Ce jour-là, il ne faisait pas spécialement beau, mais plutôt gris. Les nuages avaient rempli le ciel dernièrement bleu. Assise sur le rebord de sa fenêtre, elle regardait à travers celle-ci pensivement. Elle ne savait pas pourquoi, mais les jours de pluie elle se retrouvait mélancolique. Soupirant légèrement, la demoiselle posa sa main sur la vitre froide et ferma les yeux avant de poser son front sur la surface. Elle entendit soudainement quelqu’un toquer à sa porte. Elle lui donna l’autorisation d’entrer et vis sa gouvernante avec des vêtements propres pour aujourd’hui. Lisbeth regarda ce que tenait la dame et sourit afin de se lever et de la rejoindre. Par malchance, elle se prit les pieds dans sa robe de nuit et tomba devant la gouvernante qui posa les affaires sur le bureau et l’aida à se relever. Lisbeth ne put s’empêcher de rigoler et se releva en soufflant sur une mèche rebelle et alla enfiler la tenue puis alla se faire coiffer. Par la suite, elle descendit rejoindre ses parents en souriant naïvement. Ce qu’elle était à l’aise chez elle, pas de pression, pas d’inconnu, simplement elle et les personnes qu’elle aime. Elle s’assit à table et déjeuna en leur compagnie puis, une fois terminé, se leva en embrassant la joue de son père et de sa mère et sortit de la maison. Aujourd’hui elle était d’ouverture, sa mère la rejoindrait plus tard.

Une fois arrivée dans la petite ruelle où se trouvait leur boutique, elle ouvrit la porte et rentra. Elle ouvrit les rideaux et tourna la pancarte sur "ouvert". Elle regardait si tout était bon pour les tissus en fredonnant. Le tissu était ok, maintenant le fil... Tant mieux elle n'aurait pas à faire l’inventaire. Elle s’installa par la suite derrière la table ou se trouvait tous ses croquis et ses morceaux de tissu. Elle déposa son sac prêt d’elle et en sortit l’herbier et de la colle pour y mettre une nouvelle trouvaille. Contente, elle le referma alors et le rangea non loin puis accueillit le premier client qui venait chercher une tenue commandée. Lisbeth perdit son sourire et fuit le regard du client pour aller chercher en arrière-boutique la fameuse tenue. Une fois en main elle alla le lui donner sans le regarder et une fois payer, Lisbeth se retrouva de nouveau seule. Dessinant sur son carnet une nouvelle tenue qu’elle venait d’imaginer pour un homme, elle ne voyait plus les heures passer.

Sa mère arriva finalement quelques heures après avec un magnifique sourire. Elle se leva alors pour accueillir sa mère et lui dire que tout le stock était bon et que trois clients sur quatre étaient déjà passés. Sa mère alla aussitôt prêt de son bureau et regarda son carnet de réservation. Apparemment, un nouveau client allait arriver d’ici peu pour une nouvelle tenue. Elle voulut prévenir sa fille pour le rendez-vous, mais celle-ci était trop occupée à faire ses préparations de tissu. Souriant finalement, elle retourna à ses travaux sans dire un mot de plus. Le silence dura un moment, toutes les deux concentré sur leurs activités.

Tout était calme, aucun bruit, on entendait bien évidemment les gens dehors qui parlaient et marchaient, mais dans la boutique, rien. Deux heures passèrent ainsi, il est vrai qu’en début d’après-midi, peu de client venait, les habitués préférés le matin et les curieux en après-midi. Puis Lisbeth finit par se lever pour aller voir sa mère et lui poser une question sur un ensemble. Ils discutèrent ainsi pendant une heure puis Lisbeth se leva pour aller chercher le tissu qu’elle avait finalement choisi. Elle voulait commencer à s’entraîner à faire sa nouvelle tenue d’homme ! Lisbeth se tourna alors vers sa mère, le rouleau dans les mains et un large sourire.

- Mère ! Regardez, ce tissu serait parfait tu ne tro….

Au même moment, la porte s’ouvrit, un léger courant d’air frais traversa la pièce avant de disparaître une fois la porte fermée. Lisbeth se tut aussitôt et tourna les talons pour aller à son bureau. Bon elle avait peut-être exagérée, mais elle n’était pas au courant qu’un nouveau client allait arriver. Regardant sa mère qui arborait un sourire radieux, Lisbeth se sentit trahie et soupira un peu avant de lever légèrement les yeux vers les nouveaux clients. Un homme plutôt adulte accompagné d’un jeune homme aux cheveux blonds qui souriait. Elle détourna alors le regard et découpa un morceau du tissu choisi pour le placer sur la tenue dessinée et posa les autres morceaux. Sa mère commença à s’occuper d’eux en leur présentant leurs différents modèles.

Tous les dessins inscrits sur le recueil avaient été réalisés par Lisbeth et sa mère ne manqua pas de le rappeler. Lisbeth vira au rouge et se racla la gorge pour reprendre contenance et secoua la tête pour faire signe à sa mère d’arrêter de déballer ce genre d’information. Elle savait pertinemment que si sa mère commençait, on ne l'arrêterait plus. Soupirant, elle se leva pour aller chercher un nouveau tissu, feuille en main avec les différents morceaux de tissu. Elle arrivait au niveau du jeune homme et avant même de se rapprocher plus pour accéder au meuble derrière lui, Lisbeth trébucha sur quelque chose et se rattrapa de justesse au mannequin non loin. Elle tourna la tête et remarqua que tout son travail était éparpillé par terre. Elle releva la tête et fit un geste “pardonnez-moi” en baissant légèrement la tête et se baissa pour ramasser, les yeux cachés par ses cheveux marron.

