Les villes portuaires du sud ne sont pas sa destination finale, non. Il n’a simplement pas eu le courage d’entreprendre la grande transhumance qui le mènera jusqu’à la capitale, voulant profiter des quelques jours de répits qu’offre un été indien sulfureux. Ou peut-être était-ce seulement pour pratiquer un peu plus la langue, jouer de ce qu’il avait déjà eu l’occasion d’apprendre, s’attacher aux mœurs et n’être personne dans une populace qui se relève de son mieux. N’être personne au milieu de ceux dont il peut tout apprendre.
Sa curiosité l’avait mené au bord de l’eau, là où les plages méditerranéennes se montraient tellement plus clémentes que les côtes glacées de Suède. Oui, June retrouvait dans un instant de perdition le sens de toute une réalité qu’il n’avait jamais eu le droit d’explorer auparavant. Là où la mer s’étire d’écume et de sel à ses pieds, il est un enfant retrouvant ses sens. Là où dans d’autres contrées, c’était sous la tutelle d’un duc et ami de son père qu’il trouvait à parcourir le monde. Maintenant, il était le seul maître de son univers. Et contre l’embrun du nouveau-monde s’offrant à un horizon si lointain que jamais elle ne rencontrera les jades de son regard, il pourrait se perdre et oublier. Mais lui reste simplement là, un sourire étirant ses traits encore gamins. Il n’a peur de rien.
La nuit est belle, douce, elle est tout ce qu’on lui avait narré. Délicieuse dans le péché de l’alcool coulant à flot, dans la compagnie crue et si inattendue de ceux qui bordent les rues et les ports. Là où les histoires deviennent des chants, où l’on se mêle sans peine à la compagnie d’un navire qui demain voguerait vers d’autres terres. Mais cette nuit, c’est aux rires joyeux d’une troupe inconnue, dansant avec ceux qui auront oublié son nom et son visage demain, qu’il trouve un sens à sa joie de vivre.
Dans une autre vie peut-être, s’embarquerait-il à bord de l’un de ces immenses trois-mâts fiers et rutilants. Mais cette nuit il ne rêvera pas. La lune encore jeune dessine son parcours dans une lueur délicieuse et le bois des planches d’un bar sont aussi attirantes que les regards racoleurs de femmes et d’hommes qui voudraient donner davantage de corps à une nuit comme les autres.
Et June n'était personne pour s'y refuser.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
A la lueur d'une torche, Ignacio inspectait avec attention son nouveau petit bijou.Une pierre de Jade. Il en avait déjà vu, du temps où il était marin pour la couronne espagnole, dans le Nouveau Monde. Mais jamais il n'avait eu le droit d'en toucher. Et cette simple idée le fit sourire alors qu'il détaillait la pierre. Des années de bons et loyaux services et on ne lui avait pas beaucoup accordé de richesses. Depuis qu'il avait commencé la piraterie, Ignacio avait accumulé richesse sur richesse à ne plus savoir quoi en faire. Pour couler des vieux jours tranquilles, plus tard, certains lui diront. Mais lui était un homme d'action. Et même s'il avait prit goût à sa nouvelle vie, ce qui le faisait vraiment vibrer était le goût du risque, l'aventure qui en découlait. Un pirate étrange, dira-t-on, mais un pirate que l'on suivait malgré tout.
Parce que sans ce pirate, jamais il n'aurait pu intercepter la flotte portugaise qui contenait, non pas que cette pierre, mais bien d'autres objets et babioles en tout genre, venues de contrée lointaines. Encore plus lointaines que le Nouveau Monde. Un autre Nouveau Monde qui n'attendait que lui. Il serait temps un jour, peut-être, qu'il se décide à hisser la grande voile, autre que dans les eaux européennes. Un jour. Mais pas aujourd'hui. Pas ce soir, se dit-il alors qu'il glissait la pierre dans la poche de son manteau.
Ce jour-là, ils avaient bien le droit à une petite pause. Et quoi de mieux qu'un petit arrêt dans une ville portuaire française ? Ignacio adorait ces lieux. Surtout les nuits, quand l'alcool coulait à flot et que certaines limites pouvaient être dépassées. On pouvait même parfois oublier la barrière de la langue et profiter de l'ambiance festive qui animait les habitants. Les pirates pouvaient bien se mêler à eux qu'ils n'en auraient cure tant ils avaient le nez dans la vinasse.
Entré dans un bar au hasard, après avoir perdu de vue la moitié de ses marins de vue, Ignacio observait avec ses yeux rieurs le gaillard le plus costaud de son équipage affronter d'autres marins au bras de fer. Il n'y avait pas de pari, pas de jeu d'argent (étrangement), ce qui gardait une ambiance bonne enfant. Après la cinquième victoire consécutive, sa pinte vide, le capitaine se leva pour se resservir au comptoir, les serveuses visiblement débordées par toute l'agitation. Dans sa quête, il réussit tant bien que mal à se faufiler parmi les gens, à prendre deux pintes et à revenir vers sa table.
Enfin presque.
Sur son chemin du retour, saphir contre jade, Ignacio oubliera pour qui il avait prit la deuxième pinte et la glissera plutôt dans la main du propriétaire de ses prunelles. Un clin d'œil. Un sourire en coin. Quelques mots soufflés pour lui signifier que c'était cadeau. Cela faisait un petit moment qu'il n'avait pas goûté à ce fruit défendu.
De retour à sa table, il le chercha à nouveau du regard et lorsqu'il le trouva, ne le lâcha plus, même lorsqu'il trempa à nouveau ses lèvres dans l'alcool. Posant sa main de façon négligée sur sa cuisse droite, jambe légèrement écartée, le pirate se félicita pour avoir fait un brin de toilettes avant de quitter son navire.
Mordra à l'hameçon ou mordra pas?
Il n’avait pas fait l’erreur d’autres nobles, sa tenue était bien simple, pour ne pas afficher sa fortune, ne pas afficher son statut. Il attirerait probablement les mauvaises personnes, et ce soir, il voulait seulement profiter. Son attention est prise toute entière par la bonne humeur s’échappant d’un bar, ou d’une taverne, il ne savait plus trop, l’alcool brûlant déjà ses sensations, ses veines chantant un air entêtant qui ne l’aurait jamais rendu plus heureux. Peut-être était-ce dans son sourire, dans le fait qu’il était simplement jeune et plein de rêves. Ou simplement parce que June le premier l’avait vu.
Un groupe d’amis, de soldats, peu importe ce qu’ils étaient. La bonne humeur irradiait de leur tablée, là où bras de fers se succédaient éhontément. Quelque part, June aurait aimé être des leurs. Ou était-ce seulement qu’il trouvait quelque chose de particulièrement attirant dans le comportement de celui qui semblait mener ce groupe ? Une démarche assurée, une façon de surveiller l’atmosphère en silence. Le respect se dégage de ce corps, et June, idiot, aspirerait presque à saisir cette force silencieuse. Le dévore-t-il des yeux pour son évident charisme, ou pour cette ligne masculine absolument délicieuse qui dessine sa mâchoire ?
June pourrait se surprendre à apprécier la peau exposer, la chair d’un mâle, là où les courbes ne sont pas tendres et souples. Là où d’autres verraient disgrâce à l’absence d’une poitrine opulente, June se laisse distraire par la musculature et… Ah-
Qui pouvait-il tromper alors que la chaleur lui prend la gorge, lui noue le ventre. L’excitation est réelle, et il sait, sait mieux que quiconque que ses mœurs ne sont pas celles de l’Eglise. Qu’il vit en un monde où la passion ne devrait être que celle d’un homme et d’une femme. Contre le bord de son verre, il avale son contenu d’une traite. Non, il ne pouvait déraper. Pas maintenant. Pas si près du but. Il avait trop peiné pour arriver jusqu’ici. Il ne pouvait se laisser détourner des voies du seigneur…
Mais le seigneur pave le chemin de ses enfants des vices les plus délicieux, et June n’était qu’une brebis égarée. L’alcool ne faisait absolument rien pour calmer les flammes d’un désir nouveau. Et peut-être que Dieu voulait vraiment soumettre June à un test d’un goût inédit. Mais lorsque azur marin rencontre bois sylvestre, l’électricité qui parcourt son derme n’est pas dû au contenu de son verre. Des mots soufflés contre son oreille, un sourire, un regard, et June reconnait ce sentiment. Reconnaît l’admiration silencieuse qui se glisse sous ses côtes. Elle n’a pas le goût de ce qui le pousse désespérément à traquer un mirage aux yeux océan et aux cheveux d’or. Mais il pouvait avec certitude assurer que ceci était le plus proche qu’il avait été de goûter à pareille excitation depuis ce fameux jour de Sainte Lucie.
Non, ce soir, la tentation n’est pas la même. Elle porte une carne mordorée, des yeux aux tons de ciel d’été, et si cette brûlure est partagée, il ne peut qu’oser l’espérer. Jades curieuses suivent le parcours d’un homme retrouvant sa table, et dans la lassitude d’une main virile contre le tissu tendu soulignant une jambe puissante, June s’humecte les lèvres et relève le menton, sûr de lui, si sûr de lui. Son sourire est celui d’un jeune homme en pleine connaissance de ses propres atouts, et si June n’a pas encore fini sa croissance, quelques centimètres de moins ne lui enlèvent en rien sa grâce féline lorsqu’il approche de l’homme, non, le suit, le traque.
Le verre déposé contre la table, penché pour l’observer, le défi dans son regard est séduisant, paumes à plat contre la table, bras tendus, il n’y aurait pas à croire que c’était sa première fois avec un homme. Mais June manie la séduction avec la même aisance que sa lame. Et dans l’inclinaison légère de sa tête, il a tout d’un arrogant adolescent, surtout lorsqu’il indique la tablée de l’équipage du menton, un air amusé sur son minois. Tirant le tabouret derrière lui du pied pour le rapprocher, il pousse son verre sur le côté et d’un coude posé sur la table, main relevée en l’air, c’est d’un haussement de sourcil provocateur, minois cousu d’un sourire qu’il le met au défi.
« Toi. Moi. »
Les mots sont accompagnés d’un geste du doigt les pointant respectivement. June n’a pas peur de perdre. Mais s’il doit succomber au vice, il veut le faire auprès d’un homme qui est un battant au même titre que lui-même.
