques secondes de plus.
Il veut la sentir, sentir la vie l’empoigner à pleines griffes et la mort plaquer son corps froid contre le sien. A moins que ce ne soit l’Ouroboros qui ne désire que s’arracher de sa prison de chair ? La souffrance est libératrice, expiatrice, elle le tue et le fait vivre.
Mais il y a ce satané corps qui le rappelle à la réalité, la lourdeur de ses membres, la fatigue, le manque d’air, l’usure des articulations, le poids sur ses épaules. Ses valeurs qui le ramènent à la vie qu’il veut mener – pas ce fantasme qu’il ne doit pas même désirer. Il a envie de plus, mais il ne peut pas, il ne veut pas, il ne faut pas.
Sa conscience le rattrape. Elle musèle ces pensées, les tire en arrière. Ses mains tremblent.
Aimable s’efforce de l’ignorer, observant la lame qui s’est plantée dans le sol, si proche de lui. Les images qui s’imposent à son esprit sont nombreuses, assez affreuses pour qu’Aimable sente un frisson inexplicable le saisir – non, il ne doit pas nourrir les visions de l’Ouroboros.
Le poids autour de son cou le rappelle à un sort funeste. Que fait-on des monstres comme lui ? Dans le meilleur des cas, on les pend. Dans les pires, Dieu les renvoie aux enfers. Il garde nerveusement sa croix au creux de sa paume. Que donnerait-il pour expier le mal de son corps ? Pour être… Comme tout le monde. Il a pourtant l’impression de fuir la douleur, les combats, il ne les apprécie pas – alors pourquoi une part en lui les recherche ? Quels désirs honteux se tapissent au fond de son inconscient ? A moins que ces fantasmes ne soient ceux du monstre dont il sert d’hôte ?
Troublé, la voix du Colonel l’arrache de ses rêveries et finalement, il esquisse un sourire.
Il est si rare qu’un tel geste lui échappe. Ce ne sont que le coin d’une lèvre qui s’élève. Les rides qui s’étirent sur sa joue et ses yeux, humblement, qui s’abaissent face au regard du Marquis. Un son rauque s’arrache de ses lèvres, grondement ou râle, non, c’est un rire qu’il étouffe aussi vite qu’il s’est fait entendre.
_ Je ne vous flatte pas. Je le pense.
Les De Bayard ne sont pas connus pour mentir. A dire vrai, on a même que trop tendance à leur reprocher leur franc parler.
_ Vous êtes plus endurant que moi. Vous auriez gagné. Très agressif, dans votre style d’attaque. Vos mouvements sont souples, précis, peut-être parfois précipités mais vous palliez par votre célérité.
Il espérait que, par ces mots, il satisferait la curiosité des badauds et le pari des deux spectateurs. D’ailleurs, le plus jeune d’entre eux va fièrement voir le plus bougon, qui se contente de grommeler alors les deux s’éloignaient enfin. Loin de leur regard, Aimable s’autorise à relâcher la tension de ses épaules.
Quand le marquis s’agenouille près de lui, Aimable cligne des paupières, pris de court. Il baisse plus encore la tête vers le sol, relâchant sa croix pour essuyer sa main sur son pantalon, laissant une traînée ensanglantée sur le tissu. Ses vêtements en avaient vu bien d’autres.
_ Ne vous inquiétez pas pour moi.
L’homme a toujours fait preuve de respect envers lui. Sa sollicitude le déstabilise, et s’il avait pu s’en effrayer au début, il commence à s’interroger. Que lui veut-il ? La méfiance revient, jusqu’à ce que Gabriel lui offre sa main en toute sympathie.
Sa main.
Il a le souvenir d’Eleanor. C’est elle, qui l’a demandé en mariage. C’est elle qui l’a approché, qui a pris ses mains dans les siennes, qui l’a embrassé. Pourquoi ? Elle avait laissé échapper un rire. Et si elle était là, elle rirait encore.
Parce que les gens peuvent avoir l’envie d’être amis avec lui.
Est-ce qu’il le méritait ? Bien sûr que non. Pas avec ce monstre dans sa tête et ce sang sur ses mains. Mais qui était-il pour décider ? Eleanor avait su se faire une place dans sa vie, avec douceur et patience, comme cet homme devant lui.
