Mer 17 Fév - 21:33
Il trace du doigt les ombres dessinant sur les murs de sa chambre des formes allégoriques et fantastiques. Paisiblement allongé sous ses draps, Basile ne trouve pas le sommeil. Il se fait rare depuis l’attaque portée sur sa chère sœur aînée. Sa gorge se noue à la simple idée qu’on puisse lui vouloir du mal. Il se redresse, inspirant profondément avant d’expirer. Il est trop inquiet pour trouver le sommeil. Peut-être qu’un peu d’air frais lui ferait le plus grand bien.
Il se glisse hors de son lit et attrape de quoi se couvrir ; il ignore tout bonnement quelle température il fait dehors. Il choisit de prendre un livre, au cas où l’envie lui prendrait de se plonger dans quelques lectures. De son autre main, il prend soigneusement un petit socle doré où repose une bougie allumée. Prudemment, et ce afin de ne pas faire tomber la cire chaude, il sort de sa chambre, son épais livre coincé sous le bras.
Si les gardes s’étonnent de sa présence à cette heure avancée de la nuit, le jeune prince prétexte simplement se rendre à la bibliothèque. Ils ne semblent pas très enclins à le laisser aller ainsi, seul. Basile baisse les yeux : convaincre les autres n’a jamais été une de ses compétences. Et compte tenu des récents événements, il est naturel pour ces soldats de redoubler de vigilance.
Et refuser d’être escorté serait bien inconscient de sa part, aussi jeune soit-il. C’est donc accompagné qu’il emprunte le chemin de la bibliothèque. En règle générale, il ne boude pas un peu de compagnie. Mais, ce soir, il aurait apprécié pouvoir profiter d’une bonne bouffée d’air frais, avec les étoiles pour seules témoins.
Assis dans un grand fauteuil, il laisse ses doigts caresser le papier de son ouvrage, ses yeux glissant sur les mots sans la moindre envie. Par conséquent, et après avoir relu par trois fois la même phrase, un soupir franchit ses lèvres. Il gigote dans le velours de son siège puis redresse la tête vers ses -presque- geôliers.
« Auriez-vous l’amabilité de mander quelqu’un susceptible de me faire porter une tasse de chocolat chaud je vous prie ? »
« Bien sûr, Votre Altesse. »
Les gardes se retirent, l’un restant à l’entrée, l’autre s’évaporant dans l’ombre des couloirs. La porte reste ouverte afin de garder un œil sur le prince, mais ce dernier est bien décidé à obtenir un peu plus d’intimité. Il ne sera pas bien loin, il ne lui arrivera rien, pas vrai ? La petite tête blanche s’extirpe du confort de son fauteuil et, sur la pointe des pieds, il se dirige vers la porte fenêtre. Le cliquetis de la poignée le fait sursauter et il se fige ; le garde a-t-il entendu ? Un coup d’œil avisé par-dessus son épaule lui confirme que non. Il soupire doucement, le cœur battant.
Quelques minutes plus tard, le voici dehors, profitant de l’air frais du soir dont il remplit ses poumons jusqu’à en tousser. C’est avec un petit pincement au cœur qu’il réalise qu’il est bien égoïste. Il espère pouvoir en profiter au maximum avant de rentrer ou d’inquiéter qui que ce soit. Mais la nuit est si belle, l’air si vivifiant.
Le manque de visibilité fait s’agiter son petit cœur un peu plus vite, mais il ne saurait dire si c’est la crainte ou l’excitation enfantine qui explique ce phénomène. Le jeune prince avance, s’émerveillant presque du paysage nocturne. Mais c’était avant de se prendre le pied dans un caillou et de s’étaler au sol.
Il se redresse, la lèvre inférieure tremblante et les yeux déjà embués. Il a un peu honte et remercie le Seigneur que personne n’ait assisté à ça. Du moins c’est ce qu’il aurait pu penser. Un bruit. Il redresse vivement la tête, soudain apeuré. Rien. Son cœur s’emballe. Cette fois, il s’agit réellement de la peur. Il essaie de se relever, mais sa jambe est raide.
Conséquences de sa témérité juvénile. Il déglutit, ne parvenant qu’à ramper, reculant jusqu’à un tronc d’arbre. Il regarde autour de lui, au bord des larmes.
« Q-Qui va là ? »
Sam 20 Fév - 2:20
Midnight Choir.
Une tâche qui ne te revient pas. La garde royale, et même la garde rapprochée de la famille royale était tout ce dont cette famille devrait avoir besoin. Alors pourquoi t’étais-tu encore une fois retrouvé au milieu des jardins encerclant le palais royal ? Pourquoi n’avais-tu pas simplement gardé tes propres quartiers, ou vaqué à tes simples occupations ? Non. Depuis les récents événements, enlèvements, attaques contre la famille royale, il y avait quelque chose au fond de toi qui ne pouvait trouver le repos. Le souvenir impérissable de cet enfant que tu avais vu grandir. Que tu avais vu se marier, une fois, puis deux. De protéger la progéniture d’une famille qui ne t’appartient pas, mais pour laquelle tu avais depuis bien longtemps accepté de crever ta peau.
Cette nuit-là n’avait rien de différent. Les efforts que tu avais fourni à ne pas être aperçu par la famille royale avaient jusque-là porté leurs fruits. Entre les jours où tu ne pouvais te permettre d’errer sous l’astre solaire, ou encore ces jours où l’antre du diable décidait de t’assigner à quelque tâche, tu avais déjà trop de fois failli à ta tâche. Eulalie avait été agressée sans que tu n’y puisses rien. Le jeune Basile s’était également blessé. L’insouciance n’avait plus lieu d’être, quand bien même ton seul souhait était de préserver l’innocence des deux jeunes héritiers au trône.
Peut-être était-ce pour cette raison que tu n’avais pas quitté les ombres des arbres, invisible au regard des divers gardes – n’était-ce pas en soi la première preuve de leur incompétence ? Ton agacement ne saurait se taire, désormais –. Mais rien ne semblait rôder. Rien d’autre que toi. Et cette simple certitude pourrait te rassurer, si tu n’étais qu’un simple d’esprit. Tu ne sais plus combien d’heures sont passées depuis le crépuscule. Faudrait-il croire que le palais tout entier s’était endormi ?
Mais il n’en était rien. C’est le cliquetis lointain d’un loquet qui attire ton attention. Approchant sans un bruit, une silhouette s’échappe des entrailles du bâtiment… le sentiment d’alerte te quitte pourtant lorsque la lumière de la lune se reflète sur des cheveux d’argent, le jeune prince, haut de ses trois pommes, s’échappe dans l’herbe à l’instar d’une jeune proie perdue dans la nuit. Les pans de sa robe de chambre volent autour de lui, et peut-être devrais-tu simplement l’arrêter, le rattraper, le renvoyer à l’intérieur. Mais depuis leur arrivée ici, tu n’as su te résoudre à les revoir. Comme si tout ceci te pèserait trop.
Comme des retrouvailles. Mais ils ne sont pas ta famille. Ils ne sont que ta mission.
Pourtant te voilà à la suivre du regard, comme d’autres fois, lui, le sacripant enfantin ne réalisant pas le danger auquel il s’expose impunément. Mais il n’est que douceur et candeur. Comment reprocher à un ange sa soif de liberté ? Un mouvement de recul, ta décision est prise, signaler à la garde d’une façon ou d’une autre l'évasion du jeune dauphin. Mais le fracas d’un poids heurtant le sol ramène ton attention vers le jeune garçon. Et dans sa chute, c’est l’odeur bien légère et pourtant présente du sang qui te fait réagir malgré toi. La branche sous tes pieds craque et le jeune lapereau recroquevillé au sol s’effraie.
Qu’avais-tu fait, sombre idiot ?
Tu pourrais t’échapper sans le moindre mot, le moindre bruit. Mais la peur dans sa voix, ce cœur battant la chamade, comment les ignorer. Des ténèbres, ton imposante carrure se distingue sous le clair de lune, et tu ne dis rien, approchant, visage en vue du jeune prince alors que tu t’accroupis enfin devant lui.
« Votre Altesse… »
Ainsi coincé contre l’écorce d’un arbre, le jeune Basile n’aurait pu fuir bien loin. Cherchant le regard du chérubin, tu attends qu’il t’ait reconnu pour venir saisir ses deux mains de ta propre chair froide, observant ses paumes égratignées.
« Vous vous êtes blessé… »
C’était superficiel. Si superficiel. Et pourtant, de ton pouce, tu essuies la terre, les quelques brins d’herbe et le sang ayant piqué sa peau claire de façon délicate. Tu ne veux pas le mordre. Tu ne veux rien lui faire. Et pourtant tes mains sur les siennes se tendent, ta prise plus ferme, sans pour autant se faire douloureuse. Et sans le réaliser, tu comprends silencieusement.
L’enfant t’avait manqué.
Cette nuit-là n’avait rien de différent. Les efforts que tu avais fourni à ne pas être aperçu par la famille royale avaient jusque-là porté leurs fruits. Entre les jours où tu ne pouvais te permettre d’errer sous l’astre solaire, ou encore ces jours où l’antre du diable décidait de t’assigner à quelque tâche, tu avais déjà trop de fois failli à ta tâche. Eulalie avait été agressée sans que tu n’y puisses rien. Le jeune Basile s’était également blessé. L’insouciance n’avait plus lieu d’être, quand bien même ton seul souhait était de préserver l’innocence des deux jeunes héritiers au trône.
