Lisbeth s’était réveillée de bonne heure ce jour-là. Sous la demande d’une des dames du palais, la demoiselle devait réaliser une nouvelle robe. Lisbeth n’avait pas vraiment de problème dans ce domaine, le tissu était vraiment important et elle avait une grande marge de manœuvre. Cependant, malgré tout, quelque chose manquait. Son petit atelier dans le palais était assez spacieux comparé à ce qu’elle avait en ville. Pourquoi petit ? Parce qu’avec tout son bordel organisé, avancer dans son atelier était assez complexe. Certes, Lisbeth rangeait à chaque fin de journée, mais en à peine deux heures du lendemain, c’était de nouveau le bazar. Elle en avait un peu honte d’ailleurs, mais elle n’y pouvait rien, c’était plus fort qu’elle. Elle devait trouver les tissus parfaits pour ses créations, surtout quand cela la concerne. Elle avait maintenant une bonne dizaine de robes cousues et portées quelques fois par ses soins. La demoiselle était plutôt satisfaite de ce travail, c’était assez simple et cela l'aidait énormément. Lisbeth devait ce jour-là, créer une robe pour une des dames du palais. Elle lui faisait confiance sur la forme et les couleurs, mais elle souhaitait quelques élégants. Lisbeth avait passé énormément de temps à dessiner les croquis, toutes les possibilités, elle avait même noté quel genre de tissu elle souhaiterait. La petite couturière demandait alors l’autorisation de partir la veille, pour être sûre de ne pas avoir de problèmes. C’est ainsi que la jeune femme partie de bonne heure le lendemain, après tout elle avait quelques heures de trajet.

La route était plutôt tranquille, elle avait réussi à prendre une calèche pour y aller. Heureusement pour elle, sinon elle aurait dû prendre un cheval et galoper jusqu’à Orléans... Et l’idée même d’y aller à pied, même pas en rêve. Pendant le trajet, Lisbeth switchée entre lecture et dessins, appréciant énormément les paysages aussi variés qu'intéressants. Cela lui rappelait son voyage jusqu’au Portugal. Elle aimait beaucoup dessiner les paysages, même si cela n’était pas son talent principal. Le temps devenait de plus en plus clair depuis son départ du château, elle avait fait en sorte que sa journée soit productive. C’est pourquoi, Lisbeth avait préparé une liste détaillée des endroits où elle aimerait aller. Grâce à une connaissance au palais, elle put noter certains lieux qui mériteraient son attention. Elle avait même réussi à dégoter une petite adresse d’une couturière, comme sa mère.

Lisbeth admirait parfois la délicatesse de chaque trait, de chaque couleur, de chaque être vivant qui se baladait par-ci, par-là. Parfois un papillon, des oiseaux, et même des animaux à bois. C’était vraiment impressionnant de remarquer ce genre de chose. La vie en elle-même, n'est-elle pas unique ? Chaque chose à son importance et s’adapte à sa vie. En terme d’adaptation, Lisbeth a dû le faire rapidement, tant de souffrance... Au final, regardant par la fenêtre, Lisbeth se dit qu’une vie représente celle d’un papillon, on né, on s’envole, on profite de chaque instant et nous retournons à la terre. Ses pensées vagabondaient de rêve à réalité. Est ce qu’elle pourrait aussi vivre une vie aussi passionnante qu’un papillon ?

C’est ainsi que la calèche arriva à destination. Vêtue d’une robe rouge et à dentelle noire des plus simples, ses cheveux volaient au vent lorsqu’elle descendit. Cela faisait bien longtemps qu’elle n'était pas partie de Paris. Voir de nouveaux horizons et partir à l’aventure étaient comme une bouffée d’air frais. Prenant une grande inspiration, elle remercia le cochet et son petit sac à bandoulière sur l’épaule, se mit à marcher dans cette ville en effervescence. Lisbeth fut stupéfaite par la petite différence qui régnait ici. Elle ne saurait pas comme l’expliquer, mais cela lui plaisait. C’est avec le sourire aux lèvres qu’elle entreprit son aventure. Première mission, aller à la boutique de tissu. Elle avait entendu tellement de bien des tissus venant d'Orléans, qu’elle avait hâte de les voir en vrai et de les toucher. On pourrait croire qu’elle est mordue de couture, mais ce n’est rien comparé à sa passion pour les plantes. Mais c’est une autre histoire, évidemment.

