Ce matin-là, Lisbeth se réveilla une heure plus tard, l’accumulation de travaux au château s'était entassée. Elle avait énormément de robes à faire et cela lui a pris pas mal de temps. C’est pour cela que la jeune couturière s'était couchée aussi tard, elle n’aimait pas laisser en suspens des affaires en cours. C’est ainsi que la belle brune se réveilla sur le canapé de son petit atelier, ses cheveux dans un état catastrophique. Son bureau était tellement bordélique que Lisbeth en soupira. Même ainsi, elle n’arrivait pas à être organisée... C’était vraiment un cas désespéré. Elle se coiffa rapidement les cheveux pour en faire une queue-de-cheval et se mit donc à ranger ce bazar. Marmonnant une chansonnette qu’elle avait entendu en se baladant, Lisbeth avait vraiment plus de facilité à parler quand il n’y avait personne. Même si cela était tout bas, chantonner ainsi sans être vue était vraiment reposant. Elle savait pertinemment que le fait de ne pas réussir à parler en public était quelque chose de déplaisant pour les interlocuteurs. Mais y pouvait-elle quelque chose ? Il y a des douleurs que le temps n’efface pas aussi facilement que les cauchemars. Sa vie, était-elle devenue une dure réalité ? Elle aurait aimé que non mais, depuis son adolescence, elle avait bien compris qu’une handicapée comme elle ne pourrait sans doute pas faire comme tout le monde. Elle s’y était résignée, c’était la réalité. Elle mit une bonne heure pour tout ranger, retrouvant un atelier plus convenable. Fière d’elle, elle rabaissait ses manches et se passait celle-ci sur son front. Fiou, c’était compliqué !

Elle se regarda rapidement dans son miroir et se regarda...Elle avait des cernes assez apparents et sa tenue n’avait plus rien de soigné. Un long soupir sortit de ses lèvres et elle décida d’aller se rafraîchir et changer de tenue. C’est en sortant de la salle d’eau qu’elle se rappela alors ce qu’elle devait faire aujourd’hui...Elle devait apporter des nouveautés à sa mère ! Elle regarda sa petite horloge et commença à paniquer. Oh non, elle avait complètement oublié ! Comment allait-elle faire ! Sa mère devait l’attendre maintenant. Elle prit alors dans sa petite armoire son panier et fouilla dans ses tissus. Elle avait eu le droit à quelque nouveauté dû à son emploi au palais et elle avait promis à sa mère de lui en rapporter quelques échantillons pour qu’elle puisse le voir elle-même. D’ailleurs, elle rajouta dans ce panier quelques petits gâteaux qu’elle avait eus un peu plus tôt. Elle regarda si tout était bon et une fois satisfaite, sortit de sa petite chambre et partit en dehors du palais. Direction ? Chez sa mère.

Le temps était légèrement nuageux et un petit vent frais venait traverser le tissu de la jeune femme. Brrr, il faisait quand même froid, heureusement, elle avait un petit gilet noir. Sa robe était un peu plus épaisse que la normale et ne possédait rien de bien extravagant à part que c’était elle qui l’avait créée. Ce modèle était unique, il venait tout droit de son imaginaire. Elle tenait son panier à deux mains, regardant les gens et les boutiques qui défilaient. Le château n’était pas si loin, elle aimait bien se promener dans les jardins du palais. Après tout, la demoiselle avait une affinité avec les plantes. Ce secret qu’elle doit garder, parfois, cela lui pesait... Mais avait-elle le choix ? Là encore, cela n’était pas de son ressort. La nature dote certains humains de faculté unique... Alors pourquoi la belle couturière en souffrait ? Depuis l’accident avec sa mère, elle n’avait plus vraiment utilisé son pouvoir.. Enfin si, souvent pour ses parfums ou pour quelques demandes de son père, mais jamais elle n’avait utilisé ses pouvoirs pour autre chose. Cela la rendait un peu nostalgique, si seulement elle pouvait aider les gens qui en ont besoin... Mais bon, c’était la vie après tout, elle ne pouvait rien y faire à part s’y adapter.

C’est pendant ce moment de concentration que le pire arriva. Au tournant d’une ruelle non loin de la boutique, la jeune dame se fit arracher son panier des mains. Sursautant, elle se tourna alors et vit la personne courir loin. Une personne normale aurait crié au voleur, mais Lisbeth en était incapable, pas devant tous ses regards braqué sur elle. Elle serra sa robe fortement et se mit à courir derrière ce voleur. Elle ne pouvait pas hurler, elle ne pouvait même pas dire un mot tellement, la pression était insoutenable.

La course dura un moment et elle finit par s’épuiser. Elle ralentit alors et posa sa main contre un mur non loin. Reprenant son souffle, elle finit par relever la tête et voir le vaurien s’enfuir. Elle ne pouvait rien faire, elle n’était clairement pas capable de le rattraper. Sa mère attendait avec tellement d’impatience ce petit rendez-vous. Lisbeth n’avait pas forcément la possibilité de sortir aussi fréquemment... Elle regarda alors autour d’elle et vit au loin un monsieur avec une épée accroché sur le côté. Elle en déduisit que c’était un chevalier et courut près de lui, s’arrêtant et attrapant un morceau de tissu de sa main tremblante. Elle le regarda alors et lui montra l’endroit où le voleur s’est enfui. Elle essayait de lui faire comprendre, mais aucun mot ne sortait. Elle secoua la tête et essaya de lui mimer la scène... Ce qui était plutôt comique à voir. Elle essayait de lui faire comprendre qu’une personne mal-intentionnée lui avait volé son panier. On pouvait y lire le désarroi sur son visage et la gêne apparente sur ses joues. Elle releva la tête pour regarder le chevalier et prit conscience de son indélicatesse et se recula, saluant enfin le chevalier. Elle sortit un petit carnet et commença a gribouiller dessus.

- Monsieur le Chevalier, un inconnu a volé mon panier... Pouvez-vous m’aider ? Il est important pour moi…

Elle rangea alors son carnet dans son sac et tourna son regard vers l’endroit où la personne était partie... Si elle n’arrivait pas à le retrouver, comment allait-elle expliquer cela à sa mère...Elle qui était si impatiente...

La demoiselle ne se doutait pas un instant que cette journée allait devenir si mouvementée. D’une simple visite chez ses parents, la voilà maintenant courir après le voleur. Elle était peut-être muette et timide, mais la course et la ténacité était l’un de ses petits points forts. Enfin, elle aurait pu le rattraper si un petit point de côté la fit rapidement se stopper. Main contre un mur, elle reprenait contenance, fiou, maudite douleur ! Elle secoua un peu la tête et, dans un espoir désespéré, chercha de l’aide, le temps devenait légèrement plus nuageux, il allait sûrement pleuvoir. À la simple idée qu’il allait sûrement pleuvoir, la demoiselle finit par angoisser fortement. La pluie, l’eau, le vent, des souvenirs qu’ils la firent frissonner. Repenser à cette douleur éprouvée, quelle erreur. Elle allait abandonner, mais elle trouva enfin un sauveur ! Il ne lui fallut pas longtemps pour l'interpeller et lui demander de l’aide. Par chance, le monsieur réagit rapidement et après un petit geste, le rouquin alla attacher sa monture et partit à la suite du malfrat.