Peut-être était-ce pour cette raison que tu n’avais pas quitté les ombres des arbres, invisible au regard des divers gardes – n’était-ce pas en soi la première preuve de leur incompétence ? Ton agacement ne saurait se taire, désormais –. Mais rien ne semblait rôder. Rien d’autre que toi. Et cette simple certitude pourrait te rassurer, si tu n’étais qu’un simple d’esprit. Tu ne sais plus combien d’heures sont passées depuis le crépuscule. Faudrait-il croire que le palais tout entier s’était endormi ?
Mais il n’en était rien. C’est le cliquetis lointain d’un loquet qui attire ton attention. Approchant sans un bruit, une silhouette s’échappe des entrailles du bâtiment… le sentiment d’alerte te quitte pourtant lorsque la lumière de la lune se reflète sur des cheveux d’argent, le jeune prince, haut de ses trois pommes, s’échappe dans l’herbe à l’instar d’une jeune proie perdue dans la nuit. Les pans de sa robe de chambre volent autour de lui, et peut-être devrais-tu simplement l’arrêter, le rattraper, le renvoyer à l’intérieur. Mais depuis leur arrivée ici, tu n’as su te résoudre à les revoir. Comme si tout ceci te pèserait trop.
Comme des retrouvailles. Mais ils ne sont pas ta famille. Ils ne sont que ta mission.
Pourtant te voilà à la suivre du regard, comme d’autres fois, lui, le sacripant enfantin ne réalisant pas le danger auquel il s’expose impunément. Mais il n’est que douceur et candeur. Comment reprocher à un ange sa soif de liberté ? Un mouvement de recul, ta décision est prise, signaler à la garde d’une façon ou d’une autre l'évasion du jeune dauphin. Mais le fracas d’un poids heurtant le sol ramène ton attention vers le jeune garçon. Et dans sa chute, c’est l’odeur bien légère et pourtant présente du sang qui te fait réagir malgré toi. La branche sous tes pieds craque et le jeune lapereau recroquevillé au sol s’effraie.
Qu’avais-tu fait, sombre idiot ?
Tu pourrais t’échapper sans le moindre mot, le moindre bruit. Mais la peur dans sa voix, ce cœur battant la chamade, comment les ignorer. Des ténèbres, ton imposante carrure se distingue sous le clair de lune, et tu ne dis rien, approchant, visage en vue du jeune prince alors que tu t’accroupis enfin devant lui.
« Votre Altesse… »
Ainsi coincé contre l’écorce d’un arbre, le jeune Basile n’aurait pu fuir bien loin. Cherchant le regard du chérubin, tu attends qu’il t’ait reconnu pour venir saisir ses deux mains de ta propre chair froide, observant ses paumes égratignées.
« Vous vous êtes blessé… »
C’était superficiel. Si superficiel. Et pourtant, de ton pouce, tu essuies la terre, les quelques brins d’herbe et le sang ayant piqué sa peau claire de façon délicate. Tu ne veux pas le mordre. Tu ne veux rien lui faire. Et pourtant tes mains sur les siennes se tendent, ta prise plus ferme, sans pour autant se faire douloureuse. Et sans le réaliser, tu comprends silencieusement.
L’enfant t’avait manqué.
Sam 20 Fév - 11:22
Une ombre se dresse dans les ténèbres, et Basile se fige. C’est tout du moins ce qu’il pense. Il sent tout son être paralysé par la peur et, parallèlement, son corps trembler d’effroi. Sa bouche s’entrouvre, sa volonté d’appeler à l’aide est bien là, mais ses cordes vocales refusent de participer à cet élan de survie. La gorge nouée, ses lèvres tressautent sans émettre le moindre son.
L’imposante personne, à ses yeux d’enfant terrorisé, se rapproche. Basile blêmit à chaque centimètre franchit par l’individu. Jusqu’à ce que la lune baigne son visage de sa lumière. Le prince cligne des yeux sous la surprise du visage qui se dévoile à lui. Son cœur loupe un battement, mais pas sous la crainte cette fois.
L’autre s’accroupit et sa voix met un terme à ce silence assourdissant. Ce visage et ce timbre de voix… Basile a la sensation d’être reparti des années plus tôt, à Brandebourg. Le dauphin sort de cette légère torpeur alors que de larges et puissantes mains s’emparent des siennes. Un léger sursaut à ce contact, et ses yeux s’ancrent à ce visage. L’émotion le submerge.
De nouveau, sa voix trouble le silence. Basile réalise qu’il n’a toujours formulé aucun mot. Ses yeux glissent sur ses doigts nettoyant ses égratignures. Ce geste si banal et pourtant si emprunt de tendresse… Le prince relève les yeux retrouvant de nouveau son regard.
« S-Scar ? »
La pression qu’il exerce sur ses petites mains est rapidement rendue. Et son cœur dicte sa conduite. Il se redresse brusquement, ses bras entourant la nuque de l’homme qui veillait tant sur sa famille dans le passé. La joie le submerge et, bientôt, de petites larmes perlent au coin de ses yeux. Il l’enlace avec autant toute la force dont il dispose ; peu en réalité en comparaison de ce grand homme. Qui ne semble pas avoir pris une ride.
« J’ai eu si peur que ce soit… »
Il ne termine pas sa phrase, prenant pleinement conscience de son imprudence ce soir. Heureusement pour lui, il est tombé sur une personne de confiance. Mais il aurait effectivement pu s’agir d’un assassin. Il tremble encore mais, dans les bras de Scar, il se détend progressivement. Il se sent en sécurité. Plus que jamais. Comme au bon vieux temps.
Il s’écarte progressivement pour observer le héros de sa jeunesse ; a-t-il seulement cessé de l’être ?
« Depuis combien de temps êtes-vous en France ? Cela fait si longtemps, je… pensais ne plus vous revoir après notre départ avec mère et Eulalie… »
Quand il repense à toutes les fois où il a sollicité ce pauvre Scar pour absolument tout et rien. Il a toujours été juste et bon avec lui, Basile l’aime sincèrement. Quitter Brandebourg sans lui a été douloureux. Comme s’il était séparé d’un membre de sa famille. Il baisse le regard, soudain gêné d’avouer ce qu’il ressent.
« Je pensais que… vous nous en vouliez d’être partis et que jamais plus nous ne nous serions revus… »
Ce qui lui aurait brisé le cœur s’il avait passé son temps à y songer. Mais Basile a compris, depuis longtemps, qu’il ne servait à rien de penser à des choses trop douloureuses pour son pauvre cœur. Déjà égoïste à son âge, le prince culpabilise de ne penser qu’à ses propres remords. Il redresse la tête, un sourire juvénile bien que timide étirant ses lèvres. Son regard tombe sur ses mains encore un peu salies. Il vient les frotter contre sa robe de chambre avec énergie. Les frottements contre les petites plaies lui arrachent une légère mais discrète grimace puis il présente ses mains à Scar. Et ce afin de rassurer son protecteur.
« Que devenez-vous ? Mère sait que vous êtes ici ? Elle sera ravie de vous revoir, et Eulalie aussi ! Elle… »
Il s’arrête, son sourire s’évanouissant en même temps que son enthousiasme.
Peut-être que si Scar avait été là, Eulalie n’aurait pas été attaquée… Oh, bien sûr, il ne doute absolument pas des compétences de Stanislava, loin de là. Mais avec Scar en plus, peut-être que rien de tout ceci n’aurait pu arriver.
« Vous avez appris ce qui s’est passé j’imagine… » Il lève les yeux vers lui. « Est-ce pour cela que vous êtes ici… ? Pour veiller de nouveau sur nous ? »
Lun 22 Fév - 15:32
Midnight Choir.
Il est un soulagement évident à voir la peur s’évanouir des yeux du jeune prince. Une chose si simple et pourtant si rassurante. Ce jeune cœur battant si fort, manquant un battement, comme un trébuche dans sa course. Basile est un bijou de douceur que le monde entier devrait s’efforcer de protéger. Peu importe ce qu’il deviendrait dans le futur, aujourd’hui, tous les efforts étaient justifiés pour le protéger.
Ces petites mains entre les tiennes sont une bénédiction à laquelle tu ne devrais pas avoir le droit de goûter. Pourtant tu ne fais rien pour le repousser. Rien pour faire taire ton propre nom contre sa voix d’enfant. Tu fermes les yeux et tu n’as pas à réfléchir pour refermer instinctivement tes bras autour de la si fragile silhouette d’un enfant qu’il te semblerait presque être le tien. Quelle ingrate ironie qu'est un être si vulnérable. Il suffit de garder le silence. De consoler d'un geste lent le dos d'une créature apeurée. Tu pourrais répondre bien des mots, souligner son inepte fuite du seul lieu qui pourrait peut-être encore préserver sa candeur. Mais tu restes muet de peur de blesser un cœur trop tendre, trop mou. Il est à l'enfance des choses que l'on ne peut que trop aisément briser. Et tu ne serais pas l'un de ces malfaiteurs. Pas ce soir.
Le petit prince se recule et de tes doigts tu effaces sans un bruit les quelques traces de ce chagrin éphémère contre ses paupières claires. Des cils d'argent contre lesquels la lune danse sans la moindre honte. Le portrait craché de son père à bien des égards… Ah mais revoilà déjà la curiosité maladive de ce chérubin. Tu ne manqueras pas d'omettre réponse à certaines questions. Comme si l'évidence pouvait être passée sous silence.