LOUP ! LOUP ! L̷̨̪̜̘͇̭̰̦̈̃̽̎̓͋͊́̄͒̊̕͝͠Ò̴͕̲̰̞̘̬͔͖̙͍͓Ú̴͍̦͍̯̳͚̩̲͈͐͌̐̽̔͑̌͐͌̚͘͜ͅÙ̶͚͍̏͗̎͂̒̌͗Ǘ̵̖̹̞̝̎̋̈́̊̄̆̇́͊̍̕̕Ü̶͈̻̘͉̔͐̍̐̽́͘Ú̷̗͓̳̭̼̼̘̤͙̪͕͇͐̉Ǘ̷̧̙̓̃̑́͑̆Ų̸͙̻̰̗͈͈͈̬͎̦̓̏̀̌͂̊́̈́͗͜Ų̵̦̜̜̯͈̘͈͙̜͈͍̘̭̈́̓̂̃̈̓̌͆̒͆̏̈̆͝Ù̶̮̟̠̖̳̖̲͉̤̙̖̙̑̃́͆̔̾̋̉̋̈́̈́͝U̸̡̨͍͇̠͎͕͇͔͚͇̖̜͂̓́̔̑͐Ṳ̶̢̧̜̪̝̒̊̈̐̇U̵͎̦̘͕͙̱͙̇Ų̵̲̙̰͎͎̝̲̮͇̯̙͙͓̬͒͑̒̽̾̽͝͝U̷̢̲̪̣͇̝̹̙̝̯̖̙͒̊̿͠Ù̴͙̳̫͍͉̓́Û̵̧̨͖͎̩̹͖̠͉͓̼̣̜͘Ư̴̩̠̮̙̖̻͇̈̏̋͜Ü̸͈͍̼͖̰͎̣̻̰̋̈̉̀͌̒̄͝͝ͅP̷̮̫̪̯̖̪̍̃̾͑͊͛̃͒́̓̃͛͊!
Proteste l’Ouroboros.
Et alors ? La Voix a eu ce qu’elle voulait, elle s’est battue ! Alors qu’elle laisse un peu de répit au Chevalier.
Maladroitement, sa main droite se saisit de celle du Marquis. Aucune blessure, sur celle là. Il ne veut pas prendre le risque de souiller l’homme.
Sa main est étrangement grande et courtaude à la fois. Les jointures élégamment dessinées apportent une surprenante finesse à ses doigts épais, étrangement allongés. Sa paume est large, une peau épaisse protège tant bien que mal un tas de chair et d’os – d’os. Sa main est lourde, bien plus lourde que celle d’un seul homme, et si Gabriel resserre l’étreinte de ses doigts… Il percevra probablement en dessous une musculature réelle, des articulations saillantes, des os solides.
Ce n’est pas seulement la main d’un combattant, c’est celle d’un homme qui a creusé la terre avec ses mains. Pour s’extraire d’une tombe dans laquelle il s’était lui-même enterré. C’est celle d’un homme qui a étranglé un autre pour survivre, sur un champ de bataille, quand il n’y avait plus les épées pour s’entretuer, quand la peur a pris le dessus. C’est celle d’un homme qui s’est flagellé des heures durant, pour expier des crimes que bien des litres de sang ne pourront jamais payer.
La main d’un homme lourde d’un fardeau qu’il ne veut pas partager. Et qu’il accepte, pourtant, de confier. Le temps d’une seconde. Le temps de se remettre sur pieds.
La traction exercée par le Marquis l’invite à se relever, convainquant ses articulations de se remettre en mouvement. La douleur se rétracte. La souffrance se détache. L’ivresse l’abandonne, il ne reste que l’épuisement. Une hébétude mêlée d’un étrange inconfort. Il préfère rapidement se détacher de l’homme, et peut-être que Gabriel a le temps de percevoir comme un mouvement discret, contre sa paume. L’ombre qui s’échappe, entre deux battements de paupières. Le parasite qui grouille sous son derme, qu’Aimable écrase en serrant le poing – l’Ouroboros se rétracte au fond de ses chairs. L’épée retourne à son fourreau, le bouclier, sur son épaule. Aimable nettoie rapidement sa main dans la fontaine, avant de l’entourer du mouchoir propre pour la protéger, en un geste habitué.
_ … Peut-être devrions-nous boire un verre dès à présent, si nos tenues vous paraissent suffisamment convenables pour ça.
Il a besoin de reprendre des forces. De l’alcool, un bon repas, quelque chose pour regagner du réconfort. Fuir cette douleur qu’il n’arrive plus à endurer et toutes ces responsabilités qu’il n’a pas envie de porter. L’Ouroboros est repu de violence, il accepte enfin de se reposer.