C’est au tournant d’une ruelle qu’elle entrevoit enfin la boutique. Etoile dans les yeux, la jeune femme rentra alors dans la boutique et fut heureuse de sentir l’odeur du tissu. Y avait également une autre odeur qui se mélangeait à cela...Du parfum ? Non, c’était plus doux... Sans doute provenant d’une des fleurs en décoration ? Lisbeth salua alors la gérante de la boutique d’un hochement de tête et commença à regarder, analyser et découvrir. Il y avait pas mal de tissu qu’elle n’avait jamais pu avoir entre les mains. Elle sortit alors ses croquis de son sac et commença à regarder les différentes possibilités. Elle voulait quelque chose d’assez simple, mais avec des couleurs un peu plus claires...Elle essaya plusieurs combinaisons et ne trouva rien qui serait en accord avec les tissus proposés sur des petites tables. Elle regarda alors les tissus poser sur des étagères, pendant un instant, elle plissa les yeux pour essayer de trouver la perle rare et c’est en levant le regard qu’elle le trouva. Il était là, le tissu parfait ! Des étoiles dans les yeux, elle commença à monter sur la pointe des pieds et essaya de l’attraper. Arrivant à peine à le tâter, elle tira la langue et appuya plus sur la pointe de ses pieds pour l’attraper...

En voilà une journée riche en aventure. Pour la première fois depuis bien longtemps, la jeune muette allait enfin partir de Paris pour vivre de nouvelles choses. Elle avait entendu beaucoup de bien de la ville où elle se rendait. Elle n’était jamais passée par là, ce serait la première fois. D’après les dire, cette ville regorgeait de bâtisse et de tissu tout aussi merveilleux que simple. Cependant, on l’avait prévenu que cela pourrait coûter un peu cher. Enfin, elle en avait l’habitude, elle ne choisissait que la meilleure qualité. Elle avait suivi des années et des années de conseil et d’exercice, depuis son jeune âge elle avait été entraînée pour pouvoir prendre la relève le moment venu. Lisbeth avait une certaine peur vis-à-vis de cela, imaginer que ses chers parents ne resteraient pas éternellement avec elle l’effrayer au plus haut point. Si elle continuait à rester dans son coin, jamais elle ne trouverait des personnes qui pourrait l’aider et la soutenir...Cela n’était pas facile que cela de vivre dans la peur des regards...La peur de ne pas pouvoir être entendu au moment opportun..Cette peur l’avait forgé depuis bien des années maintenant, elle avait grandi, mais cette frayeur n’avait jamais quitter son cœur. Un jour, elle arriverait à faire entendre sa voix en dehors des personnes qu’elle côtoie, mais pour le moment, cela était trop dur pour elle.

Cependant, malgré cette peur, la jeune femme voulait découvrir de nouvelles choses, des nouvelles personnes et aussi de nouveau regard. Elle était plutôt enjouée à l’idée de faire cela, en plus sans ses parents. Lisbeth avait pour idée d’acheter un petit bout de tissu pour sa mère et en confectionner une robe. Généralement, c’était l’inverse, sa mère adorait la gâter, voir beaucoup trop, mais que pouvait-elle y faire ? C’était une maman poule, elle l'a surprotégée. Rien qu’à cette idée, Lisbeth eut un petit rire intérieur. Parfois, sa mère pouvait agir pour son bien en la forçant à rencontrer de nouvelle personne et parfois, elle lui laissait de l’espace, un peu d’intimité. En même temps, elle n’avait plus 13 ans, c’était devenue une adulte...au comportement d’enfant. C’est pourquoi Lisbeth prenait sa mission très au sérieux, elle se devait de trouver le meilleur pour sa maternelle. Elle imaginait dans sa tête toutes sortes de tenues, des courtes, des longues, des mi-longueur, toutes les possibilités rendaient tellement bien...Elle soupira un moment et mit cela de côté, ce n’était pas la raison première de sa visite. La couturière devait déjà trouver son tissu principal et après des ornements en dentelles...Ou alors d’autres choses ? Elle avait passé son temps à réfléchir à ce dont elle allait faire, mais à complètement oublier les détails. Lisbeth soupira et haussa les épaules, elle trouvera sûrement l’inspiration le moment venu.