« Vous êtes en sécurité, votre Altesse. »
Tes mains sont si imposantes en comparaison de tout ce qui est si délicat en cet être. Repoussant ses mèches d’argent pour révéler davantage son visage, tu l’écoutes religieusement et ce ne sont pas ses interrogations sur ta présence qui te poussent à répondre, non. Tu as bien plus important à faire avant cela.
« Je ne vous en veux pas, Altesse. Pas à vous, ni à sa Majesté ou votre sœur. »
Mais quelque part, au fond de ce cœur lent et froid, la question persiste. Jean avait-il été au courant des drames qui ne tarderaient pas à ébranler les vies de ses enfants et son épouse ? Tu n’en sais rien. Tu n’es sûr que d’une chose. Cet enfant ne devrait pas être exposé à tant de drames.
« Personne n’a besoin de savoir. Il s’agira de notre secret, votre Altesse. Moins les gens sauront, plus je pourrais m’assurer de votre sécurité à tous les trois. »
Il n’y avait rien à faire contre tout ceci. Les faits étaient tels que tu ne pourrais promettre de les garder en sécurité quand bien même tu n’aurais souhaité que cela. Accroupi là, à observer le jeune prince, tu observes son allure générale et finis par frotter les genoux salis de son pyjama avant de refermer la couverture qu’il avait emporté avec lui autour de ce corps encore fébrile. L’idée de le soulever comme tu l’avais fait toute ta vie t’effleure. Tu pourrais le ramener dans ses quartiers sans un bruit. Comme s’il ne pesait rien, qu’il était une petite chose fragile que tu replacerais silencieusement dans son berceau. Mais là n’est pas le moment de rêver.
« Pourquoi êtes-vous sorti en cette heure tardive ? »
N’y avait-il pas des gardes qui avaient vu son échappée belle ? La surveillance laissait à désirer. Des têtes devraient tomber, du moins, tu l’espérais. Mais avant cela, il devait veiller sur lui. Veiller sur ce qui pouvait encore être protégé. Tes mains se referment naturellement sur le tissu enveloppant Basile l’étreignant un peu plus dans ce cocon rassurant et chaud.
« Vous risqueriez d’attraper froid. Les nuits sont encore fraîches en cette période. »
Ces petites mains entre les tiennes sont une bénédiction à laquelle tu ne devrais pas avoir le droit de goûter. Pourtant tu ne fais rien pour le repousser. Rien pour faire taire ton propre nom contre sa voix d’enfant. Tu fermes les yeux et tu n’as pas à réfléchir pour refermer instinctivement tes bras autour de la si fragile silhouette d’un enfant qu’il te semblerait presque être le tien. Quelle ingrate ironie qu'est un être si vulnérable. Il suffit de garder le silence. De consoler d'un geste lent le dos d'une créature apeurée. Tu pourrais répondre bien des mots, souligner son inepte fuite du seul lieu qui pourrait peut-être encore préserver sa candeur. Mais tu restes muet de peur de blesser un cœur trop tendre, trop mou. Il est à l'enfance des choses que l'on ne peut que trop aisément briser. Et tu ne serais pas l'un de ces malfaiteurs. Pas ce soir.
Le petit prince se recule et de tes doigts tu effaces sans un bruit les quelques traces de ce chagrin éphémère contre ses paupières claires. Des cils d'argent contre lesquels la lune danse sans la moindre honte. Le portrait craché de son père à bien des égards… Ah mais revoilà déjà la curiosité maladive de ce chérubin. Tu ne manqueras pas d'omettre réponse à certaines questions. Comme si l'évidence pouvait être passée sous silence.
« Vous êtes en sécurité, votre Altesse. »
Tes mains sont si imposantes en comparaison de tout ce qui est si délicat en cet être. Repoussant ses mèches d’argent pour révéler davantage son visage, tu l’écoutes religieusement et ce ne sont pas ses interrogations sur ta présence qui te poussent à répondre, non. Tu as bien plus important à faire avant cela.
« Je ne vous en veux pas, Altesse. Pas à vous, ni à sa Majesté ou votre sœur. »
Mais quelque part, au fond de ce cœur lent et froid, la question persiste. Jean avait-il été au courant des drames qui ne tarderaient pas à ébranler les vies de ses enfants et son épouse ? Tu n’en sais rien. Tu n’es sûr que d’une chose. Cet enfant ne devrait pas être exposé à tant de drames.
« Personne n’a besoin de savoir. Il s’agira de notre secret, votre Altesse. Moins les gens sauront, plus je pourrais m’assurer de votre sécurité à tous les trois. »
Il n’y avait rien à faire contre tout ceci. Les faits étaient tels que tu ne pourrais promettre de les garder en sécurité quand bien même tu n’aurais souhaité que cela. Accroupi là, à observer le jeune prince, tu observes son allure générale et finis par frotter les genoux salis de son pyjama avant de refermer la couverture qu’il avait emporté avec lui autour de ce corps encore fébrile. L’idée de le soulever comme tu l’avais fait toute ta vie t’effleure. Tu pourrais le ramener dans ses quartiers sans un bruit. Comme s’il ne pesait rien, qu’il était une petite chose fragile que tu replacerais silencieusement dans son berceau. Mais là n’est pas le moment de rêver.
« Pourquoi êtes-vous sorti en cette heure tardive ? »
N’y avait-il pas des gardes qui avaient vu son échappée belle ? La surveillance laissait à désirer. Des têtes devraient tomber, du moins, tu l’espérais. Mais avant cela, il devait veiller sur lui. Veiller sur ce qui pouvait encore être protégé. Tes mains se referment naturellement sur le tissu enveloppant Basile l’étreignant un peu plus dans ce cocon rassurant et chaud.
« Vous risqueriez d’attraper froid. Les nuits sont encore fraîches en cette période. »
Ven 26 Fév - 12:32
Basile ne peut réprimer un sourire ; la voix grave de Scar est apaisante, comme celle d’un père rassurant son enfant après un vilain cauchemar. Et le jeune prince est bien heureux de retrouver Scar. Un visage familier parmi ce cortège d’inconnus défilant devant ses yeux chaque jour.
Son sourire s’efface pourtant lentement lorsque l’adulte lui fait promettre de garder le secret quant à sa présence en ces lieux. Une petite moue habille les lippes du plus jeune tandis que ses prunelles dorées quittent le visage de Scar.
Est-il sincère lorsqu’il dit ne pas leur en vouloir ? Certainement. Scar n’est pas un menteur. Il ne l’a jamais été, pourquoi le serait-il à présent ?
Le jeune prince se souvient l’avoir assommé de mille et unes questions, parfois pertinentes mais bien plus souvent idiotes et dénuées de sens. Les interrogations d’un enfant curieux de l’univers qui l’entoure. Il rougit de honte à la réminiscence de ces questions et triture le lien de sa robe de chambre. Basile sait très bien que Scar, s’il s’en souvient, ne le jugerait jamais.
Le petit sursaute quand sa main effleure ses genoux pour l’épousseter. Bien que rassuré par sa présence, il n’en demeure pas moins attentif de ce qui l’entoure. Et cette promenade nocturne, soldée par une belle frayeur, a fini de le rendre conscient du potentiel danger alentour. Ses prunelles remontent sur le visage de Scar alors qu’il semble bien décidé à l’emmitoufler dans la couverture. Le petit prince rougit de nouveau, honteux de lui apparaître si fragile encore aujourd’hui.
Et la question, qu’il pense teintée de reproche, finit par tomber comme un couperet.
« Je… » Il se mordille la lèvre, détourne la tête. « J’avais besoin de m’aérer un peu… » Il déglutit, reprenant l’instant suivant. « Je n’arrivais pas à trouver le sommeil alors je voulais sortir un peu… Les gardes devant ma porte n’ont pas voulu me laisser tout seul alors ils m’ont suivi jusqu’à la bibliothèque. Je me suis installé pour lire avant de demander à boire… Et puis je suis sorti. »
La plus grande aventure depuis son arrivée en France.
Lui qui avait l’habitude de gambader dans le domaine de feu son père. De vaquer librement, sans danger imminent autre que sa propre maladresse. Et ce bien malgré sa jambe devenue plus raide depuis sa chute de cheval.
« Depuis qu’Eulalie a été attaquée, j’ai très peur la nuit… E-Et… »
Sa gorge se noue, il ferme les yeux ; il sait pourtant que, devant Scar, il pourrait se laisser aller. Sa confiance en lui est inébranlable, et Basile sait qu’il garderait le secret de cette escapade autant que de cette faiblesse passagère. Mais il est prince de France, il se doit de ne pas se laisser submerger par ses émotions.
Son précepteur a été clair : il n’est pas un adulte, mais ce n’est plus un enfant non plus. Un entre-deux bien difficile où il n’est pas permis de profiter de la vie comme le ferait un garçon de son âge, où il ne peut faire ce qu’il lui chante comme un adulte.
Et, une nouvelle fois, les gestes de Scar le sortent de sa torpeur.
Basile relève les yeux vers lui alors qu’il semble définitivement vouloir l’enrouler dans cette couverture bien chaude et rassurante. A l’image de ses bras dans lesquels il n’ose sans doute pas le prendre. Et la sollicitude du ténébreux finit par rendre le sourire au prince.