Sans lui, le Chevalier se sent vide. Plus serein. Plus vulnérable aussi. Il se dit, peut-être, plus capable de réfléchir.
Quoi que, vu la proposition qui vient de lui échapper, il n’en est pas si sûr. Accepter alors qu’ils… Oui. Après ce qu’ils viennent de vivre, Aimable a bien envie d’en savoir plus sur cet homme et ses intentions. Sur ce qu’il est. Et le loup… qu’il abrite.
Son cœur bat un peu plus vite, alors que par inadvertance, il glisse sa main gauche le long de son front, y abandonnant une nouvelle traînée de sang à laquelle il ne prête pas attention. Il fait quelques pas, récupérant le manteau qu’il a laissé là pour l’enfiler, dissimulant tant bien que mal les pans abîmés de sa chemise.
_ Je suis assoiffé et affamé, soupire-t-il.
Mais l'alcool et la bonne chère n'apaisent pas toutes les faims.
Si une part en lui aspire à la souffrance, l'autre désire le répit - un ami.
Ivre de douleur. Il peine à rassembler ses pensées. La bouche sèche, il ravale vainement sa salive pour se soulager – C’EST DU SANG QUE NOUS VOULONS.
La souffrance est une maîtresse si tendre. Elle glisse ses mains aux ongles aiguisés le long de sa peau. Elle rit, succube terrible, parcourant de sa langue brûlante ses chairs mises à nu. Ses lèvres incandescentes s’écartent, dévoilant des crocs effilés qu’elle plante impitoyablement dans les articulations de ses doigts, de ses épaules. Le sang qui coule de ses plaies est une offrande, non, l’espoir d’une rédemption à laquelle il ne croit plus, pas quand la souffrance susurre à son oreille – encore ! Encore ! Sentir son corps heurter celui de son adversaire, s’heurter jusqu’à ce que sa peau éclate et que ses os se brisent. Jusqu’où irait la souffrance ? Jusqu’à quelle profondeur viendrait-elle s’insérer en lui, vorace, avide, possessive ? Il veut la sentir en lui, sentir chaque fibre se tendre, sentir son cœur battre, la violence dans ses veines monter jusqu’à sa tête, un alcool qu’il boirait jusqu’à s’en noyer. Immergé enfin dans un monde semblable à celui des cauchemars qui hantent ses nuits.
Où la mort et la vie s’enlacent et s’embrassent, leurs mains nouées et leur souffle entremêlé, une danse où son existence est en suspens. Où il n’est plus question d’être humain ou monstre, mais d’être, d’être, d’être et de continuer à être quelques secondes de plus.
Il veut la sentir, sentir la vie l’empoigner à pleines griffes et la mort plaquer son corps froid contre le sien. A moins que ce ne soit l’Ouroboros qui ne désire que s’arracher de sa prison de chair ? La souffrance est libératrice, expiatrice, elle le tue et le fait vivre.
Mais il y a ce satané corps qui le rappelle à la réalité, la lourdeur de ses membres, la fatigue, le manque d’air, l’usure des articulations, le poids sur ses épaules. Ses valeurs qui le ramènent à la vie qu’il veut mener – pas ce fantasme qu’il ne doit pas même désirer. Il a envie de plus, mais il ne peut pas, il ne veut pas, il ne faut pas.
Sa conscience le rattrape. Elle musèle ces pensées, les tire en arrière. Ses mains tremblent.
ENCORE !
ENCORE ! QU’IL NOUS DECHIRE ! QU’IL NOUS MORDE ! LE LOUP !
NOS ENTRAILLES AU SOL ET SA GORGE DANS NOS CROCS, ECRASER, TUER, SOUFFRIR ! SOUFFRIR !
NOUS AIMONS SOUFFRIR ET NOUS AIMONS TUER
TUER
ENCORE ! QU’IL NOUS DECHIRE ! QU’IL NOUS MORDE ! LE LOUP !
NOS ENTRAILLES AU SOL ET SA GORGE DANS NOS CROCS, ECRASER, TUER, SOUFFRIR ! SOUFFRIR !
NOUS AIMONS SOUFFRIR ET NOUS AIMONS TUER
TUER
Aimable s’efforce de l’ignorer, observant la lame qui s’est plantée dans le sol, si proche de lui. Les images qui s’imposent à son esprit sont nombreuses, assez affreuses pour qu’Aimable sente un frisson inexplicable le saisir – non, il ne doit pas nourrir les visions de l’Ouroboros.
