« Mes pas sont fermes dans tes sentiers, Mes pieds ne chancellent point. Mes pas sont fermes dans tes sentiers, Mes pieds ne chancellent point. Mes pas sont fermes dans tes sentiers, Mes pieds ne chancellent point. »
Les mots se répètent inlassablement. Cependant, sa voix n'est plus qu'un murmure. La litanie s'essouffle, alors que son coeur s'est emballé. C'est une course folle. Une fuite en avant, seulement pour leur survie. Son binôme est mal en point. La blessure à son flanc refuse de cicatriser.
De l'argent... Ils ont utilisé de l'argent.
Une nouvelle fois elle trébuche et manque de s'effondrer sur le sol. Il est lourd, mais elle refuse de l'abandonner. Ce n'est pas ainsi qu'elle conçoit les limites de son serment. Pourtant il insiste. Pour la première fois il l'appelle par son prénom. Le vrai, pas celui qu'elle s'est choisi. C'est dire.
« Quatre... Ils avaient dit quatre... »
Elle acquiesce. Il a raison. Ils avaient dit quatre. Quatre vampires sans grande expérience, qui ne devaient pas poser le moindre problème à leur duo. Alors comment en sont-ils arrivés là ?
Derrière elle, un craquement lui fait comprendre que leur statut a changé. Ils sont passés du rang de chasseur à celui de proie. Une nouvelle fois, l'affolement la gagne. Elle était pourtant persuadée de ne pas craindre la mort. Elle l'aide à se relever et est sur le point de reprendre sa course, quand son coéquipier la repousse.
« Arrête ! »
Il crie. Son regard est vitreux, embué de larmes. C'est la fin. Pourtant, elle ne trouve rien à répondre. Pas de psaume, pas de verset, pas même un mot savant. Ils seront bientôt là. Les sangsues qu'ils avaient cru incapables de résister à leur assaut se montrent finalement coriaces. Un pâle sourire glisse sur ses lèvres. Si c'est ainsi qu'il faut partir... Évidemment, il n'est pas d'accord. Les sorciers sont trop précieux.
« Je te couvre. »
Il peine à se transformer. Sa blessure doit être profonde. D'ailleurs, le sang ne tarde pas à maculer sa fourrure habituellement grise. Instinctivement, elle porte une main au pommeau de sa lame. Elle ne peut pas faire cela. Elle ne peut pas s'enfuir et le laisser derrière elle. Si ce n'est pas par amitié, elle le lui doit par charité. Alors il grogne et se voûte d'un air menaçant. Un nouveau craquement et quelques rires lui font lever les yeux. Ils sont là.
Elle n'arrive pas à les voir. La forêt est trop dense. Ils en sont conscients et en profitent. L'un d'entre eux entame un chant. Elle reconnaît les mots de sa comptine tandis qu'il se moque. Il est italien. Son accent ridicule en témoigne quand il s'adresse à son binôme germain.
« Gib uns die Hexe und dann kannst du gehen. »
Un lourd silence s'installe. Son coéquipier ne bouge pas. Il n'a pas l'intention de l'offrir en pâture à leurs adversaires. Cependant diminué, il sait aussi bien qu'elle qu'ils ne feront pas le poids contre ces vampires. Alors quand ces derniers lancent l'assaut, il s'élance vers elle. C'est sans aucun doute la meilleure solution. Elle ne peut pas finir entre les crocs de ces monstres. Et puis... Si elle doit mourir, elle préfère que ce soit de la griffe d'un allié.
Il est presque sur elle quand il se fait percuter. Son corps est projeté contre un arbre et elle à l'impression d'entendre craquer tous ses os. Pourtant, il se relève et une nouvelle fois s'élance dans sa direction. Cette fois cependant, c'est pour intercepter l'un de ces vampires. Tout va trop vite. Elle n'a pas leurs capacités et son regard peine à suivre leurs mouvements rapides. Elle ne s'en défend pas moins. Ses années d'entraînement avec "l'élite" de l'église souterraine n'ont pas été veine. Pour autant, elle ne se fait aucune illusion. Ils savent de quoi elle est capable et évitent soigneusement son contact. Une nouvelle fois son binôme doit venir à sa rescousse.