« Qu’en est-il de vous, Scar ? Ne craignez-vous pas le froid ? »
A ses mots, Basile vient entourer le buste de son aîné, se blottissant contre lui. Autant par désir de vouloir partager un peu de sa chaleur que par désir de protection, d’affection. Un doux sentiment de sécurité embaume son cœur ; ce n’est encore qu’un enfant.
Enfant qu’on veut voir grandir le plus vite possible.
« Je ne dirai rien. Je le jure devant Dieu. »
Basile se sent bien, en cet instant. Déjà parce qu’il est en sécurité et qu’il sait pertinemment que la simple présence de Scar suffirait à éloigner tout danger. Comme un bouclier contre le mal. Mais ce sentiment de sérénité provient tout aussi bien de cette simple étreinte avec un être cher. Non pas qu’il soit en manque de tendresse, mais il est assez inconvenant d’étreindre sa mère et sa sœur devant les autres. Et encore moins sans raison apparente.
Le jeune prince finit par s’écarter, libérant son pauvre prisonnier de ses bras maigrelets.
« Je suis désolé si cela vous paraît égoïste et puéril mais… je suis heureux que vous soyez ici, avec nous. »
Si Scar est désormais ici, et avec le concours de Stanislava, plus rien ne devrait leur arriver, pas vrai ? Fort de cette confiance fraîchement regagnée, Basile cherche à se redresser. C’est sans compter sur cette maudite jambe qui le fait flancher sur une racine de l’arbre. Et le voilà qui tombe sur ses fesses. De pas bien haut toutefois. Rien qui puisse lui arracher une larme ni un petit couinement de douleur. Juste un petit souffle de surprise.
Le petit prince renifle ; son nez et ses pommettes sont déjà rougies par le froid. Un sourire absent étire ses lèvres alors que ses yeux fixent cette jambe endommagée.
« Les médecins appellent ça des séquelles. » Il relève les yeux vers Scar. « Encore aujourd’hui, ça me surprend un peu lorsque je perds l’équilibre sans raison. Mais on s'y habitue... je crois. »
Dim 28 Fév - 2:29
Midnight Choir.
La peur n’a pas lieu d’exister sur ces traits d’enfant. Pourquoi s’effraie-t-il, alors que tu te tiens là, que tu peux promettre sur ton sang et ce qu’il reste de ton nom que rien ne lui arrivera ? Les mots coulent de cette bouche gracieuse, et sa parole, aussi basse et faible soit-elle, remue ce qu’il reste de ton cœur. Les mots sont brisés dans cette voix d’enfant. Tu ne comprends pas qu’il soit ainsi laissé à ses frayeurs nocturnes. Pas plus que l’idée d’échapper à la garde du palais du haut de douze ans ne soit une option envisageable. La surveillance du bâtiment était-elle si piteuse ?
L’idée te quitte aussi rapidement que le nom de la jeune princesse quitte ces lèvres tremblantes. Tu l’observes et te demande dans le silence quiet de cette nuit si elle aussi avait eu peur de la sorte. Si ses dernières pensées avaient été peuplées des pires cauchemars. S’était-elle endormie le cœur empli de noir ?
Tes mains se referment instinctivement contre les couvertures, et tu l’attires contre toi sans chercher à te justifier. Aucune parole ne conviendrait. Ses mots sont doux, teintés de toute la gêne d’un enfant qui pense trop parle et tu secoues doucement la tête. Tu n’as pas froid. Tu le crois, tu n’as peur de rien. Si ce n’est pour lui, sa sœur et sa douce mère.
Mais l’enfant veut tenir sur ses deux jambes. Gazelle à peine née. Comment peut-on espérer que pareil enfant puisse subvenir seul à ses propres besoins ? Qu’en était-il de toi à son âge ? Déjà l’objet du labeur de la terre. Tu n’échangerais rien. Tu n’envies pas sa condition. Pas plus que tu ne penses qu’il soit nécessaire de le voir grandir plus vite que le temps ne le souhaite. Chaque condition, chaque situation, méritait de mûrir en son temps. Egoïste, tu ne penses pas. Le plus égoïste de tous n’était pas ce jeune garçon qui se tenait là devant toi.
Ce souhait du petit prince de tenir debout seul, tu ne l’en empêche en aucun cas. Et sa chute, lente et sans blessure peine ton cœur. Ses explications, tu n’en as pas besoin.
« Ne vous forcez pas, votre Altesse. Si vos jambes vous font défaut, nous sommes nombreux à accepter de soutenir votre poids. »
Peut-être tes propos sont-ils maladroits, car tu ne doutes pas que ce jeune garçon parviendra à marcher seul pour le reste de sa vie, fier et assuré. Mais ce soir, ce soir, tu ne peux concevoir l’idée qu’il s’inquiète de la moindre chose. Un soupir et tu rattrapes d’autorité le jeune garçon, sans la moindre brusquerie, non. Jamais tu ne le blesserais.
« Vous êtes trop jeune pour penser à tout ceci. »
Trop jeune pour perdre espoir. Cette fois-ci, tu ne te contentes pas de le garder dans ce précieux cocon. Soulevant le jeune prince dans le même mouvement que tu as pour te redresser, tu le cales contre toi, prudent de ne pas laisser sa peau toucher la froideur qui habite la tienne. Un baiser effleure instinctivement la couronne de cheveux d’argent et tu murmures de la même façon que tu l’avais fait il y a toute une vie.
« Ce soir, personne ne peut vous atteindre, je vous en fait la promesse. »
Perché dans tes bras, rien ne pourra plus l’atteindre. Tu relèves la tête et commence à avancer à l’orée des bois, tes pas silencieux.
« Parlez-moi de vos dernières leçons. Êtes-vous toujours aussi vaillant, l’épée à la main ? »
Faire rentrer Basile n’était pas une option. Pas maintenant. Tu ne te résoudrais pas à l’idée de jouer le rôle d’une nourrice, mais l’enfant avait toujours fait preuve d’une verve débordante. Aujourd’hui, tu mettrais ceci à profit.
« Je n’ai pas encore eu le luxe de goûter la cuisine locale. Que recommanderiez-vous à votre humble serviteur, votre Altesse ? »
Tes pas vous guident de l’ombre aux zones baignées par le clair de lune. Tu contournes les jardins et prolonge le chemin, déterminé à bercer cet enfant jusqu’au bout de la nuit si c’était tout ce qu’il fallait pour rassurer son cœur innocent.
L’idée te quitte aussi rapidement que le nom de la jeune princesse quitte ces lèvres tremblantes. Tu l’observes et te demande dans le silence quiet de cette nuit si elle aussi avait eu peur de la sorte. Si ses dernières pensées avaient été peuplées des pires cauchemars. S’était-elle endormie le cœur empli de noir ?
Tes mains se referment instinctivement contre les couvertures, et tu l’attires contre toi sans chercher à te justifier. Aucune parole ne conviendrait. Ses mots sont doux, teintés de toute la gêne d’un enfant qui pense trop parle et tu secoues doucement la tête. Tu n’as pas froid. Tu le crois, tu n’as peur de rien. Si ce n’est pour lui, sa sœur et sa douce mère.
Mais l’enfant veut tenir sur ses deux jambes. Gazelle à peine née. Comment peut-on espérer que pareil enfant puisse subvenir seul à ses propres besoins ? Qu’en était-il de toi à son âge ? Déjà l’objet du labeur de la terre. Tu n’échangerais rien. Tu n’envies pas sa condition. Pas plus que tu ne penses qu’il soit nécessaire de le voir grandir plus vite que le temps ne le souhaite. Chaque condition, chaque situation, méritait de mûrir en son temps. Egoïste, tu ne penses pas. Le plus égoïste de tous n’était pas ce jeune garçon qui se tenait là devant toi.
Ce souhait du petit prince de tenir debout seul, tu ne l’en empêche en aucun cas. Et sa chute, lente et sans blessure peine ton cœur. Ses explications, tu n’en as pas besoin.
« Ne vous forcez pas, votre Altesse. Si vos jambes vous font défaut, nous sommes nombreux à accepter de soutenir votre poids. »
Peut-être tes propos sont-ils maladroits, car tu ne doutes pas que ce jeune garçon parviendra à marcher seul pour le reste de sa vie, fier et assuré. Mais ce soir, ce soir, tu ne peux concevoir l’idée qu’il s’inquiète de la moindre chose. Un soupir et tu rattrapes d’autorité le jeune garçon, sans la moindre brusquerie, non. Jamais tu ne le blesserais.
« Vous êtes trop jeune pour penser à tout ceci. »
Trop jeune pour perdre espoir. Cette fois-ci, tu ne te contentes pas de le garder dans ce précieux cocon. Soulevant le jeune prince dans le même mouvement que tu as pour te redresser, tu le cales contre toi, prudent de ne pas laisser sa peau toucher la froideur qui habite la tienne. Un baiser effleure instinctivement la couronne de cheveux d’argent et tu murmures de la même façon que tu l’avais fait il y a toute une vie.
« Ce soir, personne ne peut vous atteindre, je vous en fait la promesse. »
Perché dans tes bras, rien ne pourra plus l’atteindre. Tu relèves la tête et commence à avancer à l’orée des bois, tes pas silencieux.
« Parlez-moi de vos dernières leçons. Êtes-vous toujours aussi vaillant, l’épée à la main ? »
Faire rentrer Basile n’était pas une option. Pas maintenant. Tu ne te résoudrais pas à l’idée de jouer le rôle d’une nourrice, mais l’enfant avait toujours fait preuve d’une verve débordante. Aujourd’hui, tu mettrais ceci à profit.
