Tout était aussi prêt que possible. Nilith avait aider Elise à se vêtir et, même si la jeune Duchesse ne connaissait pas encore les codes de la vie noble parisienne, elle était satisfaite du rendu.

Le thé était tout juste servi et les douceurs également, elle n’avait plus qu’à tenir son rôle et ne pas faire honte à son père ou à sa nouvelle mère, désormais. Il lui fallait rendre son manteau à ce charmant noble et entamer doucement le fil de ses relations au sein de la Cour de France.

Toutefois, même si l’invitation était tombée bien avant l’événement dramatique de sa Majesté, Elise se demandait encore s’il était de bon ton de l’avoir maintenue… Après tout, l’homme était tout de même le cousin de Victoire ! Et s’il préférait être auprès de sa famille ? Elise se sentie brusquement très égoïste, mais déjà, Nilith lui annonça l’arrivée de son invité.

Elle ne pouvait plus faire marche arrière.

Elle partit donc accueillir le Duc, congédiant Nilith pour la remercier de ses bons et loyaux services. « Messire d’Orléans, bienvenue dans mon modeste manoir ! »

Respirer et prier pour le mieux, à présent.

Qu’il avait fière allure ! Elise ne put s’empêcher de sentir son cœur rater un mouvement lorsque le Duc d’Orléans posa le pied sur la propriété de Navarre. Et lorsqu’il lui offrit le baisemain, elle sentit ses joues s’empourprer d’un bout à l’autre. « Oh, euh, je… M-merci beaucoup, c’est très gentil de votre part… »

Le soleil, brûlant dans son dos, la ramena à la réalité des choses. Du moins, elle essaya de bien faire. « Suivez-moi vers le salon, tout est prêt pour vous accueillir ! Sentez-vous à l’aise, par ailleurs, de faire comme chez vous ! »

L’accueil dans le salon est agréable, il y fait frais et le lilas du jardin principal laisse flotter une douce odeur dans l’air. « Installez-vous, Messire d’Orléans. » Elle ne prendra place qu’après lui.

Lorsqu’elle le fit assoir, Elise suivit le mouvement et commença à verser le liquide brûlant dans les tasses qu’elle avait déjà retournées. « Oh euh… La vie y est différente, il est vrai, mais je trouve cela très plaisant ! L’animation ici me donne parfois le tournis, mais j’aime avoir la vie avec autant de force sous les yeux, cela me change de la campagne austère dans laquelle j’ai grandis… »

Un sourire se dessine alors sur ses lèvres alors qu’elle rougit encore, détournant les yeux. « Oh euh, je… Oui… Je sais qu’il n’est pas de mon rang de m’évertuer à concevoir de petits artifices tels que celui d’Iris mais je ne peux pas m’en empêcher. Plus jeune, c’est ainsi que je comblais ma solitude, alors… »

Et finalement, le constat de son égoïsme lui revient aussitôt en tête. « Messire… Soyez honnête… Ne préféreriez-vous pas être auprès de la Reine en ce moment ? Je me sens bien malhabile d’avoir maintenu notre rendez-vous alors que … Enfin… »
Elle espérait tout de même que la Reine aille bien.

Oh, elle était si rassurée ! Ce Duc ne semblait pas assis sur les convenances à un trop haut niveau, aussi Elise se sentit un peu plus légère, immédiatement. « Oh, vous savez, il est normal que je me fasse du souci pour notre Souveraine, elle guide notre pays après tout ! » Et Elise avait toute confiance en Victoire, par ailleurs.

Prenant finalement sa tasse, elle réfléchit à la proposition de l’Orléans. « Oh euh… Ce serait avec plaisir, bien évidemment. Mais sa Majesté doit avoir beaucoup à faire. Je m’en voudrais de lui faire perdre son temps avec moi ! »

Qui était-elle à la Cour, après tout ?

« Oh, v-vous pensez ? » Elise était sujette à la dépréciation de sa propre personne. Face à toutes les magnifiques personnes qu’elle avait déjà eu l’occasion de croiser, comment ne pas songer autrement ?

Ceci étant dit, les propos de Charles la rassurait. « Dans ce cas, je ne dirais pas non à une entrevue avec sa majesté, oui… » C’était une chance incroyable ! « Seriez-vous présent, à tout hasard ? »

Elle déglutit, peinant à soutenir le regard du –très – bel homme assis en face d’elle. Il faudrait qu’elle réfère à Hermance de tout cela. Après tout, qui mieux qu’une mère pour conseiller sa fille dans ce genre de moment ?

Elle prit une nouvelle gorgée de son thé mais, lorsqu’elle voulut reposer sa tasse sur la petite assiette assortie, Elise senti ses doigts lâcher un peu prise.

CLING.

« E-Epouse ?! » Elle reprit brusquement sa respiration, une main appuyée sur sa gorge. « Oh, par le ciel… » Heureusement rien de cassé dans son service à thé, mais l’adrénaline, elle, courrait bien dans ses veines.