Le poids autour de son cou le rappelle à un sort funeste. Que fait-on des monstres comme lui ? Dans le meilleur des cas, on les pend. Dans les pires, Dieu les renvoie aux enfers. Il garde nerveusement sa croix au creux de sa paume. Que donnerait-il pour expier le mal de son corps ? Pour être… Comme tout le monde. Il a pourtant l’impression de fuir la douleur, les combats, il ne les apprécie pas – alors pourquoi une part en lui les recherche ? Quels désirs honteux se tapissent au fond de son inconscient ? A moins que ces fantasmes ne soient ceux du monstre dont il sert d’hôte ?
Troublé, la voix du Colonel l’arrache de ses rêveries et finalement, il esquisse un sourire.
Il est si rare qu’un tel geste lui échappe. Ce ne sont que le coin d’une lèvre qui s’élève. Les rides qui s’étirent sur sa joue et ses yeux, humblement, qui s’abaissent face au regard du Marquis. Un son rauque s’arrache de ses lèvres, grondement ou râle, non, c’est un rire qu’il étouffe aussi vite qu’il s’est fait entendre.
_ Je ne vous flatte pas. Je le pense.
Les De Bayard ne sont pas connus pour mentir. A dire vrai, on a même que trop tendance à leur reprocher leur franc parler.
_ Vous êtes plus endurant que moi. Vous auriez gagné. Très agressif, dans votre style d’attaque. Vos mouvements sont souples, précis, peut-être parfois précipités mais vous palliez par votre célérité.
Il espérait que, par ces mots, il satisferait la curiosité des badauds et le pari des deux spectateurs. D’ailleurs, le plus jeune d’entre eux va fièrement voir le plus bougon, qui se contente de grommeler alors les deux s’éloignaient enfin. Loin de leur regard, Aimable s’autorise à relâcher la tension de ses épaules.
Quand le marquis s’agenouille près de lui, Aimable cligne des paupières, pris de court. Il baisse plus encore la tête vers le sol, relâchant sa croix pour essuyer sa main sur son pantalon, laissant une traînée ensanglantée sur le tissu. Ses vêtements en avaient vu bien d’autres.
_ Ne vous inquiétez pas pour moi.
L’homme a toujours fait preuve de respect envers lui. Sa sollicitude le déstabilise, et s’il avait pu s’en effrayer au début, il commence à s’interroger. Que lui veut-il ? La méfiance revient, jusqu’à ce que Gabriel lui offre sa main en toute sympathie.
Sa main.
Il a le souvenir d’Eleanor. C’est elle, qui l’a demandé en mariage. C’est elle qui l’a approché, qui a pris ses mains dans les siennes, qui l’a embrassé. Pourquoi ? Elle avait laissé échapper un rire. Et si elle était là, elle rirait encore.
Parce que les gens peuvent avoir l’envie d’être amis avec lui.
Est-ce qu’il le méritait ? Bien sûr que non. Pas avec ce monstre dans sa tête et ce sang sur ses mains. Mais qui était-il pour décider ? Eleanor avait su se faire une place dans sa vie, avec douceur et patience, comme cet homme devant lui.
LOUP ! LOUP ! L̷̨̪̜̘͇̭̰̦̈̃̽̎̓͋͊́̄͒̊̕͝͠Ò̴͕̲̰̞̘̬͔͖̙͍͓Ú̴͍̦͍̯̳͚̩̲͈͐͌̐̽̔͑̌͐͌̚͘͜ͅÙ̶͚͍̏͗̎͂̒̌͗Ǘ̵̖̹̞̝̎̋̈́̊̄̆̇́͊̍̕̕Ü̶͈̻̘͉̔͐̍̐̽́͘Ú̷̗͓̳̭̼̼̘̤͙̪͕͇͐̉Ǘ̷̧̙̓̃̑́͑̆Ų̸͙̻̰̗͈͈͈̬͎̦̓̏̀̌͂̊́̈́͗͜Ų̵̦̜̜̯͈̘͈͙̜͈͍̘̭̈́̓̂̃̈̓̌͆̒͆̏̈̆͝Ù̶̮̟̠̖̳̖̲͉̤̙̖̙̑̃́͆̔̾̋̉̋̈́̈́͝U̸̡̨͍͇̠͎͕͇͔͚͇̖̜͂̓́̔̑͐Ṳ̶̢̧̜̪̝̒̊̈̐̇U̵͎̦̘͕͙̱͙̇Ų̵̲̙̰͎͎̝̲̮͇̯̙͙͓̬͒͑̒̽̾̽͝͝U̷̢̲̪̣͇̝̹̙̝̯̖̙͒̊̿͠Ù̴͙̳̫͍͉̓́Û̵̧̨͖͎̩̹͖̠͉͓̼̣̜͘Ư̴̩̠̮̙̖̻͇̈̏̋͜Ü̸͈͍̼͖̰͎̣̻̰̋̈̉̀͌̒̄͝͝ͅP̷̮̫̪̯̖̪̍̃̾͑͊͛̃͒́̓̃͛͊!