« Je n’ai pas encore eu le luxe de goûter la cuisine locale. Que recommanderiez-vous à votre humble serviteur, votre Altesse ? »
Tes pas vous guident de l’ombre aux zones baignées par le clair de lune. Tu contournes les jardins et prolonge le chemin, déterminé à bercer cet enfant jusqu’au bout de la nuit si c’était tout ce qu’il fallait pour rassurer son cœur innocent.
Jeu 4 Mar - 14:29
Le prince affiche une petite moue triste aux propos de Scar ; ne serait-il donc qu’un poids pour les autres ? Juste un fardeau qu’ils daignent porter pour une raison obscure. Ou peut-être pas. Il est prince de France, après tout, c’est sans doute une sorte de devoir pour eux.
Et comme en écho à ses pensées, son protecteur le rassure. Gestes rassurants et voix apaisante. Il cligne des yeux, se demandant parfois si l’adulte est capable de lire dans ses pensées. Ce qui serait particulièrement incroyable. Et prodigieusement gênant, voir effrayant. Basile a honte de bien des choses, notamment de toutes les questions qu’il garde secrètement pour lui.
Mais, heureusement, Scar n’est que perspicace.
Basile se pourfend d’un sourire gonflé d’espoir et de joie. Il est si heureux de se sentir soutenu, choyé. Même s’il a conscience que son âge ne sera bientôt plus un prétexte à toute cette précaution, à toute cette tendresse. Il devient un homme et, bientôt, il devra être capable de se défendre seul.
Cette pensée le fait frémir, à moins que ce ne soit le froid qui chatouille son cou.
Basile est à la fois pressé de grandir, pour ne plus être traité comme un enfant. Mais, quelque part, le prince aimerait rester un enfant toute sa vie. Pour ne pas avoir à affronter un monde qu’il a entendu être bien dur.
Soudain, Scar le soulève comme s’il n’était qu’un vulgaire sac de plumes d’oie. Basile cligne des yeux sous la surprise, s’accrochant à ses vêtements. Il sait bien que son ange gardien ne le laisserait jamais tomber, mais ça le rassure un peu de s’agripper à lui. Et puis, Scar est si gigantesque à ses yeux d’enfant. Se retrouver à cette hauteur, ça lui donne un sentiment de puissance ; le genre qui donne la sensation de pouvoir conquérir le monde entier.
Et il promet qu’il ne lui arriverait rien ce soir. Basile l’observe et finit par entourer son cou de ses bras pour l’étreindre, comme il le faisait avec son propre père il y a quelques années quand il se mettait à sa hauteur. Le prince ne craint plus rien, là, dans les bras protecteurs de son ange gardien. Car c’est ce qu’il a toujours été, quelque part, aux yeux de Basile.
La nuit et les jardins lui apparaissent alors bien moins angoissants. Le danger tapi dans l’ombre semble s’être envolé à l’arrivée de Scar. Oui, il est définitivement un ange chassant le mal de ses puissantes ailes blanches, invisibles à l’œil nu. Basile en est persuadé.
Son engouement s’évanouit quand l’adulte lui demande de lui faire un compte-rendu de ses entraînements à l’épée. Le prince grimace légèrement ; il n’a absolument rien de vaillant. A vrai dire, il est même plutôt mauvais. C’est son appréciation personnelle, donc peu objective. Il se sent même triste que ce brave chevalier de Bayard subisse le désastre qu’il est assurément une épée en main.
Mais Basile admire ce grand chevalier qui prend toujours le temps de lui enseigner les rudiments du combat armé. Une véritable figure de force et de puissance, tout comme peut l’être Scar. Ses héros dont il taira la profonde admiration qu’il leur voue, par timidité.
« Eh bien… » Il ne veut pas mentir mais, en même temps, il ne souhaite pas décevoir Scar. « J-je pense que j’ai encore beaucoup de progrès à faire avant d’espérer pouvoir caresser du bout des doigts le niveau de maîtrise du chevalier de Bayard… ou celui de Père… »
Il n’est pas dupe, même à douze ans : il ne parviendra jamais à être un grand guerrier. Il rêve d’égaler ses plus grands héros, mais il s’en sait incapable. Il n’a guère la force nécessaire pour ça, et quand bien même, à cause de sa jambe, il ne pourrait jamais aller bien loin dans un combat.
Et, à nouveau, sentant certainement le malaise du prince, Scar change de sujet. Basile reste silencieux un moment avant de resserrer son emprise autour de son cou pour l’étreindre avec force. Enfin, celle dont il dispose à cette heure avancée de la nuit.
Il ne saurait dire à quel point il aime Scar, mais sa bienveillance à son égard le berce et l’enveloppe dans cet étrange cocon duveteux et rassurant dans lequel il aimerait rester jusqu’à la fin de ses jours. Un souhait bien égoïste voir même couard : fuir ses responsabilités pour mieux pouvoir profiter du confort et de la sécurité qu’on lui offre sur un plateau d’argent.
Basile s’en veut. Ses bras libèrent quelque peu le cou de Scar tandis que le prince s’arme d’un sourire qu’il espère enjoué malgré ses pensées égarées.
« Ici on mange si bien que je ne saurais quoi vous conseiller tant le choix me pârait illimité ! »
Une main toujours dans la nuque de Scar, le prince se prend le menton entre son pouce et son index, songeur. Basile est un très grand amateur de mets sucrés, mais un adulte comme Scar préféra certainement des plats plutôt salés. Ah, peu importe ! Puisqu’il veut son avis, le prince va énumérer tout ce qu’il aime.
« La tarte aux pommes avec la cannelle, c’est le plus bon dessert de la terre entière ! Avec un délicieux chocolat chaud pour l’accompagner ! » Tout heureux qu’il est, il poursuit avec enthousiasme. « Et le fromage ! Vous saviez qu’il y en avait autant ? Le chevalier de Bayard m’en a rapporté une fois, il avait un goût fruité ! Et avec un morceau de bon pain encore tout chaud, c’est un délice ! »
Le prince n’est étonnamment pas bien difficile en terme de nourriture. Il mange volontiers tout ce qu’il lui est servi, parfois en quantité raisonnable. Et d’autres fois, quand sa gourmandise prend le dessus, il se ressert jusqu’à ce que son pauvre petit ventre soit sur le point d’exploser.
« Le gibier aussi est très bon ! Les cuisiniers préparent le cerf avec beaucoup de sauce, c’est très tendre. Oh, et aussi le sanglier, encore un peu saignant, c’est succulent ! Et vous, vous aimez la viande saignante ? »
Il s’arrête brusquement en plongeant ses yeux dorés dans les siens. Il se met alors à rougir violemment, baissant timidement la tête.
« P-pardonnez-moi cette fougue, je… Mère dit que je suis parfois un peu trop gourmand… »
Mar 9 Mar - 15:23
Midnight Choir.
Les bras frêles qui étreignent ton cou pourraient te faire tomber un genou à terre. Cette sensation, peu importe qu’elle soit celle du petit prince, ne sera jamais dissociée dans ses pensées de l’odeur des jacinthes qui entouraient les sous-bois autour de votre maison. Sans réfléchir, tu retiens plus convenablement l’enfant contre toi, manquant de caresser ses cheveux longs par pure affection. Aurait-elle été ainsi affligée de la peur du monde si celui-ci lui avait permis d’atteindre l’âge de ses douze ans ? Tu voudrais embrasser ses joues et l’entendre rire à nouveau. Ces bulles de savon s’envolant et crépitant dans le ciel, les doux présages d’un pissenlit en fruits fuyant à l’horizon.
Pourtant, c’est Basile qui se tient ici. Qui agrippe ta nuque comme si le monde en dépendait. Ce n’est que le petit Prince d’un monde en ruines, apeuré à l’idée que les adultes attendent tant de lui, sans jamais assez lui en apprendre. Tu veilles simplement à ramener la couverture un peu plus convenablement contre son cou, là où le duvet court de ses cheveux ne protège pas sa peau. Là où te toucher pourrait lui glacer le sang. Et tu écoutes, assidu. Conscient qu’un enfant doit partager ses secrets, ses rêves et les images qui peuplent ses jours comme ses nuits.
Mais cet enfant ne rêve plus depuis longtemps. Il n’a que le sentiment de décevoir. De ne pas être suffisant.
« Il n’y a pas besoin d’avoir l’épée à la main pour devenir un héros. Regardez votre mère, votre Altesse. N’est-elle pas une héroïne à son juste titre également ? »
Tu ne devrais pas le consoler de la sorte. Il ne gagnera rien à être bercé d’illusions. Mais la force n’a jamais été ce qui a permis de protéger les pays, les fortunes ou les familles. Tu le savais mieux que quiconque. Et s’il fallait à cet enfant une preuve que le sang versé par la guerre ou les combats n’était pas la solution à tout, tu espérais silencieusement pouvoir la lui donner un jour. Ces terres sont trop belles pour n’être que le sentier brûlé d’un destin trop bien tracé. Victoire elle-même n’avait jamais été prédestinée à devenir monarque. Les temps, les choses, et les événements, sculptent au fil des jours et des aubes un nouveau chemin pour chacun. Tu en as l’intime conviction. Basile, s’il ne devient pas le plus grand des combattants, sera, s’il le désire, le plus grand des cœurs.