- Lancer de dé:
- Lancer de dé (1) : 0-40 June gagne, 41-45 un verre se renverse (sur qui tu veux) - 46 la table se renverse, 47-100 Ignacio gagne
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Ignacio n'était pas dupe. Si beaucoup reniait et rappelait sans cesse que l'attirance charnelle entre personne de même sexe était le plus grand des vices, certains pourtant se laissaient aller à cette débauche. Ils en parlaient peu voir pas du tout entre eux, mais ce n'était pas réellement un secret pour personnes que le capitaine avait également quelques préférences pour la gente masculine. Que l'acte en lui-même soit si tabou ne faisait qu'attirer sa curiosité et son désir. Et ce soir-là, il savait qu'il n'était pas le seul à avoir poser les yeux sur le joli cœur aux yeux de jade. Mais contrairement aux autres, lui avait réussi à l'attirer dans ses filets. On ne le dirait pas comme ça mais il était également un excellent pêcheur.Et comme tout pêcheur qui se respecte, il attend patiemment. Et sa patience paiera lorsqu'il le vit se diriger vers leur table de sa démarche féline. Son regard azuré ne le lâche pas, détaille sa musculature sous ses vêtements, son visage encore un peu juvénile ( il ne lui donnait pas plus de 25 ans) ses lèvres tentatrices- lèvres tentatrices qui laissèrent échapper une voix presque doucereuse, légèrement engourdie par l'alcool. Ah, monsieur voulait jouer à ça…
Un bras de fer donc. Les exclamations allèrent bon train autour d'eux, surtout lorsque ses hommes commencèrent à mettre leur grain de sel pour lancer des paris. Un sourire toujours en coin sur les lèvres, il détourne brièvement le regard pour lancer une remarque cassante mais vraiment aucune conviction à son bras droit avant de se redresser lentement et de glisser son bras sur la table, posa son coude et vient entourer d'une lenteur nonchalante ses doigts autour des siennes. Une main d'un jeune combattant en devenir. Un jeune soldat? Un militaire? Ah qu'importe leur statut, leur rôle. Ici, ils cherchaient tous une seule chose : s'énivrer et s'amuser jusqu'à l'absurde, jusqu'à tout oublier avant de reprendre leur train-train de vie quotidien le lendemain.
Et s'amuser, Ignacio avait l'intention de le faire. Il s'en fichait un peu de gagner ou de perdre à ce bras de fer. Il n'y avait pas vraiment grand-chose à prouver. Mais il mentirait qu'il n'avait pas utiliser quelques discrètes distractions pour se délecter des expressions faciales de ce bel ingénu. Sous la table, son genou effleure à peine le sien. Il se perd à nouveau dans son regard, sur ses lèvres, imagine sans mal sa main enserrer ce cou gracile alors que-
Sa fantaisie prit lorsqu'une autre main vint se poser sur les leurs, lançant un décompte.
-Vamonos, guapo.
Et le bras de fer commença.
'L'oeil a statué sur ' : 98
June rougit, est-ce l’alcool, l’adrénaline, ou simplement qu’il apprécie le geste, il ne saurait le dire. Seuls ceux ayant vue sur eux deux pourraient deviner. Mais avant cela, le top départ de leur petite querelle machiste pouvait commencer. Et l’exotisme des mots contre cette langue au consonances sensuelles le fait frémir. Le sentirait-il contre ses doigts ? L’air semble crépiter d’un magnétisme bien différent de celui d’un simple duel. Et lorsqu’il fallut faire preuve de force, June ne recula devant rien. Coude vissé à la surface de la table, il ne fit rien pour laisser gagner l’autre homme avec facilité. Des années d’entraînement lui donnèrent bien un léger avantage quant aux autres hommes de son jeune âge. Il tint bon, pendant de longues secondes, riant alors que leurs regards se croisent à nouveau. Et parce qu’il n’était pas là pour prouver sa propre force, il préféra jouer d’un autre jeu.
N’avait-il pas dit que tout se passait ailleurs ? Sous la table, la cheville de June vient se glisser contre sa voisine d’en face. Oh, c’est un jeu que seul les dames se permettent, mais qui était-il pour ne pas mettre tous les œufs dans son panier ? Il se pince les lèvres et peut-être est-ce le frisson qui lui parcourt la peau lorsqu’en avançant un peu sur son tabouret le genou d’Ignacio effleure l’intérieur de sa cuisse. Il ne saurait dire pourquoi sa prise flancha. Mais dans un éclat, son poing tape la table et la liesse reprend de plus belle. Quelques gestes amicaux, tapes contre son épaule et son dos et June s’amuse de son échec avec les autres hommes avant de reporter son attention sur son rival.
Leurs mains enfin séparées, il reprend son verre et le lève vers Ignacio pour trinquer avec lui, son plus beau sourire contre son minois gamin alors qu’il prononce, une étincelle de jeu dans le regard, leurs deux jambes toujours en contact sous la table. Il n’y a aucun doute à avoir, il ne le fait pas par accident.
« Aussi fort que beau, karäste. »
L’alcool contre ses lèvres est frais, et lorsqu’il se lèche les lèvres, désaltéré, sa langue traine peut-être un instant de trop contre sa lèvre inférieure qu’il mordille de sa canine, refusant de dévier son regard des lagons bleus.
June ? Il était séduit. Sans aucun doute.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Oh.Il voulait donc jouer à ce petit jeu? Très bien, il allait être servi. Ignacio ne rata pas le léger frémissement parcourant les doigts du jeune homme lorsqu'il lui adressa la parole. Ne cilla pas lorsqu'une cheville insidieuse vint se glisser contre la sienne. Ne flancha pas lorsque son propre genou vint se glisser sur l'intérieur de la cuisse. Un mouvement involontaire de sa part? Ou bien Ignacio l'avait-il incité à se rapprocher? Qui sait. Le bras de fer n'était qu'une simple masquerade, après tout. Un petit jeu entre eux. Et Ignacio avait bien l'intention de profiter de chaque seconde.
Ses saphirs se détachèrent brièvement des jades pour glisser la ligne de ses muscles sous ses vêtements. Et au vu de la résistance qui lui offrait, ses soupçons se confirmaient. Un jeune soldat dans la fleur de l'âge. Plutôt assidu, supposait-il. Mais sans vouloir vraiment se vanter, lui non plus n'était pas en reste niveau muscle. Ses longues années passées sur un bateau à marrer, tirer et enrouler des cordes, faire des taches parfois fort ingrates lui avaient sculptés une musculature respectable qui semblait plaire aussi bien à ces dames qu'à ces messieurs.
L'expérience - ou peut-être fatigué de devoir amuser la galerie - June flancha enfin et Ignacio prit le dessus, et sa main plaqua celle de son adversaire contre le bois. Un mince sourire triomphant ourla ses lèvres et, juste avant de détacher leurs mains, son pince vint caresser un morceau de peau légèrement rougi par l'impact. Le pirate accepta avec modestie les acclamations et reprit sa choppe d'alcool. Un nouveau rictus face aux paroles du beau brun. Il avait vaguement comprit ce qu'il lui disait avant, mais karäste? Ça, il savait très bien ce que ça voulait dire.
Bien.
Il prit une gorgée sans lâcher le joli cœur des yeux, plongea sa main dans les poches de son manteau, ses doigts effleurant à peine la pierre de Jade dans sa main, il saisit pourtant une pochette en cuir et la laissa choir sur la table vers ses marins et leur souffla que la tournée était pour lui, ce soir. Déjà ivre comme pas permis, ils s'exclamèrent de plus belle, engendrant une cohue général dans la salle, lui faisant presque vriller ses tympans. Ignacio en profita pour se lever et se pencha vers le jeune homme aux yeux de jades. Ses lèvres effleurent à peine la lobe de son oreille.
-Sigueme, corazon.
Ses dents vinrent délicatement se planter dans la chair juste en dessous de la lobe. Il se redressa, ne rencontra pas son regard mais tapota brièvement son épaule et profita de ce bref instant pour laisser son index se glisser contre la peau qu'il venait de marquer. Ignacio s'éloigna finalement quitta la chaleur étouffante et gorgée d'alcool et de joie de la taverne pour retrouver un semblant d'air frais. Les badauds étaient toujours aussi présents, aussi joyeux, aussi bruyants. Le pirate déambula parmi eux, s'arrêta à peine sur les étals de nourriture et vint se placer en hauteur sur un muret pour observer la foule et attendre gentiment que sa petite proie vienne jusqu'à lui.
Mais l’homme devant lui… L’homme devant lui ne semblait pas craindre la moindre chose. L’alcool et la clameur coulent sur leurs deux personnes, et lorsque l’Apollon se redresse, June l’observe, incertain. Peut-être serait-ce comme toutes ces autres fois. Une tentative manquée. Un simple regain de désir qui s’étoufferait contre des draps froids.
La réalité se trouve pourtant toute autre. Le rouge lui flambe les joues alors qu’il se penchait contre lui, effleurait son oreille, soufflait et… Est-ce son cœur qui venait de manquer un battement ? Était-ce l’alcool qui l’avait ainsi fait ciller ? Respiration tremblante, June ne retient pas un gémissement surpris en sentant les crocs de l’homme entamer un festin qu’il ne semblait pas déterminé à abandonner de sitôt. Saphirs brûlants, jades hésitantes, June, lèvres entrouvertes, est comme ces oiselles qu’il aime tant séduire. Pris au piège d’une toile d’envie qu’il n’est pas certain de parvenir à maîtriser. Mais s’il devait être dévoré, il préférerait l’être par le plus séduisant prédateur qu’il lui soit donné d’attirer.
Oh, tous les hommes autour d’eux virent le frisson qui secoua June, le laissant pantois quelques secondes, la sensation fantôme du toucher de l’autre… un délice. Une longue inspiration, fortifier ses résolutions, et d’un mouvement, siffler le reste de son verre pour se donner du courage. Le verre contre la table claque et June tape de ses deux paumes pour se donner du courage. Oh, il n’est pas sorti en silence, encouragé en toutes langues et de toutes les couleurs, fleuri ou non. C’est d’un rire idiot et le pas légèrement chancelant qu’il retrouve l’air du dehors.
