Éléonore est libre. Libre comme l'air. Libre comme ces oiseaux qu'elle observait depuis la fenêtre de sa chambre lorsqu'elle était encore prisonnière de sa cage dorée. Elle a abandonné les faux-semblants et se moque complètement de son image, préférant rester elle-même en toutes circonstances, quitte à heurter les sensibilités avec ses mœurs et son attitude.
Plutôt curieuse, la demoiselle est constamment à la recherche du plaisir, quelle qu'en soit la forme, et cherche à s'amuser avant tout. Il y a tellement de choses à faire et à voir en ce vaste de monde, tellement de bonnes choses à goûter et de gens à rencontrer ; tant de beaux hommes à enlacer et de belles femmes à embrasser. Éléonore n'a donc pas une seule seconde ou pensée à accorder aux règles et à la bienséance, pas plus qu'aux jeux politiques de son frère ou à ces devoirs qui lui incombent.

Grande amatrice d'aventures, on la croise souvent sur la route, sans un sou en poche, baluchon sur l'épaule, marchant vers l'horizon sans se soucier une seule seconde de sa destination. La louve, à qui on a appris à survivre seule dans la nature, aime non seulement dormir à la belle étoile mais aussi boire, chanter et danser autour d'un feu de camp avec ces compagnons de voyage qu'elle croise au hasard de ses périples. Quant aux bandits, la jeune femme ne les craint pas. Il faut dire qu'elle ne craint plus grand chose depuis sa transformation en louve, persuadée à tord que plus rien ne peut lui arriver maintenant que ses capacités physiques se sont élevées au-delà des limites humaines.
Hélas, toute aventure a une fin et celles d'Éléonore se terminent lorsqu'un vide commence à se former dans son cœur, un vide qui la pousse à faire demi-tour et à retrouver la seule attache qu'il lui reste en ce monde : son alpha.

La demoiselle est du genre extravertie et va facilement vers les autres, un peu trop facilement d'ailleurs : elle s'impose sans honte dans des conversations qui ne la concernent pas et n'a aucune notion d'espace personnel.
Elle n'en reste pas moins une compagnie agréable, quoique parfois énervante, et il est difficile d'imaginer qu'une part d'ombre puisse se cacher sous ses rires cristallins et son éternelle joie de vivre. Pourtant, même si elle ne l'avouera pas facilement, elle souffre toujours des cicatrices de son passé qui continuent de hanter ses nuits et qui, parfois, lorsqu'elle assume sa forme animale, se muent en une rage aussi ardente que les flammes qui l'ont consumée ce soir-là.
Si elle arrive aujourd'hui à contrôler sa forme animale, ça n'a pas toujours été le cas et il lui arrive encore de se laisser submerger par la volonté de la bête.

- infos en vrac -


extravertie ▬ énergique ▬ optimiste ▬ curieuse ▬ souriante ▬ pleine de joie de vivre ▬ taquine ▬ tactile ▬ impudique ▬ imprévisible ▬ impulsive ▬ tête de mule ▬ casse-cou ▬ téméraire



mesure un mètre soixante-quatre ▬ est gauchère ▬ sait écrire, sait et aime lire ▬ surtout les livres d'aventures ▬ a reçu une excellente éducation même si elle n'en fait plus usage ▬ était très douée au piano ▬ n'est pas toujours très mature ▬ a des accès de violence quand on la frustre ou qu'on l'énerve ▬ passe ses nerfs sur le mobilier et autres objets inanimés quand elle est en colère ▬ n'hésite plus à jouer des poings pour se défendre maintenant qu'elle en a la force ▬ aime boire ▬ sa langue se délie un peu trop lorsqu'elle est alcoolisée ▬ aime chanter et est une chanteuse décente ▬ aime danser et est une très bonne danseuse ▬ aime flirter ▬ est attirée par les hommes comme par les femmes ▬ ouverte d'esprit ▬ chasseuse avertie ▬ sait se débrouiller seule dans la nature ▬ aime la nature ▬ bouge beaucoup dans son sommeil ▬ sujette aux cauchemars ▬ ses rêves sont surtout hantés par les évènements de ce soir-là ▬ devenir une lycan est la meilleure chose qui lui soit arrivée ▬ louve au pelage brun très clair ▬ contrôle sa forme animale ▬ contrôle relatif ▬ quand sa louve reprend les rênes, elle se montre parfois très agressive ▬ elle est consciente de l'existence des vampires mais elle n'a jamais interagit avec l'un d'entre-eux ▬ pas à sa connaissance en tout cas

