Sam 6 Fév - 14:26
Sadie est ce qu'on pourrait appeler une âme simple, en dépit de son grand âge, ou peut-être grâce à lui. Pas par bêtise, encore moins par ignorance. Aux yeux de la société contemporaine, il pourrait être astronome, physicien, linguiste, professeur émérite, s'il le souhaitait ; digne réceptacle de siècles de savoir humains et lycans en tout genre. Mais il ne cherche ni la gloire, ni la fortune. Il a trop souvent vu à quoi mènent de telles folies. En ce sens, il craint déjà pour la survie de sa terre natale face à la cupidité des hommes blancs, ne peut empêcher le regret et la mélancolie de s'immiscer dans ses pensées. Cette part de lui, celle faisant écho à l'homme brave, aimant et débordant d'altruisme et de compassion qu'il avait pu être avant la guerre, pour sa meute et sa famille, il s'efforce de la réduire au silence. Il n'est plus cet homme. Il n'est plus là-bas, désormais. Il n'y reviendra plus.
Sadie n'a pas goût aux sournoiseries des hommes, ne s'intéresse que très peu aux jeux de puissance mouvant les cours des palais de ce côté de l'Atlantique. La noblesse et le pouvoir à l'européenne sont une chose qu'il n'a découvert que récemment et on ne peut pas dire que la vue lui plaise. Un mépris silencieux, qui confine parfois au dégoût face aux actes de barbaries qu'il a pu observer depuis son arrivée sur le nouveau continent. Et dire qu'ils se permettent, eux, de les appeler sauvages.
Sadie est quelqu'un d'honnête et de franc, à défaut d'être agréable à vivre. Il estime, à raison, que le respect est un droit indu à tous jusqu'à preuve du contraire, ou acte révoquant ce droit de fait. Les titres et les parures d'or ne méritent pas plus de déférence à ses yeux que des bas souillés de terre après des longues journées au champ, de même qu'il n'accorde aucun mérite au fait d'être né homme plutôt que femme. Les us et coutumes de ce continent sont d'ailleurs en désaccord de plus en plus évident avec ses propres racines, quelque chose qui aurait pu le pousser à vouloir comprendre et à éduquer, il y a longtemps. Mais son intérêt pour son prochain s'est fait rare depuis que son âme damnée n'est plus la bienvenue au sein de la maison de Dieu. Les préceptes des écritures saintes guident encore sa main, parfois, mais il ne s'en estime plus assez digne pour les pratiquer ou les prêcher convenablement. Et il ne se voile pas la face : sa croisade égoïste et meurtrière contre lycans et vampires ne pourrait être plus éloignée des paroles du christ. Il ne Lui fera donc pas l'affront de prétendre le contraire.
Sadie est pragmatique, cruellement méthodique et d'une efficacité redoutable lorsqu'il se donne les moyens de parvenir à ses fins. Autant de qualités, lorsqu'il s'agissait encore de protéger une meute ou un territoire, désormais devenues fléaux. Malgré les inconvénients d'une morsure encore trop récente pour lui permettre de contrôler ses forces et transformations avec l'aisance d'antan, son expérience reste intacte, tapie dans le moindre de ses os, le moindre des ses gestes. Et la violence qu'elle est capable de déchaîner est restée tout aussi létale qu'autrefois.
Sadie, enfin, n'est plus mû que par l'abandon à une rage aveugle. Une rage qui ne transpire ni dans son visage dénué d'expressions autres que de rares froncements de sourcils désapprobateurs ; ni dans sa voix toujours basse et calme, sans un mot plus haut que l'autre ; ni dans la froide indifférence avec laquelle il traverse désormais l'existence. Une rage brûlante et étouffante, un incendie allumé loin, très loin d'ici, et qui n'a cessé de rugir depuis, sans montrer signe de faiblir.
Portugal - 1576
Une brume diffuse montait des eaux du port, enlaçant les bateaux amarrés avec une tendresse indifférente aux cris hélés, aux rires gras et aux tintements des pièces secouées dans leurs besaces. L’attroupement se voulait discret sous les lueurs des lanternes et s’y réussissait autant qu’une cavalerie en pleine charge, c’est-à-dire très peu. L’ivresse et la hargne enhardies des parieurs sur le résultat de ces combats improvisés ne se prêtaient guerre à la retenue. Bientôt la cloche sonna le glas, annonçant la fin de la rixe et amenant aux échanges sous le manteau, aux insultes et aux déceptions. La foule de badauds se dispersa rapidement, s’étiolant dans la nuit tombée sur les quais et sur le ring éphémère dressé en bout de ponton, à l’abri d’un hangar de marchandise.
« Voilà sa part. »
Tristão soupesa la bourse. Un froncement plissa les sourcils broussailleux du marin, laissant à l’imagination la moue dissimulée par la barbe poivre et sel mangeant les trois-quarts de son visage.
« Il en manque la moitié au moins, ce n’est pas ce qui a été convenu. »
L’homme à la bourse croisa des bras peu impressionnés sur son torse, crachant avec une colère non retenue.
« Il fallait y penser avant d’envoyer ce » - il agita vaguement la main – « ce sauvage, là, dans les cordes. Les règles sont les règles. Pas de mort sur mon quai, pas de blessures ouvertes, pas d’acharnement après un abandon. Ça fait trois fois qu’il renvoie des types hors du ring avec des os à l’air, et son dernier K.O est toujours alité après plus d’une semaine. »
L’homme cracha à leurs pieds, lorgnant sur le dit sauvage.