Les rues ne sont pas vides, et June prend une seconde pour se passer les mains sur le visage et retrouver contenance. L’air est clair, iodé, vivifiant. Ce soir, c’était son soir. Alors il commence enfin à chercher autour de lui. Il l’avait invité à le suivre, ce n’était pas pour disparaître, pas vrai ? Oh, et sans surprise, surplombant la majorité du monde perché sur un muret, June le vit. S’humecte les lèvres, entre grisé et gêné, et se décide en un pas à ne pas reculer.
Il n’est peut-être pas le plus sobre des lieux, mais il est encore suffisamment en possession de ses moyens pour se glisser près de l’homme alors que son attention se trouvait distraite dans la direction opposée. Les pieds à terre, June signale sa présence à l’autre homme en glissant le bout de ses doigts contre son genou, sa paume venant flatter sa cuisse alors qu’il remonte sa caresse. Oh, timorée, très certainement. June relève les yeux sur lui et lui offre un demi sourire en coin. Y’a des rêves entiers dans ses yeux de jade. Des promesses de plus beau, d’une peau chaude et hâlée, d’une nuit endiablée, peut-être.
Mais avant tout ça, il pouvait bien tenter sa chance, non ? Attendant d’avoir son attention toute entière, June ne monte pas sur le muret, non. Il avance pour se glisser entre les jambes de l’autre, oh, il reste une légère distance entre eux. Deux amis… si seulement les mains de June ne s’étaient pas toutes les deux ramenées sur les jambes du plus âgé. Il ne fait rien, dessine simplement des cercles discrets de ses pouces, pendu à ses lèvres, perdu dans ses yeux. Le minois levé, comme on prie le seigneur. Il ne dit rien, cherche ses mots et finit par se mordre la lèvre, amenant sa main contre son propre torse et prononce, la voix claire.
« June. »
Un nom si étranger pour les pays de l’ouest de l’Europe. Mais si ce soir il doit chanter, ce sera une ode à son nom. Il bat des cils et incline doucement la tête sur le côté, sourire léger aux lèvres. Une invitation alors qu’il presse doucement sa paume contre le torse de son vis-à-vis. Sa peau est chaude sous ses vêtements, il le sent sans aucun doute. Son souffle tremble… Et est-ce par instinct ou envie qu’il referme ses doigts en un poing contre son haut et tire d’un geste fort et pourtant court, rapprochant leurs deux visages, cherchant ses iris, murmurant d’un son et d’un air brûlant entre leurs lèvres. Il ne connait pas tout à ce jeu, mais les règles, il contribuera à les créer.
Et le premier sceau, il le rompt à la simple pression d’un baiser.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Ignacio s'humecta les lèvres distraitement en sentant une main malicieuse se glisser sur son genou, remonter lentement le long de sa cuisse pour attirer son attention. Oh, il n'en avait pas vraiment besoin, de faire telles manières. Dès l'instant où saphirs et jades s'étaient rencontrés dans la taverne, le pirate n'avait eu qu'une idée en tête : s'accaparer du désir timide brillant dans ce jeune regard. Pourtant, le pirate le laissa faire, le laissa venir à lui, lui laissa le champ libre. Il ne pouvait se vanter de savoir lire le visage des gens comme dans un livre ouvert mais il était sûr d'une chose : ce jeune homme était curieux de goûter au fruit défendu pour la première fois. Il avait du se brimer, par le passé, sûrement la contrainte de la religion. Mais ce soir, il n'en avait que faire, surtout lorsqu'un autre homme semblait lui tendre le main pour sauter le pas. Et Ignacio l'aiderait volontiers.-June…
Son prénom roula sur sa langue alors qu'il le répétait. Alors comme ça June n'était pas français mais… suédois, s'il ne se trompait pas? Ignacio avait fait quelques détours par ce pays et reconnaissait plus ou moins les consonnances. De son regard cobalt, il détailla son minois, s'attarda sur ses traits, dévora du regard ses lèvres tentatrices. Cette même bouche qui ne lui laissa même pas le temps de se présenter à son tour mais qui scella définitivement l'accord silencieux entre eux.
Je te veux. Tu me veux. Qu'est-ce qu'on attend?
Oh, si Ignacio avait été plus jeune d'une dizaine d'année, il aurait sûrement sauté sur l'occasion là tout de suite, sans réfléchir aux conséquences. Mais non. Il allait en profiter. Il allait savourer chaque seconde à faire languir cette âme délicieuse qui avait cédé à la tentation. Pour cette nuit, Ignacio voulait bien endosser le rôle du diable éloignant les jeunes brebis du droit chemin.
Leurs bouches se séparèrent, une seconde, et celle d'après, le pirate glissa sa main sur sa nuque, remonta dans ses mèches sombres, les empoignant avec une fermeté certaine, bascula très légèrement sa tête à nouveau en arrière avant de fondre à nouveau sur sa jumelle. Lui arracha son souffle et buvant ses soupirs. Planta délicatement ses dents sur sa gorge dénudée. Et revint soupirer contre ses lippes brulantes.
-Ignacio… Enchanté, June.
Sa main se défit finalement de sa chevelure, il se redressa, se lécha lentement la lèvre inférieure avant de descendre de son muret et enroula autour de ses épaules, le guidant tout naturellement vers l'allée principale. La nuit ne faisait que commencer après tout. Il reprit la parole, en français cette fois-ci, avec son accent espagnol fort marqué, parlant d'une voix basse, l'invitant à se pencher vers lui pour mieux l'entendre.
-Je commence à avoir faim. Et toi? C'est pour moi, corazon.
Des phrases toutes faites qu'il avait apprises pour séduire les demoiselles françaises. Pas très original? Pourtant ça fonctionnait jusque là, pourquoi s'en priver?
Jades évadées, paupières closes, ses doigts contre les vêtements de l’inconnu laissent deviner des phalanges blanchies. Approfondir l’échange, s’oublier au reste des autres, aux mœurs communes, au capital interdit. Il ne veut plus penser, plus espérer, seulement goûter et goûter encore. Langue contre langue, oubliant qu’il ne devrait pas ainsi se donner en spectacle, frémissant sous ces doigts le rendant prisonnier. Captif et consentant, June murmure un gémissement contre leurs lèvres fuyantes avant de s’abandonner à les retrouver, encore, encore, avait-il un jour prié davantage, ou était-ce seulement un jeu de l’alcool. Amplifiant chaque sensation, chaque caresse, rongeant ses lèvres d’un incendie qu’il ne voulait jamais perdre. L’homme laisserait-il sa marque sur sa chair, fer rouge insidieux ? June, un bref instant, aurait voulu le croire. Aurait voulu le quérir et le demander.
Mais déjà l’échange s’achève. Perles d’émeraude reflétant l’infini de la voie lactée, là où tout est possible, là où les étoiles sont au monde ce que la pluie est au printemps. L’offre d’un renouveau certain. La promesse que tout fleurira à nouveau. Que tout est possible. Que bourgeon deviendra grand. Que baiser deviendra brasier ardent.
Mais le contact se rompt. Les doigts halés contre ses cheveux courts exposent la colonne de sa gorge, et June soupire comme il aime à faire chanter les dames qu’il courtise. Galvanisé, épris, avide.
« Ignacio… »
Sa voix est plus sombre qu’elle ne l’avait été jusque-là, plus lointaine. Les crocs contre sa gorge ne font que raviver son envie encore et encore. Mais aussi vite que les flammes avaient pris, elles cessèrent de lécher sa peau, et la brise, soudain, ne semble plus alimenter que le vide entre eux deux.
Avait-il rêvé ? Non. Non ce n’était pas ça. C’est l’entrave délicieuse d’un bras autour de ses épaules. La fragrance de l’océan contre l’essence d’acacia, le vert des cimes d’été. June comme le félin sommeillant en lui, s’incline et vient, avant que la marche ne les guide, dissimuler son minois contre la cou puissant et chaud. Il expire, cherche à nouveau ses sens, retrouve le sens de la marche de la vie. Un pied devant l’autre. Non. Non, pas si vite. Il le retient une seconde, sa paume contre son torse et retrouve son souffle, sa bouche et ses joues comme un fruit rendu mûr par le soleil d’été.
Ignacio les guide lorsque June semble avoir enfin repris ses esprits, et ainsi enlacés, deux compagnons ayant trop profité de la nuit, les passants ne sauront jamais que le bras de June à la taille d’Ignacio caresse du bout de ses doigts la hanche dévoilée par un vêtement relevé. Il n’a honte de rien. Il relève les yeux vers ce ciel d’été cristallisé dans des iris portant les couleurs du mystère et du péché. Sourit à ces mots, à cet accent, à ce sobriquet qu’il reconnait de la taverne… Et maintenant qu’il l’entendait contre son oreille, il semblait promettre à June monts et merveilles.
Le plus jeune hoche la tête et si son français porte le même accent, il est pourtant plus riche, encore un peu maladroit, mais la cervoise aidant, sa langue se délie sans peine, fasciné.
« Moi aussi. »
Emmène-moi où tu voudras, semble-t-il susurrer d’un regard espiègle. Il s’humecte les lèvres et abuse de leur proximité pour chuchoter à son oreille, le ton lent et mesuré, ses lippes humides caressant sa mâchoire.
« J’ai surtout faim de toi, käraste. »
Sûrement ne serait-il pas compris, mais ses mots se ponctuent d’une morsure rendue contre son lobe. Étourdi, trop peu concentré sur ce qui les entoure, June ne réalise pas qu’on le bouscule en croisant un groupe et s’excuse tardivement, se remerciant en silence de ne pas avoir perdu l’équilibre. Quand était donc la dernière fois que la débauche l’avait ainsi amené à perdre conscience de son environnement ?
C’est pourtant la fragrance sucrée que l’air porte qui finit de le distraire, et d’un pas puis de deux, June parvient à s’échapper de la prise d’Ignacio… avant de réaliser qu’il ne voulait pas ainsi s’éloigner. D’un mouvement un peu gourd mais restant malgré tout précis, il attrape l’autre par le poignet et l’entraîne à sa suite, un sourire radieux sur les lèvres alors qu’il hâte leur pas jusqu’à l’échoppe à quelques mètres d’eux. Devant leurs yeux, des pains à la viande fraîchement cuisinés, portant des senteurs de paradis. Mais le regard de June s’est échoué sur ce qui ressemble à s’y méprendre à un chou à la crème. Tirant hâtivement une pièce de sa bourse, il la tend au marchant avant de se voir offrir la sucrerie souhaitée.