Proteste l’Ouroboros.
Et alors ? La Voix a eu ce qu’elle voulait, elle s’est battue ! Alors qu’elle laisse un peu de répit au Chevalier.
Maladroitement, sa main droite se saisit de celle du Marquis. Aucune blessure, sur celle là. Il ne veut pas prendre le risque de souiller l’homme.
Sa main est étrangement grande et courtaude à la fois. Les jointures élégamment dessinées apportent une surprenante finesse à ses doigts épais, étrangement allongés. Sa paume est large, une peau épaisse protège tant bien que mal un tas de chair et d’os – d’os. Sa main est lourde, bien plus lourde que celle d’un seul homme, et si Gabriel resserre l’étreinte de ses doigts… Il percevra probablement en dessous une musculature réelle, des articulations saillantes, des os solides.
Ce n’est pas seulement la main d’un combattant, c’est celle d’un homme qui a creusé la terre avec ses mains. Pour s’extraire d’une tombe dans laquelle il s’était lui-même enterré. C’est celle d’un homme qui a étranglé un autre pour survivre, sur un champ de bataille, quand il n’y avait plus les épées pour s’entretuer, quand la peur a pris le dessus. C’est celle d’un homme qui s’est flagellé des heures durant, pour expier des crimes que bien des litres de sang ne pourront jamais payer.
La main d’un homme lourde d’un fardeau qu’il ne veut pas partager. Et qu’il accepte, pourtant, de confier. Le temps d’une seconde. Le temps de se remettre sur pieds.
La traction exercée par le Marquis l’invite à se relever, convainquant ses articulations de se remettre en mouvement. La douleur se rétracte. La souffrance se détache. L’ivresse l’abandonne, il ne reste que l’épuisement. Une hébétude mêlée d’un étrange inconfort. Il préfère rapidement se détacher de l’homme, et peut-être que Gabriel a le temps de percevoir comme un mouvement discret, contre sa paume. L’ombre qui s’échappe, entre deux battements de paupières. Le parasite qui grouille sous son derme, qu’Aimable écrase en serrant le poing – l’Ouroboros se rétracte au fond de ses chairs. L’épée retourne à son fourreau, le bouclier, sur son épaule. Aimable nettoie rapidement sa main dans la fontaine, avant de l’entourer du mouchoir propre pour la protéger, en un geste habitué.
_ … Peut-être devrions-nous boire un verre dès à présent, si nos tenues vous paraissent suffisamment convenables pour ça.
Il a besoin de reprendre des forces. De l’alcool, un bon repas, quelque chose pour regagner du réconfort. Fuir cette douleur qu’il n’arrive plus à endurer et toutes ces responsabilités qu’il n’a pas envie de porter. L’Ouroboros est repu de violence, il accepte enfin de se reposer.
Sans lui, le Chevalier se sent vide. Plus serein. Plus vulnérable aussi. Il se dit, peut-être, plus capable de réfléchir.
Quoi que, vu la proposition qui vient de lui échapper, il n’en est pas si sûr. Accepter alors qu’ils… Oui. Après ce qu’ils viennent de vivre, Aimable a bien envie d’en savoir plus sur cet homme et ses intentions. Sur ce qu’il est. Et le loup… qu’il abrite.
Son cœur bat un peu plus vite, alors que par inadvertance, il glisse sa main gauche le long de son front, y abandonnant une nouvelle traînée de sang à laquelle il ne prête pas attention. Il fait quelques pas, récupérant le manteau qu’il a laissé là pour l’enfiler, dissimulant tant bien que mal les pans abîmés de sa chemise.
_ Je suis assoiffé et affamé, soupire-t-il.
Mais l'alcool et la bonne chère n'apaisent pas toutes les faims.