Mais l’air de joie revient déjà, et la distance que le petit prince marque en relâchant sa prise est un signe de son aisance. Tu l’écoutes religieusement, marchant le long des jardins, connaissant leurs recoins sans jamais avoir trouvé le loisir de les observés. Il comptait davantage à tes yeux de savoir chaque blessure et geste des deux jeunes enfants royaux. Des rencontres de sa Majesté. Jean aurait voulu connaître chacun de ces moments. Tu te plierais à ce rêve éteint trop tôt. Alors tu joues au père, au frère, à celui que l’on peut accabler et simplement utiliser. Tu te moques, finalement, des dernières créations de la cuisine du palais. Il t’importe seulement de le savoir nourri et heureux.
« Peut-être un jour vous emmènerai-je chasser. Le gibier porte un goût de satisfaction lorsqu’il est celui que l’on a soi-même attrapé. »
Tu ne compterais pas sur la noblesse et le bal de tout ceux qui tentaient de gagner les faveurs de la royauté. Basile serait en sécurité avec toi. Pas avec eux. Sa blessure était de cette origine. Celle du désintérêt pour les valeurs importantes. Ignorante de la candeur et de l’intrépide qui coule dans les veines d’un enfant que le monde fascine. Là où peur devient miracle à la simple lueur d’une bougie. Le jeune prince méritait le monde. Mais pas celui qu’on lui servait chaque jour sur un plateau d’argent. Pas le monder que les adultes estiment important. Celui fait de richesses et de possessions. Dieu n’avait pas créé ces terres pour que la beauté y soit trouvée dans le matérialisme, non. Il fallait effleurer l’humus de ses pieds nus, suivre la trace d’une biche, observer le vol des oiseaux migrateurs, humer les fleurs et surveiller le vol délicat d’un papillon monarque. Grandeur n’est pas matérielle. Elle est la force d’un esprit qui ne se ferme pas à ce que l’on peut lui offrir.
Mais tu reportes ton attention sur lui en l’apercevant rougir. Instinctivement, tu effleures sa joue du dos de ta main, comme pour veiller à ce qu’il n’y ait que de la gêne, et pas une fièvre pernicieuse. Puis repousse les cheveux clairs, tressés de clair de lune, murmurant doucement, regard d’ambre croisant le précieux de l’or.
« La gourmandise est une curiosité. La curiosité vous rendra intelligent. La gourmandise vous rendra plus fort. »
Puis, inclinant légèrement la tête sur le côté tu te penches contre son oreille et lui murmure, secret que tout enfant saura apprécier.
« Votre mère la reine était gourmande également en son temps. Votre père ne cessait de lui faire venir les meilleurs mets de tout l’Empire… Il fut même soufflé qu’elle aurait pris quelques kilos d’un embonpoint agréable, avant que le physicien ne réalise qu’elle portait votre sœur en son sein. »
Un soupir et tu te recules enfin, gardant vos deux regards captés l’un sur l’autre. Vous êtes bien plus loin du palais désormais. Alors tu lui dis.
« Permettez-moi, votre Altesse, de vous parler d’homme à homme. » Il était un enfant, oui. Mais il n’en est pas moins à prendre avec des pincettes. « Votre titre n’est pas un fer à vos pieds. Cultivez vos passions. S’il ne s’agit pas de l’épée, excellez en ce qui vous apporte l’épanouissement dont votre cœur appelle à être rempli. Ne laissez personne étouffer qui vous êtes, votre Altesse. Seul votre cœur vous connait mieux que quiconque. Et votre cœur ne peut pas vous mentir. »
Pourtant, c’est Basile qui se tient ici. Qui agrippe ta nuque comme si le monde en dépendait. Ce n’est que le petit Prince d’un monde en ruines, apeuré à l’idée que les adultes attendent tant de lui, sans jamais assez lui en apprendre. Tu veilles simplement à ramener la couverture un peu plus convenablement contre son cou, là où le duvet court de ses cheveux ne protège pas sa peau. Là où te toucher pourrait lui glacer le sang. Et tu écoutes, assidu. Conscient qu’un enfant doit partager ses secrets, ses rêves et les images qui peuplent ses jours comme ses nuits.
Mais cet enfant ne rêve plus depuis longtemps. Il n’a que le sentiment de décevoir. De ne pas être suffisant.
« Il n’y a pas besoin d’avoir l’épée à la main pour devenir un héros. Regardez votre mère, votre Altesse. N’est-elle pas une héroïne à son juste titre également ? »
Tu ne devrais pas le consoler de la sorte. Il ne gagnera rien à être bercé d’illusions. Mais la force n’a jamais été ce qui a permis de protéger les pays, les fortunes ou les familles. Tu le savais mieux que quiconque. Et s’il fallait à cet enfant une preuve que le sang versé par la guerre ou les combats n’était pas la solution à tout, tu espérais silencieusement pouvoir la lui donner un jour. Ces terres sont trop belles pour n’être que le sentier brûlé d’un destin trop bien tracé. Victoire elle-même n’avait jamais été prédestinée à devenir monarque. Les temps, les choses, et les événements, sculptent au fil des jours et des aubes un nouveau chemin pour chacun. Tu en as l’intime conviction. Basile, s’il ne devient pas le plus grand des combattants, sera, s’il le désire, le plus grand des cœurs.
Mais l’air de joie revient déjà, et la distance que le petit prince marque en relâchant sa prise est un signe de son aisance. Tu l’écoutes religieusement, marchant le long des jardins, connaissant leurs recoins sans jamais avoir trouvé le loisir de les observés. Il comptait davantage à tes yeux de savoir chaque blessure et geste des deux jeunes enfants royaux. Des rencontres de sa Majesté. Jean aurait voulu connaître chacun de ces moments. Tu te plierais à ce rêve éteint trop tôt. Alors tu joues au père, au frère, à celui que l’on peut accabler et simplement utiliser. Tu te moques, finalement, des dernières créations de la cuisine du palais. Il t’importe seulement de le savoir nourri et heureux.
« Peut-être un jour vous emmènerai-je chasser. Le gibier porte un goût de satisfaction lorsqu’il est celui que l’on a soi-même attrapé. »
Tu ne compterais pas sur la noblesse et le bal de tout ceux qui tentaient de gagner les faveurs de la royauté. Basile serait en sécurité avec toi. Pas avec eux. Sa blessure était de cette origine. Celle du désintérêt pour les valeurs importantes. Ignorante de la candeur et de l’intrépide qui coule dans les veines d’un enfant que le monde fascine. Là où peur devient miracle à la simple lueur d’une bougie. Le jeune prince méritait le monde. Mais pas celui qu’on lui servait chaque jour sur un plateau d’argent. Pas le monder que les adultes estiment important. Celui fait de richesses et de possessions. Dieu n’avait pas créé ces terres pour que la beauté y soit trouvée dans le matérialisme, non. Il fallait effleurer l’humus de ses pieds nus, suivre la trace d’une biche, observer le vol des oiseaux migrateurs, humer les fleurs et surveiller le vol délicat d’un papillon monarque. Grandeur n’est pas matérielle. Elle est la force d’un esprit qui ne se ferme pas à ce que l’on peut lui offrir.
Mais tu reportes ton attention sur lui en l’apercevant rougir. Instinctivement, tu effleures sa joue du dos de ta main, comme pour veiller à ce qu’il n’y ait que de la gêne, et pas une fièvre pernicieuse. Puis repousse les cheveux clairs, tressés de clair de lune, murmurant doucement, regard d’ambre croisant le précieux de l’or.
« La gourmandise est une curiosité. La curiosité vous rendra intelligent. La gourmandise vous rendra plus fort. »
Puis, inclinant légèrement la tête sur le côté tu te penches contre son oreille et lui murmure, secret que tout enfant saura apprécier.
« Votre mère la reine était gourmande également en son temps. Votre père ne cessait de lui faire venir les meilleurs mets de tout l’Empire… Il fut même soufflé qu’elle aurait pris quelques kilos d’un embonpoint agréable, avant que le physicien ne réalise qu’elle portait votre sœur en son sein. »
Un soupir et tu te recules enfin, gardant vos deux regards captés l’un sur l’autre. Vous êtes bien plus loin du palais désormais. Alors tu lui dis.
« Permettez-moi, votre Altesse, de vous parler d’homme à homme. » Il était un enfant, oui. Mais il n’en est pas moins à prendre avec des pincettes. « Votre titre n’est pas un fer à vos pieds. Cultivez vos passions. S’il ne s’agit pas de l’épée, excellez en ce qui vous apporte l’épanouissement dont votre cœur appelle à être rempli. Ne laissez personne étouffer qui vous êtes, votre Altesse. Seul votre cœur vous connait mieux que quiconque. Et votre cœur ne peut pas vous mentir. »
Sam 17 Avr - 21:15
Les paroles pleines de sagesse de Scar font briller son regard d’enfant. Il boit ses mots comme un divin nectar, espérant un jour être ne serait-ce que le quart de l’homme que Scar est. A vrai dire, Basile aimerait tellement être un mélange de tous ces héros qui l’entourent.
Il est déjà le fruit de l’union de son éminent père et de sa majestueuse mère. Maintenant, il aimerait tant être comme Scar et Aimable. Comme son oncle Charles ou oncle Ambrose. Basile se sait bien diminué par rapport à eux : sa jambe raide ne lui promet pas un avenir bien florissant dans l’armée. Et pourtant, il n’a de cesse d’espérer être à la hauteur aux yeux des autres. Même si ça implique une pression lourde et un travail constant.