June relâche la main d’Ignacio et se tourne vers lui, soufflant tout bas.
« Ca… C’est aussi délicieux que toi. »
Du bout de l’index June récolte un peu de crème sucrée débordant de la pâtisserie et la porte aux lèvres de l’hispanique. La rue se moque de leur manège. June s’approche et leurs hanches s’effleureraient presque. Mais plus que le sucre qui pèse doucement dans l’air, ce sont les étincelles dans ces jades infinies qui révèlent la candeur de June.
Peut-être que l’instant ne durera qu’une nuit. Mais cette nuit, jamais il ne comptait l’oublier.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
June n'était pas son premier. Et sûrement pas son dernier. Fréquenter des hommes étaient bien plus complexes que fréquenter des femmes. Et étant un tabou, il trouvait l'expérience encore plus grisante, plus tentatrice. Et même s'il semblait être maître de la situation, d'avoir le contrôle, il ne put réprimer ce frisson lui parcourir l'échine alors que le jeune homme contre lui ne se retient plus, se laisse aller dans ses bras. Ils étaient visiblement sur la même longueur d'onde. Tous les deux savaient très bien comme la soirée allait se terminer. Mais comment elle allait se dérouler cette soirée rester le chemin à découvrir.Dans d'autres circonstances, Ignacio se serait sûrement retourner pour houspiller les badauds venant de bousculer de June, n'ayant même pas pris la peine de s'excuser. Mais entamer une bagarre ne ferait que briser l'atmosphère entre eux et le pirate pouvait bien les ignorer le temps d'une soirée endiablée. Leurs apparences patibulaires ne valaient pas la peine du jolie minois qui se tenait près de lui. Il préféra plutôt réaffirmer son emprise sur lui, comme un geste protecteur.
Le temps d'avancer, de parcourir quelques étals pour que finalement June ne jette son dévolu sur une pâtisserie à la crème. Il revint vers lui, yeux brillants, gourmands et tendit le nuage crème et sucré vers ses lèvres. Ignacio ne se fit pas prier deux fois et se pencha légèrement pour s'en délecter, un léger coup de langue d'abord avant d'happer son doigt entre ses lippes et de le nettoyer minutieusement. Il le regardait, un court instant, à travers ses cils, guettant sa réaction puis le relâcha. Une sensation plaisante, presque urgente s'emparait alors peu à peu de lui.
Sa main vint s'emparer de son poignet et il l'emmena dans un recoin, entre deux caisses de marchandises, loin du tumulte de l'allée principale et des regards et des oreilles indiscrètes. Isolés, un peu coupé du monde, Ignacio utilisa sa masse plus imposante que celle de June pour bloquer la vue. Ses mains se firent désormais plus cavalières, audacieuses. Sa main droite se glissa dans son dos et écourta définitivement la distance entre eux. Et Ignacio ne retint même pas le soupir entre ses lèvres en sentant le corps ferme de June contre le sien. Il faillit perdre patience mais garda son objectif en tête. De son autre main, il prit la main tenant la pâtisserie, l'amena à son visage et y mordit à pleine dents, la crème débordant, s'écoulant ses phalanges, sa paume. Le pirate mâcha avec lenteur ce qu'il avait en bouche. Vint ensuite se rassasier une nouvelle fois, se pourléchant les babines d'avance, manipula sa main de sorte que le gâteau s'échappa, roula à leurs pieds. Mais au diable la pâtisserie, Ignacio avait un dessert tout autre en tête.
Comme un homme affamé, le pirate apposa à nouveau ses crocs dans la pulpe de sa paume, laissant le sucre envahir ses papilles alors que sa langue vint récolter la crème dans sa paume. Elle se glisse lentement, lascivement entre ses doigts, s'abreuvant de chaque goûte voluptueuse et douce. Mais son réel festin était visuel et auditive. Si proche l'un de l'autre, sa main le tenant toujours fermement par le bas du dos pour lui empêcher toute tentative de fuite, Ignacio guettait, buvait chaque soupir, chaque murmure sensuel, scrutait avec voracité ses prunelles de jades. Lorsqu'il en eut assez, quand il n'avait plus rien à dévorer, il jeta à nouveau ses lèvres contre ses jumelles, lui arrachant cette fois-ci un grognement au fond de sa gorge. L'arôme sucrée en devint presque entêtante mais Ignacio tint bon à nouveau. Il s'arracha - un peu à contre cœur - de leur étreinte et se lécha à nouveau les lèvres.
-Mmh… delicioso.
Dans un rire surpris, June se laisse guider de force, étouffant un hoquet amusé alors que son dos heurte le mur. Tout ceci pourrait être un vaste coupe-gorge. Il pourrait ne pas voir l’aube du prochain jour. Mais cette main sûre contre la cambrure de ses reins, bassin contre bassin, June accepte de perdre son souffle contre ce diable basané. Il n’y a besoin d’aucun mot. Aucun mot pour que les doigt de June se posent sur ce torse de granit, jades perdues, éperdues, noyées au fond d’un océan de saphir. La sensation froide contre sa paume est bien vite remplacée par cette bouche volage. Le cadet soupire et cède, observant bien assez longtemps la scène pour ne plus vouloir attendre. Pour vouloir à son tour goûter à ce délice qu’il mentionne de sa langue impie.
C’est d’abord contre sa gorge qu’il s’égare, leurs deux silhouettes étroitement liées, main libre contre cette nuque aux braises chaudes, doigts curieux contre ses cheveux bruns. Mordre la ligne puissante de son cou, ne pas savoir mentir quant à ses envies, hanches mutines roulant contre leurs voisines. June n’est pas connu pour ne pas croquer la vie à pleines dents. Alors lorsqu’il frissonne sous ses attentions, sous les ambres de sa voix, June tire et l’attire, scellant ses soupirs contre cette bouche avide. Le goût du sucre est un délice qui ne saurait affronter la sensation grisante qui le parcourt lorsque sa seconde main se défait de la sienne, l’agrippe, paumes aveugles cherchant désespérément où se tenir, où trouver la prise idéale. Flanc, hanche, s’écraser un peu plus l’un contre l’autre, gémir dans la langue universelle du péché.
Lèvres rouge passion, iris vert envie, June cherche son regard après avoir rompu le baiser, respiration frénétique. Sourcils pincés, il se pourlèche les lèvres, chassant le goût de cet homme comme on boit la tasse, acceptant sans concession d’être noyé dans cet ouragan. Sa langue contre les lippes du basané, son nom pourrait être une prière à tous les damnés.
« Ignacio… Emmenez-moi… »
Pas ici. Pas là où tout le monde pourrait les entendre. Ses ongles contre sa nuque, respirant son souffle comme s’il ne pouvait d’ores et déjà plus s’en passer. Peu importe où, il n’avait pas besoin de bien plus. L’alcool aidant, le vice si présent qu’il chanterait les louanges de la perdition, là où le son de leurs lèvres s’entrechoquant à nouveau coupe cours à toutes ses idées. Non, il ne veut pas perdre ça. Pas perdre le goût de sa chaleur. Agrippe ses vêtements et murmure, le ton suave et rauque.
« S’il vous plaît, käraste. »
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Ignacio rit contre ses lèvres quémandeuses, affamées, demandant toujours plus. Le pirate mentirait s'il ne se sentait pas gonfler de fierté en voyant les iris de jade se consumer d'un désir pur et sincère pour lui. Sa tête en tournerait presque. Mais il ne pouvait pas défaillir alors qu'un être aussi délicieux se livrer à lui sans aucune pudeur. Il avait eu nombres de conquêtes, hommes comme femmes, et si en général il se trouvait en position de contrôle, il lui était déjà arrivé de se laisser aller comme June. Mais ce secret là, les gens au courant se comptaient sur les doigts d'une main.L'impatience de June était contagieuse. Ses mains avaient parcouru ses flancs, ses hanches avant d'assurer une prise ferme sur sa croupe ferme et sur l'arrière de son crâne, la penchant légèrement pour mieux savourer ses gémissements, cette langue délicieusement sucrée contre la sienne. La passion entre eux était si épaisse qu'il pourrait la couper au couteau et s'en délecter jusqu'à plus faim. Et June n'avait pas mis la holà, Ignacio aurait tout aussi bien pu terminer leur petite affaire contre ce mur. Quand bien même la plupart des badauds étaient vivre morts, ils auraient tout de même eu droit à un beau spectacle auditif.
Ignacio se fit donc violence, vola encore quelques baisers contre ses lippes le suppliant de l'emmener loin, mais visiblement son corps ne voulait pas le lâcher. Ses mains passèrent dans son dos, dessinèrent ses muscles puis se détachèrent un peu avec regret. Mais elles reviendront, il pouvait en être sûr.
-Patience, corazon.
Un dernier baiser, sa main caressa sa mâchoire, son pouce se glissant sur ses lèvres rouges de désir puis il se détacha finalement de lui et réaffirmant sa protection en passant autour de ses épaules, il l'invita à quitter leur petite cachette et réussit à se faufiler parmi les passants, brisant leur petit cocon brûlant pour retrouver l'air marin d'été et légèrement alcoolisé du port. D'un pas assuré, Ignacio les mena vers un endroit où, il en était sûr, il n'y avait pas âme qui vive.
Son bateau au doux nom de Camila.
Ah, s'il n'avait pas été aussi entêté par la luxure et la passion, il en aurait presque honte de ramener quelqu'un sur le navire dont il était si fier et qui portait le prénom de sa génitrice pour lui porter chance.
Le magnifique trois-mâts était d'ailleurs en vue. Ignacio accéléra presque le pas, tel un enfant excité de découvrir une surprise qu'il attendait tant. Escaladant la planche en bois menant jusque sur le bateau, il garda bien June contre lui pour éviter qu'il ne tombe fâcheusement dans l'eau, quand bien même elle était large. Une fois sur le pont, Ignacio s'écarta de lui, fit quelques pas à reculons et écarta les bras avant de faire une révérence dramatisée.