Pierre de Bourbon était un homme bon, un homme généreux et bienveillant qui profitait de tout ce que la vie avait à lui offrir. Il était en revanche bien médiocre dans sa fonction de Duc et ses décisions discutables ternissaient la réputation de la famille de Bourbon, que ses ancêtres s'étaient évertués à bâtir.
Si Pierre avait été plus consciencieux au matin du 6 Mai 1572, peut-être aurait-il annulé sa partie de chasse pour se concentrer sur ses affaires urgentes.
Ça lui aurait évité de faire une chute de cheval mortelle.

Éléonore, six ans, a pleuré toutes les larmes de son corps en apprenant qu'elle ne reverrait jamais son papa, pleuré à son enterrement et pleuré des semaines encore sans se douter des changements qui chambouleraient bientôt sa vie.

François, son fils ainé, seize ans, n'a jamais supporté que sa famille ait à subir critiques et moqueries à cause des actions de son père, c'est pour cette raison qu'en héritant du duché, il jura de redorer le blason de la maison de Bourbon.
Pierre riait des bêtises de ses enfants et savait tout pardonner, un laxisme dont Éléonore avait appris à abuser, mais François ne l'entendait pas de cette oreille et à ses yeux, sa famille se devait désormais de renvoyer une image parfaite.
Il se montra aussi exigeant qu'intransigeant avec son frère et ses trois sœurs, attendant un comportement exemplaire de leur part, et obtint le soutien de leur mère aisément, cette dernière partageant sa vision des choses.
Toute la famille fit des efforts afin de combler ses attentes.
Toute la famille.. à une exception près.

Éléonore était une enfant capricieuse et agitée qui se faisait remarquer partout où on l'emmenait, pas par méchanceté mais bien parce que c'était sa nature, et qui provoquait souvent l'ire de ses professeurs particuliers, qui n'arrivaient pas à capter son attention plus de cinq minutes.
Rester assise et concentrée des heures durant était au dessus de ses forces et à défaut de pouvoir aller s'amuser avec son épée en bois, elle s'imaginait vivre de grandes équipées, ses fantaisies alimentées par ces livres d'aventure qu'elle aimait tant, par ces contes épiques peuplés de chevaliers mais aussi de loups, géants, sorciers et brigands.

Ses leçons l'ennuyaient tant qu'elle décida, pour son neuvième anniversaire, de faire l'école buissonnière et d'aller s'amuser aux jardins.
François, furieux d'avoir dû endurer les remontrances du tuteur abandonné, l'a retrouvée en train de grimper aux arbres avec toute l'insouciance du monde.
Sais-tu combien de jeunes filles ont la chance d'avoir une éducation comme la tienne, lui a-t-il demandé, espérant que sa question réussirait enfin à lui faire entendre raison, à lui faire prendre conscience de sa chance, mais Éléonore n'a rien voulu entendre comme à son habitude. Au contraire, elle s'est mise à crier, refusant de rentrer au château ou de s'excuser, et François, surmené, en proie à un atroce mal de tête, incapable de gérer sa crise, a cédé à ses pulsions.
Sa main s'est abattue sur le visage de sa sœur, une gifle bien sentie qui réussit à la faire taire sur le champ.

Surpris par son propre geste, le jeune homme s'est empressé de présenter ses excuses mais il était déjà trop tard : la violence avait fonctionné et quatre mois seulement après l'incident, il utilisait à nouveau la force afin de mettre fin à un conflit qu'il n'avait ni le temps ni l'envie de gérer.
Petit à petit, les coups se firent plus fréquents, plus nombreux, et s'ils étaient tout d'abord utilisés pour la forcer à obéir, ils devinrent bien vite un moyen de la punir pour ses bêtises et ses faux pas.