« Maudit fils de chienne. Non, cette fois ça suffit, tu prends sa part et vous dégagez. Il est mauvais pour le business. »
Tristão jeta un coup d’œil à l’ombre silencieuse de Sadie, debout derrière lui, se demandant si l’homme allait réagir. Mais comme toujours son compagnon n’offrit aucune expression particulière en dehors d’un léger froncement de nez méprisant, si discret que Tristão avait mis des semaines avant d’en remarquer l’existence, et se contenta de prendre la bourse des mains du marin avant de tourner les talons.
« Bah ! Bon débarras. Je sais pas où tu l’as récupéré celui-là, Tristão, mais j’te dis, il est mauvais ce type. Ça se voit dans l’regard. Tu ferais mieux de le balancer dans une cale avec aller simple vers le Nouveau-Monde et qu’il y reste cette fois. »
Le marin haussa les épaules sans répondre, laissant le marchand à son entrepôt et partant sur les traces de Sadie.
« Tu gagnerais sûrement au change, » offrit-il en rattrapant son compagnon, « si tu arrêtais de te faire passer pour un sauvage illettré des colonies décochant moins d’un mot par jour et que-
- Est-ce qu’il y a d’autres cercles de lutte dans le coin ? » coupa Sadie.
- Quelques-uns. Mais les rumeurs filent à toute vitesse, je doute qu’on te laisse y entrer maintenant que tu as mis le bordel chez João. C’est déjà un miracle que les autorités ne t’aient pas attrapé pour trouble à l’ordre public ou qu’on ne te soit pas encore tombé dessus pour te foutre dans un cirque exotique. Tu devrais faire gaffe Sadie, la protection du capitaine a ses limites tu sais ?
- Hm.
- Puis un solide gaillard comme toi, tu pourrais tout aussi bien te faire engager dans la marine marchande pour de bon. Les indigènes instruits ne courent pas les rues, tu serais un atout pour les affaires du capitaine – et de la Couronne. »
Le regard noir que lui valut cette suggestion coupa court aux autres propositions fleurissant sur le bout de sa langue. L’idée était loin d’être stupide pourtant, Sadie devait en avoir conscience. Mais Sadie était un drôle d’oiseau, après tout.
Tristão ne pouvait empêcher la curiosité de prendre le dessus quand il s’agissait du bonhomme. Ils l’avaient embarqué à moitié mort depuis le port de São Vicente en l’échange d’une poignée d’or et de pierres aussi pures que la rosée. Un miracle qu’il ait survécu aux premières semaines de traversée depuis le Nouveau-Monde, vraiment, mais une fois remis des morsures purulentes laissées là par quelque chien enragé, l’étranger s’était rétabli à une vitesse déconcertante. Si on oubliait le violent mal de mer qui avait bien mis un mois ou deux à se dissiper ensuite, et les jours qu’il passait parfois enfermé en cabine sans manger ni mettre le nez dehors. Comment blâmer le sauvage, cependant. Il n’avait certainement jamais mis les pieds ailleurs que dans de fragiles pirogues sur les fleuves amazoniens. Rien à voir avec l’immensité de l’océan fendu par leur trois-mâts, fleuron de la marine portugaise.
Quand l’étranger avait semblé incapable de leur donner son prénom, ils l’avaient baptisé Sadie. Un excès de poésie de la part du quartier-maître, car « non, vraiment, son regard c’est la saudade en personne, je vous le dis ». Personne n’avait trouvé à y redire, encore moins l’intéressé et la chape d’indifférence qu’il semblait porter sur l’existence même.
L’équipage lui avait appris le portugais, par ennui, et Sadie leur avait enseigné les rudiments d’une langue autochtone. Mais Tristão soupçonnait Sadie de se faire passer pour beaucoup plus bête qu’il ne l’était, à force de le voir réagir discrètement aux paroles des uns et des autres comme s’il comprenait déjà les échanges volant au-dessus de son crâne rasé, et à cause des intonations parfois hispaniques se glissant dans sa voix. Croire un simple sauvage capable d’être polyglotte ne faisait aucun sens, et pourtant. On ne la faisait pas à Tristão et à ses bientôt cinquante ans de service. Les âmes des hommes se révélaient toujours sur l’océan, quand rien d’autre n’existait à des milles sinon le silence des vagues et la noirceur des abysses.
Le vieux loup de mer ouvrit de nouveau la bouche, bien peu refroidi par l’attitude maussade de son compagnon. Après quelques rues à parler à un mur, l’étranger mit fin à la conversation de Tristão, comme souvent.
« Tu parles trop. »
Le trajet du retour jusqu’à la modeste auberge se termina en silence
Sadie a été humain, il y a très longtemps, quand on ne l'appelait pas Sadie et que les Amériques étaient vierges de toutes conquêtes intruses des peuples par-delà l'océan, à l'Est. Quand les Anasazis battaient les plaines désertiques du Colorado et s'excavait des palaces à flancs de falaises. Quand le monde était simple et vaste, vaste à vous en donner le vertige. Et les nuits déjà sombres, peuplées de terreurs sans nom et de monstres mangeurs de chair.