« Toutes mes excuses, Duc d’Orléans, je ne souhaitais pas vous manquer de respect, en aucun cas ! Et… Et je n’aurais pas l’audace de penser être une femme à votre convenance, après tout… » Elle n’était que d’un Duché éloigné de la Capitale, après tout…

Oh, alors il s’agissait simplement de taquinerie… Elise se sentait un peu bête d’avoir ainsi pensé autrement. Mais elle devait sans doute quelques explications au Duc qui lui faisait face. « Eh bien… »

Elise n’avait pas l’habitude de parler d’elle alors elle fit de son mieux pour ne pas aller vers les discours soporifiques au possible. « En réalité j’ai été promise à un prince espagnol lorsque j’étais très jeune. Il avait deux ans de plus que moi et nous jouions souvent ensemble car mon père recevait beaucoup de dignitaires royaux à l’époque. » Sourire. « Il était imbattable au jeu du cache-cache et même si je ne l’ai jamais battu, nous étions très bons amis. A vrai dire je le considérais plutôt comme mon meilleur ami que mon fiancé. »

Seulement … « Mais il a été emporté par la peste, au tout début de l’épidémie. Alors, en apprenant la nouvelle dans un de ses rares moments de lucidité, mon père a choisi de ne pas m’imposer un nouvel époux. Il disait me faire confiance pour faire ce choix, mais en toute honnêteté, je ne sais pas si j’en suis capable moi-même. »

Elle ne savait même pas ce que cela signifiait vraiment, le mariage.

Le Duc avait une qualité certaine de mettre Elise à l’aise. Il avait les mots pour à la fois compatir avec elle et l’encourager à aller de l’avant.

« Vous avez raison, Messire. » Elle reprit constance ainsi qu’une gorgée de son thé, qui devenait tiède à présent. « Je vais m’efforcer de rendre mon père et ma mère fiers de moi à présent ! Je sais que nous n’avons pas beaucoup de différence d’âge, Hermance et moi, mais je suis d’autant plus motivée à suivre ses directives pour m’intégrer au mieux ! »

Puis, elle osa, regonflée à bloc : « Auriez-vous des conseils à me donner également, Messire ? »

Elle était toute ouïe.

Elle termina sa tasse en écoutant attentivement les mots de Charles. Bien, il fallait donc parler avec parcimonie et intelligence. Elle retiendrait tout cela et tâcherait de faire en sorte de n’apporter l’opprobre sur personne.

« Je vous remercie, Messire, c’est une gentille attention que vous me portez-là. » Sans doute ne le réalisait-il pas encore lui-même, par ailleurs. « Souhaitez-vous, si vous avez terminé, aller faire un tour dans les jardins ? »

Ils étaient magnifiques en cette saison.

S’appuyant sur le bras du Duc d’Orléans, le cœur battant la chamade, Elise se fit une joie de le guider jusqu’aux jardins du manoir. « Il va…. Aussi bien que possible. Son physicien personnel est toujours avec lui d’ailleurs. » Elle soupire. « Je crains le jour où Dieu le rappellera à lui car je ne sais si je saurais être à la hauteur de ses espérances, d’ici là… »

Le temps presse.

« Je suis vraiment attristée d’avoir due prendre seule des décisions concernant le jardin du manoir, pour tout dire. Mon père n’a cessé de me dire que ma mère adorait les arbres qui y était, mais un domestique m’a rapporté que le grand forsythia, qui était son préféré, était bien trop malade et qu’il fallait le couper. Il ne reste de lui qu’un tronc tranché, maintenant… »

Un renouveau ? Les yeux d’Elise s’emplir d’éclats multiples en les posant sur Charles. « Oh, oui, je n’avais pas pensé en ce sens… Merci beaucoup ! »

Mais en parlant de renouveau, c’est guillerette qu’Elise sauta presque de joie. « Oh, mais j’ai complétement oublié de vous partager une nouvelle qui me comble de joie ! » Elle relâche le bras du Duc pour croiser ses mains dans son dos. « Nilith, ma servante, va se marier ! » Un sourire immense barre alors son visage. « Un gentilhomme est venu me demander sa main il y a trois jours et j’ai accepté, elle semblait si heureuse ! » Nouveau sourire. Puis, elle réalise, que, peut-être, il n’y a que pour elle que cela compte. « Oh, pardon, ce n’était pas très intéressant, n’est-ce pas ? »

Gênée.

Il était si gentil ! Elise sentit ses joues rougirent encore plus alors qu’elle laissa ses lèvres s’étirer en un sourire. « C’est absolument adorable de votre part, monsieur le Duc ! Mais ne vous en faites pas, sa robe est déjà une affaire conclue, ils souhaitent un mariage simple et sans grand faste, je leur ai accordé qu’il soit célébré ici, à l’abri des regards. »

Elle se devait de répondre aux questions posées, également. « C’est un charmant jeune homme que la vie n’a visiblement pas épargné… Il s’appelle Emmery de Goede et ils se sont rencontrés au mariage de ma mère. C’est tellement romantique… » Elle rêverait d’une pareille union, elle aussi.

Mais entre deux pensées de romance, Elise en avait presque oublié la raison principale de la venue du Duc. « Oh, votre manteau, dans mon empressement je l’avais presque oublié ! Venez, allons le chercher avant que je n’omette encore de vous le rendre, cette fois-ci. » Bon, ce serait une excuse pour le revoir bientôt, ceci dit.