Il a fini d’étudier pour aujourd’hui, et il en est bien content.
La politique est un sujet bien compliqué et assez inquiétant. Voir même plutôt stressant et chronophage. Pourtant, Basile sait que c’est ce qui l’attend, qu’il soit désigné comme héritier ou non. Aucune décision ne doit être prise à la légère. Le moindre mot de travers peut être une déclaration de guerre, ou une offense.

Et le jeune prince a conscience qu’il est temps pour lui d’abandonner ses rêveries au profit de la dure et triste réalité. Il est temps de grandir.

Songeant à la possible collation qui l’attend dans ses appartements, Basile ne regarde pas vraiment devant lui. La tête dans les nuages, ses pensées s’égarent entre ce qu’il doit faire, et ce qu’il a envie de faire. Il secoue la tête, soupirant doucement ; plus tôt il sera capable de comprendre les choses et de fournir ce qu’on attend de lui, plus vite sa mère aura un poids en moins sur les épaules.

Et il se refuse à causer du tort à sa précieuse mère.

Soudain, il percute quelque chose, ou plutôt quelqu’un.
Basile perd l’équilibre, agitant mécaniquement ses bras comme si cela allait l’aider à rester sur ses pieds. Il a alors un réflexe instinctif et utilise sa jambe pour se retenir et se stabiliser. La mauvaise jambe. Une grimace déforme ses lèvres mais elle s’évanouit bien vite. Le geste a été brusque et la douleur subite mais rien d’insurmontable.

Il retrouve donc son équilibre, relevant les yeux vers son vis-à-vis ; un grand jeune homme en armure légère et à la chevelure de flammes.
Le regard du prince s’illumine de milliers de petites étoiles. Il aime beaucoup cette couleur si chatoyante, comme un feu dans l’âtre. La chaleur et la dangerosité en moins. Il tend la main, désireux de venir ébouriffer cette masse rousse. La voix du chevalier le coupe dans son élan et il rougit de gêne face à son propre comportement.

Basile cligne des yeux face aux excuses du chevalier ; en tant que prince, il est parfaitement au courant des us et coutumes, notamment concernant la manière de le saluer lui. Mais il ne peut s’empêcher de trouver dommage d’assister à ce genre de spectacle comme si on lui avait fait quelque chose de grave.
Serait-il tout simplement trop insouciant ? Sans doute.

L’argenté le gratifie d’un large sourire, tendant sa main pour atteindre son bras du bout des doigts.

« Ce n’est pas grave, rassurez-vous. Cela arrive à tout le monde d’être un peu dans les nuages. Et puis… je devrais m’excuser que nos jardins soient si beaux au point de vous arrimer à quelques rêveries. »

Le prince remarque, à son tour le heaume au sol et s’empresse de le ramasser pour en inspecter le métal. A première vue, il n’est pas abimé, ce qui le fait soupirer de soulagement. Il tend le heaume à son propriétaire, sans se défaire de son sourire.

« Il n’a pas l’air endommagé, je suis rassuré. Un chevalier sans son heaume pour le protéger, c’est embêtant, pas vrai ? » Il observe son visage avant de baisser les yeux, rougissant légèrement de honte. « Je… je suis navré, je n’ai pas encore mémorisé les noms de tous les chevaliers… » Il redresse la tête. « Pourtant, des beaux cheveux comme les vôtres, ça ne s’oublie pas. Ceux de Stanislava sont encore plus rouge d’ailleurs. »

Il regarde finalement les jardins puis le chevalier.

« Souhaitez-vous vous y rendre ? Je peux vous servir de guide si vous le désirez ! Je les connais presque par cœur ! »

Spoiler:

Le chevalier se présente et avoue n’avoir prêté allégeance à aucun seigneur. Basile cligne des yeux, ignorant si la gêne qu’il pense lire sur son visage est vraiment justifiée. Est-ce un déshonneur pour un chevalier de ne pas avoir prêté serment ? Peut-être.

Le prince ne veut pas l’accabler inutilement et se contente alors de lui offrir un large sourire.

« Alors je vous souhaite de trouver un seigneur rapidement, chevalier d’Hostun. » Il marque une pause, tendant le bras pour l’inviter à le suivre. « Vous ne me dérangez nullement, c’est moi qui vous invite à m’accompagner. »

Basile ne loupe jamais une occasion de faire une rencontre, et encore moins une balade dans les jardins. Il n’a guère beaucoup plus d’horizons que ces jardins pour le moment. Plus ou moins seul en tout cas. Et avec un chevalier, pourquoi quelque chose se produirait ? Il est en sécurité.

« Dites-moi, chevalier d’Hostun, est-ce par choix que vous n’avez prêté allégeance à aucun seigneur ? Ou éprouvez-vous quelques difficultés à choisir ? »

Basile réalise soudain qu’il est sûrement irrespectueux et cherche rapidement à corriger son comportement.

« Je ne voulais pas paraître grossier, j’espère que je ne vous ai pas blessé de par mes questions indélicates… »
« Votre Altesse ! »

Basile redresse le nez en apercevant les deux gardes qui l’accompagnent le plus souvent. Ils semblent toiser Jean un instant avant d’observer le prince.