Il étouffe un petit rire amusé lorsque Scar lui présente la gourmandise comme étant une force. S’agissant là d’un des pêchés capitaux, Basile ne peut que souligner la comparaison par son amusement. Il n’est pas certain que le prêtre ou le grand Cardinal apprécient cela.
Et vient alors le secret que son gardien murmure dans le creux de son oreille. Confession dont il ne loupe pas une miette. Il se recule, à la fois surpris mais aussi content. Surpris que sa tendre et vaillante mère ait pu se laisser séduire par quelques douceurs, et content qu’elle l’ait fait. Peut-être même continue-t-elle secrètement.
Les lèvres de Basile tremblent de questions qui ne s’échappent finalement pas. Son regard ancré à celui de Scar, le jeune prince ne peut s’en détacher. Il aurait pu rougir d’une si longue observation avec n’importe qui d’autre, mais pas avec Scar. Il y a quelque chose d’indéchiffrable dans ses yeux ; même avec quelques années de plus à son horloge naturelle, Basile n’est pas certain qu’il pourrait parvenir à comprendre ce qu’il lit dans les yeux de son gardien.
Cependant, il est amplement en mesure de comprendre le sentiment de sécurité, de confiance et d’affection dont Scar l’enveloppe chaudement. Après sa famille, Scar est, sans aucun doute, la personne en qui il a le plus confiance. Si le colosse lui disait de sauter d’une falaise pour son bien, Basile le ferait très certainement.
Scar ne lui ferait jamais de mal. Dieu lui en est témoin.
Il se redresse, tout attentif quand son ami manifeste son envie de lui parler d’homme à homme. Même si ce n’est pas le cas de tout le personnel du château, Basile est encore souvent infantilisé. En soit, ça ne le dérange pas outre mesure. Il aime ce petit cocon sécurisant qu’on s’efforce de construire autour de lui comme s’il n’était encore qu’un petit poussin. Mais les années passent et il sait qu’il sera bientôt appelé à des tâches plus adultes.
Aussi, quand Scar prononce les mots qu’il faut -comme toujours- le petit prince est à la fois touché et fier.
Les mots du colosse sont sages et Basile le regarde encore un moment avant de finalement baisser le regard.
« J’aimerais être comme vous, Scar. Grand et fort, sage et plein de bons conseils. Ce serait tellement plus simple pour tout le monde… Pour Mère et Eulalie aussi. »
Il soupire et finit par caler sa tête contre celle de Scar, ses petits yeux dorés rivés sur le paysage devant eux. Ils sont bien loin du palais désormais. Enfin, plus loin qu’il ne lui aurait été permis d’aller seul. Mais avec Scar c’est différent. Comme toujours.
« Je ne brille pas nécessairement au maniement de l’épée malgré un professeur plus que qualifié. J’étudie bien mais je ne suis pas plus intelligent qu’un autre enfant de même condition que moi. » Une larme roule sur sa petite joue d’enfant, mais un sourire subsiste. Il redresse la tête, sa main sur son cœur, son regard dans celui de Scar. « Mon cœur est incapable de me dire quel homme je vais devenir. Si Eulalie prend la succession de Mère, est-ce que je lui serai utile ? Et si c’est moi qui prends le trône, est-ce que je serai bon avec le peuple français ? » Il pousse un soupir, secoue la tête. « Je rêve d’être comme vous, mais j’ai peur de grandir et de devenir tout l’opposé de vous… »
Lun 26 Avr - 18:10
Midnight Choir.
L’enfant semble encore une fois troublé par une peine que tu ne peux saisir pour lui tordre le cou. Comment peut-on être si jeune et ainsi souffrir d’une douleur qui n’existe pas dans la réalité ? Qui n’est pas un mal palpable et tangible ? Tu prétends avoir oublié que la peine et l’angoisse sont des émotions si humaines qu’elles n’épargnent personne, même les âmes sensibles et fragiles. Tu voudrais avoir oublié que tu n’es pas indifférent à ces maux, lorsque parfois, le noir tente de toute engloutir. Mais tu l’as surpassé. Tu n’es plus dans cet océan sans fond. Ou alors, y es-tu depuis si longtemps que tu ne réalises plus la différence ? Noir contre noir, le monde te paraît toujours aussi fade et dénué de saveur. C’est en cela que la lumière de certains pourrait venir à t’attirer. A capter ton regard, comme la lune irradie contre une toile d’obsidienne. Aucune créature nocturne ne sait résister à l’appel de la lumière. Et tu es, bien malgré toi, l’incarnation de toutes les engeances inavouées des longues nuits.
Tu devrais lui avouer que tu es tout ce qui devrait l’effrayer. Que ses peurs mondaines ne sont pas la réalité la plus criante de ce monde. Qu’il n’y a que certaines choses qui pourront le rattraper toute sa vie, là où son titre de prince le protégera envers et contre tout. Tu aimerais lui souffler qu’il n’est pas une idéal de te ressembler. Que ta force n’est pas ce qu’il pourrait croire ou penser. Grand fort et sage ne sont que des illusions. Des illusions de ce qui ne peut être avoué.
Pourtant tu n’en diras pas mot. Garde le jeune prince contre toi et ne proteste pas lorsqu’il vient se blottit davantage dans tes bras. Peut-être même te laisses tu aller à rassurer ce chérubin trop vite tombé du ciel. Des ailes coupées trop tôt, comme son innocence qui lui a été arrachée de force.
Mais il se perd à des contemplations qui n’ont rien de son âge. Avais-tu le souvenir d’avoir un jour ressenti ce genre de torture psychologique ? Lorsque tu étais enfant, il y avait tant de choses que tu n’envisageais pas. Il fallait seulement rapporter de l’argent pour lier les deux bouts, et le reste t’était venu avec le plus grand des naturels. Était-ce finalement la peine de l’oisif que de devenir le sujet de pareilles craintes ? Qu’importe. Tu n’es pas ici pour appuyer sur la tête d’un oisillon peinant déjà à s’envoler de son nid.
« Ne pensez pas en ces termes, votre Altesse. Votre vie vous appartient avant d’être au service de quiconque. Pensez à grandir pour aimer ce que vous êtes. Nul ne peut soutenir le monde s’il n’est pas affirmé sur ses propres jambes. » Une pause et tes doigts effleurent l’argent de ses cheveux, luisant doucement sous le halo de la lune. « Vous êtes fort. Il n’y a pas que la puissance physique en ce monde. L’intellect ne sauvera pas votre vie, et les enseignements de vos tuteurs ne feront rien contre ce qui ne s’explique pas. »
Rester en vie n’a pas d’école. Il suffit d’instinct et de chance. Et la chance… Tu penses qu’elle a toujours souri à Basile.
« Grandissez pour être vous-même, un homme que vous respecterez et à qui la déférence sera naturelle, et non pas seulement celle de votre rang. Prince n’est qu’une étiquette, votre Altesse. Ne devenez pas quelqu’un d’autre, pas même moi. Devenez le meilleur de vous-même. Pas pour votre Altesse votre sœur, ou même sa Majesté votre mère. »
Tout ceci n’était que de la poudre aux yeux. Les inquiétudes d’un enfant devraient être autres. Celles de rêves illusoires et d’espoirs tendres. Ta main glisse contre son dos et tu remontes la couverture contre lui, comme pour t’assurer que rien ne puisse l’atteindre.
« Devenez grands à votre hauteur. Trouvez vos propres forces. Nul ne pourra vous reprocher vos efforts, s’ils viennent du meilleur endroit. »
Tu contournes doucement les jardins et reprend le chemin en sens inverse, sans lui en faire mention. Sans, non plus, avoir la ferme intention de le ramener à ses appartements.
« Vos peurs sont légitimes, mais ne les laissez pas voler votre enfance. Vos nuits sont au sommeil, jeune prince. Et nous sommes bien nombreux à veiller sur votre quiétude. Soyez en assuré. »
Tu devrais lui avouer que tu es tout ce qui devrait l’effrayer. Que ses peurs mondaines ne sont pas la réalité la plus criante de ce monde. Qu’il n’y a que certaines choses qui pourront le rattraper toute sa vie, là où son titre de prince le protégera envers et contre tout. Tu aimerais lui souffler qu’il n’est pas une idéal de te ressembler. Que ta force n’est pas ce qu’il pourrait croire ou penser. Grand fort et sage ne sont que des illusions. Des illusions de ce qui ne peut être avoué.
Pourtant tu n’en diras pas mot. Garde le jeune prince contre toi et ne proteste pas lorsqu’il vient se blottit davantage dans tes bras. Peut-être même te laisses tu aller à rassurer ce chérubin trop vite tombé du ciel. Des ailes coupées trop tôt, comme son innocence qui lui a été arrachée de force.
Mais il se perd à des contemplations qui n’ont rien de son âge. Avais-tu le souvenir d’avoir un jour ressenti ce genre de torture psychologique ? Lorsque tu étais enfant, il y avait tant de choses que tu n’envisageais pas. Il fallait seulement rapporter de l’argent pour lier les deux bouts, et le reste t’était venu avec le plus grand des naturels. Était-ce finalement la peine de l’oisif que de devenir le sujet de pareilles craintes ? Qu’importe. Tu n’es pas ici pour appuyer sur la tête d’un oisillon peinant déjà à s’envoler de son nid.
