Au premier coup d'œil, au premier regard, vous le savez, vous le sentez. C'est un véritable charmeur. L'ombre de son sourire. L'éclat pétillant et pleins de malices dans ses yeux. À la lumière tamisée dans la taverne, il semble se fondre dans le décor et pourtant, il dégage cet aura, ce charisme qui attire indéniablement votre regard vers lui. Il se détache, lui, parmi ses hommes, tous des aventuriers de la mer. Son visage, les petites rides au coin des yeux, le teint hâlé vous indiquent qu'il en sait des choses, que la mer n'a aucun secret pour lui. Ses mains tenant avec nonchalance sa pinte de bière sont calleuses, criblées de petites cicatrices, signe d'un homme travailleur, rechignant rarement à la tâche, et sans doute habiles de ses mains à en juger par les deux dagues à la forme bien particulière accrochés à ses hanches. Le mystère autour de lui est entier, pareil à un brouillard silencieux sur une mer lisse. Pourtant, vous êtes attiré par cette lueur, cette flamme brillant dans cette brume grisâtre. Vous vous y engouffrez même le danger vous guette.

Et lorsque vous ressortez de ce nuage épais, vous vous rendez compte qu'il a glissé entre vos doigts, pareil au vent insaisissable. Et que ses doigts, comme vous vous en doutiez, étaient agiles, si bien qu'il avait réussi à vous dérober votre bien le plus précieux. Inutile de lui courir après. Il est sans doute déjà très loin, voguant à nouveau sur les mers, bravant les vagues et Dame Nature. L'unique souvenir qu'il vous aura laissé sera la couleur bleu. Le bleu de ses yeux, aussi bleu que le ciel, mais aussi limpide que son désir de ne pas avoir d'attache et parfois d'un bleu aussi profond pareil aux fonds marins qu'à sa soif de liberté et de découverte de nouveaux horizons.

Et dans l'intimité de la nuit à la lueur d'une bougie, vous avez pourtant entraperçu ses cicatrices. Sur son avant-bras, et sur son torse. Des brûlures. Vous n'avez pas eu le temps de poser des questions mais si vous aviez pu, il vous aurait simplement servi une histoire rocambolesque ou chevaleresque pour détourner votre curiosité.

Don: Ignacio est doué de pyrokinésie. Il est capable de manipuler et créer des flammes dans le creux de ses mains à sa guise mais pas à l'infini. Créer lui-même ses flammes a de grande chance de l'épuiser plus rapidement et l'épuisement émousse ses sens, baissant drastiquement la maîtrise de ses pouvoirs, le rendant également vulnérable. Utiliser une flamme déjà crée réduit largement sa consommation d'énergie mais l'amplifier utilise également de sa vitalité.



Son plus vieux souvenir, son souvenir le plus cher, est sans doute cet après-midi là les pieds dans l'eau, les orteils enfoncés dans le sable, sa petite main logée dans les mains rugueuses, abîmés par la vie de son père Alfonso. Le ciel orangé. Sa voix rauque lui comptant mille et une histoire de ses aventures sur la mer. Pour le petit Ignacio, c'était une montagne, surtout lorsqu'il le portait sur ses épaules, larges et puissantes, le permettant de voir encore mieux l'horizon, cette contrée infinie qui le faisait rêver.

Le petit Ignacio devint grand et, de père en fils, comme il l'avait toujours rêvé, prend la voie de la mer. Curieux par nature, Ignacio apprend les ficelles du métier avec joie et avec facilité. La fierté de son père. Les nœuds n'ont pas de secrets pour lui, il embrasse les vents, observe les étoiles. La pêche est son dada et il ne passe pas un soir sans qu'il ne revienne avec une belle prise.

Après le bois et les cordes, Ignacio découvre le cuir et le fer. Le cuir des bottes neuves et le métal de son kukri. Des cadeaux de sa mère qui avait durement travaillé pour les lui offrir, et un souvenir de voyage de son père d'un pays lointain. Présents qu'il emporta précieusement avec lui lorsqu'il quitta le foyer pour entrer dans l'armée navale espagnole, suivant d'un pas assuré la même route que son géniteur.

Ignacio se démarque. Ignacio se fait remarquer et rapidement, il monte en grade, devient capitaine de son propre bateau. Jeune homme charismatique, épris d'aventure et amoureux du risque, peu ne l'apprécie pas, beaucoup cherchent à la suivre. Il explorait de nouveaux horizons, eut le privilège de poser le pied sur ce Nouveau Monde dont on vantait l'abondance de richesses et les paysages luxuriants.

Tout semblait lui réussir.

Et pourtant il ne fallut qu'un instant pour que le vent tourne.