-Bienvenido a la Camila, June.
Dire que June aura coopéré ? En partie. Le bras autour de ses épaules le plaque contre le flanc du plus âgé, et c’est éhontément qu’il appose ses lèvres contre la gorge halée, mordant ce qu’il peut, léchant de lignes incendiaires l’épiderme du marin. Le temps semble lui échapper, et ce n’est qu’une fois rendu au port qu’il semble retrouver le sens de la direction tiré de ses rêveries libidineuses par l’embrun de la mer.
La brise n’aide en rien à calmer ce qui le ronge de l’intérieur, mais les étoiles dans ses yeux à la vue du navire sont aussi sincères que son désir. Fort heureusement, le nez levé vers les mâts, June n’est clairement pas le plus habile sur ses deux jambes encore sévèrement attaquées par l’alcool, et c’est d’un rire qu’il manque de rater le bord de la planche, mais prudemment rétabli par la prise de l’autre homme sur lui. Et une fois sur le pont…
« C’est magnifique. »
Lâché là, sur le pont d’un navire aussi beau que June n’aurait pu l’imaginer, le ressac de la mer le déstabilise quelques secondes avant qu’il ne vienne approcher du bord du pont, surveillant la zone de commande puis l’horizon et la ville en contrebas. Le sourire que June dirige vers Ignacio lorsqu’il ramène son regard sur lui est charmé, celui d’un enfant, ses joues rougies par l’excitation et la découverte du lieu.
Se tournant pour laisser ses reins appuyer contre le bastingage, June se mord la lèvre inférieure, bêtement heureux. D’un geste presque enfantin et pourtant plus qu’invitant, il lève les bras pour indiquer à Ignacio de venir à lui. D’une certaine façon, l’alcool lui était suffisamment monté à la tête pour ne pas tenter le sort et se ridiculiser à un moment aussi crucial de leur rencontre.
« Capitaine… ? »
Le coin de ses lèvres s’ourle d’une pointe de défi, et toute l’innocence collectée dans ses iris s’essouffle lentement alors qu’il reprend, inclinant la tête sur le côté.
« Besame. »
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Dire que Ignacio était fier de son bateau serait un euphémisme. Il en était complètement fou. Comme un enfant s'émerveillant devant son jouet favori, Ignacio fait quelques pas, humant l'odeur saline, le bois qui craque sous ses pas, les cordes se plaignant légèrement sous son poids alors qu'il grimpe de quelques mètres en rigolant.-Oui, je suis le capitaine, confirma-t-il, son accent hispanique se dénotant davantage.
Il était devenu capitaine de son propre bateau à un très jeune âge, petit prodige de la navigation. Voilà maintenant 15 ans et, même s'il sillonnait le bassin méditerranéen depuis si longtemps, il découvrait de nouvelles choses à chaque excursion. C'était bien la raison pour laquelle il s'était pris d'amour pour la mer et ses milles et une merveilles. Une nouveauté l'attendait, il le savait, il le sentait.
Et cette nouveauté, ce soir-là, répondait au doux nom de June, joli cœur venu de contrées plus froides mais au désir aussi ardent que lui, semble-t-il. Besame ? L'ordre n'était on ne peut plus clair mais où l'avait-il entendu? D'une démarche nonchalante, il s'approcha donc du jeune homme, vint glisser le bout de ses doigts contre les siennes, les entremêlant avant de porter à nouveau sa main à ses lèvres, trouvant encore quelques traces sucrées sur son épiderme. Il l'attira finalement à lui et s'exécuta, fondit sur sa bouche, la goûta encore et encore avec une voracité retrouvée. Ses mains se posèrent sur ses hanches, glissèrent sur ses flancs, explorèrent dans un froissement les muscles de son dos, avant de descendre vers sa croupe et la saisir fermement, avec une telle force qu'il le souleva et le porta, gardant ses mains sous ses cuisses pour le maintenir contre lui.
La distance jusqu'à sa cabine n'était pas très longue mais dieu, qu'il était difficile de se déplacer lorsqu'on avait la tentation personnifiée dans ses bras. Le marin abandonna ses lèvres un court instant, le temps de se retrouver, mordit à nouveau la chair de sa gorge pour le faire patienter et lorsque enfin, il arriva devant la porte de sa cabine personnelle, par un quelconque miracle, il réussit à y entrer sans défoncer la porte. Porte qu'il referma aussitôt derrière lui d'un coup de pied. Lorsqu'il posa June au sol, ses mains ne le quittèrent plus. Bras, hanches, cou, torse. Tout passait sous ses mains libidineuses.
Ivre d'impatience, il s'étonna lui-même de ne pas avoir déchiré le tissu couvrant la peau d'albâtre. Lorsqu'elle fut à découvert, les rayons lunaires l'éclairant doucement, ce fut un sourire gonflé d'envie qui se dessina sur ses lèvres alors qu'il le poussait gentiment du bout des doigts jusqu'à sa modeste couche. Son index vint se perdre finalement sur les lignes de sa machoire, la chair tendre de ses lèvres, avant de glisser sur sa nuque. Saphirs agités comme un ouragan, Ignacio se laisse plonger dans ses jades brûlantes et vint dévorer chaque parcelle de peau mise à nu. Baiser léger, baiser insistant. Langue taquine. Le marin explore, découvre, étudie avec attention chacune de ses réactions, buvant presque religieusement ses soupirs entre ses lèvres, savourant sans concession cette âme éperdue qu'on lui offrait.
Leurs doigts se lient comme deux destins s’effleurent, se tissent en une myriade de possibilités. Lèvres suaves contre sa peau, pression fugace et à nouveau s’essouffler contre une bouche aussi désireuse que la sienne. La perte de l’appui derrière lui pousse June à nouer ses bras autour de la nuque d’Ignacio, et quel délice immense, au passage de ces mains assurées, que de sentir la force brute d’un homme qui parvient à porter son cadet sans le moindre effort. Gémir son nom comme on porte une plainte au ciel. Brûlant en dedans pour cette démonstration que ce soir ne sera que plus beau que toutes ses espérances.
Oui, cette nuit, June sera l’oiselle volée de sa virginité. Et jamais dans sa vie n’aurait pu penser que s’éprendre d’un autre puisse être aussi aisé. Le cœur battant la chamade, lèvres mordues de leurs crocs, et d’un vice qu’il accepterait d’oublier contre chaque fragment de cette peau chaude, June n’aide pas. June mord et laisse sa marque, possessif, fleurissant coquelicots et iris contre la gorge et les épaules qu’il tente désespérément de dévoiler. Mais déchirer ses vêtements lui demande un effort qu’il préfère exploiter à ronronner contre son oreille après en avoir allègrement mordillé le lobe. Bassin campé contre le corps musclé d’Ignacio, June comprenait pour la première fois le délice de ces dames d’être ainsi ravies à leurs petites vies bien rangées.
La porte s’ouvre et l’odeur du bois envahit l’air. Oh, la pièce lui importe peu. Chouine d’un son gamin lorsqu’il doit toucher le sol, mais profite d’avoir récupéré bras et équilibre pour repousser sa veste et les vêtements couvrant son torse. Doigts instinctivement refermés sur les pans de la tenue d’Ignacio, cherche à nouveau ses lèvres. Contraint de reculer, June se laisse choir sur la couche offerte et se pourlèche les lèvres et le laisse approcher. Profite de la langue distraite et mutine contre la sienne pour ancrer une jambe derrière les hanches de son partenaire, l’attirant. L’espace entre eux est un interdit qu’il compte transgresser à bras le corps. Mains habiles défaisant les liens et attaches de ce qui l’éloigne de la brûlure d’un corps qu’il désire voir le posséder.
Entêté ou entêtant, la lune baigne ce ballet qui n’a de hasardeux que la découverte de l’autre. Soif de ces lèvres se meut en un désir de tout et tant à la fois. June, perdu contre sa chair l’agrippe et force n’est pas un jeu qu’ils reprendront ensemble, pour ce que le cadet sait et accepte d’être faible sous ces mains calleuses et non moins sensuelles. Faiblesse de corps n’est pourtant pas la limite de son esprit. Mains contre un autre atout à la brûlure tout aussi délicieuse, tentation dont il connait les bienfaits. Tant et si bien que lèvres endiablées lient de plaisirs nouveaux un corps qu’il n’apprendra que plus tard être de l’ordre de ses préférences.
Jades et saphirs ne se perdent plus, lippes rouge brasier, soupirs envolés sur cette lyre à la tension palpable. June oublie que première fois n’est pas qu’un jeu. Que l’issue le laissera galvanisé, et épanoui pour le reste de son existence. Instants filent et se perdent, à l’instar de ses doigts contre le corps pécheur, muscles roulant d’effort, spasmes d’alégresse qui ne tarderaient à lui apprendre que maîtrise n’est qu’une idée. Contre des draps éphémères, chercher l’extase de l’autre et murmurer son nom comme on demande pardon à Dieu. Avec une ferveur qu’aucun autre ne pourrait égaler.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Ignacio se considérait comme un homme peu compliqué, ne souhaitait pas se mettre martèle en tête pour des choses futiles et sans intérêt. Son désir de liberté est insatiable, incommensurable. S'il souhaitait faire ou obtenir quelque chose, au diable les restrictions et les on-dit. Il était prêt à tout pour y arriver. Mordant la vie à pleine. Un trait de caractère dissimulé jusque là, exacerbé avec sa nouvelle vie de pirates. C'était peut-être pour ça que cette vie-là, pas celle d'avant, lui sied tant, lui plaisait tant. Et au diable ces comparses qui le qualifiaient de trop naïf pour cette vie là. N'était-il pas encore debout, malgré tout?Alors, qu'importe si partager sa couche avec un homme était péché. Il le désirait lui et pas un autre. Cela aurait pu être une serveuse, une prostituée, ou même une demoiselle en mal d'aventure et de sensations fortes. Mais non. C'était lui. Et c'était réciproque. June aurait tout aussi bien pu s'abandonner dans les bras d'une autre, ou même d'un autre. Mais ce soir-là, saphirs et jades s'étaient croisés, ne se lâchaient plus et le pirate comptait bien profiter de cette nuit éphémère, de ce corps enivré de luxure et désir pour lui et uniquement pour lui.