Si une part en lui aspire à la souffrance, l'autre désire le répit - un ami.
Ven 30 Juil - 12:00
La remarque du Marquis lui fait lever un sourcil.
Ca lui rappelait quelqu’un, tiens. June et son perfectionnisme. Il se souviendrait toujours de ce gamin qui sautait de partout pour entraîner son piqué, sa lame fendant l’air inlassablement, ses genoux épousant le sol jusqu’à en avoir les chairs mises à nu. Pouvait-on vraiment tirer de la force d’un corps ainsi malmené ?
Aimable ne saurait pas répondre à cette question. Son corps a été tant de fois brisé qu’il se demande encore comment il tient debout. Les douleurs rongent ses articulations et tirent ses muscles. Mais il sait que malgré l’épuisement, il devra tenir. Comme Altas porte le monde sur ses épaules, c’est l’Ouroboros qu’il doit contenir – combien même finira-t-il par disloquer ses membres.
Quelle force tient-on d’un corps rompu ?
Quelle force pousse June à se relever malgré ses genoux emperlés de sang ?
Quelle force anime Aimable lorsqu’il se redresse avec dignité, malgré le poids qui voûte sa nuque ?
A croire que l’âme ne se forge qu’une fois le corps usé. Quand les muscles brûlent, quand les tendons sont faits de ronce, quand le souffle manque et que la raison vacille, il y a cette puissance qui les tient. Détermination, foi, volonté, amour, espoir, survie, il y a tant de mots et pourtant, aucun ne convient.
_ Les meilleurs combattants connaissent leurs faiblesses et les exploitent. Votre précipitation fait que vos attaques sont imprévisibles et votre agressivité ferait reculer les plus couards… N’allez pas les pallier. Elles font de vous un terrible adversaire.
L’Ouroboros est sa faiblesse et pourtant, sans lui, Dieu seul sait combien de fois il aurait pu périr en combat. A cette pensée, Aimable masse songeusement ses doigts abimés.
_... Disons qu’il est peu habituel qu’un combattant fasse preuve de compassion envers son adversaire. Mais je vous en remercie.
Décidément, le Marquis partage la même bonté d’âme que June. Leur sourire chaleureux n’est que le miroir d’un cœur vaillant, d’une générosité étrangement innocente aux yeux du De Bayard. Leur lumière le laisse toujours étourdi, sidéré d’une telle gentillesse dans ce monde fait de sang et d’haine qu’il n’a que trop connu. Lui ? La Voix lui a appris à voir derrière les sourires, des rictus menaçants. Dans la main qui s’offre, celle d’un poing prêt à s’abattre. Il est prisonnier de sa propre chair, à partager la même écorce que celle d’un monstre, embourbé dans sa vision si affreuse du monde : un monde fait de vices, de mensonges, de violence. VIOLENCE.
Il suffit d’un moment d’inattention pour qu’il s’enfonce. Pour qu’il sente Ses mains OSSEUSES saisir ses chevilles, ses épaules, l’attirer dans cet univers si sombre. Ses sens qui s’éteignent. Le corps prisonnier d’une étreinte indéfinissable, de griffes qui le déchirent et mettent ses os à nus, de mâchoires qui mâchent inlassablement sa musculature. La vision obscurcie, le nez et la bouche emplis d’une atmosphère liquide, aigre et métallique. Parfois, des scènes s’imposent à lui, des cauchemars dont il ne peut, ne VEUT PAS se souvenir. L’oubli et le déni sont nécessaires pour survivre – pour que sa santé mentale Lui résiste.
Des âmes comme le Marquis, il n’en a croisé que très peu dans sa vie. Et elles apparaissent au loin de ce bourbier morbide. Que sont-elles ? Feux follets éthérés, flammeroles morbides, menaces désincarnées. Vont-elles le tromper ? L’inviter à s’approcher, pour mieux sombrer dans les abysses. Ou sont-elles quelques rayons célestes, envoyés pour le sauver de cette tourbière putréfiée. Cette tombe où tant d’êtres ont péri. Il titube parmi les cadavres des anciens hôtes, parfois, il trébuche et ses mains plongent dans les corps éviscérés des victimes.
Quelle force pousse Aimable à se relever, malgré ses mains souillées de sang ?
Une force qu’il n’explique pas, une force que seule une lumière parvient à raviver. A croire qu’une telle clarté fait écho en lui, à croire qu’au fin fond de cette obscurité, il persiste un feu qui ne demande qu’à brûler.