Il ne se souvient plus de cette première morsure. Avec le temps, tout s'efface, même la pire des douleurs, jusqu’à le faire douter avoir jamais été autre chose qu’un lycan. Il se souvient à peine d'une peur vague, incertaine, d'avoir tutoyé la mort, avant d'être bien vite apaisé par la présence réconfortante de la meute l'accueillant en son sein. Il ne s'est jamais senti plus à sa place en ce monde qu'après être devenu l'un des leurs.
Son ancien peuple a disparu en une génération, fuyant les terres qui l'avaient vu naître en toute hâte. Cataclysme, disaient les hommes. Sangsues, sifflaient les loups.
Il existait une harmonie délicate à ces danses millénaires. Les meutes et les clans coexistaient la plupart du temps sans heurts, tantôt craints par les hommes, tantôt vénérés. Les querelles éclataient, vives et étincelantes, et s'essoufflaient tout aussi vite pour revenir à un statut quo grinçant. Mais les dernières décennies avaient vu les dents-longues se faire plus aventureux ; et les meutes, dont la sienne, plus affamées. Et l’arrivée des espagnols deux siècles plus tard ne fit qu’exacerber la discorde déjà bouillonnante.
Mexique – 1563
La guerre souterraine éclata et les cruautés se déchaînèrent, même ici, même chez lui. Les luttes intestines se firent au grand jour, masquées par les luttes humaines triviales et les épidémies apportées par les colons venus d'ailleurs. Années après années, lui et les siens traquèrent et tuèrent, abattant autant d'ennemis qu'ils perdaient d'alliés, aveugles au cruel manque de sens de leurs actions qui les menaient, tous, à la ruine. Le vice ne connaissait pas de limite, chaque coup plus vil et plus inimaginable que le précédent, dans un camp comme dans l'autre. Il ne faisait pas bon être un dent-longue attrapé par une meute. Pas plus qu'il ne se réjouit d'être capturé à son tour. Et, de force, Sadie a été humain à nouveau.
Une sentence pire que la mort, l'humanité. Un fardeau qu'il n'avait plus endossé depuis des siècles et qu'il dut réapprivoiser seul, laissé pour mort par sa meute. Sadie était beaucoup de chose désormais, comme tendent à l'être les entités si vieilles qu'une seule enveloppe ne suffit plus à les décrire et à les contenir. Mais avant tout Sadie était loyal, toujours. Loyal à en crever. Et l’abandon de sa meute le lacéra plus certainement qu'aucun jeu malsain ou torture cruelle subis sous la coupe des vampires.
Les croyances et religions avaient toujours été un bruit de fond de son existence, berçants les hommes, berçant les bêtes, au rythme des saisons, des mythes et des astres. Expulsé de cette guerre dont il n'était plus qu'un dommage collatéral parmi d’autres, renié comme une engeance par ceux qu'il considérait comme son âme, Sadie s'est tourné vers la seule chose pouvant encore lui permettre de tenir debout ; il ne fallut pas longtemps à la religion des colons pour pénétrer son cœur et s'attacher sa loyauté bafouée.
Il n'en était pas digne, il le savait. Il y avait longtemps qu'il n'était plus humain. Désormais, il était même moins qu'une bête. Que pouvaient valoir la foi d'un homme qui n'était plus, les espoirs fragiles d'une créature cherchant désespérément à combler le vide béant laissé par la disparition de ce qu'elle était jusqu'alors ? Rien, probablement. Mais il trouva en Dieu un salut qu’il n’aurait plus cru possible, pansant ses plaies et ses peines à la lumière des écritures saintes et dans les ombres fraîches de ces églises tout juste érigées sur le sol impie des colonies. Comment pouvait-il en être autrement pour ne pas succomber à la folie, face au futur éphémère et solitaire se profilant désormais à l’horizon ? Alors lentement le temps reprit son emprise et Sadie se vit vieillir à nouveau.
Mexique – 1575
Il aura suffi d’une poignée d’année pour que la vie de Sadie bascule. D’un vulgaire grain de sable à l’échelle du presque millénaire passé à fouler ces terres.
Il y avait eu la guerre, se voir transformé en un instrument dédié à l’amusement sordide de dents-longues, se délectant de son ichor avant de le ramener à sa condition de vermine humaine en le gavant du sang d’un chaman malchanceux d’avoir croisé leur chemin.
Il y avait eu l’abandon des siens, total et absolu. Un silence assourdissant prenant le pas sur tout le reste, même sur le soulagement qu’aurait dû être la chance d’être encore en vie. Que valait sa vie, désormais, maintenant que tout lui avait été arraché ?
Il y avait eu la rédemption, désespérée et avide, une fuite en avant pour mieux rester aveugle, ne pas voir ce qu’il avait perdu, ne pas entendre son cœur en deuil. S’il ne pouvait trouver foi ni en lui-même, ni en ses ennemis, ni en ses traîtres, peut-être que ce Tout puissant venu d’un autre monde pourrait lui montrer la voie d’une existence moins pénible, à défaut de mériter d’être vécue.
Sadie était. Sadie existait. Sadie survivait. Et pourtant il est une limite à ce qu’un esprit peut endurer avant de se briser.