Elle commença alors à fouiner un peu partout dans les tissus et c’est en hauteur qu’elle trouva son bonheur. Haute de ses 1m69, elle essaya de toucher le tissu et espérer réussir à le faire glisser vers elle, mais même en se mettant sur la pointe des pieds, elle n’arrivait nullement à le bouger. La tension était insupportable, elle voulait ce tissu, mais il refusait de coopérer ! Soudain, Lisbeth réussit à le toucher et, souriante, essaya de le glisser vers elle. Elle y était presque ! Encore un peu...Puis le rouleau bougea tout seul et il la surplomba un peu. Stupéfaite, elle tourna le regard et leva la tête pour apercevoir un homme aux cheveux blonds lui parler. Elle cligna longuement des cils et regarda le rouleau avant de légèrement rougir et poser ses mains sur sa robe pour la serrer légèrement. Elle se mordit un peu la lèvre et hocha la tête docilement. Elle prit une grande bouffée juste après et retrouva son calme. Heureusement qu’elle avait appris à faire cela, sinon elle aurait déjà craqué. Elle sortit alors son petit carnet et gribouilla quelque chose.

-- Merci...Vous avez déjà vécu cette expérience ?

Lisbeth pencha un peu la tête en lui montrant le carnet, espérant qu’il comprenne ce qu’elle avait marqué. Elle aurait pu aussi ne rien écrire et juste hocher la tête, mais en tant que petite dame du palais, elle ne pouvait pas réagir ainsi. Sa mère ne l’avait pas élevé ainsi non plus. Elle remit son carnet vers elle et gribouilla autres choses, rajoutant un dessin de son visage souriant.

- Merci de m’avoir aidé monseigneur !

Lisbeth remit alors son carnet près d’elle et le serra contre elle. Est ce que c’était trop ? Est ce qu’il allait se moquer de lui ? Elle n’avait point pensée à ce détail, après tout, rencontrer une fille muette n’était pas forcément quelque chose de commun. Elle trembla un peu en sentant son cœur s’accélérer. Respire, respire, ce n’est qu’un mauvais moment à passer, au pire, il est différent ? Elle rouvrit les yeux afin de regarder son cahier de croquis dans son sac et le sort pour le serrer aussi contre elle. Lisbeth le regarda alors en attendant des réponses et peut-être une histoire à la clé ? Elle avait peur, c’était certain, mais elle ne pouvait s’empêcher d’être curieuse.

Les aléas de la vie vous permettront parfois de faire de bonnes rencontres. Dans sa longue aventure pour aller dans une nouvelle ville encore inconnue, la jeune demoiselle admirait la beauté de ce lieu, ainsi que la tranquillité qui en regorgeait. Il est vrai que comparé à Paris, c’était beaucoup plus calme ici. Vêtue de sa plus belle robe, elle déambulait dans les environs, un peu soucieuse et surexcitée. Armée de son courage, d’un carnet pour parler et de son carnet de croquis, elle était prête à affronter tous les problèmes qui se dresseront devant elle. Et c’est avec un petit sourire timide qu’elle rentra enfin dans la boutique tant complimentée. Il est vrai qu’elle était bien plus grande que leurs petites boutiques à Paris et en plus, proposaient des tissus vraiment uniques. Pendant un moment, elle se croirait ailleurs, loin d’ici, dans un endroit idyllique pour elle, le tissu envahissant chaque recoin. Est ce qu’elle passerait sa vie dans ce rêve ? Cette question ne se pose même pas, c’était évident. C’est dans cette boutique qu’elle trouva son Graal, le tissu qu’elle cherchait, elle n’en voulait pas un autre, c’était définitivement celui-là. Elle lutta pendant quelques minutes avant que quelqu’un vienne l’aider. Devant tant de gentillesse, elle le remercia aussitôt, n’oubliant pas les formules de politesse. Bon le seul bémol, c'est qu’elle était muette, mais était-ce vraiment important ? Elle approchait de la trentaine, elle devait bien un jour commencer à mûrir, non ? Arrêter d’avoir peur, faire entendre sa voix, elle en rêvait, mais c’était encore plus fort qu’elle...À part sa famille, la jeune femme n’avait pas vraiment parlé à d’autres gens, enfin si, son ami d’enfance qui habite non loin. Mais bon, un jour, elle y arrivera, c’est certain !