La question de Gabriel l’arrache de ses pensées. Décidément, l’homme rechigne à abandonner ses bonnes habitudes- Aimable ne pourra jamais le lui reprocher. La lumière semble plus proche, assez pour qu’Aimable croie ressentir sa chaleur irradier malgré l’obscurité qu’elle renforce. L’Ouroboros gronde, tapi dans son ombre, mais Aimable l’ignore.
_ Je vais mieux. Et vous ? Comment allez-vous ?
Son sourire est d’un tel éclat qu’Aimable préfère humblement baisser les yeux. Comme ébloui. Il n’a pas l’habitude qu’un geste aussi simple… puisse étrangement le blesser. L’impression de ne pas être à sa place – de ne pas être digne, de ne pas être… Ah, il n’a plus l’énergie d’y penser : il laisse ses doutes retomber dans la boue et en réponse, ils s’enchaînent à ses chevilles.
_ Je n’ai pas peur de montrer mes coupures. A moins que vous n’ayez honte des marques qui entachent votre tenue.
Aimable n’a guère l’humour de son frère Côme et pourtant, ceux qui le connaissent y verront une boutade presque malicieuse. Le Chevalier est issu des Montagnes, d’un domaine où les guerriers sont tous semblables : là bas, nobles et brigands affichent les mêmes cicatrices. Ils passent plus de temps à parcourir leurs terres à cheval qu’à assister à des soirées mondaines. Une rusticité qui le démarque de bien des autres gradés à la Capitale.
_ Enfin… Pour nos images respectives, il est préférable que nous nous affichions mieux vêtus. J’accepte votre invitation ; en ce cas, je vous laisserai décider du plat et de la boisson.
L’homme possédait une richesse probablement bien supérieure à la sienne… Pour autant, Aimable ne se voit guère en abuser. Ses bras se joignent dans son dos, invitant son dos à se creuser avant qu’il ne s’incline légèrement, avec sa rigueur militaire habituelle.
_ Je vous retrouve à l’entrée du camp d’entraînement. Je vous remercie une fois encore.
Aimable finit par se détourner, relâchant alors sa posture pour se glisser silencieusement dans les ombres entourant la zone d’entraînement. Sa silhouette s’efface sans un son et pourtant, son pas lui semble plus léger, malgré le poids à ses chevilles.
Ca lui rappelait quelqu’un, tiens. June et son perfectionnisme. Il se souviendrait toujours de ce gamin qui sautait de partout pour entraîner son piqué, sa lame fendant l’air inlassablement, ses genoux épousant le sol jusqu’à en avoir les chairs mises à nu. Pouvait-on vraiment tirer de la force d’un corps ainsi malmené ?
Aimable ne saurait pas répondre à cette question. Son corps a été tant de fois brisé qu’il se demande encore comment il tient debout. Les douleurs rongent ses articulations et tirent ses muscles. Mais il sait que malgré l’épuisement, il devra tenir. Comme Altas porte le monde sur ses épaules, c’est l’Ouroboros qu’il doit contenir – combien même finira-t-il par disloquer ses membres.
Quelle force tient-on d’un corps rompu ?
Quelle force pousse June à se relever malgré ses genoux emperlés de sang ?
Quelle force anime Aimable lorsqu’il se redresse avec dignité, malgré le poids qui voûte sa nuque ?
A croire que l’âme ne se forge qu’une fois le corps usé. Quand les muscles brûlent, quand les tendons sont faits de ronce, quand le souffle manque et que la raison vacille, il y a cette puissance qui les tient. Détermination, foi, volonté, amour, espoir, survie, il y a tant de mots et pourtant, aucun ne convient.
_ Les meilleurs combattants connaissent leurs faiblesses et les exploitent. Votre précipitation fait que vos attaques sont imprévisibles et votre agressivité ferait reculer les plus couards… N’allez pas les pallier. Elles font de vous un terrible adversaire.
L’Ouroboros est sa faiblesse et pourtant, sans lui, Dieu seul sait combien de fois il aurait pu périr en combat. A cette pensée, Aimable masse songeusement ses doigts abimés.
_... Disons qu’il est peu habituel qu’un combattant fasse preuve de compassion envers son adversaire. Mais je vous en remercie.