Éléonore ne manquait de rien, pas même d'amour malgré les accès de violence de son frère, mais plus les années passaient et moins elle se sentait heureuse. Prisonnière d'un destin qu'on avait tracé pour elle, d'une perfection qu'elle était incapable d'assumer, elle voyait ses cours se multiplier et l'étouffer toujours un peu plus : il ne s'agissait plus seulement de bonnes manières, mathématiques, religion et grammaire mais aussi de littérature, poésie, latin, langues modernes, histoire, danse ou encore de musique.. et le plaisir, dans tout ça, où était-il ?
Bals et soirées mondaines se multipliaient aussi mais l'ennuyaient au plus haut point : qu'y avait-il d'intéressant à écouter des hommes discuter politique ou à échanger des futilités avec des femmes inintéressantes, à offrir des sourires et compliments à des gens qu'elle n'aimait aucunement ?
Éléonore avait besoin de s'amuser et malgré tous ses efforts pour entrer dans le moule et faire plaisir à son frère et à sa mère, son naturel revenait au galop et elle se faisait souvent remarquer d'une manière ou d'une autre.
À cause de son comportement, sa famille et elle avaient droit à de nombreuses remarques désobligeantes et moqueries, et c'est ce qui rendait François aussi furieux : tant que sa sœur n'en ferait qu'à sa tête, tous les efforts que sa famille fournissaient étaient vains et on continuerait de les railler.

Contre toute attente, François réussit à arranger un mariage politique entre sa sœur et un noble pourtant conscient de ses.. soucis de conduite.
Éléonore détestait l'idée de se marier, surtout dans ces conditions, mais il était évident que son avis sur la question ne comptait pas et elle voulait se montrer à la hauteur des attentes de sa famille ne serais-ce qu'une fois, c'est pourquoi elle se résigna à son sort et accepta ses fiançailles sans broncher.
Elle devint alors l'ombre d'elle-même, vide de curiosité et de joie de vivre, vide tout court, obéissante comme jamais elle ne l'avait été de toute sa vie, passant des nuits entières à pleurer ce destin dont elle ne voulait pas.

Pourtant, sa détresse fut telle la veille de son mariage qu'elle se glissa hors du château au beau milieu de la nuit, à l'insu de tous, pieds nus et en chemise de nuit, et se mit à courir droit devant elle, encore et encore, incapable de s'arrêter peu importe combien ses pieds et ses jambes la faisaient souffrir, peu importe combien son souffle se faisait court.
Elle devait fuir.

C'est le lendemain matin, épuisée par sa course, perdue au milieu des champs, qu'elle réalisa l'étendue de son action, qu'elle réalisa que sa famille devait déjà être en train de la chercher et que son époux se retrouverait bientôt seul devant l'autel.. et elle éclata de rire, un rire sincère, empreint d'une joie enfin retrouvée.
Éléonore, seize ans, s'est sentie libre pour la première fois de sa vie.

Durant trois jours, elle continua d'avancer sans jamais se retourner, offrant des sourires et des saluts de la main aux paysans qui la dévisageaient, sans doute alertés par sa tenue, et profitant de la générosité de ceux qui acceptèrent de lui offrir de quoi se remplir l'estomac.
Une vraie aventure !

Hélas, ses pas ne la menèrent pas bien loin et si elle réussit à échapper durant trois jours aux hommes que son frère avait envoyé à sa recherche, François lui-même réussit à retrouver sa trace, guidé par les témoignages des gens qu'elle a croisé sur sa route. Elle a bien tenté de s'échapper en le voyant arriver mais ses jambes n'eurent aucune chance face à la monture du Duc, qui la rattrapa en un instant, mettant ainsi un terme à sa petite excursion.

Si elle s'attendait à recevoir des coups et à se faire engueuler, il se contenta de la mettre sur son cheval et n'échangea pas un seul mot avec elle malgré cette colère intense qui se lisait sur son visage.
Une fois le soir venu, alors que le ciel se colorait de teintes orangées, François arrêta son cheval devant une ferme à l'abandon et entraîna sa petite sœur dans la grange où il l'attacha à une poutre en bois. Éléonore se laissa faire sans rien trouver d'anormal à son comportement : s'il comptait passer la nuit dans cet endroit et reprendre sa route vers le château au petit matin, sans doute avait-il peur qu'elle s'enfuie à nouveau s'il la laissait libre de ses mouvements.
C'est sans doute ce qu'elle aurait fait.

As-tu conscience de ce que tu as fait, lui demanda-t-il finalement sans obtenir de réponse, as-tu conscience des conséquences pour notre famille ?
Elle savait, bien sûr, tout comme elle savait qu'il était trop tard pour les excuses et les explications, c'est pourquoi elle garda le silence un moment avant de se résoudre à affirmer je t'aime, François.
C'était la vérité et ce malgré leur relation compliquée, c'était aussi sa manière à elle de lui faire comprendre qu'elle n'avait pas fugué dans l'intention de lui faire du mal ou de nuire à sa famille sans entrer dans une conversation qu'il n'était à priori pas encore disposé à avoir.
L'homme se contenta de répondre un vague moi aussi avant de s'asseoir et de prendre sa tête dans ses mains, une position dans laquelle il resta un moment, s'accordant de longues minutes de réflexion au bout desquelles il parvint à la pire des conclusions.