Le grand homme réajusta ses vêtements qu’elle trouva vraiment bien faits et pencha un peu la tête. Il lui raconta alors une petite histoire assez brève et elle apprit un nouveau détail, il adorait depuis bien longtemps la couture. Enfin, elle le déduisait en voyant la différence de taille entre le passé et le présent. Elle réfléchit un moment et finit par hocher la tête, il ne fallait pas être trop curieuse. Après tout, elle ne le connaissait pas, elle ne pouvait pas agir ainsi. Elle regarda alors le grand blond devant elle et baissa un peu la tête, honteuse. Elle venait de se faire remonter les bretelles, ou plutôt, une sorte de leçon. Elle n’aimait pas demander assistance due à son handicap, parler via son carnet pouvait être long et fastidieux. Quelques instants, plus tard, l’homme lui offrit un dernier sourire avant de la quitter, retournant à ses affaires. Elle regarda le tissu qu’elle avait posé non loin et le reprit en main pour rejoindre la dame de l'accueil et lui tendre le rouleau. Elle sortit alors son cahier pour lui montrer la longueur qu’il lui faudrait. La dame avait l’air un peu gênée, mais fut vite rassurée en voyant la douceur et la joie de vivre de la jeune Lisbeth.

Elle remercie alors la dame d’une petite révérence et reprend son carnet pour valider ce premier tissu. Il lui en fallait un autre maintenant, pour la dame du palais. Elle retourna chercher ce qui lui manquait...Elle avait le tissu, elle avait le croquis de base, mais n’avait pas d'idée pour la suite. Pour sa maman, elle voulait une tenue un peu chinoise, en souvenir de leurs épopées. C’était quelque chose qui lui tenait à cœur, sa maman avait déjà été là-bas, elle lui avait raconté tellement d'histoires. Elle était triste de ne pas avoir réussi à y aller, mais au final était-ce vraiment grave ? Elle n’avait que 29 ans, elle pourrait y aller plus tard ! Enfin, elle l’espérait...Elle tourna alors les pages de son petit recueil et tomba sur un croquis que sa maman et elle avaient fait. Cela la fit légèrement sourire, elle le toucha du bout des doigts et posa son carnet ouvert sur le comptoir, pour partir plus facilement à la recherche des derniers détails. Elle avait dessiné la robe en vert, mais elle aimerait bien la remplacer par du rouge avec des décors floraux. La recherche dura moins longtemps qu’elle ne l’aurait imaginé et le récupérant, elle le ramena au comptoir, puis repartie aussitôt à la recherche d’un voile rouge et dorée pour s’accorder avec la tenue. La voilà maintenant armée de ses deux rouleaux, cochant sur son croquis les tissus. Il lui fallait de la corde également, mais ne trouvant pas son bonheur, elle reprit un autre morceau de tissu doré pour en faire une corde. Enfin, elle le ferait s'enrouler autour d’une corde... Elle l’avait déjà fait, cela ne l’embêterait pas !

Elle avait réuni de très beaux tissus, du rouge et du doré, cela plaira fortement à sa maman, surtout que c’était un croquis qu’elles avaient travaillés ensemble. Toute joyeuse, elle donna les dimensions à la dame qui s’occupa de les lui fournir et après l’avoir remercié, elle alla ranger les rouleaux puis revint vers l'accueil récupérer son petit carnet. Il ne lui manquait plus que celui pour la dame du palais...Elle avait déjà le tissu principal, mais elle ne savait pas comment le rendre plus...original...Elle soupira un peu et, en tournant la tête, vit le monsieur en train de gribouiller quelque chose sur un papier. Curieuse, elle s’approcha alors pour regarder discrètement, enfin essayer...Elle était trop petite, elle sauta alors un peu pour voir, mais aucun succès. Elle gonfla les joues et se mit à côté pour réussir à regarder et enfin, elle le vit ! Petite victoire ! Elle fut cependant très surprise par la beauté du dessin et des détails...Ils étaient vraiment beaux. Des étoiles dans les yeux, Lisbeth gribouilla vite dans son carnet de notes et tira un peu sur le tissu du blond pour lui montrer ce qu’elle voulait dire.

-- Votre croquis est vraiment beau ! Veuillez m’excuser pour ma curiosité, mais est ce que vous pouvez m’aider ? Je coince pour une création...J’ai le tissu, mais je ne sais pas quoi ajouter pour la rendre unique...Promis après j’arrête de vous embêter !