La vie d’une muette n’est pas évidente, enfin, dans le cas de Lisbeth, ce n’était pas vraiment du mutisme général. Elle n’avait pas la force ni même le courage d’aborder les gens. En effet, sa petite adolescence n’a pas vraiment été très simple pour la jeune femme. Tout cela avait engendré une peur chez elle, la peur des gens. Sa voix n’était pas forcément catastrophique, elle était plutôt fluide.. Mais elle disparaissait totalement en présence d’étranger. Le temps était idéal pour les pensées enfouies, celles qu’on ne souhaite pas ramener à la lumière. Notre regard se perd dans l’immensité du ciel et on contemple la beauté de ce gris. Tout ce qui est lumière, finit ténèbre, tout ce qui vit finit poussière. Dans ces instants-là, Lisbeth pense à son existence, est ce qu’elle serait ainsi si l’accident n’avait pas eu lieu ? Parfois, elle s’imagine gambader dans les ruelles en chantonnant, toute joyeuse et innocente de la méchanceté du monde. La réalité était tellement erronée, tout n’était pas si “beau” comme quand on était enfant.. Alors imaginez à 25 ans passés ? Rien n’avait changé au final, tout n’était que fadaise et tristesse. La vie réserve bien des surprises après tout, un jour, on sourit, celui d’après on pleure.

D'abord en repas, puis en magasin, le temps n’était pas passé réellement, vite, enfin si, mais pour la brunette, aucunement. Elle avait travaillé sur ses nouvelles créations, des idées volant par-ci, par-là et qui attise sa curiosité. Face au papier et muni d’un crayon, elle ne s’arrêtait plus. Malheureusement, ses dessins n’étaient que des croquis, elle n’avait jamais eu de Muse qui pourrait l'inspirer réellement. C’était un peu sa détermination qui la rendait aussi créative, c’était le seul endroit où elle était vraiment à l’aise. Dans cet univers, elle est toute seule, dans sa bulle et ne fait plus attention à ce qui l’entoure. Parfois, elle dessine des endroits, parfois des tenues, et rarement des personnes. On dit toujours que chaque artiste puise son inspiration dans ce qui l’entoure, mais c’était clairement pas le cas de Lisbeth.

Plongée dans ses dessins et ses tissus, elle prend un instant de son temps pour regarder les arrivants et retourne dans ses croquis. Le bruit finit par remplacer le silence et la concentration commençait dangereusement à disparaître. Elle finit par se lever pour aller derrière le blondinet et par accident trébucha, renversant son travail. Tout va bien, respire Lisbeth, tout va bien se passer. Elle commença alors à ramasser ses dessins avec empressement. Elle voulait aller vite, mais avec les mains qui tremblaient, cela n’était pas évident. Puis, de son coin d'œil, elle vit quelqu’un se baisser et une main ramasser les feuilles. Elle avait passé tellement d'heures dessus, alors les laisser ainsi lui faisait mal. C’était un peu comme ses enfants, des bébés créés par son imagination. La jeune couturière redressa légèrement la tête pour regarder la personne et en croisant son regard, elle détourna aussitôt le regard. Elle prit les feuilles qu’il avait récupérées en lui faisant un oui de la tête et un non pour dire qu’elle n’avait rien. Elle l’avait vu sourire, cela l’avait perturbé sur le coup. Des sourires, elle avait l’habitude de voir ceux de sa famille et quelques personnes au palais... Mais personne d’autre. La demoiselle serra le petit tas contre sa poitrine et se relève alors en retournant derrière son bureau, se cacher derrière un livre qu’elle plaça devant elle. Sous le regard amusé de sa mère qui ne manqua pas de lui dire une petite réflexion drôle. La demoiselle tira la langue à sa mère et releva légèrement la tête pour voir le jeune homme en face et retourner derrière son livre.

Sa mère était vraiment concentrée sur le premier client et faisait attendre le blond. Plusieurs fois, elle jeta de rapides coups d'œil, mais se ravisa ensuite. Même si elle en avait envie, elle n’arrivait pas à prononcer un seul mot...Trouvant la situation drôle, sa mère se tourna vers sa petite protégée et la regarda, clairement avec de la malice.

- Eh bien, ma fille, tu attends quoi pour t'occuper de deuxième client ? Je suis occupé, j’ai besoin de toi, Lisbeth..

Les joues de la jeune femme devinrent rouges et elle se redressa aussitôt, serrant les poings derrière le livre et lança un regard à sa mère plein de reproches. Celle-ci fit semblant de s’offusquer, provoquant le rire chez le premier client et sa mère. Lisbeth avait honte, elle baissa le regard et prit un cahier avec un crayon. Elle s’avança vers le jeune homme et lui fit signe de la suivre à son bureau. Elle revint alors avec un autre cahier et prit sa plume pour écrire.

- Bonjour monsieur, avez-vous quelques choses de spécial en tête ? Je vous mets les différents modèle.

Tous les croquis présentés dans ce cahier provenaient de l’imagination de la demoiselle. Elle sourit un peu en le déposant devant lui et continue de regarder ses mains, en mettant le bout de papier devant lui pour qu’il le lise. Elle se rappela alors de son impolitesse précédente et reprit la feuille pour gribouiller une nouvelle phrase.

- Et je vous remercie pour tout à l’heure...Je vais bien et mes croquis aussi.