« Cet homme vous importune-t-il ? »
« Ah, non, du tout ! Il s’agit du chevalier d’Hostun, qui a accepté de m’accompagner jusqu’aux jardins. »
« Nous devons nous assurer que vous êtes en sécurité, votre Altesse. »
« Je comprends… Merci de nous suivre avec quelques pas de distance, dans ce cas. »
« Bien, votre Altesse. »

Basile reprend donc la marche en faisant signe à Jean de le suivre.

« J’espère que les jardins sauront continuer à attiser votre admiration. » Il lui offre un large sourire. « Mais j’imagine que ce n’est pas uniquement cela qui vous a conduit au palais, pas vrai ? »

Basile écoute patiemment le chevalier, quelque peu intrigué par le personnage.
Ses cheveux sulfureux tranchent avec son apparente timidité. A moins qu'il ne soit intimidé par lui ? Le jeune prince soupèse cette éventualité ; il n'y a probablement que son titre qui puisse justifier que l'on soit intimidé. Ou peut-être les gardes qui les suivent presque religieusement. Basile jette un coup d'œil par-dessus son épaule, observant un bref instant ses gardes.

Ce ne doit pas être agréable pour un chevalier d’être ainsi suivi.
Mais il vaut mieux assurer la sécurité du prince pour ne pas revoir un épisode comme celui de l’attaque de la princesse. Basile reporte son attention sur Jean, sans se défaire de son sourire emprunt d’une certaine maturité sans qu’il ne le réalise vraiment.

« Vous savez, je ne pense pas que vous ne soyez pas exemplaire. Vous n’avez, certes, pas prêté serment auprès d’un seigneur mais vous avez rempli le rôle qui incombe au chevalier. Vous avez contribué à la sécurité et au bien-être des gens que vous avez rencontré. » Son sourire s’étire. « Et, en ça, je peux vous assurer que c’est un comportement digne de n’importe quel chevalier. »

Il se sent un peu rougir et détourne la tête ; il n’a jamais vraiment osé exposer ainsi sa pensée face à un chevalier si fraîchement rencontré. Mais n’est-ce pas également son rôle, en tant que prince, de rassurer les sujets de sa mère la reine ? Mais est-il seulement à sa place pour porter un tel jugement à voix haute ? Même en temps que prince, il y a des choses qu’il ne vaut mieux pas dire parfois.

Mais, au fond de lui, Basile croit sincèrement que ses propos sont justes.
Auquel cas il confie son châtiment entre les mains de Dieu.

« J’avoue que je vous envie assez. » Il tend la main pour caresser les fleurs endormis du buisson à sa hauteur. « J’aimerais pouvoir, moi aussi, être plus utile. Mais ma marge de manœuvre est quelque peu… restreinte… »

Tant par son âge que par ses connaissances ou, tout simplement, ses prérogatives. Il ne pèse pas bien lourd dans la balance ; à moins que sa mère ne fasse appel à lui, il voit difficilement en quoi son avis pourrait faire pencher la balance en faveur de qui que ce soit. Mais il apprend un peu plus chaque jour pour combler ses lacunes et devenir, il l’espère, prêt à aider la reine si elle le lui demande.

Le jeune prince redresse la tête lorsque Jean change de sujet.
Est-ce que le discours du prince l’a agacé au point de préférer parler d’autre chose ? Sans doute mais il ne montre aucun signe de contrariété. Peut-être n’est-il pas à l’aise de discuter de sujets d’adultes avec un enfant. Parce que c’est ce que Basile doit être aux yeux du chevalier. Et de beaucoup d’autres.

« Hm, je n’ai pas nécessairement de préférence. Les jardins sont entretenus d’une main passionnée. Chaque endroit est un délice pour les yeux. » Il glisse un regard vers le -trop grand- chevalier. « Peut-être désirez-vous vous reposer un peu. Si vous avez dû faire la route jusqu’ici, vous devez être un peu fatigué. »

Il désigne un banc à l’abri à quelques mètres, puis un autre.
Basile pourrait sincèrement être conduit ici les yeux bandés ; il retrouverait son chemin sans trop de mal.

« Il y a un banc ici, ou un autre juste en face d’un petit point d’eau. Il y a parfois des petites grenouilles, mais elles sont assez timides. » Un sourire étire ses lèvres. « Enfin, ce doit être un spectacle bien médiocre comparé aux beautés de la France que vous avez pu voir lors de vos voyages… »

Basile aimerait tant parcourir ce pays qui a vu naître sa tendre mère.
Rencontrer le peuple, goûter les spécialités que l’on lui avoue être variées et délicieuses, contempler les paysages de chaque région…

« Puis-je avoir l’audace de vous demander ce que vous préférez dans cette vie… d’errance chevaleresque ? »

La réponse, spontanée, de Jean quant à l’utilité de Basile surprend le jeune prince. Il le regarde, surpris, et finit par rougir légèrement ; un sourire reconnaissant étire les lèvres du jeune argenté. Il ne peut nier qu’apprendre à être un -potentiel- souverain est une tâche ardue mais il y prend un certain plaisir.