Elle sourit légèrement et prit son carnet de croquis ouvert sur le comptoir et tourna les pages pour montrer le croquis en question. Il s’agissait d’une robe assez simple, mais les couleurs de la tenue montrer que ce n'était pas pour n’importe qui. Il y avait écrit le nom de la personne ainsi que l’endroit où elle allait le faire essayer. Elle écrit alors dans son carnet, en dessous du précédent.


- Je dois réaliser une robe pour une dame du palais qui est une amie. Je commençais à perdre espoir. Au vu de votre talent, pourriez-vous m’aider ?

Elle rangea alors son carnet à côté d’elle et regarda son dessin avec admiration. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas vu quelqu’un aussi bien dessiner. Même si ce n’était que des tenues, elle trouvait l’artistique, vraiment belle.

Lisbeth n’était pas du genre à se plaindre ouvertement, elle était plutôt du genre à garder tout pour elle. La couture lui permettait de vraiment penser aux autres choses, de s’évader un peu grâce à ses créations quelque peu...Originales. Elle aimait beaucoup donner un aspect un peu exotique à ses tenues, que ce soit dans les décorations, ou bien dans l’ensemble. Parfois, la jeune femme se disait comment aurait été sa vie si elle n'aurait pas eu ce traumatisme ? Serait-ce différent ? Certainement.. Mais avec des si on pourrait refaire le monde, n’est ce pas ? Eh puis bon, c’était déjà trop tard, elle ne pouvait pas revenir dans le temps pour changer le futur, c’était ce qui l’avait forgé après tout. Combien de fois sa mère lui avait dit de rencontrer de nouvelles personnes et d’essayer de surmonter son handicap ? Lisbeth le savait, mais elle n’avait pas forcément la foi de faire quelque chose. Enfin, c’est ce qu’elle aurait aimé, mais lorsqu’elle coud et “discute” brièvement avec les clients de la boutique de sa mère, la jeune femme était vraiment heureuse et plus ouverte, enfin, cela n’était qu’en apparence, au fond d’elle, une frayeur violente lui appuyer sur le cœur. Porter un masque peut être bénéfique, mais à quel prix ? La demoiselle avait bien grandi et dans son malheur, la jeune femme était devenu plus forte. Parfois, l’envie de s’évader prenait le dessus sur la raison et c’est ainsi qu’on la retrouve des kilomètres plus tard, dans une ville totalement inconnue. Enfin, si cela était aussi simple, la suite des événements dans cette boutique n’aurait sans doute jamais eu lieu.

Dans cette petite boutique, la jeune femme avait enfin pris les devants pour demander de l’aide au noble blondinet qui l’avait aidé précédemment. Même si celle-ci était muette, en quelque sorte, elle voulait apprendre de cet étranger. Il avait été assez prévenant avec elle et en plus, ne l’avait pas jugé pour son problème. Cela aurait pu être par courtoisie, mais rien que cela avait fini par combler le cœur de la petite couturière. Armée de son petit cahier, son tissu et son crayon, elle voulait faire de son mieux et offrir quelque chose d'unique à son amie. Travaillant dans le même lieu, cette jeune femme fut sa première amie, elle la considérer presque comme sa sœur. Elle n’avait pas encore eu l'occasion de lui offrir quoi que ce soit et elle le voulait absolument. Voir le sourire radieux de son amie serait le plus beau des cadeaux ! Dans cette optique, la jeune femme avait pris une première partie du tissu. Maintenant, il fallait le décorer, mais comment faire...Elle voulait tellement bien faire qu’elle avait subitement oublié comment on faisait. Pourquoi maintenant ! Lisbeth prit son courage à deux mains et par un élan de curiosité, elle réussit enfin à apercevoir ce que le noble était en train de faire. Tant de délicatesse et de finesse dans les traits, la jeune femme en restait impressionner. Elle ne comprenait pas tout, mais le rendu sur la feuille rendait vraiment bien !

Lorsque celui-ci redressa son regard pour la regarder et regarder brièvement son dessin, la jeune femme sourit doucement en hochant la tête, il avait complétement raison, quelle image voulait-elle transmettre ? Quelle émotion ? Ce genre de question que Lisbeth se pose souvent avait été complètement oublié de son esprit. Elle réfléchit de nouveau, se frottant les tempes, qu’est ce qu’elle voulait retranscrire...Puis pendant ce moment d’interrogation, la voix de son interlocuteur la ramena sur Terre et elle écouta attentivement...Fleur ? Broderie ? Oulà, elle ne savait pas vraiment broder, généralement, elle se contentait de créer la tenue, la broderie était du ressort de sa mère. Elle fronça légèrement les sourcils instinctivement devant cette petite complexité. Elle avait essayé une fois, mais c’était tellement catastrophique, que la jeune femme n’a plus voulu toucher à cela. Cependant, elle était forcée de constater que la broderie rendait une tenue vraiment plus profonde et personnelle. Elle finit par se gratter l’arrière de la tête et prit son crayon pour répondre à l’homme.