La voilà maintenant seule et accompagnée d’un beau cheval. La demoiselle sourit un peu et se tourna vers le cheval pour le caresser avec nostalgie. Cela lui rappelait ses longues balades à cheval avec sa maman et son papa. À cette idée, elle sentit une nouvelle vague de nostalgie l’envahir. Elle dirigea sa main doucement sur la robe du cheval et commença à le caresser doucement, la sensation était vraiment douce. Elle vit le visage du cheval qui la regardait et elle rigolait un peu en lui souriant. Elle adorait les animaux et les chevaux en faisaient partie. Elle resta ainsi un moment et regarda le ciel, le temps commençait progressivement à se détériorer. Pourtant, il faisait un peu plus beau il y a encore quelques minutes. Anxieuse, elle commença à sentir une petite peur l’envahir et secoua la tête. Reprends-toi ! Tu es juste à l’opposé de là où tu devrais être. Elle regardait autour d’elle et repaira un endroit à l'abri si jamais il se mettait à pleuvoir. Heureusement qu’il y avait parfois ce genre d’endroit en ville. Elle se posa un peu contre le cheval après lui avoir demandé l’autorisation. Oui, elle parlait aux animaux comme à un humain, n’attendant pas de réponse particulière, juste de la politesse. Les nuages défilaient lentement dans le ciel, un petit voile grisé superposant le bleu du ciel.

Les minutes défilaient et Lisbeth commençait à penser qu’il ne le retrouverait pas. À quoi servirait un panier avec si peu de chose dedans ? Des gâteaux peut-être, mais du tissu ? Certes, il venait du palais, mais cela n’a pas de si grande importance. Elle allait abandonner tout espoir lorsqu’elle entendit des pas revenir vers elle et quelqu’un se plaindre. Elle se détacha du cheval et se remit à droite, les mains contre sa poitrine, montrant son anxiété. Elle fronça un peu les sourcils pour voir à quoi ressemblait le suspect et pencha un peu la tête. Raaah elle avait tellement courut qu’elle n'avait pas fait attention à ce qu’il portait...Un haut noir ou gris ? Le pantalon de quelle couleur, était-il déjà ! Lisbeth remit son attention sur le chevalier et sourit doucement en l’entendant dire qu’il était revenu. Elle le vit cacher quelque chose dans son dos et releva son regard, il doutait d’elle ? Ou alors c’était pour autre chose ? Lisbeth était pleine d’interrogation, lorsque le prisonnier commença à parler, que c’était sa femme qui l’avait confectionné ? C’était le supposé voleur, il pourrait mentir non ? La jeune femme fronça un peu les sourcils et croisa encore plus ses bras, déterminés à faire éclater la vérité.

Elle hocha alors la tête devant le chevalier et sortit son cahier pour commencer à gribouiller sur son carnet, sous les yeux surpris du captif. Elle l’entendit rire, mais Lisbeth l’ignora, elle en avait l’habitude, des gens qui ne comprenaient pas la douleur des autres. Elle prit même le temps de dessiner rapidement le panier à côté de la description et s’avança pour lui montrer ce qu’elle venait d’écrire, son regard déterminé et sérieux.

- Monsieur le Chevalier, mon panier est légèrement foncé au niveau du bois. Il y a plusieurs tissus au-dessus du petit gâteau fait hier. Le tissu vient de mon atelier de travail au palais. Mon panier est unique, c’est moi qui l'ai créé. Il y a mes initiales dessus en blanc.

Elle se recula alors et continue d’écrire, et le remontre au chevalier.

- Il y a du tissu noir, rouge et dorée...Je comptais l’emmener chez ma maman qui tient une boutique.

Elle n’avait pas besoin d’aller si loin dans les explications, mais au fond d’elle, Lisbeth voulait qu’on la croie et qu’on l’entend. Elle fait encore un pas en arrière pour leur laisser de l’espace. Le silence revenait doucement lorsque les paroles de l’homme captif se faisaient entendre.

- Vous allez croire une handicapé plutôt qu’un citoyen honnête ? Vous vous trompez ! Ce panier m’appartient ! Une femme muette qui essaye de mettre le bazar, d’un ridicule. Retourne chez toi et n’en ressort pas !

La demoiselle releva la tête en ne comprenant pas d’où venait cette soudaine haine. Enfin, ce n’était pas spécialement violent, mais cela laissa un sentiment un peu amer en bouche. Elle mit ses mains dans son dos et serra fortement le carnet en se mordant la lèvre. Il avait raison et pourtant, elle ne le voulait pas. En quoi être muette est un mal ? Pourquoi fallait-il qu’à chaque fois, les gens la jugeaient directement ? L’humain est bien étrange. La couturière était triste et cela se voyait. Elle tourna la tête sur le côté et ferma un instant les yeux avant de secouer la tête pour se concentrer, ne pas laisser ses mots l’atteindre. Elle finit par remettre la tête droite et reprendre son carnet pour écrire quelque chose.

- Je sais que je suis anormal... Mais monsieur le chevalier décidera si ce panier appartient à vous ou à moi.

La jeune femme avait déjà planifié sa journée depuis la veille, elle était sûre que tout allait bien se passer aujourd’hui. Qui aurait pu croire que tout cela n’aurait servi à rien et qu’elle n'aurait sans doute pas la chance d’aller voir sa famille. Elle, qui paraissait si faible, faisait de son mieux pour ne plus être un fardeau pour sa mère. Alors pourquoi maintenant ? Il était clair qu’elle avait été victime d’un vol, alors pourquoi cela l’avait autant atteinte ? Elle n’était qu’une simple couturière du château royal, elle aurait pu être tranquillement en train de siroter le délicieux thé de sa mère. Au lieu de cela, la jeune muette se retrouve impliquée dans une affaire de vol dont elle était la victime. Décidément, plein d'événements se sont passés ces derniers temps. Entre l’attaque de l’oie et ça, décidément, elle aurait mieux fait de rester au lit. Enfin bref, ce n'était pas réellement le moment de penser à autre chose. Pensive, la demoiselle regardait le voleur avec un peu de nostalgie. Cela faisait bien longtemps que la jeune femme n’avait pas eu à faire à quelqu’un d’aussi blessant. Se rappelant ainsi les événements de son enfance, la demoiselle serra son carnet et se mordilla la lèvre. Elle n’allait pas faire de scène en plein milieu de la rue. Elle redressa la tête pour présenter des excuses au jeune rouquin, mais en voyant l’expression de son visage, elle ne dit rien. Apparemment, il avait bien cerné le problème et avait l’air dégoûté par les propos du voleur. C’est pourquoi, après l’avoir attaché à son cheval, il vérifia le contenu du panier, Lisbeth nullement inquiète.