Basile aime apprendre de nouvelles choses, même s’il ne comprend pas forcément toujours de prime abord. Ce qui lui fait défaut c’est surtout son entraînement militaire ; en raison de sa jambe fragilisée par son accident de cheval, il éprouve quelques difficultés lors de ses sessions avec Aimable de Bayard. Mais il s’applique.

Parce que c’est ce qu’on attend de lui ; peut-être pas tout le monde, mais il reste le fils de Victoire de France, sa reine et mère. Et, rien que pour ça, il veut lui faire honneur et lui prouver qu’elle peut compter sur lui.
Et si sa sœur n’aspire qu’à la liberté, alors il prendrait sur lui les responsabilités nécessaires pour qu’elle soit heureuse. Le pouvoir n’est pas son objectif ; c’est le bonheur de sa mère et de sa sœur qui lui importe.

Quand Jean accepte de voir les grenouilles, ses yeux d’enfant brillent d’un nouvel éclat. Rares sont les adultes qui les trouvent amusantes, comme lui.

« Alors venez, que je puisse vous les montrer si elles acceptent de se dévoiler à nous ! »

Et voilà le jeune prince qui prend le chemin du banc désigné plus tôt.
A sa hauteur, il finit par s’y installer, désignant la place à ses côtés pour que Jean s’y installe à sa convenance. Basile l’écoute patiemment, le regard vrillé sur le petit point d’eau en face d’eux en espérant y voir leurs amies les grenouilles.

Basile ne peut réprimer un sourire aux mots de Jean.

« Je pense que je comprends ce que vous ressentez… peut-être avec moins d’intensité mais… »

Il hausse doucement les épaules, baissant légèrement d’un ton. Il ne sait pas vraiment s’il est sage de se confier au chevalier. Il faut trouver les bons mots pour ne pas lui montrer ses faiblesses. Il veut faire bonne impression.

« Je vous envie. Vous êtes libres d’aller où vous voulez comme bon vous semble. Aller à la rencontre du peuple est un luxe que je ne peux malheureusement pas encore me permettre du fait de mon âge et… probablement pour des raisons de sécurité. » Il glisse un coup d’œil vers ses gardes. Il ne les déteste pas, bien loin de là. « J’entends parfois les adultes parler dans les couloirs… J’aimerais pouvoir aller à la rencontre des français pour comprendre dans quel environnement ils vivent et pouvoir leur apporter l’aide et le soutien dont ils ont besoin, moi aussi… »

Finalement, il s’est confié. Trop facilement certainement.

Spoiler:

Choisir ce que l’on veut faire…
Les mots du chevalier ne peuvent être éloignés de la vérité mais Basile doute que cela puisse s’appliquer à lui. Il en a la preuve avec Lallie qui est vouée à un destin qu’elle exècre et qui rêve d’une liberté qui ne pourrait lui être accordée.
Et Basile ferait tout pour lui offrir cet avenir auquel elle aspire… Quand bien même il soit privé de sa propre liberté.

« J’imagine oui… »

Mais il ne peut suivre ce conseil en totalité.
Bien sûr, il est important de pouvoir écouter ce qui nous entoure. Mais d’y croire, c’est une autre histoire. En tant que prince, il ne peut décemment pas accorder crédit à tout ce qu’il entend. Sa place le force à adopter la plus grande prudence vis-à-vis de son entourage. Les traîtres prennent parfois l’apparence de nos plus proches alliés.

Comme Judas avec Jésus.

Il aimerait effectivement pouvoir faire tout ce qu’il désire mais ce serait quelque part égoïste. Et irréalisable. Il y a trop de choses auxquelles il aspire et dont il sait pertinemment ne jamais pouvoir les obtenir.
Perdu dans ses pensées, Basile redresse aussitôt la tête lorsque Jean fait mention d’Aimable. Son regard s’illumine d’intérêt et son enthousiasme se lit sur ses traits encore enfantins.

« Le chevalier de Bayard est votre mentor ? Quelle coïncidence ! C’est mon maître d’armes ! »

Basile affiche un sourire franc et sincère.
Il porte en haute estime son maître d’armes qui, non content de lui enseigner son art, prend également le temps de lui prodiguer quelques conseils. Et également une oreille attentive à ses jérémiades. Si Jean est son élève, il n’y a pas à se demander pour quelle raison Basile se senti si à l’aise en sa présence.

« Comment l’avez-vous connu ? Vous savez, il vient régulièrement au palais pour me dispenser ses enseignements. C’est un homme bon que j’admire énormément. J’espère que je pourrais un jour devenir au moins le quart du chevalier qu’il est. »

Aux premiers coassements des petites grenouilles, Basile se redresse sur son banc mais n’en descend pas. Il ne voudrait pas effrayer ces timides créatures avant même d’avoir eu l’occasion de les observer. Il se penche légèrement en avant, murmurant alors.

« Le chevalier de Bayard m’a montré comment en attraper une, une fois. Je n’ai jamais réussi moi. Il faut être très patient. »