Décidément, sa mère adorait la faire rougir en public. Il est vrai que sans cela, les clients auraient sûrement peur de voir une silencieuse comme elle. Par chance, sa génitrice avait bien l’intention de la décoincer un peu et de lui rappeler qu’elle n’était pas toute seule. Devant le rire des personnes de la boutique, Lisbeth se sentit rougir de toutes ses oreilles. Qu’est-ce que sa mère pouvait être mesquine quand elle s’y mettait. Maintenant, que l’intention était sur elle, aucune chance de pouvoir fuir, elle l’avait bien eu ! Gonflant les joues, elle finit par se diriger vers le jeune homme, un peu anxieux et légèrement fuyard. Elle avait confiance en ses dessins, son talent, mais aucunement auprès des humains, ils lui faisaient un peu peur. Il y a bien des exceptions, Fay par exemple, la beauté et la douceur incarnée, mais il ne fallait pas se fier aux apparences, elle avait un petit caractère qui la rendait adorable aux yeux de la brune. Il est vrai que sans elle, Lisbeth se serait enfoncée dans son silence. Heureusement qu’il y avait des Fay dans ce monde, il paraissait moins vide de sens. Une petite lumière avait grandi dans son cœur, elle sentait quand sa compagnie, elle surmontera ses plus grandes peurs. Montrant alors les différents croquis regroupés dans un petit livre, elle alla directement aux modèles pour hommes et lui tendit le tout. Il est rare qu’elle fasse des dessins pour hommes, mais cela lui arrivait depuis quelque temps. Elle avait l’habitude de dessiner des robes et tenues de femmes, ceux des hommes étant un vrai mystère pour elle. Ses dessins n’étaient pas aussi parfaits que ceux destinés aux femmes, mais on voyait bien la patte de la dessinatrice s’améliorer à chaque dessin.

Un petit silence se répandit dans la boutique, sa mère échangeant avec son client, la laissant complètement seule face à ce nouveau client. Au premier coup d'œil, la jeune couturière devina qu’il n’était pas riche, qu’il n’avait pas forcément les moyens pour se payer ce genre de vêtement. Heureusement, dans leurs boutiques, il y en avait pour tous les budgets, surtout des assez bas. Leur boutique était connue par les habitants de la ville comme étant une bonne boutique. Enfin, en oubliant le monstre de foire qu’est Lisbeth. Ses mains se crispent instinctivement, ce n’était pas le moment d’y penser. Elle retourna son attention sur le blondinet, remarquant avec habitude la surprise de celui-ci dans son regard. Elle avait l’habitude maintenant, cela ne lui faisait presque plus rien...Enfin, c’est ce qu’elle aurait aimé penser. Chassant cette mauvaise pensée de son esprit, elle plongea son regard quelques instants dans celui du blondinet et fut un peu surprise par tous les compliments et la gentillesse que dégagent ses paroles. Avec cette simple réplique, Lisbeth ressent la passion du jeune homme à travers les travaux manuels. Un léger sourire se dessina sur ses petites lèvres et elle le cacha rapidement de sa main, mimant un grattage de nez. Cacher sa gêne check ! Elle reprit son carnet et recommença à écrire dessus, se mordillant discrètement la lèvre, il avait touché le point d’intérêt de Lisbeth, quand on parle de travaux manuels, Lisbeth adore en parler. Elle tendit de nouveau le cahier avec sa nouvelle réplique, sortant par la suite des feuilles volantes de son sac, les posant à côté du recueil que le blondinet regarde.

- Eh bien, en effet, c’est moi qui les ai faites... Cela ne fait pas si longtemps que je m’exerce sur les tenues pour homme...C’est amusant, cela me permet de m’évader un peu... Oublier les problèmes.

Elle sourit un peu avant de pencher légèrement la tête sur le côté, se mettant de nouveau à réfléchir en regardant le jeune homme. Elle plissa un peu les yeux et pencha la tête de l’autre côté, prenant un papier et un crayon et commençant à hypothétiser les mensurations du jeune homme, ainsi qu’écrire les couleurs et habits qui pourraient lui aller. Il avait besoin de conseils ? Alors Lisbeth allait tout faire pour répondre à ses questions et proposer avec efficacité et précision des tenues adéquates. Elle avait donc bien deviné sur la richesse du blond, pas que cela l'a gênée, loin de là, il était assez élancé et mignon dans un sens. Elle chercha alors dans son tas de feuilles des tenues plutôt jolies, qui le mettraient en valeur et dont le prix serait abordable. Elle remit les feuilles inutiles dans son sac et lui tendit le petit tas avec un petit sourire. Elle se tourna alors pour aller chercher sur une table un mètre ruban pour passer aux mensurations et poser le tout sur la table. Elle avait déjà une petite idée de ce qui lui irait à merveille.

La demoiselle entendit par la suite le petit reproche de Lycoris de ne pas le vouvoyer, elle baissa un peu la tête avant de se mordiller la lèvre et de finir par hocher la tête. Elle finit par relever la tête et plonger son regard dans le sien, souriant doucement et lui tend son carnet de parole.

- Bon d’accord, alors appelez moi Lisbeth dans ces cas-là Messire Lycoris! Pour la suite des événements, j’ai besoin de prendre vos mensurations. Pour ce qui est de la tenue, je pense qu’un beau bleu, vous irez à merveille.

Elle se rendit compte qu’elle avait encore vouvoyé et récupéra son carnet pour barrer les vous et les remplacer par du tutoiement. Au même moment, sa mère arriva alors par la suite et s’amusa à ébouriffer ses cheveux. La jeune femme eut un sursaut de surprise et instantanément, enleva ses mains en signe de désaccord, faisant la moue. Sa mère continua un peu en lui embrassant le front et retourna près de son client, jetant un clin d'œil à sa fille. Lisbeth se cacha derrière un cahier et laissa apparaître un sourire gênée à Lycoris. La voilà bien embarrassée, pourquoi s’amusait-elle à faire cela.

- Ma mère est quelque peu...Taquine, elle aime bien m'embêter pour que je sois plus à l'aise...Elle pense que c'est sa faute si je suis ainsi...Enfin voilà ! Si tu veux bien me suivre avec les modèles qui te plaisent, je vais m'occuper de faire les mesures.