Quand il fut mordu pour la deuxième fois, Sadie se remémora soudain la douleur de la première, aussi vive et brûlante que celle qui ne tarderait pas à hurler sous sa peau, jusqu’à se l’arracher pour que le feu cesse. Il se rappela le bruit des os se brisant, le souffle si court et serré que tout était devenu noir, le laissant se débattre dans les ténèbres les plus étouffantes qu’il ait jamais connu. Il se revit accepter l’invitation à rejoindre la meute et l’adoration infantile qu’il ressentait face à ces créatures qui étaient venues lui offrir une place à leur côté. Il avait souhaité ces premiers crocs perçant sa chair, les avait accueillis à bras ouverts. En revenant à lui, il avait enjambé le corps mordu et sans vie d’une sœur dont il avait oublié l’existence jusqu'à aujourd'hui.
Cette morsure était différente. Brutale, vicieuse, aveuglée par un objectif égoïste et non par l’euphorie d’un nouveau frère à venir. Elle ne visait qu’un avilissement désespéré, dans l’espoir d’envoyer un corps supplémentaire nourrir les canons de chair et de crocs luttant dans les ombres. Il y reconnut la maladresse et la peur d’un loup trop jeune, très certainement plus jeune que lui à tous les égards. Après toutes les épreuves, les joies et les peines ressenties lors de son ancienne vie en meute, l'idée de se trouver lié à un acte si dépourvu de sens, si vide et inerte, finit de rompre l'ébauche de lien tentant de s'ancrer dans ses veines.
Les souvenirs lui revinrent, flous, bruyants, envahissants, et des instincts qu’il pensait perdus prirent le pas sur sa raison. Avant que le venin ne commence sa lente œuvre Sadie renversa une lampe à huile et mit le feu à la cahute. Bientôt, l’incendie se propagea de toit en toit, faisant tinter les cloches et s’égosiller les hommes, de la jungle jusqu’à la côte. La panique prit aussi sûrement que les fumées noires polluant les rues et empestant l’air.
Sa fuite n’eut rien de glorieux ni de réfléchi. Seul le chaos des flammes lui permit de masquer ses traces aux loups en traque. Il voulut se réfugier à l’église, brûla ses paumes contre les battants de la porte. Confus, il arracha également le pendentif lui grillant soudain la gorge, écœuré par l’odeur de chair cuite. Les implications de telles réactions ne lui viendraient que bien plus tard. Pour l’heure, l’urgence et l’adrénaline le portèrent plus loin que l’apitoiement, jusqu’à s’écrouler dans les ombres d’une ferme à l’abandon.
Il ne pensait pas survivre. Il l’espérait, même. Se voyait déjà rejoindre une sœur anonyme l’ayant attendu trop longtemps, s’imaginait effleurer la Terre Promise du bout des doigts. Mais il survécut, à nouveau. Et avec lui une haine débilitante envers ceux l’ayant arraché à lui-même, encore.
La traversée des côtes du Brésil jusqu'au Portugal fut une expérience désagréable au plus haut point, doux euphémisme. Embarqué quelques semaines à peine après sa nouvelle transformation, encore fiévreux et tremblant, il avait eu la présence d'esprit d'emporter un ballot de forsythia avec les maigres effets personnels rassemblés à la hâte lors de sa cavalcade. Les semaines de pleine lune, rendu malade par les infusions qu'il s'obligeait à ingérer jusqu'à évanouissement si nécessaire, il se demandait souvent si d'autres que lui avaient déjà été assez fous pour s'enfermer ainsi volontairement des mois en haute-mer, sur une coquille de noix minuscule et sans forme d'intimité aucune. Probablement pas. De même que peu avaient sûrement eu besoin de mettre un océan entre eux et un lien d'alpha foulé au pied sans autre forme de procès.
1585 à nos jours
Lorsque la peste s’est déclarée, Sadie a quitté le Portugal pour l’Espagne, puis l’Espagne pour la France. Se mêlant désormais aux humains sans honte, il n’a pas de but autre qu’avancer dans sa croisade contre les créatures peuplant les ombres. Suivant des pistes ténues et incertaines, traquant aussi bien les ennemis buveurs de sang que les meutes traîtresses. Parfois, la chance lui sourit, faisant tomber entre ses mains une créature naïve, jeune, ou isolée. Un cadavre de plus ou de moins, parmi les milliers tombant sous la maladie ou la famine, qui pouvait s’en soucier ?
La guerre souterraine a enfin cessé, paraît-il. Sadie, lui, commence la sienne.
Sadie
And what do I get for my pain ?
Betrayed desires and a piece of the game.
Betrayed desires and a piece of the game.
Genre : Masculin.
Date & lieu de naissance : A l'aube du premier millénaire en région des Four Corners, Nouveau-Monde.
Âge : Autour des 900 ans.
Âge apparent : Jeune trentaine.
Race : Lycan mordu (déviant).
Groupe : Peuple.
Métier / fonction : Homme de main du prince hériter du Saint-Empire Germanique. (Mercenaire.)
Condition sociale : Discrète.
Feat : Ronan Lynch – TRC, par Cassandra Jean.
Date & lieu de naissance : A l'aube du premier millénaire en région des Four Corners, Nouveau-Monde.
Âge : Autour des 900 ans.
Âge apparent : Jeune trentaine.
Race : Lycan mordu (déviant).
Groupe : Peuple.
Métier / fonction : Homme de main du prince hériter du Saint-Empire Germanique. (Mercenaire.)