Une fois le panier remis, Lisbeth soupira de soulagement et serra le panier dans ses frêles mains. Tout s'était bien terminé, pas d’accident inutile. Elle examina discrètement si tout était en ordre et sourit au chevalier. Lisbeth lui était définitivement reconnaissante pour son aide et son jugement. Le voleur continua à se plaindre, mais fut rapidement ramené au silence sous un regard énervé du chevalier. Elle allait pouvoir reprendre sa route... Enfin, c’est ce qu’elle aurait souhaité, cependant, le chevalier avait encore besoin d’elle. Écoutant ses paroles, Lisbeth réfléchit et hocha la tête, un visage déterminé. Elle allait enfin rétablir la vérité. La jeune muette gribouilla de nouveau quelque chose sur son carnet avant de le montrer au chevalier.

- Je comprends monsieur le chevalier. Je vais vous suivre pour donner appui sur votre rapport. Merci encore monsieur….

Elle referma son carnet et le mit dans son panier avant de regarder rapidement les nuages. Apparemment, il allait pleuvoir dans pas longtemps. Un léger frisson traversa le corps de la muette et elle remit son regard sur le chevalier qui avait l’air prêt à se remettre en route. Lisbeth s’avança un peu jusqu’au cheval et se plaça à côté du chevalier pour le suivre. Sourire innocent, regard calme et posé, la demoiselle était prête à partir. Les secondes passèrent, puis le chevalier reprit la parole, le visage exprimant de la gène. Lisbeth ne comprit pas de suite, pourquoi ne partait-il pas ? Elle pencha un peu la tête sur le côté et à la parole du rouquin, un léger sourire apparut sur ses lèvres et elle hocha vigoureusement la tête. Elle reprit son carnet et tira un peu la langue sur le côté en écrivant.

- Eh bien, je vais vous guider monsieur le chevalier. Je connais les ruelles comme ma poche ! Travaillant au château, j’ai pas mal d’aller-retour à faire ! Si vous voulez bien me suivre !

Lisbeth rangea finalement son carnet et se mit à côté du chevalier pour se mettre en route, le voleur râlant à l’arrière et lançant quelques phrases méchantes sur Lisbeth. D’ailleurs, celle-ci était décidée à l’ignorer encore plus, ne voulant pas montrer que les paroles de l’homme l’a blessé. Force et déterminée, c’est ce qu’elle était, assez de souffrance, elle allait les balayer d’un geste de la main. Elle commença alors à marcher tranquillement, tournant dans la première ruelle. Le temps était plutôt stable, mais pour combien de temps ? Tant qu’il ne pleut pas, tout ne se passera bien, pas besoin de s’inquiéter. Le silence régnait entre les deux en-têtes, la petite couturière n’était pas une adepte de la discussion, en même temps, elle n’en a pas eu tellement...Il y a bien avec sa meilleure amie au château avec qui tout allait bien. Elle finit par reprendre son carnet et écrit quelque chose. Essayer de se socialiser ? Cela allait être bien compliqué, mais bon, autant essayer de suivre les conseils de sa mère !

- Vous n’êtes vraiment jamais venu à Paris ? Est ce que la vie de chevalier est remplie d’aventure ?

La jeune femme montra enfin son coté curieux et ne put s’empêcher de poser deux questions..Enfin, elle s’était retenue d’en poser pleins. C’était la première fois qu’elle rencontrait un chevalier et surtout pour parler aussi facilement. Il avait l’air vraiment gentil et serviable tout en étant chaleureux, d’une certaine façon. Ils passèrent une nouvelle ruelle et savaient à peu près pour combien de temps cela leur prendrait pour rejoindre le poste le plus proche.

Cette journée était bien particulière pour la jeune couturière qui avait pris l’habitude de faire des aller-retour entre la boutique familiale et le palais royal. Elle aimait beaucoup travailler là-bas, même si son léger handicap pouvait être mal interprété. Elle avait réussi à se faire des amis, une ou deux personnes, mais pas plus. La sociabilité n’était pas vraiment son fort, même si la forte envie de faire de nouvelle rencontre l'entraînait parfois, contre son gré. Elle n’était pas spécialement méchante ou renfermée, elle avait juste été trop de fois blessée pour se laisser aller à ce genre de sentiment. C’est pourquoi, l’aide du chevalier l’avait un peu calmé sur ses a priori. Parfois, les gens réagissent assez violemment, mais dans ce genre de cas, avoir un échange normal lui faisait un bien fou. Comme remerciement, elle accepta de le guider jusqu’au lieu souhaité. Elle connaissait ses ruelles comme sa poche, à force de les emprunter lors d’aventures imaginaires. Malgré son âge avancé, elle était encore un peu une enfant, cherchant simplement à vivre sa vie de candeur. Cela ne faisait pas très adulte, mais cela ne la dérangeait pas, vu que personne ne pouvait réellement la faire se sentir bien. Il y avait bien Fay...Mais il est vrai qu’elle était unique à ses yeux, elle l’adorait vraiment. Mais cela n’était pas le moment de penser à cela. Dans un silence assez pesant, la jeune couturière eut le courage de prendre les devants en entamant la conversation. Elle ne savait pas trop pourquoi elle faisait cela, elle était curieuse de cet étrange personnage. Il était gentil mais aussi assez beau, enfin comparé aux garçons qu’elle croisait dans les ruelles de la ville, il sortait du lot. Cette idée la fit un peu sourire, elle était ses ses gardes, mais face au chevalier, elle se sentait un peu plus à l’aise que d’ordinaire. Le sourire du rouquin la fit se sentir soulagé, il ne la trouvait pas bizarre ! Une muette qui entame la conversation, du jamais vue n’est-ce pas ?

Les paroles du chevalier à sa question la surprirent un peu. Elle ne connaissait pas spécialement de chevalier, mais elle n’avait jamais entendu cela ! Elle eut un petit sourire, il habitait loin, ce qui avait un sens au vu de ses paroles précédentes. Il ne doit peut-être pas connaître la vie parisienne...Au fond, elle l’enviait un peu, si elle n’avait pas grandi dans la capitale, aurait-elle pu espérer être heureuse ? Elle n’aurait jamais eu cette opportunité de travailler au palais royal. Elle reprit alors le cours de leurs conversations, elle avait l’habitude de s'égarer comme ça parfois, c’était un peu comme ça qu’elle était ! Lisebth hocha la tête, elle comprenait ce qu’il voulait dire, ce chevalier voulait voir ce qu’il lui était possible de faire en voyageant partout. Elle eut un petit sourire attendri et ne put répondre de suite à ses paroles, trop émerveillée par ses histoires. Elle finit par gribouiller sur son carnet, ce serait vraiment plus simple de parler à l’oral bon dieu ! M’enfin, on s’adapte comme on peut ! Elle le tendit alors au chevalier, innocemment. Des étoiles dans les yeux, elle ignorait complètement les brimades du prisonnier derrière.