--La dame du palais est ma seule amie la plus proche...J’aimerais vraiment confectionner une robe qui la rend heureuse et sublime. Pour ce qui est de la broderie, je n’en ai jamais fait.


Elle rigola silencieusement de gêne, puis elle reprit son crayon et gribouilla de nouveau.

- Enfin, si j’ai essayé, mais c’était... Pour ce qui est de sa fleur préférée, c’est la pivoine. Je sais qu’en langage des fleurs, la pivoine peut avoir plusieurs significations selon sa couleur...Une pivoine blanche ou rose alors...Vous en pensez quoi ?

Elle sourit alors en posant son carnet à côté d’elle et regardait d’un œil soudainement distrait des bruits étranges non loin. La couturière regarda alors la petite fille avec un sourire nostalgique et tout s'enchaîne avec une rapidité qui dépasse la demoiselle. La petite demoiselle voulait toucher une petite créature qui faisait HONK ! Puis la bestiole paniqua, choppa une paire de ciseaux avec son bec et commença a voleter partout. Lisbeth était complètement déboussolée lorsque soudain, l’oie se mit à foncer sur elle et instinctivement, elle prit son précieux cahier non loin d’elle et l’utilisa comme bouclier, voyant la pointe des ciseaux traverser le cahier et se retrouver totalement déchirée. Devant la stupeur et la frayeur de la scène, son cahier tomba au sol, les ciseaux également et comme elle était venue, le silence retomba dans la boutique.

Lisbeth, sous l'adrénaline, se précipita vers la jeune fille, comme si l'événement avec son livre ne s’est jamais réalisé. Elle regarda alors la petite fille inquiète, zieutant si aucune blessure ne lui avait été faite et soupira de soulagement en se redressant, sentant qu'elle avait agi impulsivement et en prenant la place momentanément du père de la fillette. Honteuse, elle se redressa et en regardant le sol, prit soudainement conscience de la situation et de ce qui venait de se passer. Elle avança alors lentement et vit son précieux cahier, complètement anéanti. Tous ses travaux, tout ce qu’elle avait fait, venait de partir en charpie. Laissant le père de l’enfant rejoindre son trésor, Lisbeth se mit à genoux devant ses papiers complètement déchirés. Et là, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Touchant du bout des doigts ce qui restait d’intact, une larme coula sur sa joue et dans un silence de mort, on ne voyait que son corps trembler légèrement. Elle venait d’échapper à la mort, attaquée par une oie et son précieux livre, qui lui permettait de ne pas sombrer, venait d’être détruit. Lisbeth commença à ramasser les papiers en faisant un mouvement de tête de haut en bas pour présenter des excuses silencieuses à la gérante et à tous ceux présent dans la boutique. Ce n’était qu’un cahier, mais pour elle, c’était le cœur de sa combativité. Elle serra contre elle ses précieux dessins anéantis et craque. Le dessin pour son amie avait été détruit, le modèle de sa mère également...Tous les travaux qu'elle avait eus avec sa maman partie en fumer...

Les réponses du noble étaient vraiment intéressantes et pleines de sens. Des explications claires et concises, un vrai professionnel. On peut le dire, il a réussi à attiser la curiosité de la belle, la ramenant à ses époques, débutantes. Lisbeth était comme ça, elle aimait apprendre et surtout faire des rencontres comme celle-ci. Elle était connue pour ses sourires et sa gentillesse. Cependant, derrière tout cela, se cachait une jeune femme pas sure d’elle et enfermer sur elle-même. Pour ne pas souffrir, elle avait fermé son cœur et l'avait emprisonnée dans des ronces. Ce n’était pas tout le temps évident, parfois, il y avait des moments de bad et de tristesse, mais cela ne durait pas longtemps. La petite discussion entre les deux était magique. Elle avait pris les devants et avait engagé la conversation, cela lui remplissait le cœur de joie. Le calme régnait dans ce lieu, un silence qu’elle appréciait en temps normal. Lorsque son interlocuteur lui raconta son anecdote, elle rigola un peu et sourit. Il est vrai qu’elle en a connu aussi, des piqûres sur les doigts. Combien de fois elle a été les guérir ? C'étaient leurs passions après tout. Elle devait bien avouer, parler avec une personne qui partage le même loisir était une expérience vraiment agréable. Elle se revoyait, enfin, essayant de coudre deux morceaux de tissu et se piquer. Le désespoir de sa mère, ce jour-là, elle ne l’oubliera jamais. Le rappel d’un ancien elle, heureux et innocent, restait une cicatrice difficile à réparer. Ce rapide souvenir finit rapidement, retournant son attention sur le dessin et les paroles de son interlocuteur.