Condition sociale : Discrète.
Feat : Ronan Lynch – TRC, par Cassandra Jean.
Caractère
Sadie est ce qu'on pourrait appeler une âme simple, en dépit de son grand âge, ou peut-être grâce à lui. Pas par bêtise, encore moins par ignorance. Aux yeux de la société contemporaine, il pourrait être astronome, physicien, linguiste, professeur émérite, s'il le souhaitait ; digne réceptacle de siècles de savoir humains et lycans en tout genre. Mais il ne cherche ni la gloire, ni la fortune. Il a trop souvent vu à quoi mènent de telles folies. En ce sens, il craint déjà pour la survie de sa terre natale face à la cupidité des hommes blancs, ne peut empêcher le regret et la mélancolie de s'immiscer dans ses pensées. Cette part de lui, celle faisant écho à l'homme brave, aimant et débordant d'altruisme et de compassion qu'il avait pu être avant la guerre, pour sa meute et sa famille, il s'efforce de la réduire au silence. Il n'est plus cet homme. Il n'est plus là-bas, désormais. Il n'y reviendra plus.
Sadie n'a pas goût aux sournoiseries des hommes, ne s'intéresse que très peu aux jeux de puissance mouvant les cours des palais de ce côté de l'Atlantique. La noblesse et le pouvoir à l'européenne sont une chose qu'il n'a découvert que récemment et on ne peut pas dire que la vue lui plaise. Un mépris silencieux, qui confine parfois au dégoût face aux actes de barbaries qu'il a pu observer depuis son arrivée sur le nouveau continent. Et dire qu'ils se permettent, eux, de les appeler sauvages.
Sadie est quelqu'un d'honnête et de franc, à défaut d'être agréable à vivre. Il estime, à raison, que le respect est un droit indu à tous jusqu'à preuve du contraire, ou acte révoquant ce droit de fait. Les titres et les parures d'or ne méritent pas plus de déférence à ses yeux que des bas souillés de terre après des longues journées au champ, de même qu'il n'accorde aucun mérite au fait d'être né homme plutôt que femme. Les us et coutumes de ce continent sont d'ailleurs en désaccord de plus en plus évident avec ses propres racines, quelque chose qui aurait pu le pousser à vouloir comprendre et à éduquer, il y a longtemps. Mais son intérêt pour son prochain s'est fait rare depuis que son âme damnée n'est plus la bienvenue au sein de la maison de Dieu. Les préceptes des écritures saintes guident encore sa main, parfois, mais il ne s'en estime plus assez digne pour les pratiquer ou les prêcher convenablement. Et il ne se voile pas la face : sa croisade égoïste et meurtrière contre lycans et vampires ne pourrait être plus éloignée des paroles du christ. Il ne Lui fera donc pas l'affront de prétendre le contraire.
Sadie est pragmatique, cruellement méthodique et d'une efficacité redoutable lorsqu'il se donne les moyens de parvenir à ses fins. Autant de qualités, lorsqu'il s'agissait encore de protéger une meute ou un territoire, désormais devenues fléaux. Malgré les inconvénients d'une morsure encore trop récente pour lui permettre de contrôler ses forces et transformations avec l'aisance d'antan, son expérience reste intacte, tapie dans le moindre de ses os, le moindre des ses gestes. Et la violence qu'elle est capable de déchaîner est restée tout aussi létale qu'autrefois.
Sadie, enfin, n'est plus mû que par l'abandon à une rage aveugle. Une rage qui ne transpire ni dans son visage dénué d'expressions autres que de rares froncements de sourcils désapprobateurs ; ni dans sa voix toujours basse et calme, sans un mot plus haut que l'autre ; ni dans la froide indifférence avec laquelle il traverse désormais l'existence. Une rage brûlante et étouffante, un incendie allumé loin, très loin d'ici, et qui n'a cessé de rugir depuis, sans montrer signe de faiblir.
Histoire
Portugal - 1576
Une brume diffuse montait des eaux du port, enlaçant les bateaux amarrés avec une tendresse indifférente aux cris hélés, aux rires gras et aux tintements des pièces secouées dans leurs besaces. L’attroupement se voulait discret sous les lueurs des lanternes et s’y réussissait autant qu’une cavalerie en pleine charge, c’est-à-dire très peu. L’ivresse et la hargne enhardies des parieurs sur le résultat de ces combats improvisés ne se prêtaient guerre à la retenue. Bientôt la cloche sonna le glas, annonçant la fin de la rixe et amenant aux échanges sous le manteau, aux insultes et aux déceptions. La foule de badauds se dispersa rapidement, s’étiolant dans la nuit tombée sur les quais et sur le ring éphémère dressé en bout de ponton, à l’abri d’un hangar de marchandise.
« Voilà sa part. »
Tristão soupesa la bourse. Un froncement plissa les sourcils broussailleux du marin, laissant à l’imagination la moue dissimulée par la barbe poivre et sel mangeant les trois-quarts de son visage.
« Il en manque la moitié au moins, ce n’est pas ce qui a été convenu. »
L’homme à la bourse croisa des bras peu impressionnés sur son torse, crachant avec une colère non retenue.