Il se laissa donc aller, lâcha prise comme lorsqu'il plongeait dans la mer, se laissa noyer dans les profondeurs d'un océan juvénile, se laissa attirer vers le fond comme dans ses légendes où des sirènes, des nymphes aquatiques à la beauté époustouflante, si éthérée pour mieux attirer les faible d'esprit et du cœur. On racontait que leurs chants hypnotisaient, captivaient pour mieux emporter leurs proies avec elles. Mieux les dévorer dans l'intimité silencieuse des eaux. Si June était sa sirène, il le laissa volontiers se repaître de sa chair et de son âme pour cette nuit.
Regard bleu ouragan se perdit dans une forêt immense, sans fin, avide. Un frisson, un soupir. Aussi délicieuse que s'annonçait la soirée, Ignacio n'était pas totalement prêt à se faire dévorer entièrement. Il avait faim, lui aussi. Toujours. Encore plus. L'appétit vient en mangeant, pas vrai? Difficilement, mains presque fébriles, il remonte à la surface et s'accroche à une planche à la dérive, reprend une goulée d'air frais avant d'y retourner. Paumes chaudes contre peau brûlante. Lippes pleines s'échouent contre le marbre gracile d'un cou, canines effleurant l'épiderme vierge. Le pirate explore encore et encore, explore la surface. Et il cède enfin. Son âme de pirate prend le dessus et il s'empare pleinement de ce trésor interdit. Dérobe ces émeraudes à l'éclat inédit, s'énivre des bijoux fins, récupère une à une les perles nacrées. Serre presque jalousement contre son torse ce coffre enchanté.
Les lignes de son corps tout entier sont un arc bandé, et la flèche n’est en rien un supplice. La découverte lui vrille les sens, le tord d’une inédite expression. Ignacio est une étreinte torride et sulfureuse. Ressac des vagues une ondulation qu’il ne saisit plus, ses doigts agrippés aux épaules larges. Perdu contre sa peau, rouge mêlé à la danse à laquelle ils s’affairent. Et dans le plus brillant des feux d’artifices, trouver la complétion la plus intense.
Qui était-il, l’idiot au souffle court, ronronnant et baisant la peau du diable qui venait de lui voler sa pureté ? Non. Non il n’est qu’un mensonge de croire qu’il restait innocence en ce corps. Les draps sont un réconfort dont il ne sait se complaire. L’enfant tactile se satisfait du toucher de deux peaux nues, embrasse et flatte chaque portion de chair offerte… Son nom contre sa bouche est le péché le plus exquis. Métaphore d’une pomme croquée à pleines dents, il presse son minois contre la gorge chaude, y souffle, comblé.
« Tu es merveilleux, käraste. »
Il n’est pas nécessaire d’en dire davantage. Non. La nuit et les étoiles pour seules témoins, les courbes se peignent contre le clair de lune, ondoient en une élégie à la luxure. Combien de fois joueront-ils du corps l’un de l’autre pour la seule satisfaction de tirer le chant le plus exquis aux lèvres dévorées de l’autre ? Apprend contre les hanches basanées, prendre le contrôle de la façon la plus reprochée. Une danse qui n’était qu’à eux deux.
Et quiconque foulerait le pont de la Camila saurait que cette nuit-là, c’est Ignacio qui a accroché les étoiles au ciel de June.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Si la fête et l’allégresse battait encore son plein dans la ville portuaire, si les gens s'adonnaient à l'alcool, aux jeux et à la chanson, il est des âmes qui s'échouaient ailleurs, sur une autre rive, dans d'autres danses. Si les passants n'étaient pas aussi éméchés, ivres de bière et d'hydromel, sûrement, s'ils avaient tendu l'oreille, auraient-ils entendu les passions déchaîné de deux âmes calfeutrés dans le magnifique trois-mâts espagnol qu'était le Camila. Mais non. Pour peu qu'il en savait, cette nuit était à eux et pas une seule âme esseulée ne viendra les déranger.Ignacio, dans ses longues années en mer, avait déjà affronté ouragan et tempête. Sa vie avait été en danger. Plus d'une fois, il avait cru passé par-dessus bord, avait cru voir le bateau s'engouffrer dans les immenses vagues d'eau salées. Il avait certains de ses camarades moins chanceux que lui, moins prudent aussi, se faire engloutir par la mer, s'enfoncer dans la noirceur des eaux pour ne jamais en revenir. Une fin bien digne d'un marin, pensait-il. S'il devait mourir ainsi, ainsi soit-il. Mais cette nuit-là, sur le Camila, Ignacio affrontait une tempête qu'il n'en avait jamais vu. Une tempête répondant au doux nom de June.
La première perturbation est un avant goût, une mise en bouche de ce qui l'attendait. Rien qu'il ne connaissait pas. Ignacio accompagne June tout du long, le rassure de ces mains rugueuses, et ourlés de cicatrices, signes d'expériences et de maîtrise. Le guide de sa voix rauque et suave, lui susurrant des directives pour ne pas qu'il se perde, qu'il ne perde pas le nord. Pas tout de suite. Pas maintenant. La nuit ne faisait que commencer.
La deuxième vague se fait plus intense. Plus pressante. Le tempête s'agite mais il tient bon. La suite est incertaine mais il ose. Il se permet d'explorer. Encore. De tester les limites de June dans une moindre mesure. Lui montrer où s'accrocher, quelle corde tirer et à quel moment. Appréhender une vague au bon moment. Et si le jeune homme se montrait indiscipliné, prenait des risques trop grand, le pirate venait le rappeler à l'ordre d'une légère pression sur sa nuque, une main ferme dans ses mèches ailes de corbeau pour le redresser. Attirer son attention que la tempête était loin d'être terminée.
Cette fois-ci c'est le bleu ouragan de ses yeux qui le dévore dans son entièreté. Gardant une main solide sur le gouvernail, Ignacio profite d'une courte accalmie pour féliciter June jusque là. Le baignant de compliments, le noyant sous ses attentions. Lèvres brûlantes buvant chaque son, arrachant chaque soupir de sa gorge désormais maculée des traces de la tempête torride se déchainant dans la cabine du Camila. Le pirate se repaît de sa chair tendre, s'abandonne dans ses lignes solides et fermes, se rassasie un temps soit peu avant de se lancer à corps perdu dans les derniers instants de l'ouragan qui les attendaient.
Oh, et quelle intensité. À plusieurs reprises, June frôlera la mort, faillit passer par-dessus bord mais Ignacio l'arrêtera à temps dans sa course, une main ferme l'empoignant fermement pour lui éviter de passer le point de non retour, le retenant de plonger dans les abysses de la mer. Secoué de bout en bout, le pirate finira par l'attacher, le maintenir contre lui jusqu'à la toute fin. Et si le marin expérimenté s'en sort tout juste essoufflé par l'effort, le suédois, sûrement éreinté par cette nouvelle épreuve, perdra presque connaissance dans ses bras.
Il l'installe plus confortablement dans le lit, le nettoie sommairement pour éponger ses efforts et il viendra s'écrouler près de lui, pour ne se réveiller qu'au petit matin. Allongé là dans ce lit, Ignacio profite brièvement d'une chaleur qui ne durera pas, une chaleur passagère avant de se lever le plus silencieusement possible, enfilant pantalon, bottes et jetant simplement son manteau sur ses épaules. Il plia soigneusement les affaires de June et les plaça sur son bureau avant de quitter la cabine. Passant dans les cuisines pour récupérer carafe d'eau et gobelet, il crut entendre au loin le ronflement typique de certains de ses marins. Lorsqu'il revint, il déposa son butin et vint s'asseoir sur le bord du lit, contempla brièvement le visage paisible de sa conquête et vint caresser sa nuque du bout des doigts.
-Buenos dias, corazon.
Personne n'était debout à cette heure, surtout pas après la nuit arrosée qu'ils s'étaient accordés la veille mais il n'avait pu s'empêcher ses quelques mots dans sa langue natale.
Il serait plus aisé de simplement l’écouter chanter.
Soupirs infinis se mêlent à leur danse. June perd son innocence sans concession. Brûle ses ailes contre l’art de ces mains incendiaires. Hale contre hale, nul ne saurait dire où l’un finit où l’autre commence. L’air est chaud et humide, la cabine perd son sens et June, fébrile et si docile, accepte d’apprendre auprès du plus grand des maîtres. La limite n’existe pas. La peur n’est pas. Bercé du murmure d’une voix profonde, comme possédée, il pourrait ressentir la gêne d’être ainsi mis à jour. De succomber à des pratiques qui jamais auparavant n’ont été les siennes. Bourgeon déploie ses pétales et l’air si mélodieux du printemps n’est rien contre l’opéra de son extase.
Danse dans la nuit le voile d’un tango endiablé, mené dans ce monde comme on entraîne sa fiancée jusqu’à l’autel. Jure et promet contre le nom de son bienfaiteur, susurre et crie ce que Dieu n’accepterait jamais de pardonner. Pécher est un vice. Mais jamais n’a-t-il été plus délicieux.
Souillé, portant sa propre marque autant que la sienne, June élime les frontières de son endurance, lucioles couleur passion volant devant ses jades saveur caprice. Larmes à ses yeux sont une délectation, là où la nacre et les ecchymoses s’étirent sur sa peau. Toile de maître, peinte aux doigts rugueux et violents d’un homme qui se joue de lui comme on forge une idole à sa propre effigie. June n’aurait jamais cru apprendre les règles de ce jeu. Pourtant, alors que la conscience lui échappe, lèvres et corps tremblant d’une idylle ravageuse, il sait que jamais plus il ne pourra oublier.
C’est le corps endolori et pris d’un frisson goût délice qu’il laisse ses paupières papillonner. L’aube s’est glissée contre sa peau, constellée de leurs badinages, explosion de couleurs dignes de sa fierté. Il n’est nul besoin d’être un autre homme pour savoir que le sourire paresseux qui étire ses lèvres est celui de la complaisance. Sa voix souffle les secrets de leurs échanges, légèrement brisée, regard rieur alors qu’il glisse contre les draps et cherche l’océan contre les prunelles de son compagnon.