- C’est fantastique ! Je suis impressionnée par ce que vous faites. Vous êtes le premier chevalier que je croise et je trouve vos histoires passionnantes ! Il n’est pas si mauvais de se donner le temps de réfléchir à son avenir, vous avez raison messire. Si vous le voulez, je pourrai vous faire un peu visiter et vous pourrez me raconter des anecdotes ? Enfin, si ma compagnie ne vous offense pas !

Elle rigolait un peu, elle aimait bien le naturel, sans artifice. D’ordinaire, elle était renfermée et ne parlait pas beaucoup, mais parfois, des événements ne méritaient pas d’attendre pour être traités. Et puis le fait d’avoir été quasi volé lui à permis de pouvoir entamer une conversation, donc elle était contente ! Une nouvelle ruelle dépassait et il y avait maintenant un peu plus de personnes dans les allées. Elle était un peu mal à l’aise, non pas par la présence du chevalier à ses côtés, mais plutôt que les habitants regardent ce drôle de cortège, zieutant également le prisonnier trainer un peu en arrière. Normalement, dans trois-quatre ruelles, ils seront bien arrivés à destination. Puis le raclement de gorge amena maintenant une nouvelle question. Était-il vraiment intéressé par la réponse ? Elle hésita un petit moment, réfléchissant et gribouille de nouveau avant de le tendre au chevalier.

- Oh ! Veuillez m’excuser, je ne me suis pas présenté ! Je suis Lisbeth et je suis la couturière en chef du palais royal. J’ai vu votre inquiétude plus haut, je vous rassure, je suis une personne complètement normal.

Elle rigolait un peu en laissant un léger son sortir d’entre ses lèvres. Elle reprit son petit carnet et décida de feuilleter dedans. Elle avait tellement de modèles différents qu’elle aurait aimé montrer, mais elle s’arrêta soudainement et redressa la tête pour regarder le jeune homme et serre son petit livret contre son cœur. Il n'avait peut-être pas l'envie d’être embêté avec cela alors elle se renferma un petit peu. Elle aimait beaucoup dessiner et était toujours fière de montrer son travail. Elle laisse un léger silence s’installer puis reprit la parole pour un sujet moins personnel.

- Veuillez m’excuser, je ne voulais pas vous embêter ! Pour vous rassurer, nous sommes bientôt arrivés, dans trois ruelles, je pense...

Elle était un peu trop enthousiaste et allait se canaliser pour ne pas partir dans des sujets qui peuvent sans doute perturber son interlocuteur.

La demoiselle était d’ordinaire calme et posée, ne cherchant pas la petite bête et profitant de chaque instant. Restant seule dans son coin, la couturière n’aimait pas mêler sa vie à celle des autres, par peur d’être déçue et blessée. Dans un sens, la jeune femme en avait l’envie, mais la tétanie de ses expériences passait l’empêcher de souhaiter ce genre de chose. Alors quand elle disait qu’il était le premier, elle ne mentait pas, elle avait rencontré certaines personnes, il est vrai, mais des chevaliers, Lisbeth n’en avait aucun souvenir. Si elle n’avait pas pris son courage à deux mains pour aller parler aux rouquins pour qu’il l’aide dans sa mésaventure, elle en aurait été très attristée. Les affaires qu’elles possédaient étaient ce qu’elle avait de plus précieux, chacune regorgeant de souvenirs uniques et respectifs. Dans cette société, elle ne se faisait pas de faux espoirs, c’était ainsi, elle avait un handicap et certaines personnes ne peuvent le tolérer. Cela a toujours été le cas, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne. À force qu’on la prenne par pitié, Lisbeth ne ressentait plus aucune compassion pour ceux qui l’humiliait parce qu’elle était muette. Enfin muet, c’était un bien grand mot, c’était surtout une peur du monde, de l’abandon et de la solitude. Certaines expériences forgent des personnes à devenir méfiantes de la vie après un traumatisme. Et si on y additionner sa phobie de l’eau, on peut dire que la jeune femme n’a pas forcément très chanceuse.

Mais pourtant, dans cette ville gigantesque, à un moment opportun, la jeune couturière put rencontrer une nouvelle personne vraiment agréable et bienveillante. Façade ou non, la demoiselle se sentait heureuse, la changeant complètement de son habitude solitaire et silencieuse. De ruelle en ruelle, leurs échanges se font naturellement, l’un écoutant les dire de l’autre et inversement. Elle aurait pu parler, mais avec la présence d’autant de personnes autour ? Non, jamais elle ne le ferait. Puis on ne va pas mentir, écrire sur son livre la rendait plus confiante et moins méfiante. Il ne comptait pas revenir ? Cela était un peu triste, il y avait tellement de choses à découvrir, ce serait triste de ne pas profiter de ce que la vie peut nous réserver. Elle fit une petite mine boudeuse, essayant d’être discrète. Elle n’aurait jamais imaginé que cela était possible de ne plus revenir ou passer par Paris, mais malgré ça, le reste des paroles du jeune homme la fit retrouver le sourire, une impatience maintenant visible sur son visage. Elle adorait les histoires et les anecdotes d’aventures, elle espérait en apprendre plus sur la vie de chevalier et sur ses escapades. Elle s'imagine un instant devenir le maître de sa destinée et tout abandonner pour voyager. Mais la réalité est bien plus dure qu’elle n’y paraît. D’un hochement de tête, elle acquiesça à la phrase du rouquin et serra son carnet contre elle.

Lorsqu’elle lui expliqua qui elle était, elle sentit une certaine décontraction provenant du chevalier, comme s’il était rassuré ? Sourire aux lèvres, la demoiselle était un peu moins sur ses gardes, arrivant à se fier à ce jeune homme. Enfin jeune homme, elle pouvait enfin mettre un nom sur ce visage bienveillant...Il venait de se présenter et s'appelait donc Jean ? C’était un joli prénom, simple et agréable à l’oreille. Tout cela aurait pu dérapé, la peur de la jeune femme était remontée dans son cœur et elle serra un peu plus son livre. Est ce qu’elle l’avait énervée ou alors fait quelque chose qui l’a blessé ? Heureusement pour elle, ce n’était qu’un petit malentendu et elle se détendit progressivement. Ne pas parler apporte des améliorations de perception assez avantageuse. Que ce soit les yeux ou chaque changement d’expression, Lisbeth était très attentive à ce genre de chose. Elle fut néanmoins surprise de voir Jean s’y adapter vite et s’excuser assez rapidement. Le regardant, elle plongea son regard un instant dans les prunelles du rouquin puis hocha la tête en écrivant maintenant sur son cahier à destination de Jean.