Il est vrai qu’il avait également dessiné une broderie sur son croquis, donc cela avait un sens. Elle hocha alors à ses paroles, écrivant dans son carnet les informations et sourit. En voilà des explications intéressantes. Mettre du bleu nuit ou pourpre pour des pivoines blanches et du blanc avec des touches de dorée pour les roses, Lisbeth trouva l’association intéressante. Des étoiles dans les yeux, elle marqua définitivement les pivoines roses. Elle avait la vision de son amie dans cette création et un sourire enfantin et satisfait se dessina sur ses lèvres. Elle l’avait enfin trouver, le petit quelque chose qui manquait à son chef d'œuvre !

Malheureusement, elle n’eut pas le temps d’en discuter encore plus, car la situation dégénéra et finit en vacarme envahi la pièce. Tout s’enchaîna avec rapidité, elle ne vit pas les choses arriver et se retrouva maintenant au sol, les mains sur ses dessins anéantis et les yeux larmoyants. Ne pas craquer ? Cela n’était pas possible, pour elle, ce carnet regorge de souvenirs et de douceur. Elle était anéantie, son cœur avait mal. Son voyage jusqu’au Portugal, les dessins de sa mère et les mots d’encouragement de son père...Tout venait d’être détruit en quelques instants. Elle essaya tant bien que mal de ravaler ses larmes pour arrêter ce spectacle. Le visage baissé sur le sol, quelques larmes brillantes sur le papier, un morceau de tissu atterrit dans son champ de vision. Tournant la tête, elle vit un mouchoir, parfaitement plié. Elle le prit alors après quelques secondes d’inaction, puis s’essuie doucement le dessous des yeux et ses joues avant d’écouter ses paroles. Il avait raison, elle n’avait pas été blessée, elle pouvait donc continuer à dessiner et créer. Elle hocha doucement la tête et les paroles de la petite fille la fit sourire. Un peu de tristesse se dessinait sur son regard, mais son sourire était redevenu légèrement lumineux. Elle sécha les dernières traces de larmes et elle rigola un peu devant la scène qui se passait sous ses yeux. Ils étaient clairement adorables, une relation saine et pure comme elle le voit rarement. Elle était définitivement entrée de bonne-main ! Se faisant patpater par la demoiselle, Lisbeth ferma un instant les yeux et rigola encore un peu avant de hocher la tête et de sourire, elle prit une feuille qui traînait et écrivit sur le papier. Elle espérait que son message serait bien reçu.

-Vous avez bien raison charmante demoiselle ! Que de sage parole ! Je peux encore dessiner, c’est une extraordinaire bénédiction...Je vais faire de mon mieux alors et confectionner la plus belle des robes ! Merci !


Lisbeth se redressa un peu et se mit à ramasser les morceaux de papier par terre. C’était un peu de sa faute si tout avait été déchiqueter, alors elle devait aider à ramasser tout cela. Commençant à ramasser les feuilles proches d’elle, elle fit un petit tas et continua doucement à ramasser le reste. Il y avait tellement de feuilles, bon dieu ! Elle chantonna intérieurement une petite mélodie, se dépêchant également pour ne pas continuer à gêner les potentiels cleints et la gérante. Elle se releva une nouvelle fois pour s'avancer et ramasser les dernières feuilles...Enfin c'est ce qu'elle croyait. Elle se frotta l'arrière de la tête et sourit nerveusement. Elle se tourna vers la gérante et fit un signe de pardon, baissant un peu la tête et se tourna de nouveau pour ramasser le reste.