« Hallå käraste… »
Doigts usés par la guerre se glissent contre la paume du marin. Les regrets n’existent pas dans ce cœur adolescent. Oh, il sait que ce sont leurs derniers instants. Sait qu’il n’y a plus que quelques minutes qu’ils peuvent mutuellement s’offrir. Mais June s’en moque. Dévore du regard les dessins que ses griffes ont laissé contre le torse exposé. Les fleurs que ses lippes ont laissé contre sa gorge. Est-il une œuvre aussi exquise que l’homme lui faisant face ?
June se meut sur un coude, Adam sans pudeur alors qu’il pousse son mouvement et se retient d’une paume pour se redresser. Pointe de son nez se faufile contre la joue de l’homme et il ronronne comme on fredonne l’amour.
« Merci pour cette nuit… »
Son geste s’échappe jusqu’à l’oreille de l’espagnol dont il ne peut s’empêcher de mordiller le lobe. Corazon n’est pas le nom de l’homme qui vous évoque des remords, non. June sait mieux que quiconque. Baise la commissure de ses lèvres et s’éloigne, s’étirant, bras relevés au-dessus de sa tête, lignes ardues dessinées dans l’élan d’un félin. Oh la douleur le fait se tendre, rougir et mordre ses lèvres d’une exquise peine. Mutin sourire effleure son minois alors qu’il soupire de contentement. Oh, il sent contre ses reins qu’il n’est pas sorti d’affaire. Roule pourtant de la nuque avec lenteur, semblant visiblement apprécier de découvrir chaque sensation nouvelle si bien éveillée contre son épiderme. L’ivresse n’est plus, mais son sang entonne encore d’une fougue qu’il sait insoumise.
Jambes basanées et nues se glissent hors des draps, sourcils légèrement froissés contre l’indélicate sensation qu’il sent à son bassin. Mais le gobelet posé près de lui attire davantage son attention. Boit à longue gorgées et remplit à nouveau la coupe pour la tendre à son partenaire, se pourléchant les lèvres. Il ne dit rien. Aperçoit ses vêtements nettement pliés à quelques pas de là. La nuit est terminée…
June se relève et sent ses jambes vouloir flancher sous son poids. Mais ce qu’il perçoit par-dessus tout, là son dos offert à la vue d’Ignacio, c’est le chuchotement qui glisse contre ses jambes. Âme curieuse aux doigts voyageurs, le nectar contre la pulpe de ses doigts rejoint ses lèvres alors qu’il lance un nouveau regard à l’âme damnée qui lui a infligé ce captivant châtiment.
Jouer ? C’est ce qu’il sait le mieux faire. Balance des hanches et son minois s’étire d’un sourire provocateur alors qu’il sait offrir le plus impie des spectacles. Non, il n’approchait pas. La chasse était finie… Mais n’était-il pas meilleure prise que celle que l’on doit soi-même remporter ?
Rejoignant la porte, ses pas chancèlent et c’est avec un naturel déconcertant que ses mains puis ses avant-bras prennent appui contre la porte. La distance entre eux est une scène idéale. Glissent les planches sous la plante de ses pieds. Arabesques opales fuient le long d’adducteurs puissants. June presse sa joue contre le bois frais, expose la courbe ostentatoire de son dos et le clic de la serrure se rouvrant est le début de son ultime opéra.
Écrire du bout des doigts le poème d’une histoire qu’il n’a appris que la veille. Laisser à ses gestes le luxe de retracer ce qu’Ignacio lui a appris. La tempête a cessé, mais sa chanson à lui n’a pas trouvé son terme. Premières notes s’envolent au pont là où les arpes envieux miment ce qu’il souhaite réclamer sans le moindre mot. Chante et les pupilles noires d’encre laissent s’étouffer le printemps, pollen carmin étiré contre ses pommettes hautes. Sa première représentation n’est qu’à l’homme qui erre au gré des flots et des océans. Et June n’est que l’oasis innocente demande à tarir une soif déjà épanchée.
Qu’est-ce qu’une goutte d’eau, si ce n'est une vague supplémentaire à l’océan ?
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Même si Ignacio était un pirate, il existait bel et bien des règles afin de maintenir l'ordre sur son bateau. Ils en avaient pas l'air mais l'équipage du Camila était très soudé et jusqu'à présent, aucune vague n'avait été déploré, pour son plus grand bonheur. Et Ignacio avait également ses propres règles. Surtout lorsqu'il s'agissait des relations charnelles qu'il s'octroyait le temps d'un arrêt dans un port avant de retourner voguer au loin. Celle de la nuit dernière avait été particulièrement… marquante. D'ordinaire, à cette heure-ci, il n'était plus aux côtés de sa conquête, à profiter encore de sa chaleur. Non, à cette heure là, il devrait être entrain de préparer leur départ, et si larcin il y a eu, examiner son joli butin. Mais, s'il devait être honnête, l'expérience de la nuit dernière n'avait pas de prix. Alors il rendit son sourire à June et vint cueillir ses lèvres une dernière fois…-De rien, corazon…
Une dernière fois? Vraiment?
Assis sur le bord du lit, le pirate l'observa s'étirer, retrouver les sensations de son corps, et sans aucun doute, découvrir de nouvelles sensations que l'espagnol lui avait procuré. Posture nonchalante, il le laissa se dégourdir, observa sa peau désormais marquée, parsemée des souvenirs de leur nuit. Ignacio ne fit même pas un geste en le voyant chanceler pour récupérer ses vêtements mais ne retint pas le sourire plus satisfait alors que son regard océan détailla sans honte son chef d'œuvre ultime.
Le jour pointait timidement à travers les rideaux négligemment tirés de la cabine mais Ignacio pouvait nettement le voir. Ces jades malicieuses et tentatrices. Fières même. Un frisson mais Ignacio ne bougea toujours pas. Son regard restait fixé sur June. June, élève studieux. June, élève audacieux. June qui essayait d'appliquer les leçons qu'il lui avait inculqué la veille. Et qui était Ignacio pour ignorer la requête d'un être avide de connaissance? Personne, si ce n'est qu'un simple homme. Mais il attendit encore un peu, l'observa encore dans son approche avant de se lever et de venir lui donner un coup de main.
Mains assurés. Mains fermes. Il l'invita à son bureau où s'étalaient cartes et outils de navigation. D'une main, il s'en débarrassa pour en apporter une nouvelle qu'il marqua, de mémoire une nouvelle fois. Y nota chacun coin de trésor, retrouva chaque relief, chaque plage et ponton à accoster. Mais June, Ignacio l'avait bien compris la veille, était un élève curieux, très curieux, et surtout d'une verve sans limite. Aussi fut-il bien contraint parfois de le faire taire pour qu'il écoute ses dernières leçons comme il se doit. La fin de la leçon est la plus intense, la plus condensée et même Ignacio se perdait parfois dans ses explications mais réussit néanmoins à amener June jusqu'au bout.
La gorge un peu sèche d'avoir tant parlé, il déglutit et s'affale sans réelle grâce sur sa chaise, gardant un June tout aussi épuisé que lui, si ce n'est plus, contre lui. Il s'accorda encore quelques minutes de plus à profiter de ce cocon délicieux avant se tortiller légèrement pour tendre la main vers la coupe d'eau et de la vider d'une traite. Il réussit même à se resservir mais but moins vite et apporta même la coupe aux lèvres du suédois. Sa main rugueuse libre vint effleurer le flanc nu, retraçant les constellations laissées sur sa peau.
-Ca va…? Besoin d'aide pour rentrer, guapo?
Il imaginait sans peine la difficulté qu'il aurait à rentrer avec son corps endolori, malmené par la tempête portant le nom Hernandez. Et même si pirate il était, il gardait tout de même, au fond de lui, une certaine galanterie.
Oui, jusqu’à la dernière goutte, June s’abreuverait de tout ce que cet alpha basané aurait à lui offrir. Sa chanson est celle du délice et le jeune homme laisse sa tête partir en arrière lorsqu’il sent une paume le pousser au silence, lorsque des crocs le rappellent à l’ordre. Et dans ce plaisir subjugué, c’est l’éclat de son rire, charmé, éclaboussé de joie qu’il apprend que son futur ne trouvera peut-être plus d’ébats aussi passionnés et vivants.
A corps perdu contre les flots, June prend chaque vague, chaque rouleau, chaque goutte d’écume et c’est les joues mordues de rouge qu’après une dernière danse, il vient chercher le réconfort de l’épaule nue du capitaine, le souffle court, dessinant arabesques délicates et baisers tranquilles contre la ligne puissant de sa gorge. Se lèche les lèvres lorsqu’il l’entend boire et ne peut réprimer un sourire radieux lorsqu’il se voit offrir la coupe à son tour. D’une main légèrement tremblante il boit de longues gorgées avant de revenir lentement s’échouer contre le rivage d’un cœur battant avec force, d’une peau aussi chaude que le sable d’après-midi. Oui, June avait trouvé tout et bien plus auprès de cet homme. Et jamais ne pourrait-il se montrer davantage reconnaissant, frissonnant sous les doigts paresseux qui parcourent sa peau nue.
« A moins que tu ne proposes de m’enlever… »
Le cadet se redresse et lui vole un ultime baiser, là, simplement lèvres contre lèvres et finit par chercher ses appuis, posant une main sur le bureau, l’eau encore ancrée contre l’épaule d’Ignacio alors qu’il tente de se redresser sur ses jambes tremblantes… un sourire carnassier affichant la ligne séduisante de ses lèvres alors que leurs méfaits s’étirent une fois de plus contre sa peau. June retient un rire et porte son index devant ses lèvres pour lui intimer de ne rien dire. Comme si un mot de plus pouvait raviver le brasier qu’il semblait si enclin à ne plus vouloir relâcher.
S’étire longuement et fait un premier pas maladroit, genoux faibles avant qu’il ne parvienne enfin à attraper ses vêtements. Il avait grandement besoin d’un bain… Mais pour le moment, il devrait se contenter de souiller ses propres vêtements… Et de se rendre à l’évidence alors qu’il n’a toujours pas vraiment relâché l’épaule d’Ignacio.
« … Mais si tu insistes… »
June n’était même plus vraiment certaine de pouvoir sortir de la cabine sans que le ressac contre les planches ne fasse vaciller et tomber au sol. En démontre ses doigts se resserrant par intermittence contre l’espagnol. Et à la teinte légèrement rosie de ses joues, June s’en sent davantage honteux que la démonstration de luxure qu’il a pu faire au cours des dernières heures.