« Ne pensez pas en ces termes, votre Altesse. Votre vie vous appartient avant d’être au service de quiconque. Pensez à grandir pour aimer ce que vous êtes. Nul ne peut soutenir le monde s’il n’est pas affirmé sur ses propres jambes. » Une pause et tes doigts effleurent l’argent de ses cheveux, luisant doucement sous le halo de la lune. « Vous êtes fort. Il n’y a pas que la puissance physique en ce monde. L’intellect ne sauvera pas votre vie, et les enseignements de vos tuteurs ne feront rien contre ce qui ne s’explique pas. »
Rester en vie n’a pas d’école. Il suffit d’instinct et de chance. Et la chance… Tu penses qu’elle a toujours souri à Basile.
« Grandissez pour être vous-même, un homme que vous respecterez et à qui la déférence sera naturelle, et non pas seulement celle de votre rang. Prince n’est qu’une étiquette, votre Altesse. Ne devenez pas quelqu’un d’autre, pas même moi. Devenez le meilleur de vous-même. Pas pour votre Altesse votre sœur, ou même sa Majesté votre mère. »
Tout ceci n’était que de la poudre aux yeux. Les inquiétudes d’un enfant devraient être autres. Celles de rêves illusoires et d’espoirs tendres. Ta main glisse contre son dos et tu remontes la couverture contre lui, comme pour t’assurer que rien ne puisse l’atteindre.
« Devenez grands à votre hauteur. Trouvez vos propres forces. Nul ne pourra vous reprocher vos efforts, s’ils viennent du meilleur endroit. »
Tu contournes doucement les jardins et reprend le chemin en sens inverse, sans lui en faire mention. Sans, non plus, avoir la ferme intention de le ramener à ses appartements.
« Vos peurs sont légitimes, mais ne les laissez pas voler votre enfance. Vos nuits sont au sommeil, jeune prince. Et nous sommes bien nombreux à veiller sur votre quiétude. Soyez en assuré. »
Mar 22 Juin - 22:44
Grandir hein ?
Basile aimerait grandir si vite, devenir fort, aider sa tendre mère pour soulager le poids de la couronne sur sa tête. Mais Basile a aussi peur. Terriblement. Un spectre qui s’accroche à son petit cœur encore jeune. L’avenir l’effraie, parce qu’il est incertain, parce que ce n’est pas comme dans les livres qu’il dévore.
Dans les romans de capes et d’épées, dans les aventures épiques des chevaliers, à mesure que l’on lit, on devine le destin du héros tout en avançant avec lui comme un compagnon. Mais dans cette histoire, dans son histoire à lui, c’est lui le héros qui ignore ce qui l’attend. Le destin sera-t-il clément avec lui ? Dieu le protégera-t-il du malin ? Basile veut y croire, l’espère de tout cœur, mais il n’a aucune certitude.
Sont-ce seulement des pensées à avoir à son âge ? Probablement pas. Mais est-il seulement un garçon normal ?
Et, comme toujours, de manière immuable, Scar chasse les ténèbres dans son cœur par quelques paroles. Basile cale sa tête comme il peut contre lui, se blottissant comme un chaton. Le jeune prince écoute attentivement les paroles de son ange gardien. Basile ignore sincèrement pour quelle raison Scar est si patient avec lui, pourquoi il perd clairement son temps à le rassurer alors que ce n’est concrètement pas son rôle.
Le jeune prince pourrait-il seulement le remercier un jour pour tout ce qu’il a fait et continuerait de faire pour lui ? Sans qu’il ne lui demande par-dessus le marché. Scar est un cadeau de Dieu, Basile s’en persuade doucement.
Il écoute, il assimile comme il peut alors que son ange gardien l’emmitoufle chaudement dans son petit cocon.
« Trouver ma propre force… »
Il répète, dans un murmure, les paroles de Scar.
Quelle force a-t-il pour le moment ? Il n’est pas le plus grand des épéistes, ni le plus intelligent des garçons, ni le plus pieux. Basile creuse encore, sachant pertinemment que la force d’une personne n’est pas que physique ; auquel cas, il serait bien bas dans l’échelle alimentaire.
Dans le monde animal, soit sa mère l’aurait abandonné en raison de sa blessure, soit il aurait été une proie aisée pour les prédateurs. Dans tous les cas, il se serait fait dépecer et dévoré par le reste de la faune.
Il ferme les yeux, songeur, sans réaliser que l’allure à laquelle ils avancent le berce lentement.
« Alors je prierai Dieu pour qu’il veille sur vous tous qui êtes si bons envers moi. Juste le temps de trouver ma force… d’accord ? »
Il entoure son cou de ses bras, son petit visage collé contre son épaule. La respiration de Scar, son odeur, tant d’éléments qui le font se sentir en sécurité. Et qui finalement l’aide à basculer dans le sommeil.
Un dernier souffle s’échappe pourtant de ses lèvres, emporté par la brise nocturne mais qui ne peut assurément pas échapper aux oreilles de son protecteur.
« Merci, mon ange gardien… »
Dim 27 Juin - 16:37
Midnight Choir.
Cette nuit ne serait pas la dernière. Tu sais en écoutant le jeune prince épancher ses peurs et ses peines qu’il est bien des choses qui échappent à son contrôle. Qu’il est, du haut de ses jeunes années, déjà affligé d’une angoisse qu’aucun autre enfant de son âge ne devrait vivre. S’il lui est enlevée toute inquiétude quant à ce qui remplira son ventre le soir venu, et si ses doigts et ses paumes resteront douces et délicates jusqu’à ses beaux jours ridés, peut-être est-il un tort bien pire que l’on inflige à ceux nés de nobles venues.
Il n’est probablement aucune parole que tu pourrais lui souffler qui permettraient de taire à tout jamais la peur qui dort contre son cœur, là, bien caché derrière ses frêles côtes. Mais tu n’en dis rien. Répétera les mots attendus par l’enfant autant de fois qu’il le faudra. Te perdra dans ces jardins autant de fois que nécessaire pour tenir parole. Car peu importe la lignée ou la naissance, Basile restait un oisillon que l’on tenait à pousser trop vite hors de son nid. Eulalie la première était une preuve que mettre ces jeunes âmes face à leurs responsabilités trop tôt lorsqu’ils n’y étaient pas encore préparés mènerait à bien des drames… Et si tu pouvais ne serait-ce que préserver encore quelques années la candeur de cet enfant, tu le ferais sans la moindre hésitation.
« Je vous en remercie, votre Altesse. »
Des prières que leur Dieu n’écouterait probablement jamais, tant tu étais diabolique contre l’agneau que tu tiens étroitement entre tes bras. Mais rien ne te ferait lâcher prise. Et si le souffle de Basile se fait plus calme contre ta gorge, tu ne diras rien. Tu ne feras rien pour l’empêcher d’enfin trouver le sommeil du juste. Ses mots seront à jamais une marque contre tes os, là où la responsabilité d’un père t’incombe sans pour autant ne jamais avoir demandé à l’endosser.
Mais pour lui, tu penses pouvoir faire l’effort supplémentaire. Pas par simple devoir, mais par souhait.
Cette nuit-là, les gardes ne retrouveront pas Basile assoupi dans les jardins, mais bel et bien sagement endormi, bordé au creux de ses draps. Personne ne t’aura vu entrer ni sortir du Palais, et sûrement que ce simple fait signalait d’ores et déjà un danger. Mais de loin, tu veilleras sur eux au moins pour cette nuit… Et probablement bien d’autres.
Il n’est probablement aucune parole que tu pourrais lui souffler qui permettraient de taire à tout jamais la peur qui dort contre son cœur, là, bien caché derrière ses frêles côtes. Mais tu n’en dis rien. Répétera les mots attendus par l’enfant autant de fois qu’il le faudra. Te perdra dans ces jardins autant de fois que nécessaire pour tenir parole. Car peu importe la lignée ou la naissance, Basile restait un oisillon que l’on tenait à pousser trop vite hors de son nid. Eulalie la première était une preuve que mettre ces jeunes âmes face à leurs responsabilités trop tôt lorsqu’ils n’y étaient pas encore préparés mènerait à bien des drames… Et si tu pouvais ne serait-ce que préserver encore quelques années la candeur de cet enfant, tu le ferais sans la moindre hésitation.
« Je vous en remercie, votre Altesse. »
Des prières que leur Dieu n’écouterait probablement jamais, tant tu étais diabolique contre l’agneau que tu tiens étroitement entre tes bras. Mais rien ne te ferait lâcher prise. Et si le souffle de Basile se fait plus calme contre ta gorge, tu ne diras rien. Tu ne feras rien pour l’empêcher d’enfin trouver le sommeil du juste. Ses mots seront à jamais une marque contre tes os, là où la responsabilité d’un père t’incombe sans pour autant ne jamais avoir demandé à l’endosser.
Mais pour lui, tu penses pouvoir faire l’effort supplémentaire. Pas par simple devoir, mais par souhait.
Cette nuit-là, les gardes ne retrouveront pas Basile assoupi dans les jardins, mais bel et bien sagement endormi, bordé au creux de ses draps. Personne ne t’aura vu entrer ni sortir du Palais, et sûrement que ce simple fait signalait d’ores et déjà un danger. Mais de loin, tu veilleras sur eux au moins pour cette nuit… Et probablement bien d’autres.