Le temps était passé à une vitesse, la jeune couturière n’avait nullement fait attention à ce détail, apprenant tellement de l’expérience de ce noble. Elle avait côtoyé peu de personnes de haut rang, mais sa discussion avec le Duc lui avait énormément plu. Il est vrai qu’un simple regard sur ses croquis et on pouvait y voir tout son talent et son originalité, elle était vraiment heureuse d’avoir appris à son contact. Malgré le fait qu’elle perdit des années de dessin et de souvenir, elle ne put qu’être d’accord avec la petite princesse qui, après un petit moment pour lire les paroles de la muette, gonfla son torse, visiblement heureuse que ses paroles soient si sages et bienveillantes. Lisbeth sourit un peu en rigolant légèrement devant ce tableau vraiment adorable et reprit son ramassage de papier sur le sol. D’ailleurs, en parlant de feuilles éparpillés sur le sol, la jeune femme trouva de l’aide auprès de la petite fille qui, adorable et souriante, l’aida à ramasser les souvenirs de son passé maintenant détruit. Chaque commentaire de la fille du Duc la fit sourire et elle se surprit à rougir doucement devant tous ces compliments. Elle en avait entendu de belles paroles, mais venant d’une demoiselle aussi pure qu’Iris lui réchauffa son petit cœur en chamallow et leva doucement sa main pour caresser la douce chevelure de l'héroïne du jour. Le Duc lui-même l’aida également à ramasser ce qui trainait sur le sol et elle se sentit un peu gênée de laisser faire une personne plus “importante” qu’elle. et retourne son attention vers les feuilles qu’elles finissent par enfin rassembler, dans de petits rires. Elle prit alors son petit carnet et écrivit quelques paroles destinées au Duc et à sa fille.

- Merci bien jeune demoiselle ! Merci à vous aussi Monseigneur.

Une fois terminée, elle se releva alors, époussetant sa tenue au passage, puis replaça les feuilles en désordre dans son petit sac, qui venait de doubler de volume. Soupirant un peu, elle se frotta le front en se disant qu’elle allait devoir tout remettre en ordre et sans doute faire des puzzles pour retrouver des exemples de croquis. Un léger mal de tête l'envahit un instant, puis elle se tourna vers le duc qui était en train de régler ses affaires. Elle était un peu déçue, elle aurait aimé lui demander de lui donner de petits conseils pour réussir la broderie...Mais elle se dit qu’il était sans doute trop occupé pour lui apprendre cela. Elle joua nerveusement avec ses mains, regardant le sol pensive. Il se dirigea alors vers la sortie, Lisbeth redressa la tête pour les saluer convenablement, puis elle fut légèrement surprise de voir le Duc lui sourire et lui faire un baise-main...Aussi loin que remonter ses souvenirs, elle n’avait jamais eu le droit à ce genre de formalité...Cela entraîna de nouvelle rougeur qu’elle chassa assez rapidement d’un geste invisible de la main. Puis il lui fit une proposition qui laissa des dizaines d’étoiles dans les yeux de la jeune couturière. Sourire aux lèvres, elle hocha la tête en réalisant une petite révérence d'au revoir et de remerciement. Elle gribouilla rapidement sur son carnet quelques paroles et les leur tendit en souriant.

- Je vous remercie monseigneur, je serais honoré d’apprendre la broderie à vos côtés. Dame Iris, je vous souhaite une bonne fin de journée également et j’espère avoir la chance de vous revoir prochainement.

Elle regarda alors leurs silhouettes s’éloigner et elle fit également de même, réglant ses achats, s’excusant de nouveau pour la gêne occasionnée. La dame avait l’air compréhensible et lui donna une petite ristourne sur ses achats. Heureuse, la demoiselle remercie gentiment la dame et finit par sortir. La voilà maintenant seule dans cette énorme ville et passa le reste de la journée à faire les boutiques, mais également acheter une nouvelle fleur pour son amie, qu’elle pourra planter dans les jardins royaux.

Quelque temps plus tard, la revoilà maintenant sur le chemin du retour, pleins de bon souvenir et une impression de perte dans le cœur...Mais le sourire innocent de cette fleur rencontrée plutôt chassa bien vite ses peurs et cette douleur soudaine. Elle allait apprendre la broderie et pourrait définitivement finir la tenue de sa précieuse amie. À cette idée, un large sourire se dessina sur ses lèvres et se reposa le reste du trajet, arrivant finalement au palais royal où elle put rentrer chez elle.