« Il fallait y penser avant d’envoyer ce » - il agita vaguement la main – « ce sauvage, là, dans les cordes. Les règles sont les règles. Pas de mort sur mon quai, pas de blessures ouvertes, pas d’acharnement après un abandon. Ça fait trois fois qu’il renvoie des types hors du ring avec des os à l’air, et son dernier K.O est toujours alité après plus d’une semaine. »
L’homme cracha à leurs pieds, lorgnant sur le dit sauvage.
« Maudit fils de chienne. Non, cette fois ça suffit, tu prends sa part et vous dégagez. Il est mauvais pour le business. »
Tristão jeta un coup d’œil à l’ombre silencieuse de Sadie, debout derrière lui, se demandant si l’homme allait réagir. Mais comme toujours son compagnon n’offrit aucune expression particulière en dehors d’un léger froncement de nez méprisant, si discret que Tristão avait mis des semaines avant d’en remarquer l’existence, et se contenta de prendre la bourse des mains du marin avant de tourner les talons.
« Bah ! Bon débarras. Je sais pas où tu l’as récupéré celui-là, Tristão, mais j’te dis, il est mauvais ce type. Ça se voit dans l’regard. Tu ferais mieux de le balancer dans une cale avec aller simple vers le Nouveau-Monde et qu’il y reste cette fois. »
Le marin haussa les épaules sans répondre, laissant le marchand à son entrepôt et partant sur les traces de Sadie.
« Tu gagnerais sûrement au change, » offrit-il en rattrapant son compagnon, « si tu arrêtais de te faire passer pour un sauvage illettré des colonies décochant moins d’un mot par jour et que-
- Est-ce qu’il y a d’autres cercles de lutte dans le coin ? » coupa Sadie.
- Quelques-uns. Mais les rumeurs filent à toute vitesse, je doute qu’on te laisse y entrer maintenant que tu as mis le bordel chez João. C’est déjà un miracle que les autorités ne t’aient pas attrapé pour trouble à l’ordre public ou qu’on ne te soit pas encore tombé dessus pour te foutre dans un cirque exotique. Tu devrais faire gaffe Sadie, la protection du capitaine a ses limites tu sais ?
- Hm.
- Puis un solide gaillard comme toi, tu pourrais tout aussi bien te faire engager dans la marine marchande pour de bon. Les indigènes instruits ne courent pas les rues, tu serais un atout pour les affaires du capitaine – et de la Couronne. »
Le regard noir que lui valut cette suggestion coupa court aux autres propositions fleurissant sur le bout de sa langue. L’idée était loin d’être stupide pourtant, Sadie devait en avoir conscience. Mais Sadie était un drôle d’oiseau, après tout.
Tristão ne pouvait empêcher la curiosité de prendre le dessus quand il s’agissait du bonhomme. Ils l’avaient embarqué à moitié mort depuis le port de São Vicente en l’échange d’une poignée d’or et de pierres aussi pures que la rosée. Un miracle qu’il ait survécu aux premières semaines de traversée depuis le Nouveau-Monde, vraiment, mais une fois remis des morsures purulentes laissées là par quelque chien enragé, l’étranger s’était rétabli à une vitesse déconcertante. Si on oubliait le violent mal de mer qui avait bien mis un mois ou deux à se dissiper ensuite, et les jours qu’il passait parfois enfermé en cabine sans manger ni mettre le nez dehors. Comment blâmer le sauvage, cependant. Il n’avait certainement jamais mis les pieds ailleurs que dans de fragiles pirogues sur les fleuves amazoniens. Rien à voir avec l’immensité de l’océan fendu par leur trois-mâts, fleuron de la marine portugaise.
Quand l’étranger avait semblé incapable de leur donner son prénom, ils l’avaient baptisé Sadie. Un excès de poésie de la part du quartier-maître, car « non, vraiment, son regard c’est la saudade en personne, je vous le dis ». Personne n’avait trouvé à y redire, encore moins l’intéressé et la chape d’indifférence qu’il semblait porter sur l’existence même.
L’équipage lui avait appris le portugais, par ennui, et Sadie leur avait enseigné les rudiments d’une langue autochtone. Mais Tristão soupçonnait Sadie de se faire passer pour beaucoup plus bête qu’il ne l’était, à force de le voir réagir discrètement aux paroles des uns et des autres comme s’il comprenait déjà les échanges volant au-dessus de son crâne rasé, et à cause des intonations parfois hispaniques se glissant dans sa voix. Croire un simple sauvage capable d’être polyglotte ne faisait aucun sens, et pourtant. On ne la faisait pas à Tristão et à ses bientôt cinquante ans de service. Les âmes des hommes se révélaient toujours sur l’océan, quand rien d’autre n’existait à des milles sinon le silence des vagues et la noirceur des abysses.
Le vieux loup de mer ouvrit de nouveau la bouche, bien peu refroidi par l’attitude maussade de son compagnon. Après quelques rues à parler à un mur, l’étranger mit fin à la conversation de Tristão, comme souvent.
« Tu parles trop. »
Le trajet du retour jusqu’à la modeste auberge se termina en silence
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Sadie a été humain, il y a très longtemps, quand on ne l'appelait pas Sadie et que les Amériques étaient vierges de toutes conquêtes intruses des peuples par-delà l'océan, à l'Est. Quand les Anasazis battaient les plaines désertiques du Colorado et s'excavait des palaces à flancs de falaises. Quand le monde était simple et vaste, vaste à vous en donner le vertige. Et les nuits déjà sombres, peuplées de terreurs sans nom et de monstres mangeurs de chair.