Lisbeth travaillait parfois dans la boutique, quand elle avait un peu de temps libre et lorsque sa mère avait besoin de son aide. Il est vrai qu’elle ne passait pas aussi souvent qu’elle le souhaitait, mais dans des moments de saturation, venir ici lui faisait un bien fou. Voir des clients totalement différents et qui ne faisait pas partie de la noblesse, cela lui allait bien mieux. Elle adorait son travail, évidemment, pourquoi le détesterait-elle ? Mais parfois, c’était dur de son côté, son handicap n’était pas aussi simple à vivre. Alors, oui, elle passait son temps à dessiner, à imaginer, pour espérer fuir tout ce qui lui faisait si mal. Cachant ses moments de faiblesse et de rougissement, elle espérait sincèrement que Lycoris ne l’avait pas remarqué. Un rapide coup d'œil, elle ne vit rien dans son regard, alors elle soupira de soulagement et se détendit. C’était assez agréable dans un sens, cela la rendait un peu plus humaine, moins bête de foire. Leurs échanges étaient naturels malgré l’absence de voix venant d’elle. Ce n’était pas toujours facile de communiquer par carnet, mais en dehors des mauvaises personnes, la majorité était plutôt compréhensible. Devant les paroles de Lycoris, la demoiselle se remit à rougir, plus discret cette fois, elle finit par esquisser un petit sourire et hocha la tête. Il est vrai que sans cela, Lisbeth serait probablement une coquille bien vide, une question lui passa alors dans sa petite tête, est ce que lui aussi avait une passion qui lui permettait de s’évader comme elle ? Est ce qu’elle avait au moins le droit de poser ce genre de question ? Après un instant de réflexion, elle secoua la tête et préféra oublier cette demande.

Sa mère apparut au même moment, alors qu’elle venait de lui poser une question pour la suite du rendez-vous. Il est vrai qu’il lui fallait des informations sur ses mensurations et ses goûts. Pendant un instant, elle le vit intriguée, mais avec l’apparition soudaine de sa maternelle, son attention se tourna vers elle et se surprit à gonfler les joues. Parfois, cela la gêne de la voir réagir ainsi envers elle, mais que pouvait-elle faire à part gonfler les joues et faire son enfant ? Elle n’était plus une enfant, elle avait bientôt 30 ans et elle devait être traitée comme telle...Mais à chaque fois, sa mère lui disait qu’elle n’était encore qu’une enfant à ses yeux. Comment pouvait-elle rétorquer après cela ? Lisbeth aurait pu perdre sa mère sur cette plage, à cette pensée, une sueur froide la traversa. Elle était tellement dirigée vers sa mère qu’elle oublia un instant la présence de son client. Tournant la tête, elle le vit serrer les poings et laisser apparaître sur son visage une douleur qu’elle ne reconnaissait pas...Est ce que cela venait du comportement de sa mère vis-à-vis d’elle ? Pourquoi réagissait-il ainsi ? Lisbeth pencha la tête sur le côté. Le visage de Lycoris se transforma par la suite en un sourire et elle cligna un peu des yeux pour être sûre qu’elle ne rêvait pas et laissa tomber pour afficher finalement un sourire et écrit avant de lui montrer son carnet.

- Ce n’est pas évident parfois, mais cela détend l’atmosphère en effet. .

Elle osa un léger rire avant de se tourner pour cacher son visage et aller prendre son morceau de tissu pour mesurer, mettre son crayon derrière son oreille, son carnet dans sa petite poche de tablier et enfin son morceau de bois pour les bras et les jambes. Prête à le mesurer, elle sentit l’incompréhension du blondinet dans sa remarque et lui montre alors les différents accessoires en souriant. Elle prend ensuite son carnet et explique assez rapidement, comme pour le rassurer malgré sa confiance.

- Alors je vais juste noter les différentes mesures que je récolterais avec ce morceau de tissu et ce morceau de bois. Viens suit moi, je vais te montrer.

Elle lui saisit doucement le poignet et le traîna à sa suite, le lâchant une fois dans la petite pièce et déposa son carnet sur la table à côté. Elle lui fit signe de se mettre devant elle et lui fit signe de ne pas bouger.

- Là, je vais mesurer tes jambes pour voir combien elles font. Cela va me permettre de faire un pantalon à ta taille. .

Elle se baissa un peu et prit le bâton pour le poser contre la première jambe de Lycoris, regarde le nombre et se redresse, faisant de même sur la deuxième. Une fois terminée, elle nota les mesures sur son petit cahier et sortit son morceau de tissu pour faire le tour de la cheville, du genou et de la cuisse. Sérieuse dans ses analyses, elle ne le regardait pas, se concentrant pour ne pas faire d’erreur. Elle fit pareille avec le bras puis s’étira et calcula de ses doigts pour être plus précise. Lui montrant son carnet à chaque parole.

- Grâce à ce morceau de tissu, je vais prendre les dernières mesures au niveau de ton torse et de tes épaules. C’est bientôt fini !

Elle sourirait et regarda si elle avait tout. Dans un froncement de sourcil, elle remarqua qu’il manquait une mesure pour la taille et lève le regard sur la taille du blond, prend le tissu qu’elle avait et passe ses bras autour de la taille de Lycoris pour ensuite ramener les deux bouts du tissu vers elle et le noter. Elle dépose ses outils sur la table et se tourne vers Lycoris, lui montrant son carnet de mesure et note à côté à quoi cela correspond, lui expliquant par la même occasion.

- Voilà à quoi cela sert les mesures, cela me permet de pouvoir créer avec justesse une tenue qui te conviendrait corporellement. Tu as des questions ?