Lui prêter main forte semble vain. Le combat est devenu trop inégal. Alors quand une nouvelle fois elle croise son regard, enfin elle l'admet. La fuite est sa dernière chance.
Serrant les dents elle s'élance dans le bois. Son coéquipier ne la suit pas. Il va continuer à se battre pour lui offrir un peu d'avance. Malheureusement, sa course est rendue difficile par les nombreux obstacles. Tantôt un tronc, tantôt quelques branches et des ronces... Une pleine marée de ronces. Elles se prennent dans ses cheveux, elles accrochent sa peau et griffent son visage.
Cependant, rien de tout cela n'est plus blessant que le hurlement de son alliée qui, derrière elle, annonce la fin de son combat. Il la heurte, la frappe de plein fouet et avec une telle violence qu'elle en perd l'équilibre. Ses jambes se dérobent, son pied se tord. Elle roule, glisse, tente de se rattraper, mais n'y parvient pas. C'est la première fois qu'elle perd l'un de ses coéquipiers. Cette pensée ne la quitte qu'au moment où elle heurte le solide d'un arbre. Il stoppe sa chute, mais la sonne. Dieu a-t-il choisi de l'abandonner à ces monstres ?
@Scar
Un sanglier. Il ne s’agissait que de ça. Une bête imposante ayant subi le feu d’un chasseur mal expérimenté. Ainsi blessé, trainant l’annonce de son trépas dans son sillage. Marquer le sol humide du noir mortel d’une fin proche. Pourtant personne ne le traque plus. Fou de colère dans cet instinct de survie de toute chose vivant ignorante du mal.
Tu n’avais suivi sa trace que par décence pour les maigres paysans qui verraient leurs récoltes ruinées dans la furie d’une bête acharnée. Pour la seule pensée que ceux sous ton indirecte protection pourraient voir leurs cœurs tourmentés par la peur à la vue de ce qui ne sied guère aux âmes sensibles. Victoire la première devait être au déplaisir de savoir que les terres longeant son territoire servaient à ces jeux malveillants à sa pensée. Tu n’as pas le désir ni le souhait d’y penser. Tu sais pertinemment que s’il est un monstre sur ce domaine, il ne peut être que toi.
La nuit n’aura rien apporté si ce n’est la hache ensanglantée à tes mains. L’animal avait été abattu de la façon la plus rapide possible une fois son pronostic définitivement déterminé comme fatal. Quelle idée avaient donc les hommes de jouer de la poudre là où des enfants pouvaient se cacher derrière chaque arbre et chaque buisson ? Tu ne comprendrais certainement jamais. Tu n’avais, finalement, même pas le goût de saisir les raisons de leurs imbécilités.
La nuit devrait être paisible désormais. Pourtant sur la forêt plane un silence qui ne présage que le plus funeste. La traque des oiseaux nocturnes s’est tue en faveur d’une toute autre chasse. Et si tu n’as que peu d’intérêt à entrer sur le terrain de jeu de ceux qui croient posséder chaque terre que leurs pieds auront foulé, tu n’as aucun intérêt à purger un périmètre qui n’est pas tien.
Ce jusqu’à ce qu’un bruit ne t’indique qu’il n’est pas un braconnier hurlant si péniblement à la lune. Qu’aucun loup en ce domaine ne laisserait jamais entendre l’apitoiement de sa mort prochaine. Non, les loups s’éteignent en silence. Il faut être homme pour ainsi marquer son trépas d’une telle agonie. Quiconque s’amusait ici ne connaissait pas les limites de cette propriété. Ne connaissait pas la réalité d’être traqué.
C’était sans compter sur la détermination des âmes sottes à se jeter là où elles ne devraient jamais aller.
Un bruit de chute et tu comprends sans peine que la fuite aura été la seule option de cette chose à l’odeur humaine. Sang versé pour quelques vaines écorchures si ce n’était pas sa future sentence léthale.
Un fracas et le silence.
Tu rejoins le lieu d’un triste accident et trouve au sol ce qui pourrait être la dépouille d’une pâle humaine s’il n’était pas question de ce pouls battant à vive allure. Pauvre lapin pris à son propre piège. Et le reste ? Tu notes les armes à sa ceinture et souffles silencieusement, inexpressif.
