Le soleil d’Août perçait sans mal à travers les vitres de l’appartement du Duc de Normandie, lesquels terminait de préparer las attèles de sa jambes, outils devenus indispensables pour qu’il puisse seulement se mouvoir correctement sans dépendre systématiquement d’un appui… Ou d’une personne autre.

Alaric était fier et avait un tempérament exécrable de manière fort régulière avec ses aides et autres domestiques depuis que les choses avaient filées de la sorte. Maudit Aymeric, il ne l’emporterait pas au Paradis. Si le Duc avait eu l’opportunité de beaucoup – trop – réfléchir durant sa convalescence, il était des sujets qu’il sentait toujours bouillir de rage sous sa peau.

Mais aujourd’hui, il avait décidé de laisser ce sujet en particulier de côté et s’était apprêté afin de recevoir une visite attendue. Il se positionna dans son fauteuil, lequel faisait face à un canapé confortable. Lorsqu’on lui annonça l’arrivée, il inclina poliment sa tête afin de faire comprendre ses intentions. « Madame, Messire, veuillez m’excuser de ne pas être venu vous accueillir moi-même, en d’autres circonstances, il est évident que j’aurais agis différemment. » Sa jambe le lançait encore et il devait faire attention à ne pas s’appuyer dessus.

Il désigna ensuite le canapé en face de lui. « Je vous en prie, prenez place. J’ai demandé à mes domestiques de ne pas tarder à vous servir du vin. » Il savait recevoir, au moins.

Il prit sur lui pour ne pas laisser ses joues rosirent aux gentils mots de Diane. Alaric se racla la gorge avant de poursuivre, comme un roc imperturbable. Ses invités furent servis et… Et maintenant, quoi ? Il était évident que Charles chercherait à le déstabiliser, peu importe comment. Il connaissait son camarade milicien, depuis le temps. Et pourtant, il ne voulait pas lui faire se plaisir. Peut-être serait-il plus coulant sur une prochaine chasse pour laisser l’avantage au blond. Mais en ces conditions… Non.

Et il ne pouvait se permettre le luxe de perdre du temps maintenant. « Bien. Tout d’abord merci d’avoir fait le déplacement jusqu’ici. » Il prend son propre verre de vin, le porte à ses lèvres et poursuit, le regard droit. « Et toutes mes félicitations à vous, Madame, pour vous être vu remettre le titre glorieux de Joyau de la Saison. Si vous me permettez, il vous va à ravir. »

Le compliment passé – qu’il était rare de décrocher ce genre de chose de la part du Duc de Normandie ! – il se réinstalla sur son assise, posa son verre et reprit la parole. « Je serais bref afin de ne pas gaspiller de votre temps. Madame- » dit-il, les lèvres moins tremblantes qu’il ne l’avait imaginé « -, je souhaiterai vous épouser. » Au moins, c’était dit. Ses yeux se tournèrent vers Charles. « Si votre frère n’y voit pas d’objection, bien sûr. »

Si la surprise de Diane le force à détourner un peu le regard, le rose venant s’accrocher à ses joues, Alaric avait espéré que Charles n’en profite pas trop pour le titiller à ce sujet. Bien sûr que son homologue savait depuis bien des mois – sinon des années – ce qui l’animait vis-à-vis de Diane. Et les récents évènements lui avaient, pour ainsi dire, forcé la main également. Alaric n’aimait pas ce genre de situations, toutefois il agirait comme il l’avait toujours fait : avec droiture et sans mensonges.

Les mots de Charles le piquent au vif « Charles ! » et il tape du poing sur sa jambe malmenée, ce qui lui tire une exclamation réprobatrice « Ah… Quel imbécile… » Retirant son poing de son genou, il laisse ses bras se croiser sur son torse et assène, avec une pointe acide qui lui correspond bien. « Pour l’amour du ciel, peut-on arrêter de se vouvoyer ? C’est ridicule, maintenant que nous ne sommes plus que trois. Après tout, ce n’est pas comme nous n’étions pas tous impliqués dans quelque chose d’une plus grande envergure. »

Il soupire mais revient rapidement à Diane, qu’il s’en veut de faire cogiter de la sorte. Pourtant, en dépit de la difficulté que cela représente pour lui, Alaric tient bon, cette fois, et soutient son regard. « Je suis milicien, Diane. Je peux mourir à tout instant et la perspective de laisser une femme et des enfants derrière moi sans que je puisse les protéger a été un frein jusqu’à présent. Disons simplement que… » Il expire lourdement puis reprend une inspiration. « Disons simplement que les choses ont changées depuis peu. Et je ne parle pas de votre titre de joyau, loin de là. Je vous désirais déjà bien avant. Mais il m’est apparu plus clairement que je ne devais plus tarder à me confesser. »

Diane demandait du temps pour réfléchir. La patience n’ayant jamais été une vertu d’Alaric, il ne put se retenir de se mordre l’intérieur de la joue. Toutefois, elle avait aussi dit que de toutes les demandes qu’elle avait reçues, la sienne avait été celle qui retenait le plus son attention.

Bon… Le résultat de cette entrevue aussi rapide que synthétique se révélait mitigé mais il ferait avec. Quelques jours ne risquaient pas de le tuer – surtout qu’il ne pouvait plus faire de cabrioles le temps que sa jambe soit parfaitement remise, maintenant – aussi fit-il un signe de tête au joyau de la saison. « Bien. Madame, je vous remercie de vous être déplacé en ce jour. Il va sans dire que j’attends votre réponse avec impatience. »

Charles souhaitant lui parler seul à seul, il se massa l’arrière de la nuque, Alaric détourna le regard et ajouta une dernière chose à l’intention de Diane. « Vous… Trouverez quelque chose à votre intention dans le petit salon. Mes domestiques vous y attendent. »

Il avait préparé un bouquet de fleurs variées. Mais bien sûr, jamais il ne l’aurait dit lui-même.

Diane partie, Alaric se sentit un peu plus serein. Il eut tout de même besoin de vider l’intégralité de son verre. La boutade de Charles ne lui tira qu’un grognement digne d’un ours alors qu’il se réinstallait dans son fauteuil, sans répondre.

Puis vint le sujet qui fâche. Et là, Alaric se fit plus bavard. « Ça va. J’ai été soigné correctement et je devrais continuer les exercices un moment avant de repartir en chasse. » Une éternité, pour lui. « Mais avoues tout de même que je n’ai pas tort, Charles. »

Il grogne lorsque Charles lui fait remarquer qu’il a pu s’occuper des affaires de son domaine. Oui, c’était vrai. Et après ? Ce n’était pas de cela dont il était question. Et de toute manière, Alaric n’avait jamais été friand d’administratif.

Et ce qui l’agaçait encore plus, c’était qu’il avait l’impression nette que Charles jouait les imbéciles. Hors le blond n’avait jamais été connu pour cela. Soufflant de dépit, Alaric se décida à parler ouvertement, sans fioritures. « Victoire doit savoir pour les créatures. C’était une imbécilité que son père n’ait pas été mis au courant, par ailleurs. Si nous voulons avoir la moindre chance de rendre à la Milice sa gloire d'antan, il est obligatoire que la Reine sache. Et qu’enfin elle prenne une décision censée, au passage. »

La colère l’aveuglait encore beaucoup, mais il n’en pensait pas moins.