- Il n’y a pas de problème messire Jean. Je suis contente que ce malentendu ce soit vite dissipé !

Lisbeth rigola silencieusement en souriant de toutes ses dents, les voilà maintenant arrivés devant le poste et après une longue discussion et déposition, elle put ressortir de là, justice faite. La jeune femme était heureuse qu’on l’écoute enfin et qu’on prenne sa défense, que ce soit noble ou roturier, peu de personne ne l’avait prise au sérieux. Sentiment de satisfaction, elle s’étira alors pour laisser s’envoler toute la pression accumulée. Elle se sentait bien mieux maintenant, le poids d’une injustice à enlever de ses épaules. La journée était déjà bien avancée et ils se retrouvent maintenant seuls, devant le poste. Elle regarde alors le ciel, légèrement pensive. Son instinct lui avait dit qu’il allait pleuvoir, mais apparemment, il se trompait. Elle se tourna alors vers Jean pour le regarder et hocha la tête à sa remarque. Il est vrai qu’elle a pris un peu de retard sur la visite...Elle se gratta nerveusement le bras et eut la sensation qu’une petite brise de tristesse avait traversé son coeur. Elle aurait vraiment aimé lui faire visiter la ville, les endroits à ne pas manquer et les meilleurs paysages. Cependant, le chevalier ne voulait sans doute pas manquer à sa parole précédente et lui demanda son avis pour faire la visite bien plus tard. Faisant mine de réfléchir, elle sortit son carnet en faisant une mine triste, mais, fière de sa malice, redressa son carnet pour le lui montrer et affichait un large sourire rayonnant.

- Je serais vraiment contente de pouvoir passer un peu de temps avec vous messire, visiter la ville et en apprendre plus sur vous et vos aventures ! Avez-vous une préférence pour la date ? Nous pourrions nous retrouver devant ce commissariat...Ou alors un autre endroit que vous connaissez ?

Etoile dans les yeux, la voilà maintenant impatiente et sautillante. Elle en avait fait des rencontres qui ont apporté de la lumière dans sa vie et ce chevalier était en train de lui en apporter avec fraîcheur. Il était d’accord pour se revoir et visiter la ville, cela ne pouvait que la rendre joyeuse, quelqu’un accepte enfin sa présence. Enfin, il y avait bien une ou deux perles qu’elle gardait précieusement près d’elle. Mais voir un inconnu fraîchement rencontré ne pas la prendre en pitié et accepter une nouvelle rencontre, c’était vraiment appréciable. Elle rajouta alors sur son carnet avec un petit dessin d’elle souriant et pleine d'étoiles.

- Merci infiniment pour aujourd’hui, votre bienveillance à apaiser mes peurs. Vous êtes quelqu’un de bien messire.

Et la revoilà simplette et honnête, refermant son cahier pour le ranger au-dessus de son panier. Elle se rappela alors qu’elle avait des petits gâteaux dans son panier et soulevant le tissu, en prit un et le déposa doucement dans la main du chevalier, lui offrant de bon cœur cette petite collation.

La journée avait commencé sur un ton assez catastrophique. Volée dès le matin, elle avait cherché à rattraper le coupable, cependant les choses ne s'étaient pas passées comme prévu et avait dû se résigner à demander de l’aide auprès d’un passant qui avait l’air d’être un chevalier. D’ordinaire, la demoiselle aurait fait attention à ne pas déranger, mais dans ce panier, il y avait bien des choses qu’elle ne voulait pas perdre. Maintenant que l’affaire était résolue, elle allait pouvoir retourner voir sa mère dans la boutique avec tranquillité. On lui avait souvent dit que la vie à Paris pouvait devenir dangereuse, mais rien ne laissait présager que tout cela allait se passer ainsi. La journée avait déjà bien débuté, en plein mauvais temps, il est vrai, mais au moins rien de bien plus grave ne s’était produit. Soulagée, la jeune couturière se retrouvait maintenant en dehors du commissariat, le malfaiteur maintenant enfermé pour son crime. Depuis son accident, beaucoup de monde se sont moqués d’elle ouvertement à cause de son impossibilité de parler, cela l’avait énormément tracassé et blessé. Mais aujourd’hui, elle voulait changer les choses, montrer que son handicap ne les autorisaient pas à la calomnier ainsi.

C’est ainsi que les deux protagonistes de cette histoire décidèrent de remettre à plus tard leurs visites. Ce qui était complètement normal, le temps n’était nullement propice et les disponibilités des deux ne le permettait guère. Dans un léger sourire, elle regarda le rouquin en face d’elle, apparemment bien silencieuse malgré ses paroles. Avait-elle dit quelque chose à déplacer ? Elle n’avait clairement pas l’habitude de parler aussi ouvertement à quelqu’un. Lui avait-elle fait mauvaise impression ? La demoiselle finit par jouer nerveusement avec ses doigts lorsque la voix du chevalier lui parvient aux oreilles. Redressant aussitôt la tête, la demoiselle réfléchit un instant à la demande du jeune homme. Demain ou après-demain ? Cela n’était pas impossible, tant qu’elle travaillait avec acharnement pour rattraper son petit retard, il n’y aurait aucun problème. Elle sortit alors son calepin et nota alors rapidement quelques paroles en souriant, un peu évasif.

- Cela me va parfaitement pour demain Messire. Je vous attendrai ici-même vers le début de matinée. Je ne vais point vous retenir plus longtemps. Je vous remercie pour votre aide et j’espère que votre fin de journée sera belle.

Elle sentit alors quelques gouttes sur son museau et un frisson d'effroi la parcourut de part en part. La peur apparut dans son regard et elle marqua rapidement quelque chose dans son carnet en se rendant compte que la fin de sa phrase n’avait pas réellement de sens. Elle rigola un peu, cachant par la même occasion sa peur.

- Enfin plus belle et agréable que ce temps !

Lisbeth fit une petite révérence en inclinant un peu la tête et recouvrit son panier pour reprendre sa route, faisant un signe de la main au cheval qui lui avait tenu compagnie. La voilà maintenant partie avec empressement, une peur lui serrant le ventre et une fois un peu plus loin, elle s’arrêta sous un abri et regarda l’eau perler de plus belle...Elle allait attendre que la pluie diminue pour reprendre sa route. Elle ne voulait pas donner mauvaise impression à la première personne qu'elle croisait depuis  bien longtemps.