Pardonne-moi, demanda-t-il alors en allumant une torche dont il se servit pour allumer un feu qui ne tarderait pas à consumer l'ensemble du bâtiment.
Éléonore, comprenant immédiatement ce qu'il se passait, paniquée, hurla après son frère sans s'arrêter, s'excusant et promettant de lui obéir au doigt et à l'œil, mais ce dernier remonta sur son cheval et reprit sa route.
Elle ne garde que de vague souvenirs de cette terrible épreuve : ses larmes et ses cris de terreur en réalisant qu'elle allait mourir.. ses hurlements de douleur lorsque les flammes vinrent lui lécher la peau.. et surtout cette silhouette qui apparut soudainement et brava la fournaise pour lui venir en aide.
Transportée loin du brasier, à moitié consciente, elle se souvient avoir constaté le triste état dans lequel se trouvaient ses bras, brûlés, et avoir réalisé, au vu de l'atroce douleur qui dévorait son corps, qu'aucune partie de sa personne n'avait été épargnée ; se souvient de cet immense loup qui referma ses mâchoires sur elle afin de lui donner une chance de survivre à ses blessures.
Les deux jours qui suivirent ne furent à ses yeux qu'une éternité de souffrances indescriptibles au cours de la laquelle elle perdit maintes fois connaissance, au terme de laquelle, lorsque son supplice prit fin, ses brûlures avaient disparu.
Un véritable miracle qui lui avait coûté son humanité.

Le lycan, qui s'était réfugié dans la ferme abandonnée, avait remarqué l'arrivée des deux importuns mais n'a pas daigné signaler sa présence, espérant en vain qu'ils s'en iraient sans l'ennuyer.
Il n'aurait jamais cru se retrouver avec une noble traumatisée sur les bras mais contre toute attente, sa morsure de la dernière chance a fonctionné et la jeune fille faisait désormais partie de sa meute, il fit donc de son mieux pour l'aider à surmonter la terrible épreuve qu'elle venait de vivre.

Ce ne fut évidemment pas une partie de plaisir et Éléonore avait été si choquée par ce que son frère avait fait que même la découverte de l'existence des loups et vampires lui sembla moins surréelle.
Son alpha lui apprit non seulement à chasser et à se débrouiller seule en pleine nature mais la préserva autant que possible de la guerre souterraine qui faisait toujours rage, refusant de l'impliquer dans ce conflit qu'il abhorrait.

Éléonore, que tout le monde croyait morte, était enfin libre et exprima souvent son désir de parcourir le monde et de vivre ses propres aventures.
Alors, lorsque la guerre se termina et qu'elle réussit à obtenir un minimum de contrôle sur sa forme animale, son alpha n'eut d'autre choix que de la laisser se lancer seule vers l'inconnu, non sans appréhension, sachant qu'elle reviendrait toujours vers lui à un moment ou un autre : le lien qui les unissait était très fort, après tout, et il leur était désormais impossible de se séparer trop longtemps.

Aujourd'hui, Éléonore est heureuse : elle vit sa vie comme elle l'entend et vit ces myriades d'aventures dont elle a toujours rêvé.
Éléonore est heureuse, en effet, alors pourquoi sa gorge se noue-t-elle autant lorsqu'elle pense à sa mère et à sa fratrie ; pourquoi souffre-t-elle à ce point en se disant que ces derniers doivent être heureux maintenant qu'elle a disparu de leurs vies ? Pourquoi pleure-t-elle encore lorsqu'elle pense à François ?
Pourquoi n'arrive-t-elle pas à abandonner son nom ? Il lui arrive de plus en plus souvent de révéler être une de Bourbon, surtout lorsqu'elle a un coup dans le nez, mais si ses révélations provoquent surtout l'hilarité chez ceux qui écoutent sans la croire, des rumeurs concernant « la fille qui prétend être une Bourbon » finiront bien par arriver aux oreilles de ceux qui la croient morte.
Que se passera-t-il alors ?