Il ne se souvient plus de cette première morsure. Avec le temps, tout s'efface, même la pire des douleurs, jusqu’à le faire douter avoir jamais été autre chose qu’un lycan. Il se souvient à peine d'une peur vague, incertaine, d'avoir tutoyé la mort, avant d'être bien vite apaisé par la présence réconfortante de la meute l'accueillant en son sein. Il ne s'est jamais senti plus à sa place en ce monde qu'après être devenu l'un des leurs.
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Son ancien peuple a disparu en une génération, fuyant les terres qui l'avaient vu naître en toute hâte. Cataclysme, disaient les hommes. Sangsues, sifflaient les loups.
Il existait une harmonie délicate à ces danses millénaires. Les meutes et les clans coexistaient la plupart du temps sans heurts, tantôt craints par les hommes, tantôt vénérés. Les querelles éclataient, vives et étincelantes, et s'essoufflaient tout aussi vite pour revenir à un statut quo grinçant. Mais les dernières décennies avaient vu les dents-longues se faire plus aventureux ; et les meutes, dont la sienne, plus affamées. Et l’arrivée des espagnols deux siècles plus tard ne fit qu’exacerber la discorde déjà bouillonnante.
Mexique – 1563
La guerre souterraine éclata et les cruautés se déchaînèrent, même ici, même chez lui. Les luttes intestines se firent au grand jour, masquées par les luttes humaines triviales et les épidémies apportées par les colons venus d'ailleurs. Années après années, lui et les siens traquèrent et tuèrent, abattant autant d'ennemis qu'ils perdaient d'alliés, aveugles au cruel manque de sens de leurs actions qui les menaient, tous, à la ruine. Le vice ne connaissait pas de limite, chaque coup plus vil et plus inimaginable que le précédent, dans un camp comme dans l'autre. Il ne faisait pas bon être un dent-longue attrapé par une meute. Pas plus qu'il ne se réjouit d'être capturé à son tour. Et, de force, Sadie a été humain à nouveau.
Une sentence pire que la mort, l'humanité. Un fardeau qu'il n'avait plus endossé depuis des siècles et qu'il dut réapprivoiser seul, laissé pour mort par sa meute. Sadie était beaucoup de chose désormais, comme tendent à l'être les entités si vieilles qu'une seule enveloppe ne suffit plus à les décrire et à les contenir. Mais avant tout Sadie était loyal, toujours. Loyal à en crever. Et l’abandon de sa meute le lacéra plus certainement qu'aucun jeu malsain ou torture cruelle subis sous la coupe des vampires.
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Les croyances et religions avaient toujours été un bruit de fond de son existence, berçants les hommes, berçant les bêtes, au rythme des saisons, des mythes et des astres. Expulsé de cette guerre dont il n'était plus qu'un dommage collatéral parmi d’autres, renié comme une engeance par ceux qu'il considérait comme son âme, Sadie s'est tourné vers la seule chose pouvant encore lui permettre de tenir debout ; il ne fallut pas longtemps à la religion des colons pour pénétrer son cœur et s'attacher sa loyauté bafouée.
Il n'en était pas digne, il le savait. Il y avait longtemps qu'il n'était plus humain. Désormais, il était même moins qu'une bête. Que pouvaient valoir la foi d'un homme qui n'était plus, les espoirs fragiles d'une créature cherchant désespérément à combler le vide béant laissé par la disparition de ce qu'elle était jusqu'alors ? Rien, probablement. Mais il trouva en Dieu un salut qu’il n’aurait plus cru possible, pansant ses plaies et ses peines à la lumière des écritures saintes et dans les ombres fraîches de ces églises tout juste érigées sur le sol impie des colonies. Comment pouvait-il en être autrement pour ne pas succomber à la folie, face au futur éphémère et solitaire se profilant désormais à l’horizon ? Alors lentement le temps reprit son emprise et Sadie se vit vieillir à nouveau.
Mexique – 1575
Il aura suffi d’une poignée d’année pour que la vie de Sadie bascule. D’un vulgaire grain de sable à l’échelle du presque millénaire passé à fouler ces terres.
Il y avait eu la guerre, se voir transformé en un instrument dédié à l’amusement sordide de dents-longues, se délectant de son ichor avant de le ramener à sa condition de vermine humaine en le gavant du sang d’un chaman malchanceux d’avoir croisé leur chemin.
Il y avait eu l’abandon des siens, total et absolu. Un silence assourdissant prenant le pas sur tout le reste, même sur le soulagement qu’aurait dû être la chance d’être encore en vie. Que valait sa vie, désormais, maintenant que tout lui avait été arraché ?
Il y avait eu la rédemption, désespérée et avide, une fuite en avant pour mieux rester aveugle, ne pas voir ce qu’il avait perdu, ne pas entendre son cœur en deuil. S’il ne pouvait trouver foi ni en lui-même, ni en ses ennemis, ni en ses traîtres, peut-être que ce Tout puissant venu d’un autre monde pourrait lui montrer la voie d’une existence moins pénible, à défaut de mériter d’être vécue.
Sadie était. Sadie existait. Sadie survivait. Et pourtant il est une limite à ce qu’un esprit peut endurer avant de se briser.