Après une journée bien mouvementée, la demoiselle finit par dire au revoir au chevalier, reprenant ainsi sa marche vers le palais. La pluie faisant rage maintenant, elle resta, un long moment, abritée, ne voulant pas tenter sa chance dans ce genre d'intempéries. Cela dura un certain temps et avant que la nuit ne tombe, la pluie cessa enfin et tranquillement, elle reprit sa route pour rentrer. Passant devant la boutique de ses parents, la lumière était éteinte depuis un moment maintenant et soulagée, elle se remit en route. Pensive, elle se disait que cette journée avait été bien riche en émotion pour elle. Lisbeth savait pertinemment que son handicap n’était pas des plus faciles, mais elle ne se laisserait jamais maltraité sans rien faire. D’ordinaire, elle ignore et continue son chemin, mais dans ce genre de situation, elle n’avait pas le choix, elle devait défendre sa dignité. Après quelques minutes, la voilà maintenant devant la porte de son atelier, posa son panier sur la table et s’assit sur sa chaise de fortune, sa tête entre ses bras et soupira doucement. Décidément, elle était bien épuisée par tout cela et après un moment de répit, se redressa pour finir ce qu’elle avait commencé la veille, son esprit vagabondant sur autres choses que les événements passés. Quelques heures venaient de défiler et après un long bâillement, elle éteignit sa petite lumière et sortit de son modeste atelier pour aller dans sa chambre, dans le quartier dédié aux employés du château.

La nuit passa plutôt rapidement, quelques songes avaient envahi son repos, se levant aux aurores, la voilà maintenant prêté à rejoindre le rouquin à l’endroit où ils étaient la veille. Apprêté assez simplement, elle était un peu plus sereine maintenant. Prenant son carnet de notes, elle réfléchit un instant et commença à écrire les divers endroits qu’elle allait lui faire visiter. Il y avait tellement de choses à voir à la capitale... Ramassant son petit sac, elle y mit son carnet et une petite gourde d’eau qu’elle avait soigneusement préparée. Après un instant de pause, elle rajouta dans sa petite sacoche un grand morceau de tissu et hocha la tête. Elle avait déjà prévu tout le planning de la journée, à quelques détails prêt. Sortant de sa chambrette, la voilà sortie du château pour aller rejoindre le chevalier devant le commissariat. Heureusement pour elle, il n’était pas si loin que cela, donc facilement accessible en cas de retard.

Zigzaguant entre les ruelles, la demoiselle saluait d’un hochement de tête les personnes qu’elle reconnaissait et regardait d’un air absent les enfants qui couraient si joyeusement dans les ruelles principales de la capitale. Au fond, la jeune femme aurait bien aimé avoir un frère ou une soeur, cela l’aurait rendu heureuse. Malheureusement, cela ne serait pas possible, sa mère ne souhaitait pas d'autres enfants. Souriant tristement, un des enfants qui courait devant elle trébucha sur un caillou. Précipitamment, la jeune femme, se dépêcha et le réceptionna avant que celui-ci ne se fasse mal. L’enfant se redressa alors et la regarda puis devint légèrement rouge et la remercia avec un sourire empli de candeur. Lui rendant son sourire, elle lui ébouriffe les cheveux et le relâcha doucement afin qu’il reprenne ses activités. L’innocence et la chaleur que dégageaient les tout jeunes enfants étaient vraiment attendrissantes. Levant les yeux, Lisbeth remarqua non loin le commissariat, une personne attendant devant. Elle était en retard ? Reprenant son sac qu’elle avait fait tomber, la voilà qui commence à courir jusqu’à atteindre finalement le jeune homme.

Reprenant son souffle, main posée sur ses genoux, elle se redressa finalement et remit une mèche de cheveux avant de sortir son carnet et de gribouiller dessus. Elle qui n’aimait pas vraiment courir, la voilà fort dépourvu devant ce genre de scène. Lui tendant son carnet, elle sortit sa petite gourde et bu quelques gorgées avant de sourire.

- Bonjour Messire Jean ! Avez-vous passé une agréable nuit ? Veuillez excuser mon retard, je pensais être à l’heure.

Elle rigola nerveusement et reprit son carnet pour ensuite revenir en arrière dans ses pages et regarda un long moment celui-ci avant de hocher la tête et de revenir à la page d’avant pour reprendre la parole... Enfin écrit.

- J’ai prévu quelques endroits assez réputés dans la capitale. Pour le midi, j’ai prévu une petite nappe pour manger en extérieur. En regardant les nuages, il ne devrait pas pleuvoir aujourd'hui...J'espère en tout cas. Je connais quelques bonnes adresses pour le repas !

Elle montra alors la nappe avec entrain, le dépliant dans sa longueur, lui présentant par la même occasion ses talents de couturière. De couleurs rouges et brodées de fleurs et d'étoiles en fil doré, la demoiselle sourit grandement avant de la replier et de le ranger. Regardant le ciel, main devant les yeux, elle prit une grande inspiration, reprenant son carnet pour le tendre de nouveau à Jean.

- j’espère que vous êtes prêt ! Nous allons arpenter la ville en profondeur ! On va bien s’amuser !

Rigolant silencieusement, elle rangea son carnet dans sa sacoche et regarda droit devant. Levant les yeux, elle se décida alors à commencer par le plus grand monument de la capitale, Notre Dame. Elle pointa le bâtiment imposant du doigt et se mit alors en marche, sûre d’elle.

Lisbeth sourit légèrement en voyant le visage de Jean. Elle était un peu en retard et espérait vraiment qu’il ne lui en veuille pas. Elle qui avait tout fait pour ne pas l'être, la voilà bien embarrassée. Une fois devant lui, elle hocha la tête à son salut et regarda le ciel, bien contente que la pluie ne tombe pas aujourd’hui. Après une courte introduction de formalité, la jeune femme le trouva un peu distant mais pas trop froid. En même temps, il n’était que de passage, il n’était pas obligé d’être attentionné. Mais malgré tout, cela lui faisait plaisir de pouvoir sortir avec plus de détente, hors travail. Rigolant un peu silencieusement à sa remarque, la demoiselle récupéra son carnet. Pendant un instant, elle sentit son regard sur elle et leva la tête pour le fixer et voir qu’il regardait son carnet. Est-ce qu’il se posait des questions sur son moyen de communication ? Ce ne serait pas la première fois et s’il le voulait, elle lui expliquerait, mais ce n’était pas son but premier. La peur de l’embêter avec ces histoires inutiles ne lui permettait pas de faire le premier pas dans ce genre de discussion.

Accompagnée de son petit panier, elle le montra avec un large sourire et remarqua son visage interrogateur. Réfléchissant, elle percuta alors d’où pouvait provenir le problème et secouant la tête, elle reprit son carnet pour lui tendre celui-ci une fois fini.

- Quand je parlais de manger en extérieur, c’est dans un parc, assis sous le ciel et dégustant un bon repas. C’est un peu original, mais c’est vraiment agréable, un peu de calme et de fraîcheur. Je fais souvent ça avec ma meilleure amie !