Quelques rougeurs sur ses joues apparaissent légèrement, un peu cachées, mais néanmoins visibles avec un peu d’attention.

Lisbeth était la seule enfant de cette famille. De ce fait, ses parents étaient très intentionnés et prévenants envers elle, la surprotègent même. L’aidant à surmonter son traumatisme d’enfance, Lisbeth se retrouvait parfois dans des situations cocasses, mais jamais bien dangereuses. Après avoir tout fait pour l’aider et trouver une solution pour la sortir de son mutisme, ils finirent par abandonner, aucun remède ne pouvant aider leurs enfants. C’est ainsi que sa mère, douce et gentille, la taquinait au travail, pour espérer la mettre à l’aise et entendre de nouveau sa voix en dehors de la maison. Lisbeth le savait, mais ne pouvait rien y faire. Dès qu’un étranger entré dans la boutique, la couturière se taisait, renfermant en elle une voix qui était aussi précieuse que son talent pour la couture. Au grand désarroi de sa mère qui, malgré ses tentatives, n’arrivait pas à l’aider. Cela faisait tellement d'années maintenant, comment pourrait-elle redevenir comme avant ? Il est vrai que Lisbeth se plaignait souvent du comportement de sa maternelle, mais au fond, elle ne lui en voulait pas, comprenant le pourquoi. Elle était touchée par tant d’attention provenant de sa mère, mais comme l’avait dit son père, ce sera le temps qui apportera des changements sur leurs filles.

C’est dans cette optique que la jeune couturière se donna à fond dans son travail, pour essayer de combler ce défaut. Dans ce monde, être handicapé comme elle lui apportait pas mal de problème, en dehors des moqueries et des mépris. La tête haute, Lisbeth se battait pour ne pas sombrer dans la mélancolie, même si parfois, cela devenait insupportable pour elle. Mais bon, malgré tout, Lisbeth avait réussi à se faire une place, même infime, lui permettant de se faire apprécier de certaines personnes et fidélisant une clientèle qui apprécie son côté créative et décalée. C’est pour cela qu’en ce jour, Lisbeth allait donner son maximum pour offrir une tenue unique à ce nouveau client : Lycoris.

Le début ne fut pas si évident et pourtant, il fut très prévenant envers elle et lui offrait des sourires vraiment tendres et chaleureux. Face à cette personne si bienveillante, comment ne pas se sentir un peu plus à l’aise ? L’entrainant dans une autre pièce, elle n’entendit qu’un murmure provenant de son invité, mais ne put en comprendre le sens. Une fois installée, elle commença sa besogne en prenant chaque mensuration et les notant sur son carnet. Sourire aux lèvres avec un zest de concentration, elle faisait de son mieux pour l’aider à comprendre ce qu’elle faisait. Ce n’était pas évident d’expliquer les termes qu’elle employait malgré toute la bonne volonté. Pour pallier ce problème, elle expliqua avec précision chaque chose. Le corps quasi notifié sur son carnet, elle passa au calcul de sa taille. Innocente dans ses gestes, elle ressentait la chaleur et la proximité de ce geste. Oreille contre torse, elle finit enfin ses mesures et se redressant, se rendit compte de la proximité et devint légèrement rouge. Redressant la tête, elle remarqua également les rougeurs de Lycoris et tourna la tête. Même si elle ignorait pas mal de chose sur la vie, elle n’avait jamais vu un homme et une femme aussi proche...Enfin si, avec les autres clients, Lisbeth n’avait pas ressenti une si grande gêne. D’un coup, elle soupirait de soulagement en ne voyant pas sa mère dans les parages. Si elle était apparue à ce moment précis, c’était sûr à 1000 % qu’elle la taquinait pendant un long moment, même à la maison.

Il n’avait pas d’autres questions ? Elle laissa apparaître un petit sourire et chassa de son visage ce moment de rougeur, essayant de reprendre contenance. Elle avait bien remarqué le sourire gêné derrière la main du blondinet en face d’elle, avait-elle fait une chose aussi déplaisante ? En même temps, avoir un contact si proche devait être gênant pour les autres. Intérieurement, elle nota cette impression et se promit d’y réfléchir pour éviter ce genre de choses à l’avenir.

Les notes se transforment en informations importantes, elle réfléchit un instant et commence à gribouiller quelques éléments sur ce bout de papier. Couleur, style de vêtement, coupe, elle n’omettrait rien. Concentrée, elle sursauta un peu en entendant les paroles de Lycoris et réfléchit de nouveau en le regardant longuement et se retourna pour aller fouiller dans ses croquis. Elle avait bien commencé à en dessiner quelques-uns, mais par rapport à son catalogue de femme, elle n’avait pas encore beaucoup d’exemple. Après un moment à fouiller, elle se tourna alors victorieuse. Quelques feuilles dans ses mains, elle les dépose sur la table non loin et les affiche avec douceur. Elle prit par la suite son carnet et écrivit dessus avec agilité.

- Eh bien, au vu de ta corpulence et de tes mensurations, je pense que des vêtements assez simples, mais avec quelques décorations soignées pourrait être intéressant.

La passion se lisait dans son regard, montrant ainsi qu’elle aimait vraiment dessiner des vêtements. Tournant sur elle-même, elle semblait chercher quelque chose, mais impossible de mettre la main dessus. À tous les coups, c’était sa mère qui avait mis son nez dedans. Gonflant les joues, elle commença à fouiller et se rappela soudainement que le blondinet était debout. Avec empressement, elle alla chercher une chaise et le fit s'asseoir avec précaution. Une fois fait, elle hocha la tête et se remit à chercher. Bon dieu, il était où son carnet de dessin spécial ! Telles une tornade, Lisbeth finit par mettre la main dessus et laisse apparaître un sourire.