Quand il fut mordu pour la deuxième fois, Sadie se remémora soudain la douleur de la première, aussi vive et brûlante que celle qui ne tarderait pas à hurler sous sa peau, jusqu’à se l’arracher pour que le feu cesse. Il se rappela le bruit des os se brisant, le souffle si court et serré que tout était devenu noir, le laissant se débattre dans les ténèbres les plus étouffantes qu’il ait jamais connu. Il se revit accepter l’invitation à rejoindre la meute et l’adoration infantile qu’il ressentait face à ces créatures qui étaient venues lui offrir une place à leur côté. Il avait souhaité ces premiers crocs perçant sa chair, les avait accueillis à bras ouverts. En revenant à lui, il avait enjambé le corps mordu et sans vie d’une sœur dont il avait oublié l’existence jusqu'à aujourd'hui.
Cette morsure était différente. Brutale, vicieuse, aveuglée par un objectif égoïste et non par l’euphorie d’un nouveau frère à venir. Elle ne visait qu’un avilissement désespéré, dans l’espoir d’envoyer un corps supplémentaire nourrir les canons de chair et de crocs luttant dans les ombres. Il y reconnut la maladresse et la peur d’un loup trop jeune, très certainement plus jeune que lui à tous les égards. Après toutes les épreuves, les joies et les peines ressenties lors de son ancienne vie en meute, l'idée de se trouver lié à un acte si dépourvu de sens, si vide et inerte, finit de rompre l'ébauche de lien tentant de s'ancrer dans ses veines.
Les souvenirs lui revinrent, flous, bruyants, envahissants, et des instincts qu’il pensait perdus prirent le pas sur sa raison. Avant que le venin ne commence sa lente œuvre Sadie renversa une lampe à huile et mit le feu à la cahute. Bientôt, l’incendie se propagea de toit en toit, faisant tinter les cloches et s’égosiller les hommes, de la jungle jusqu’à la côte. La panique prit aussi sûrement que les fumées noires polluant les rues et empestant l’air.
Sa fuite n’eut rien de glorieux ni de réfléchi. Seul le chaos des flammes lui permit de masquer ses traces aux loups en traque. Il voulut se réfugier à l’église, brûla ses paumes contre les battants de la porte. Confus, il arracha également le pendentif lui grillant soudain la gorge, écœuré par l’odeur de chair cuite. Les implications de telles réactions ne lui viendraient que bien plus tard. Pour l’heure, l’urgence et l’adrénaline le portèrent plus loin que l’apitoiement, jusqu’à s’écrouler dans les ombres d’une ferme à l’abandon.
Il ne pensait pas survivre. Il l’espérait, même. Se voyait déjà rejoindre une sœur anonyme l’ayant attendu trop longtemps, s’imaginait effleurer la Terre Promise du bout des doigts. Mais il survécut, à nouveau. Et avec lui une haine débilitante envers ceux l’ayant arraché à lui-même, encore.
*
La traversée des côtes du Brésil jusqu'au Portugal fut une expérience désagréable au plus haut point, doux euphémisme. Embarqué quelques semaines à peine après sa nouvelle transformation, encore fiévreux et tremblant, il avait eu la présence d'esprit d'emporter un ballot de forsythia avec les maigres effets personnels rassemblés à la hâte lors de sa cavalcade. Les semaines de pleine lune, rendu malade par les infusions qu'il s'obligeait à ingérer jusqu'à évanouissement si nécessaire, il se demandait souvent si d'autres que lui avaient déjà été assez fous pour s'enfermer ainsi volontairement des mois en haute-mer, sur une coquille de noix minuscule et sans forme d'intimité aucune. Probablement pas. De même que peu avaient sûrement eu besoin de mettre un océan entre eux et un lien d'alpha foulé au pied sans autre forme de procès.
1585 à nos jours
Lorsque la peste s’est déclarée, Sadie a quitté le Portugal pour l’Espagne, puis l’Espagne pour la France. Se mêlant désormais aux humains sans honte, il n’a pas de but autre qu’avancer dans sa croisade contre les créatures peuplant les ombres. Suivant des pistes ténues et incertaines, traquant aussi bien les ennemis buveurs de sang que les meutes traîtresses. Parfois, la chance lui sourit, faisant tomber entre ses mains une créature naïve, jeune, ou isolée. Un cadavre de plus ou de moins, parmi les milliers tombant sous la maladie ou la famine, qui pouvait s’en soucier ?
La guerre souterraine a enfin cessé, paraît-il. Sadie, lui, commence la sienne.
Derrière l'écran
Pseudo : Mr Clown.
Âge : Au moins six.
Comment as-tu trouvé le forum ? I don't kiss and tell.
Un petit mot ? De l'amour sur vos émots.
Pseudo : Mr Clown.
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Sam 6 Fév - 17:56
COUCOU ! Bienvenue parmi nous ! Oh le vava fait déjà assez peur XDDD J'ai très hâte de lire ce que tu vas écrire, au plaisir que tu nous rejoignes
Dim 7 Fév - 12:49
BIENVENUE ICI SADIE
Je n'ai pas encore eu l'occasion de tout lire mais ta plume est vraiment très belle, j'aime beaucoup !
Je n'ai pas encore eu l'occasion de tout lire mais ta plume est vraiment très belle, j'aime beaucoup !
Dim 7 Fév - 18:45
Bravo tu es validé !
Le grand moment est enfin arrivé