Hochant la tête avec conviction, elle lui montra la cathédrale et, étant son carnet contre elle, Lisbeth emboîta la marche, se dirigeant vers celle-ci en passant par des ruelles plus calmes et moins peuplées. N’aimant pas particulièrement le monde, elle préférait de loin les endroits plus éloignés. Souriant un peu, elle reprit son carnet et fit une petite pause devant une petite boutique pour acheter deux viennoiseries typiques de Paris et en tendit un à Jean.

- Ce sont des viennoiseries typiques de la capitale. On en trouve dans ce genre d’aller assez tranquilles. Je n’aime pas trop quand il y a beaucoup de monde, j’apprécie beaucoup le calme de ces petits endroits. Et puis on peut apercevoir de vrais chefs-d'œuvre d’architecture. On est bientôt arrivés à la cathédrale messire !

Souriant grandement, elle se tourna alors et se mit à grignoter sa petite viennoiserie, la trouvant vraiment appétissante. Après quelques ruelles, et traversé dans la capitale, les voilà maintenant devant la grande cathédrale, les surplombant de toute sa grandeur et de sa beauté. Finissant son petit encas, elle lui présenta alors l’édifice, carnet devant elle et l’une de ses mains montrant l’édifice.

- Nous y voilà ! C’est vraiment haut n'est ce pas ? Je viens souvent ici quand j'ai besoin de me retrouver avec Dieu.

Souriant un peu pensivement, elle commençait à faire des recherches dans sa petite tête pour se rappeler tout ce qu'elle savait sur cet édifice spectaculaire.

Lisbeth aimait beaucoup aider son prochain et ne voyait pas de mal à essayer de faire plaisir aux autres. Cependant, pendant tout le trajet, le chevalier ne dit rien, ni même une question sur la ville ou les passages qu'ils empruntent. Se retrouvant bien vite décontenancée, elle se mit à réfléchir et à se poser des questions. Est-ce qu'elle en avait fait trop ? Pourtant, elle agissait toujours comme ça. Elle n'était pas vraiment à l'aise d'ordinaire avec les gens alors pour une fois qu'elle essayait de paraître plus naturelle, on dirait que cela n'apporterait que de la gêne. Serrant son poing, elle n'avait pas l'intention d'apporter ce genre de sentiment auprès des autres. Notant cela comme un échec, la jeune femme nota intérieurement ce fait et continua sa route jusqu'à l'édifice.

Devant le grand bâtiment, Lisbeth se sent plus à l'aise, plus sereine. Elle venait souvent ici pour prier et pour penser à autres choses, surtout dans des moments comme celui-ci. Sentant un sentiment de bonheur et de soulagement, elle oublia vite ses tracas et tourna la tête vers le chevalier qui venait de prendre la parole. Est-ce qu'elle allait lui dire non ? Ce n'était pas dans le caractère de la jeune couturière. Hochant la tête, elle le regardait avaler sa viennoiserie assez rapidement et fut légèrement triste. Elle qui voulait simplement qu'il profite pleinement de ce qu'avait à offrir la capitale, elle se sentait un peu honteuse de l'avoir embarrassé ainsi.

- Cela ne me dérange pas. Nous sommes là pour visiter Paris après tout.

Le rejoignant prêt de la grande porte, elle l’ouvrit avec conviction et une fois dedans, se stoppa pour laisser le chevalier rentrer à son tour. Regardant alors ses énormes vitraux, Lisbeth ferma un instant les yeux et se laissa entraîner par la bienveillance du lieu. C’était vraiment agréable de se retrouver ici, dans ce lieu baigné par la lumière du seigneur. Commençant alors à marcher, elle se tourna pour lui présenter son carnet.

- Je vous laisse visiter messire, je vais aller prier

Ce n’était pas prévu dans son programme, mais la jeune femme avait besoin de se poser un instant pour prier et se confier à Dieu. Cela remontait à pas mal de temps maintenant et elle ressentait l’envie de parler à quelqu’un prêt à l’écouter. S’avançant alors, elle s’assit sur un des bancs libres et après quelques mouvements, joignit ses mains pour entrer en communion avec le seigneur. Elle parla de ses doutes, de ses peurs, de ses appréhensions et posa quelques questions au tout-puissant. Après quelques minutes de silence intense où Lisbeth ne faisait plus attention à ce qui l’entourait, elle finit sa parole interne puis se redressa et remercia le Seigneur pour son écoute et son aide.

Maintenant, qu’elle était un peu plus à l’aise, la petite couturière leva les yeux vers le plafond de la cathédrale, admirant par la suite les décorations et les détails sur chaque chose. Il n’y avait vraiment qu’ici ou Lisbeth ne se sentait pas de trop et surtout ne ressentait pas la pression de son handicap. Il n’y a pas besoin de parole pour jauger le cœur d’une personne après tout. Laissant ainsi le chevalier visiter par lui-même l'intérieur, elle ne le dérangerait pas pendant son moment de paix. Se levant finalement, elle décida de sortir du lieu une fois terminer, prenant une bonne respiration et regarda alors le ciel pensivement.

Lisbeth n’était pas du genre très social malgré le fait qu’elle essayait de communiquer au mieux. Ce n’était pas tout le temps simple pour elle de réussir à faire bonne impression...Mais cela s’apprend avec le temps, disait-on. Dans cette cathédrale, la douceur et la lumière qui émanait du lieu la rendaient quelque peu nostalgique. Elle ne savait pas si c’était dû à ses pensées instables ou à sa foi inébranlable, mais elle se sentait définitivement bien ici. Dans un silence de mort, la jeune femme profitait du lieu en laissant le jeune homme faire son bout de chemin pour inspecter les lieux et profiter d’un moment de répit dans leurs visites. On peut dire que cela n’était pas tous les jours qu'elle allait dans ce lieu, c’était même plutôt rare, surtout en ce moment. Parfois, le silence vaut plus que des mots et c’est pourquoi Lisbeth préféra se taire plutôt que d’utiliser son carnet. Une fois sa prière et son moment de solitude terminés, elle sortit alors pour attendre que le chevalier revienne. Elle ne souhaitait pas le bousculer dans son moment de piété alors elle attendait dehors. Il ne faisait pas si froid, au contraire, la pluie de la veille avait bien disparu et le ciel était partiellement découvert. Un doux rayon de soleil venait la réchauffer tandis qu’elle regardait d’un air joyeux les habitants qui marchaient près du lieu. C’était plutôt agréable de faire une sortie telle que celle-ci.

Quelques instants plus tard, elle entendit des bruits de pas derrière elle et se tournant, elle fit face au chevalier qui avait tout l’air d’avoir apprécié ce moment solennel. Souriante, elle écouta ses propos et hocha la tête avant d’écrire sur son carnet quelques paroles.

- Eh bien, il est vrai que ce lieu est rempli de lumière et de bienveillance. Une fois qu’on est ici, on se rend compte que nous sommes bien petits par rapport à tout ce qui nous entoure... Enfin, je veux dire qu’on se sent bien...C’est agréable.