Revenant vers le jeune homme, elle déposa son carnet sur la table et commença à fouiller dedans avant de trouver la section qu’elle cherchait. Il est vrai qu’elle n’avait pas eu beaucoup d'occasion de travailler avec des hommes, alors elle allait en profiter aujourd’hui ! Se tournant vers Lycoris, elle fit un large sourire et lui tendit son carnet de parole avec un enthousiasme apparent.

- J’ai plein de modèles en stock...Des voyants et des plus simples ! D’ailleurs, cela te dirait de devenir mon modèle ? Je n’ai pas beaucoup d'occasions de travailler avec des personnes aussi belles et chaleureuses que toi ! Oh et bien évidemment, tu y gagnerais des choses ! J’ai tellement d'idées !!! S’il te plaît dit ouiiiiii !

Serrant les mains tel une prière, elle opta pour la technique ultime de la douceur et de la supplication : attaque d'yeux de chiens battus ! Les yeux brillants, elle faisait une moue adorable pour essayer de le convaincre. Elle avait vraiment envie de travailler avec lui, en plus de cela, il était vraiment parfait pour cela. Que ce soit son visage, son caractère, tout chez lui apportait une raison suffisante pour faire une collaboration. Soudain, elle se rend compte de sa demande et sous la panique, écrit quelques choses avant de lui tendre, la panique se lisant sur son regard.

- Dé...Désolé c'est peut-être trop soudain...Je n'ai juste pas beaucoup l’occasion de pouvoir faire ce genre de chose...Et si vous voulez je pourrais vous apprendre à dessiner ou alors autre chose ? .

Tout se passait bien, Lycoris avait l’air un peu plus à l’aise maintenant. En le regardant réagir positivement et lui offrant de beaux sourires, Lisbeth le trouvait vraiment adorable. Elle n’avait pas eu beaucoup d'occasions de croiser une personne aussi démonstrative, c’était un peu une première. Elle qui était d’ordinaire pleine de vie, face à ce genre de personne, elle ne pouvait l’être que bien plus. Il aimait les choses simples ? Pas de problème, elle en trouverait des plutôt simples. Dans ce tas de croquis, elle allait bien finir par en trouver, non ? Heureusement, sa mère n’était pas passé par là...Enfin, si, elle avait mis son nez dans ses affaires. C’était assez compliqué de retrouver les choses lorsqu’elle passait par là. Combien de fois lui avait-elle dit de ne rien toucher ? La voilà en train de fouiller partout et remettre le bazar dans son petit coin de paradis. Intérieurement, elle nota dans un coin de sa tête d’en toucher deux mots à sa mère. Une fois les papiers éparpillés un peu partout et des échantillons de tissu envoyés valser sur le sol, la voilà enfin en possession de ses biens. Souriante, elle n’avait pas vraiment fait attention à ce que pensait Lycoris de son côté tornade. Parfois, elle l’entendait rire, mais pas un rire moqueur, c’était plutôt quelque chose d’innocent. Il est vrai que vue de l’extérieur, ce genre de scène devait être bien comique à regarder. Un peu gênée, elle rougit légèrement, cachée derrière une chevelure auburn très appliquée. Au moins, il passait un agréable moment, c’était le principal.

Quelques instants plus tard et les papiers en main, elle se tourna vers le blondinet, un sourire radieux sur son visage. Après une longue bataille acharnée, la voilà victorieuse ! “Tu ne m’auras jamais, vile rangeuse d'affaires" pensa-t’elle. Une fois sûre de tout avoir, elle écrivit une demande bien particulière et peut-être égoïste. Étant couturière, elle avait la chance d’avoir des connaissances qui pouvaient l’aider lors de ses créations, mais au niveau masculin, elle n’en connaissait que très peu. Yeux de biche, moue adorable, tout était mis en place pour le faire accepter. Était-ce de la triche ? Complètement ! Mais au fond d’elle, Lisbeth le voulait comme modèle. Que ce soit physiquement ou caractériellement, on ne pouvait pas mentir, c' était vraiment une bonne et belle personne. Devant sa demande, son interlocuteur tourna sa tête, soudainement rouge. Oh non, sa demande l’avait gênée ? Se pinçant le bras, elle baissa la tête, cachant ses yeux derrière une mèche rebelle. Avait-elle poussé là encore ? Ce n’était pas son but, elle voulait vraiment travailler avec lui. Un peu triste, elle s’excusa rapidement, ne sachant pas où se mettre.

Dans ce moment qui dura assez longtemps, elle posa quelques regards timides vers le blondinet, le voyant encore avec des rougeurs sur les joues. Bon au moins, il n’avait pas l’air contre cette idée. Mais à ses paroles et à sa surprise se dessinant dans ses yeux, la jeune couturière aperçut un sentiment qu’elle ne connaissait que trop bien. Il n’était clairement pas habitué à ce qu’on lui dise qu’il était beau... Aurait-elle dû se taire et ne rien écrire ? Elle avait l’habitude de dire ce qui lui passait par la tête. Il se mit alors à parler pour lui dire merci. Ces simples mots lui réchauffent le coeur, adoucis par une honnêteté qu’il était plutôt rare de voir ici.

Après cela, un nouveau silence envahi la pièce, une absence qui rendit nerveuse la jeune femme. D’ordinaire, elle aurait rigolé et aurait dit que c’était pour rire, n’aimant pas amené un malaise tel que celui-ci. Serrant les mains sur ses papiers, elle faisait attention à ne pas les froisser non plus. Ce n’était pas simple à déchiffrer ce genre de silence...Était-ce positif ou négatif ? Ce n’était pas vraiment clair, mais la jeune femme se tut, attendant que celui-ci ouvre la bouche pour lui répondre.

