La chaleur de la nuit, si elle n’était pas étouffante, était tout de même palpable. Inesis, comme à son habitude, faisait le tour des bâtiments et sautait de toit en toit afin de surveiller les alentours. Au cas où une créature malveillante souhaiterait s’en prendre à des êtres humains, il interviendrait.

Ses entrainements et ses connaissances gardées de l’Eglise Souterraine lui servaient encore aujourd’hui, ce qui le fit sourire, quelque part. Yula serait-elle heureuse de cela ? C’était une interrogation qui travaillait souvent le vampire mordu pendant qu’il officiait sa mission en solitaire.
Tout semblait calme, ce soir, aussi prit-il le temps de laisser ses jambes pendre dans le vide, laissant simplement le vent faire remuer sa chevelure sombre.

Mais voilà, ses sens, développés, trahirent la présence d’une tierce personne toute proche. Et vu les déplacements qu’Inesis pouvait deviner, ce n’était certainement pas une personne humaine. Le vampire se redressa et immédiatement, se mit sur la défensive. « QUI EST LA ?! »

Ses crocs étaient prêts à luire, si besoin.

En d’autres circonstances, peut-être Inesis aurait-il sauté dans les bras de Calla pour lui dire qu’elle lui a manqué et que malgré les années, il ne l’a pas oublié. Mais il s’abstient, car il se doute qu’elle est encore dans leurs rangs, à eux, ceux de l’Eglise Souterraine. Et si sait mieux que personne le sort réservé aux créatures qu’ils jugent dangereuses ou qu’ils font traquer. L’issue n’est que trop rarement heureuse, Inesis l’a vécu aux côtés de Yula, notamment.

Mais Calla restait un bond dans sa poitrine, une vision d’autrefois qu’il apprécie malgré tout de revoir. « Calla… » Inutile de tergiverser, il sait très bien que c’est elle. Personne ne peut lui ressembler autrement.

Le vampire se tient sur la défensive, prêt à fuir si nécessaire. Car non, il ne croisera pas le fer avec Calla. Jamais. « Alors… Tu chasses ? »

Ce serait trop lui demander.

Pour un peu, il aurait presque juré pouvoir sentir de la déception, chez son amie d’autrefois – non, elle l’était toujours, pour lui tout du moins. Inesis pouvait parfaitement le concevoir, après tout, il avait enfreint bon nombre de règles de l’Église Souterraine en disparaissant de la sorte.

Cependant, quelque chose dans les réactions de Calla attira son attention. Elle ne semblait pas en colère. Donc, peut-être que l’Église ne lui avait pas tout dit concernant sa « disparition » ? Mieux, peut-être que eux même ne savaient pas ce qu’il s’était réellement passé ! C’était sa chance d’amener la jeune femme de son côté – si côté il y avait. Et voir même, pourquoi pas, de la convaincre de quitter cette affreuse organisation malsaine.

« Oui. Oui, je suis un vampire, maintenant. » Il déglutit, chercha le regard de sa consœur malgré tout et prit une inspiration. Et, lorsqu’enfin il se sentit près, il lâcha son coup. « Et je l’ai choisi. »

Quitte à sacrifier sa nature de « sorcier » d’alors.

Il remarqua rapidement le calme de Calla. Même s’ils ne s’étaient pas vu depuis des décennies, Inesis avait toujours la sensation qu’il pouvait plus ou moins prévoir et lire les intentions de son ancienne amie. Il espérait ne pas se tromper à ce point. Aussi, lorsqu’elle lui posa la question ; la fameuse question, il se détendit un peu.

Faisant un pas vers l’infant, le jeune vampire lui offrit un sourire vrai, lumineux malgré les ténèbres qui les entouraient tous les deux. « Oui. Je suis heureux. Car je l’ai choisi par amour. »

Lui-même, à l’époque, c’était interrogé sur le sentiment qui avait pris place dans son cœur à mesure qu’il côtoyait Feliz. Il avait bien été obligé de se rendre à l’évidence, cependant. Et il espérait que cet argument suffirait à convaincre Calla.
Et…

« Et toi ? Tu… Tu chasses toujours pour eux ? » Le ton n’est pas dédaigneux. Mais pas authentique ou aimable pour autant.

Porté disparu. Quels mots étranges alors même qu’il a simplement déguisé sa fuite comme il avait été capable de le faire, s’en remettant tout entier dans les bras de Feliz pour gérer les choses le temps de sa transformation. Toutefois, le résultat le satisfait. Ce n’est pas parfait car l’Eglise Souterraine existe toujours, mais au moins ils ne sont pas à ses trousses. Inesis devait bien admettre qu’il n’aurait pas su quoi faire dans l’immédiat si leurs chasseurs s’étaient mis sur sa voie.

Il a un peu sursauté en voyant Calla poser sa main sur la garde de son épée mais comprend rapidement qu’il était là la démonstration de l’humour pinçant de son ex-consoeur. « Eh bien… Il n’y a plus qu’à espérer que mon état restera dans les abysses de leurs mémoires, dans ce cas, ahah… »

Inesis aurait voulu passer plus de temps en compagnie de Calla, mais il doit surveiller les alentours. Quoi que, après réflexion, l’un n’empêche pas l’autre. « Calla, je… Je m’apprêtais à faire une ronde pour protéger les citoyens et au besoin… débarrasser les rues de Paris de sa vermine. Tu voudrais… Te joindre à moi ? » Une chasse reste une chasse, non ?

Oh. Oui, si l’Eglise s’était autant développé après son départ et son sommeil de guerre, de surcroît, Inesis avait donc doublement raison de faire acte de prudence. « Merci, Calla, je prendrais soin d’agir comme tu me le conseille. C’est encore la voie la plus raisonnable à choisir. »

Mais… « Je continue à chasser ceux et celles qui dévient du chemin et blessent autrui parce que je veux protéger les autres, Calla. Détrompes toi, j’inclus aussi les êtres humains dans ma dénomination, à présent. » Mais il n’attaquait tout simplement plus les créatures pour la simple raison qu’elles étaient ce qu’elles étaient. Il avait ouvert son esprit à une toute autre idée de la justice.

« Je dois y aller, Calla. Prends soin de toi, j’espère que je te reverrais. Saches que Yula t’aimait beaucoup et que c’est toujours le cas pour moi aussi. » Et une pensée fugace mais téméraire reprend le dessus avant qu’il ne saute. « Oh et si… Si vous le retrouvez, tu pourras m’en avertir ? »

Ce monstre ne doit plus faire de dégâts. C’est sa pensée alors qu’il se laisse engloutir par la noirceur de Paris.