Elle referma son carnet et réfléchit un instant en regardant l'édifice si imposant. Elle avait fait de longues recherches sur ce bâtiment si exceptionnel. La construction, les émotions, et même de petits détails sans importance. Elle n’était pas architecte, mais elle devait bien se l’avouer, les constructeurs ont dû prendre énormément de temps et de patience pour arriver à un résultat si impressionnant.

Lisbeth réfléchit un instant et regarde son carnet pensivement avant d’écrire sur son carnet avec une certaine joie sur le visage

- Nous devons traverser la Seine par un pont pour arriver à la prochaine destination. Il s’agit d’une ancienne arène datant d’il y a longtemps... si ma mémoire est bonne, il s’agit de l’arène de Lutèce et non loin y a les thermes de Cluny. Même s’il n’en reste que des vestiges, c’est un souvenir de l’ancien temps.

Elle referme alors son carnet et se met en marche. Ses années d’ermite lui ont permis d’apprendre énormément de choses sur la société d’avant, les bâtiments ainsi que leurs utilités. Peu de personnes parlent de cet endroit et pourtant, elle reflète l’intelligence de beaucoup à cette époque.

Marchant posément, elle présentait quelques autres bâtisses sur leurs chemins. Le pont était lui aussi assez ancien mais souvent rénové. C’est après une bonne trentaine de minute que la jeune femme arriva enfin devant l’ancienne arène et non loin les thermes.

- Ce n’est pas aussi extraordinaire que notre dame, mais l’architecture gallo-romaine reste une vraie rareté encore debout. Même si le temps a déjà fait son œuvre, il reste d’une beauté vraiment impressionnante. D'ailleurs, non loin, nous avons le quartier des armées ainsi que l'avenue des compagnons. Est-ce que vous en avez déjà entendu parler messire ?

Lisbeth avait passé énormément de son temps à lire de nombreuses histoires et légendes sur Paris. Tout était si étrange et mystérieux, c’était un vrai plaisir pour la jeune femme. Voulant montrer son savoir et ses connaissances à Jean, elle n’avait pas hésité un moment pour l’emmener directement sur les anciennes ruines d’une autre civilisation maintenant disparue. L’histoire de Paris était vraiment enrichissante. Toute au long des époques, la ville a put grandir et s’épanouir, laissant malheureusement derrière elle des traces d’un lointain passé. Pour autant, Lisbeth était un peu comme une enfant, impatiente de montrer tout ce qu’elle pouvait au jeune chevalier. Est-ce qu’elle le faisait un peu pour elle-même ? C’était fort probable. Pour elle, tout était très important pour comprendre comment Paris était arrivé à un tel niveau d’évolution.

Devant les ruines gallo-romaines, la jeune femme avait des étoiles dans les yeux. C’était un peu comme remonter dans le temps. Fière d’elle et de son savoir, la demoiselle regardait Jean, son visage n'exprime rien. Ce n’était peut-être pas la chose qu’il attendait de voir, mais ce n’est pas bien grave, Lisbeth n’allait pas se laisser abattre aussi facilement ! Écoutant alors les paroles du chevalier, Lisbeth hocha la tête. Il est vrai que la Couronne avait fait énormément d’amélioration pour apporter des solutions à des problématiques existentielles. C’est ainsi que l’avenue des compagnons avait vu le jour. Pour ce qui est du quartier de l’armée, elle n’y avait jamais vraiment été, ce n’était pas de son domaine, malheureusement. Mais en voyant l’intérêt du chevalier, Lisbeth eut l’idée d’aller directement là-bas. Qui sait, peut-être aurait-il une idée de ce qu’il voudrait faire par la suite avant que le jour ne se couche doucement ? Il n’était pas encore midi, mais elle ne voulait pas non plus l’empêcher de vagabonder comme il le souhaitait.

- Eh bien, je vous propose d’y passer ! Comme ce n’est pas très loin, ce serait bien que vous puissiez le voir de vos propres yeux !

Elle se remit alors en marche, refermant son carnet et sans attendre plus que cela, se mit en route. Elle avait prévu des petites choses à grignoter, mais ce n’était sans doute pas une bonne idée. Poursuivant alors sa marche, il fallut une bonne trentaine de minute pour enfin voir l’avenue des compagnons droit devant, ainsi que l’ambiance qui y régnait. Elle n’avait prononcé aucun mot sur le trajet, ne sachant pas vraiment quoi dire. Cela n’était déjà pas facile de trouver un sujet de conversation pour elle, alors elle n’allait sûrement pas forcer la discussion.

Lorsqu’ils arrivèrent enfin devant l’avenue, Lisbeth sourit légèrement et présenta donc l’avenue à Jean. Donnant des noms ainsi que ce qu’ils fabriquaient ici. Elle ne savait plus trop quoi dire, un certain malaise grandissant en elle. Ce n’était pas la faute de son comparse, mais plutôt d’elle.

- Est-ce que vous voulez grignoter quelque chose ? Il est bientôt l’heure du repas… Ou alors vous avez une idée d’un endroit à visiter ? Vous avez dû entendre beaucoup de choses durant vos périples. Si cela vous intéresse, dites le moi et je vous y emmène !

Souriant, Lisbeth avait confiance en elle. Même si elle ne savait plus trop où aller, elle préférait demander Jean ce qu’il voulait faire.

La journée était passée assez rapidement. Prenant plaisir à partager ses moments avec le chevalier, Lisbeth était bien heureuse. Malgré la difficulté d'échange due à son incapacité à parler devant une foule, cela ne l'empêcha pas de partager son savoir et de faire visiter la ville. La marche avait été bien épuisante et il est vrai qu'avec le soleil se couchant bientôt, il allait falloir rentrer. Devant la bienveillance du rouquin, la demoiselle hocha alors doucement la tête à sa proposition et écrit sur son carnet avec beaucoup de précautions.

- Ce serait avec un grand plaisir messire. Je vous remercie pour votre proposition.

Souriant, elle se mit alors à le suivre, engageant quelques conversations aux passages. Cela lui avait fait du bien de pouvoir profiter d'un tel moment avec un chevalier. Pouvoir partager ses connaissances et apprendre à connaître une personne était tout bonnement bénéfique pour la demoiselle.

Une fois arrivée devant chez elle, la demoiselle fit une courbette et montra une dernière fois son carnet, souriante et pleine de reconnaissance.

- Merci pour cette journée Messire Jean. Cela fut un honneur de pouvoir vous faire visiter la ville. En vous souhaitant une agréable soirée et de rentrer en toute sécurité.

Lisbeth rentra finalement chez elle, faisant un signe de la main au chevalier. La suite de la soirée fut bien tranquille et c'est des souvenirs pleins la tête qu'elle s'endormit.