Elle allait écrire sur son carnet pour s’excuser de nouveau, mais la voix de Lycoris la fit se stopper avant même qu’elle ne commence. Redressant son regard marron, la demoiselle écouta attentivement et elle ne put s’empêcher de sourire. Elle avait vue juste, il n’avait pas l’habitude de ce genre de compliment. Il ne savait pas comment faire le modèle ? Aucun souci, elle allait lui apprendre, ce n’était pas le plus compliqué ! Et puis peut-être aura t-il des idées ou des propositions ? A cette idée, Lisbeth sautilla presque de bonheur. Avoir un modèle allait lui apporter un grand plus. Dans ses yeux, elle voyait qu’il avait vraiment envie d’apprendre le dessin. Elle n’était pas spécialement une bonne professeur, mais elle ferait de son mieux ! Prenant son carnet, elle répondit alors à la question de son interlocuteur.

- Il n’y a aucun souci, tu peux venir quand tu es disponible et quand tu en a l’envie ! Je ne suis peut-être pas la meilleure des professeurs, mais je ferais tout pour t’aider ! Je suis tellement contente, c’est la première fois que je demande à quelqu’un de devenir mon modèle, j’ai tellement hâte !

Elle sentait bien qu’il n’avait pas vraiment confiance en lui, Lisbeth se donna alors comme mission de l’aider à en avoir un peu plus. Chacun avait son petit papillon interne. Certains l’avaient déjà trouvé mais d’autres le cherchaient encore. Réfléchissant à sa demande, elle finit par secouer la tête et lui explique alors avec un petit sourire.

- Il n’y a aucun souci, je m’adapte à tes disponibilités ! Tant que tu t’amuses et que tu passes un bon moment, tout me va ! Tu vas voir, c’est super ! Oh et ne t’en fais pas, ce n’est vraiment pas compliqué, c’est même assez simple ! Tu comprendras vite !

Tout sourire, elle se rapprocha alors et tendit sa main pour finaliser le marché. Même si cela n’était pas écrit, ce simple geste était pour elle le plus sincère. Penchant un peu la tête, elle attendit qu’il la serre et finalisa ainsi l’accord. Au même moment, une voix se fit entendre prêt de la porte de la pièce et un visage apparut.

- Lisbeth, tu as mis où le tissu qu’on a reçu il y a quelques jours...Ohlalala, je dérange ! Ne faites pas attention, faites comme si je n’étais pas là ! Ohlala ma petite chérie grandit si vite !.

Sa mère s’éclipse en riant, laissant derrière elle une jeune femme toute rouge et regarda leurs mains. Devenant encore plus écrevisse, Lisbeth gonfla les joues et l’envie de lui crier qu’elle n’était plus une enfant. Lâchant la main de Lycoris avec lenteur, elle se tourna alors et toussa un peu, se mettant à chercher parmi ses croquis, un état de gêne l’empêchant de le regarder dans les yeux.

Elle avait enfin réussi à trouver quelqu’un qui accepte sa proposition de modèle. Même si elle n’avait pas vraiment osé poser la question à d’autres personnes, elle ne ressentait pas cette approche si naturelle. Seule face au monde, elle avait du mal à être acceptée avec ce qu’elle avait. Cependant, cela ne l’empêcha pas de vivre ses rêves comme elle l’entendait et de faire ce qu’elle croyait juste. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour enfin faire cette proposition, même si elle n’était pas vraiment sûre d’elle, la demoiselle était plutôt heureuse de voir qu’il avait accepté. Acceptant sans réticence ses disponibilités, la demoiselle était satisfaite. Des modèles féminins, elle en avait, évidemment, mais aucun masculin. Ce serait une grande première pour elle et au fond, elle était vraiment impatiente de passer à la suite. Lisbeth se doutait bien qu’il n’eût aucune expérience dans le domaine, mais elle n’avait pas de soucis à se faire pour cela, elle y arrivera sans soucis. Le plus important, c’est qu’il passe un bon moment et qu’il s’amuse, surtout avec les multiples maladresses qui peuvent prendre la jeune femme parfois. Par chance, cela n’était pas si fréquent, mais avec sa chance, tout pouvait arriver. Souriant finalement à cette réponse positive, elle était plus qu’impatiente de commencer. Que ce soit pour la confection ou la création de patterns, Lisbeth allait tout donner.

Voilà une bonne chose de faite, un poids venait de s’enlever. Souriante et pleine de joie, la demoiselle attendit patiemment qu’il lui serre la main pour sceller cet accord. En regardant le visage du jeune homme, elle ne pouvait nier qu’il avait un sourire vraiment charmant et une aura apaisante. C’était assez agréable de lui parler et sa candeur était vraiment appréciable. En y regardant de l’extérieur, la scène pouvait paraître assez enfantine, mais pour la couturière, c’était ce qui la caractériser, une jeune femme talentueuse qui aimait exprimer ses émotions. Leurs mains jointes, elle la serra avec douceur et fut surprise de sentir qu’elle était encore plus chaleureuse qu’elle ne l’aurait cru. Cet instant ne dura pas vraiment longtemps, mais une personne récurrente intervient pile à ce moment, amenant gêne et malaise. Décidément, elle adorait la mettre dans tous ses états ! Un jour, elle lui rendrait l’appareil ! Aussi rouge qu’une pivoine, elle n’osait pas regarder le blondinet, ce n'était pas le bon moment pour cela.