Décidément, le Marquis partage la même bonté d’âme que June. Leur sourire chaleureux n’est que le miroir d’un cœur vaillant, d’une générosité étrangement innocente aux yeux du De Bayard. Leur lumière le laisse toujours étourdi, sidéré d’une telle gentillesse dans ce monde fait de sang et d’haine qu’il n’a que trop connu. Lui ? La Voix lui a appris à voir derrière les sourires, des rictus menaçants. Dans la main qui s’offre, celle d’un poing prêt à s’abattre. Il est prisonnier de sa propre chair, à partager la même écorce que celle d’un monstre, embourbé dans sa vision si affreuse du monde : un monde fait de vices, de mensonges, de violence. VIOLENCE.
Il suffit d’un moment d’inattention pour qu’il s’enfonce. Pour qu’il sente Ses mains OSSEUSES saisir ses chevilles, ses épaules, l’attirer dans cet univers si sombre. Ses sens qui s’éteignent. Le corps prisonnier d’une étreinte indéfinissable, de griffes qui le déchirent et mettent ses os à nus, de mâchoires qui mâchent inlassablement sa musculature. La vision obscurcie, le nez et la bouche emplis d’une atmosphère liquide, aigre et métallique. Parfois, des scènes s’imposent à lui, des cauchemars dont il ne peut, ne VEUT PAS se souvenir. L’oubli et le déni sont nécessaires pour survivre – pour que sa santé mentale Lui résiste.
Des âmes comme le Marquis, il n’en a croisé que très peu dans sa vie. Et elles apparaissent au loin de ce bourbier morbide. Que sont-elles ? Feux follets éthérés, flammeroles morbides, menaces désincarnées. Vont-elles le tromper ? L’inviter à s’approcher, pour mieux sombrer dans les abysses. Ou sont-elles quelques rayons célestes, envoyés pour le sauver de cette tourbière putréfiée. Cette tombe où tant d’êtres ont péri. Il titube parmi les cadavres des anciens hôtes, parfois, il trébuche et ses mains plongent dans les corps éviscérés des victimes.
Quelle force pousse Aimable à se relever, malgré ses mains souillées de sang ?
Une force qu’il n’explique pas, une force que seule une lumière parvient à raviver. A croire qu’une telle clarté fait écho en lui, à croire qu’au fin fond de cette obscurité, il persiste un feu qui ne demande qu’à brûler.
La question de Gabriel l’arrache de ses pensées. Décidément, l’homme rechigne à abandonner ses bonnes habitudes- Aimable ne pourra jamais le lui reprocher. La lumière semble plus proche, assez pour qu’Aimable croie ressentir sa chaleur irradier malgré l’obscurité qu’elle renforce. L’Ouroboros gronde, tapi dans son ombre, mais Aimable l’ignore.
_ Je vais mieux. Et vous ? Comment allez-vous ?
Son sourire est d’un tel éclat qu’Aimable préfère humblement baisser les yeux. Comme ébloui. Il n’a pas l’habitude qu’un geste aussi simple… puisse étrangement le blesser. L’impression de ne pas être à sa place – de ne pas être digne, de ne pas être… Ah, il n’a plus l’énergie d’y penser : il laisse ses doutes retomber dans la boue et en réponse, ils s’enchaînent à ses chevilles.
_ Je n’ai pas peur de montrer mes coupures. A moins que vous n’ayez honte des marques qui entachent votre tenue.
Aimable n’a guère l’humour de son frère Côme et pourtant, ceux qui le connaissent y verront une boutade presque malicieuse. Le Chevalier est issu des Montagnes, d’un domaine où les guerriers sont tous semblables : là bas, nobles et brigands affichent les mêmes cicatrices. Ils passent plus de temps à parcourir leurs terres à cheval qu’à assister à des soirées mondaines. Une rusticité qui le démarque de bien des autres gradés à la Capitale.
_ Enfin… Pour nos images respectives, il est préférable que nous nous affichions mieux vêtus. J’accepte votre invitation ; en ce cas, je vous laisserai décider du plat et de la boisson.
L’homme possédait une richesse probablement bien supérieure à la sienne… Pour autant, Aimable ne se voit guère en abuser. Ses bras se joignent dans son dos, invitant son dos à se creuser avant qu’il ne s’incline légèrement, avec sa rigueur militaire habituelle.
_ Je vous retrouve à l’entrée du camp d’entraînement. Je vous remercie une fois encore.
Aimable finit par se détourner, relâchant alors sa posture pour se glisser silencieusement dans les ombres entourant la zone d’entraînement. Sa silhouette s’efface sans un son et pourtant, son pas lui semble plus léger, malgré le poids à ses chevilles.