Ignacio a à peine plus de vingt ans lorsque son bateau subit sa première attaque de pirate. Des rebelles, d'ancien marins à la solde la couronne. Ses premières victimes. Et la première fois que ses pouvoirs se manifestent. Le responsable de l'incendie, ce n'était pas eux. C'était lui. Sa peau brûle. Le bois craquèle. Son souffle est chaud. Sa gorge est sèche. Son front est trempé de sueur. Son bateau coule, son équipage avec. Lui est seul survivant. Le capitaine ennemi voyait en lui un butin bien plus important que l'or et les denrées qu'ils avaient dans leur cale.

Sur le bateau pirate, Ignacio se retrouva parmi d'autres infortunés. Des nobles. Des matelots. Des soldats. Lui qui n'avait rêvé que d'aventure depuis sa plus tendre enfance, les chaînes autour de ses poignets et de ses chevilles lui rappelèrent la dure réalité qu'était la vie. Une grande claque pour lui. Au fond de la cale, il pensa à son père qui était désormais à la retraite. À sa mère qui attendait ses lettres. Au fond de la cale, Ignacio attendit. Il échangea peu avec les prisonniers. Il mangea ce qu'on lui donnait. Sa mère aurait eu honte de lui si elle le voyait gâcher. Ignacio tendit l'oreille, essaya de comprendre où ils les emmenaient.

Arrivés à destination, une île dont il ignorait absolument le nom. Mais il savait une chose, en voyant les dizaines de bateaux amarrés et les maisons sur pilotis alignés: c'était un groupe organisée. À peine à terre qu'on le sépara des autres. Qu'on l'emmena vers le Capitaine. Celui qui dirigeait tout ici.

On l'appelait El Lobo.

Ignacio qui n'avait connu que son paternel comme figure imposante dans sa vie trouva le bourru et barbu personnage assis face à lui plus écrasant encore. Aimant faire le pitre enfant, il n'essaya pas pour autant de faire le pitre devant El Lobo. Il avait peur. Mais il resta digne. Et ce qui eut l'air de plaire au Vieux Loup. Il était intéressé par son don. Si beaucoup l'aurait déjà tué pour sorcellerie, El Lobo voyait là une toute autre opportunité s'offrir à lui.

Avant qu'il ne s'en rendre compte, il s'était retrouvé embriguadé dans la piraterie. Au côté du Loup, Ignacio découvrit d'autres horizons, trouva d'autres richesses, trouva une nouvelle liberté. Même si parfois, cette liberté valait le prix d'une autre vie. Les combats étaient monnaie courante. Et pui Il se trouva un nouveau talent : la fauconnerie. Loin de tout, loin de ses obligations de Capitaine pour la couronne espagnole. Il trouva sa place rapidement au sein de ce groupe. Il s'y plaisait, étrangement.

Mais il lui arrivait, parfois, d'avoir la boule au ventre lorsqu'il prenait la mer. Observant l'horizon, ses pensées se tournèrent vers ses parents. Sans nouvelles de lui depuis bientôt cinq ans. Ignacio n'y tint et se confia. Ne serait-ce qu'une fois, il voudrait les revoir. Le Loup le laissa. Lui annonça qu'il était libre d'aller et venir comme bon lui semblait. Qu'il lui rappelait son fils qu'il avait perdu en mer et qu'il comprenait très bien ce que pourrait ressentir son fils.

Alors Ignacio prit son courage à deux mains et mit toutes voiles dehors pour Cadix. Il laissa son bateau mouiller au large et fit le reste du trajet en barque, de peur d'alerter la marine. Un poids sur le ventre, quelques trésors sur l'épaule, il s'avança presque réticente sur le plage qui l'avait vu grandir, vers la maison modeste qui l'avait vu naître. Il ressentit du soulagement en voyant la fumée claire s'échapper de la maisonnée.

Il fut à peine à quelques mètres de la maison que la porte s'ouvrit brutalement et que sa mère se jeta dans ses bras. Sa respiration se coupa en voyant ses cheveux désormais grisonnants, les pattes d'oie au coin de ses yeux et de ses lèvres. Ses mots restèrent bloqués dans sa gorge en voyant son père aussi imposant que dans ses souvenirs. Mais une jambe en moins.

Et comme lorsqu'il était enfant, au coin du feu, il lui raconta de la même voix qui l'avait fait tant rêver durant des années, son périple. L'écoutant presque religieusement. Ce qui changea cette nuit-là, ce fut son tour de raconter ses histoires, ses aventures. Mais il tait son étrange pouvoir, déguise la vérité sur ses blessures. Il leur avait déjà causé bien du souci, inutile d'ajouter de l'inquiétude sur leurs épaules. Il ne ferma pas l'œil de la nuit, contempla la mer sous la Lune, assis sur la plage. Il marqua dans son esprit le levée du soleil depuis cette plage si chère à son cœur. Lorsqu'il reprit la mer, il repartit le cœur plus léger, l'épaule vide de trésors mais un poids toujours sur le ventre.

Un dernier regard, un dernier soupir, la main sur le gouvernail, des ordres lancés d'une voix assurée, Ignacio repartit vers un nouvel horizon, vers sa nouvelle vie.