« S’il te plaît, käraste. »
Quelques instants de plus à ses côtés ne pourraient pas le blesser, après tout.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
Ignacio frissonna de l'air frais chatouillant sa peau couverte d'une fine couche de sueur. De son ronronnement contre son oreille alors qu'il glisse de… le pirate avait besoin de quelques secondes supplémentaires pour comprendre le mot français mais il lui demandait de l'enlever, c'est ça? Un rire bref résonna au fond de sa gorge à cette idée. L'idée était tentant mais quelque chose lui disait que June avait une autre vie qui l'attendait sur la terre ferme et qu'Ignacio ne faisait pas parti de ses plans. Ce qui tombait bien puisque l'espagnol avait également d'autres projets et si la nuit fut terriblement torride entre eux, il n'osait imaginer l'ambiance sur le bateau s'il faisait parti de l'équipage.Équipage qui dormait encore profondément s'il tendait l'oreille. Pourtant il se concentra brièvement sur les lippes contre les siennes, sourit presque de toutes ses dents lorsqu'il l'observa chanceler une première fois pour aller s'habiller et son regard océan s'échoua bien évidemment sur son chef d'œuvre. Il tendit la main vers lui, non pas pour le rapprocher mais pour l'éloigner brièvement, le bout de ses doigts effleurant le bas de son dos avant de l'inviter à se lever et à en faire de même pour lui laisser la place sur sa chaise. Ses lèvres effleurèrent à nouveau son front tandis qu'il lui souffle de l'attendre.
Avant de quitter sa cabine, Ignacio récupéra cette fois-ci une chemise en lin blanc et un nouveau manteau avant d'aller chercher cette fois-ci une baquet d'eau qu'il réchauffa préalablement avec ses pouvoirs dans la zone commune. Il en profita également pour faire un brin de toilettes et rapporta le tout avec un tissu propre pour que June puisse se décrasser avant qu'ils ne quittent le trois-mâts. Une dernière caresse légère volée et Ignacio lui laissa finalement un peu d'intimité, l'attendant sur le pont, observant distraitement le mer et le ciel se mêlant si bien que l'horizon paraissait invisible.
Il s'arracha à ce spectacle lorsqu'il entendit la porte de sa cabine grincer pour indiquer que le jeune suédois avait finalement terminé et était prêt à partir. Presque naturellement, son bras vint se glisser à nouveau autour de ses épaules, et le guida hors du bateau, faisant attention à ce qu'il ne chancelle malheureusement pas dans l'eau. Lorsqu'ils furent sur la terre ferme, qu'ils quittèrent le domaine d'Ignacio, ce dernier retira son bras mais pressa brièvement sa main dans le bas du dos de June.
-Je te suis, corazon.
La ville sous les rayons du soleil paraissait bien différente qu'une fois la nuit tombée. Et s'il semblait ne rien reconnaître au premier coup d'œil, il retrouva rapidement quelques repères et retint un sourire en apercevant du coin de l'œil le coin reculé où ils s'étaient refugiés pour fuir quelques temps les regards curieux.
Sur le point de renfiler ses vêtements, Ignacio quitte la cabine pour revenir après quelques instants paré d’une eau tendrement chaude et d’un linge propre. Oui, June ne peut réprimer un joli sourire alors que l’homme lui accorde un temps d’intimité pour procéder à sa toilette. Comment avait-il obtenu une eau si chaude en si peu de temps ? June n’en avait aucune idée, mais il n’aurait jamais pu être plus redevable lorsque le linge chaud toucha sa peau encore sensible de leurs échanges.
June n’aurait certainement jamais pu exprimer correctement le sentiment de satisfaction qui le parcourt lorsqu’il quitte enfin la cabine pour trouver Ignacio l’attendant. Le soldat n’a clairement pas la démarche la plus stable, pour tout ce qu’il chancelle… Mais son manque de grâce spontané, il le compense d’un sourire radieux. Que faire des quelques maigres heures de sommeil. Qu’importe le reste du monde. June retrouve si naturellement sa place contre le flanc d’Ignacio qu’ils auraient pu être les deux pôles opposés d’aimant cherchant désespérément à s’attirer. Un soupir de satisfaction lui échappe alors que le bras du pirate s’enroule autour de lui. Que demander de plus ?
Un sourire, et les voilà déjà à l’attaque du pont. Les planches semblent particulièrement instables au jeune suédois. Plus que la veille ? Oh, pour ce qu’il s’en souvient. Les rues sont si tranquilles, coupées du chant des oiseaux. Les travailleurs du port, les pêcheurs, tous sont déjà de sortie et ne prêtent pas attention au charmant manège des deux bruns. June par-dessus son épaule lance un regard amusé à Ignacio et avance d’un pas encore prudent pour quitter le port. Les rues sont déjà peuplées des premiers marchands du jour, épices et joyaux fins. Beaucoup sont encore en train d’installer leurs étales, et June ne peut s’empêcher de laisser son regard filer sur bien des objets, bien des beautés qui ne sont autres que reflets d’absolu au soleil.
Non, June n’est pas pressé. Mais il n’est pas non plus le plus gaillard sur ses deux jambes. Une faiblesse à l’une de ses jambes, remontant depuis la chute de ses reins, et le cadet offre un sourire désolé à Ignacio alors qu’il se soutient contre son bras pour ne pas perdre l’équilibre. Mais il ne s’attarde pas. Perd à nouveau son regard sur les étales alors que leurs pas – bien qu’un peu plus lents – les guident progressivement en direction du centre-ville. Peut-être n’est-il que de passage, mais son nom lui permet sans peine d’attirer les bonnes faveurs de bien des maisons. Et c’est un noble bien connu de son père qui lui avait offert l’hospitalité dans l’une de ses maisons de ville près du vieux port.
Mais avant cela… Oh avant cela, June est si curieux de la France. Si curieux des intonations et de l’accent local. Certains mots lui échappent. Il passe devant les marchands qui tentent d’attirer son regard, mais c’est l’éclat d’une pierre précieuse contre le pommeau d’une dague qui finit par retenir son attention. Pressant calmement ses doigts contre le flanc d’Ignacio, comme deux amis de longue date, il relève les yeux vers lui avec un regard amusé.
« Regarde. » Souffle-t-il en pointant l’objet. Hm… En quelques mots simples… ? « Comme tes yeux. »
L’envie de lui acheter l’objet ne lui échappe pas, et d’un pas prudent il clopine jusqu’à l’étale où plusieurs types d’armes courtes sont disposées. Prenant appui sur le rebord en bois pour se stabiliser, le voilà déjà engagé à parler avec le marchand d’un ton guilleret et plein d’entrain. S’il allait dépenser son argent ici ? Fort probablement.
Start out slow then play it faster
I'll fly you out to paradise
Take a hit and close your eyes
I know what you fantasize about.
Teach me your sinful ways.
D'ordinaire, Ignacio ne restait jamais avec ses conquêtes le lendemain. Surtout pas aussi longtemps. Et d'ordinaire, il ne les raccompagnait pas puisqu'il avait fui avant que le soleil ne pointe le bout de son nez, avant qu'ils ne se réveillent. Mais pour cette fois, il ne pouvait pas vraiment fuir puisqu'il avait ramené sa conquête sur son bateau. Et qui était-il quitté pour quitter son navire? Un très mauvais capitaine, s'il le faisait. Et abandonner son navire était la dernière chose qu'il lui traverserait l'esprit. Donc, oui il allait à l'encontre de ses habitudes mais pour une fois, il estimait que cela en valait la peine alors qu'il raccompagnait June.June légèrement déséquilibré, en grande partie sa faute mais est-ce qu'il le culpabilisait? Absolument pas. La nuit avait été mémorable, aussi bien pour lui que pour le plus jeune, semble-t-il, pour qu'il prenne des détours, rallongeant ainsi le temps passé ensemble. Il aurait pu le laisser en plan, insister pour qu'il rentre directement. Mais Ignacio ne le fit pas. Ne le fera pas. Il se contentera de le suivre là où bon lui semblait. De le rattraper lorsqu'il défaillait imperceptiblement.
Et il sourira quand le suédois le complimentera, du moins il pensait que c'était un compliment, sur ses yeux. Son regard glissa donc vers l'objet de comparaison en question. Une dague avec un pommeau incrusté d'une pierre précieuse. En la voyant, sa main dans la poche de son manteau toucha du bout des doigts le bijou qui attendait sagement à l'intérieur depuis la veille. Ignacio fit un peu de plus et observa avec un peu plus d'attention l'étal où étaient disposés diverses dagues aux courbes uniques. A quelques centimètres de June, le capitaine prit la parole, son accent fort résonnant malicieusement sur sa langue.
-Tu aimes les dagues?
Certaines étaient sobres, d'autres en finesses ou même un peu excentriques. Une main sur la hanche, l'autre vint effleurer le kukri dans son fourreau dans son dos. Un cadeau de son père revenue de terres inconnues. Il avait cette arme depuis si longtemps, maintenant. Il en prenait grand soin, aussi bien que ses rapaces que son bateau. Sa dague avait bien connu des ennemis et des lames mais ne lui avait jamais fait défaut. Il serait peut-être judicieux d'en prendre une deuxième, au cas où? Mais prendre une deuxième voulait dire la choisir judicieusement.
Son regard passa donc au peigne fin toutes les lames exposés. Il s'emparait parfois d'une qui attirait son attention de par sa forme et testait, serrait, soupesait l'arme sous tous les angles. Il haussa un sourcil en voyant une avec un pommeau en forme de boa… Très peu pratique au combat, si vous voulez son avis. Pas mal avec des pierres précieuses, mais Ignacio recherchait le côté pratique. Une qui ne lui échappera pas des mains aussi facilement à cause de la sueur provoqué par l'effort et l'adrénaline. Il y avait bien quelques dagues avec la garde en cuir ceci dit… Dans tout ça, il en aurait presque oublié la présence de June à ses côtés si son coude ne l'avait pas effleuré brièvement. Il se tourna alors vers lui, un sourire en coin sur les lèvres.
-Puedes… Trouver ce que tu veux?