« Peu importe ton nom, peu importe ton allégeance, garde le silence. »
Qu’importe, peut-être n’aura-t-elle rien entendu. Sûrement ne comprend-elle pas un traitre mot de la langue qui est la tienne. Mais la menace de ta voix n’en est pas une. Ta prise sur cette poupée de chiffon n’est pas douce, mais tu bloques l’épaisse hache que tu transportais à ton ceinturon, sang épais et visqueux salissant tes vêtements. Et le linceul d’un animal fraîchement dépecé s’écrase sur les épaules humaines, couvrant pleinement son odeur.
Jeune fille vulgairement jetée à ton épaule, tu guettes un instant les hurlements s’éteignant dans la nuit et procède par la voie la plus sûre. Peu importe les choix de l’humaine, tu es parfaitement disposé à heurter son minois contre un tronc pour la faire taire si nécessaire.
Grimpant habilement à haute cime des pins, la couverture de la verdure cachera votre visibilité. Et lorsqu’après de longues minutes de silence, un groupe de trois pénètre dans la zone en contrebas, c’est avec la certitude que tu ne détiens pas une simple humaine que tu lances un regard à ce visage d’albâtre.
Aux pieds des arbres immenses, ils tournent et écument leur déception tels des animaux à l'appétit insatisfait.
L'un d'entre eux, probablement plus aguerri que les autres, s'élance soudain vers un talus sur lequel il se dresse à l'image d'un conquérant. Son cou s'étire dans un étrange grognement et son nez se redresse pour lui permettre de pleinement inspirer l'air. Il ferme ensuite les yeux, alors que ses narines se dilatent jusqu'à en frémir.
Au sourire qui vient tordre ses lèvres, cela ne fait aucun doute. Il a retrouvé sa trace.
D'un bond il franchit l'obstacle qui le gardait en hauteur et dévale la petite pente qui l'amène là où leur gibier se trouvait quelques instants auparavant. Derrière lui, ses compagnons ne tardent pas à le rejoindre. Leurs glapissements l'encouragent et il s'accroupit, s'allonge presque sur le sol pour mieux s'imprégner de ce parfum qui tient ses sens en ébullition.
« Hexenblut. » Annonce-t-il avant de traduire, certainement pour ses compagnons « Sangue di strega. »
Rapidement il se redresse. Il sait qu'elle était là. Il parvient encore à percevoir un peu de sa chaleur humaine et a reconnu son odeur. Elle est blessée. Il croit d'ailleurs apercevoir un peu de son sang contre le tronc de l'arbre qu'elle a dû heurter. Ses doigts en effleurent presque amoureusement le carmin, avant de le porter à sa bouche assoiffée.
« Non può essere lontana. Guarda ! »
Ses mots résonnent et claquent comme un signal, et les trois monstres se dispersent aussitôt. Ils n'ont pas pensé à relever la tête vers les hautes cimes des pins qui les entourent.
« Ils me cherchent... » Elle ne fait que murmurer. « Ils l'ont tué... Ruben... Ils ont tué Ruben... De l'argent... »
Ses yeux papillonnent et son souffle caracole. Elle a fait l'effort de parler dans sa langue, mais son accent trahit immanquablement ses origines. Elle est Française. Sans parvenir à pleinement reprendre ses esprits, elle se force à ouvrir un oeil. Mais son regard mauve se voile et très vite, ses paupières se referment.
La peau de bête dont il l'a recouverte pèse lourdement sur ses épaules. Elle ne parvient pas à bouger, mais une nouvelle fois elle tente d'ouvrir les yeux. Ses longs cils s'agitent furieusement, tandis qu'elle cherche à se redresser. Elle n'a pas la moindre idée d'où elle se trouve et n'a pas conscience du vide qui s'ouvre sous ses pieds.
C'est n'est que parce qu'il la retient qu'elle ne bascule pas, mais quand enfin elle parvient à reprendre ses esprits, quand elle prend conscience de son environnement et que son regard se fixe enfin sur lui, elle réalise.
« Vous êtes l'un des leurs. » Sa main cherche aussitôt à atteindre son arme.
- Traduction:
- Hexenblut & Sangue di strega : sang de sorcière.
Non può essere lontana. Guarda ! : Elle ne doit pas être loin. Cherchez !
@Scar