Lâchant la main du jeune homme, elle s’était tournée pour ne pas montrer sa gêne. Bon dieu, que sa mère pouvait être sans gêne ! Ce n’était qu’une poignée de main, pourquoi était-elle en train d’imaginer ce genre de chose ! Ce n'est pas comme s'ils se trouvaient dans l’un de ses romans qu’elle avait dévorée ou l’amour entre deux personnes différentes éclataient soudainement...Et la voilà en train d’imaginer de multiples scénarios. Nuit étoilée, promenade sous la pleine lune, vent frais et ambiance romantique. Elle était en train de divaguer complètement. Secouant sa tête en faisant mine de ne pas trouver ce qu’elle cherchait, il fallait qu’elle se sorte ses idées farfelues de sa tête. Se cachant littéralement du regard potentiellement surpris de son modèle, la couturière ne voulait pas se retourner, de peur d’afficher un visage encore une fois rouge. Combien de fois avait-elle montré ce visage aujourd’hui ? Elle ne les comptait plus vraiment. Qu’est ce qu’il allait penser d’elle maintenant ? C’était vraiment pas possible, vive la réputation que sa mère allait lui donner si elle continuait ainsi !

L’atmosphère était devenue tellement oppressante, le coeur de Lisbeth battait à tout rompre alors qu’il n’y avait pas lieu d’être. Elle allait fâcher sa mère une fois terminée, elle ne pouvait pas frapper aux portes comme tout le monde, non ? C’était trop demander ! Un silence s’installa de nouveau. Puis Lycoris le cassa en reprenant la parole, parlant tout d'abord de sa mère. Pleine d’énergie ? Il n’avait encore rien vue, elle était oppressante parfois, mais pas méchante. Elle ne cherchait que le bonheur de sa fille, que ce soit avec richesse ou non. Il n'avait pas compris le sous-entendu ? Lisbeth soupira de soulagement et prit une grande inspiration pour faire disparaître ses joues rouges et s’arrêta sur ce qu’elle était en train de faire. Il la remercia ensuite pour cette proposition et lui posa quelques questions par la même occasion. C’est vrai qu’elle ne travaille pas tout le temps ici, au vu de son emploi au château. Faisant mine de réfléchir, elle se tourna alors, un air encore en pleine réflexion sur le visage. Finalement, Lisbeth secoua la tête et sourit doucement, de nouveau naturelle, tendant son carnet.

- Eh bien, je suis contente que tu aies accepté, je te remercie du fond du coeur Lycoris. Pour ce qui est de ta demande...Je ne pense pas que cela pose problème. Je suis ici quand je peux, comme j’ai un emploi de couturière en chef au château...Si jamais tu viens quand je ne suis pas là...Je pense que tu pourras venir devant les portes du château pour me faire appeler…

Elle se remit à réfléchir et fronça un peu les sourcils avant de redresser la tête, sourire aux lèvres et ses yeux lumineux et reprenant son carnet pour se remettre à écrire dessus.

- Sinon je sais, comme je ne travaille pas toute la journée au château, j’aide souvent ma mère après le travail et parfois jusqu’à pas d’heure. Si cela te convient, peut on peut voir à ce moment-là ? Sachant qu’en plus y a des moments où j’y suis toute la journée ! Cela pourrait être une idée ! Tu en penses quoi ?

En pleine satisfaction, elle avait coupé la parole du jeune homme pendant sa réplique et se stoppa devant ses paroles. Flatté ? Cette idée la rendait légèrement confuse, faisant tomber son crayon sur le sol. Le bruit de celui-ci la ramena à la réalité et se pencha aussitôt pour le regarder. Cachant du mieux qu’elle pouvait ses soudaines rougeurs, elle devait arrêter d’être si émotionnelle à la moindre phrase. Elle plongea par mégarde son regard dans le sien et sursauta un peu en l’entendant rire. Il plaisantait ? Quel coquin dit donc ! Gonflant les joues comme un hamster, elle s’approcha pour lui pincer la joue avec douceur et finit par rigoler aussi avant de hocher la tête à sa dernière remarque

- En effet, un vrai challenge, mais je pense que cela sera possible ! J’ai hâte d’y être...Oh, d’ailleurs, tu veux boire quelque chose ? Mon père m’a ramené du thé de son voyage dans le sud de la France, apparemment, il est excellent ! D’ailleurs, tu ne m’a pas dit quelle tenue tu préfères ! Si tu veux, je te laisse regarder le temps que je prépare tout cela ?

Pleine d’entrain, la jeune femme attendit sa réponse et une fois celle-ci donnait, elle se dirige vers la petite pièce au fond de la salle.

C’était vraiment agréable de pouvoir parler avec une personne aussi gentille et attentionnée que Lycoris. D’ordinaire renfermée, elle se sentait vraiment à l’aise et se permettait même de le taquiner. C’était drôle de le voir rougir autant qu’elle pouvait le faire. D’ailleurs, en termes de taquinerie, il n’était pas si innocent non plus. À le voir faire, Lisbeth sentait au fond d’elle qu’il prenait un plaisir certain à la mettre dans tous ses états. Elle se promit qu’un jour, elle prendrait sa revanche, rira bien qui rira le dernier ! Pendant un instant, après leurs rires, elle sentit une mélancolie s’évader du blond, comme si des souvenirs lui revenaient en tête. Avec ce détail, elle en conclut que quelque part dans leurs échanges, un précieux moment lui était revenu. Est-ce qu’il en souffrait, pourquoi était-il si triste ? Elle se sentait touchée par son expression, mais ne dit rien, préférant amener un nouveau sujet sur la table. Lui proposant du thé tout en lui indiquant quelques solutions qui lui semblaient intéressantes, elle se rattrapa quelques fois pour réussir, préférant proposer tout ce qui lui passait par la tête et trouver un terrain d’entente pour leurs collaborations.

Il expliqua de nouveau que son travail avait des horaires changeants et que parfois, il avait des journées de repos. Lisbeth nota cette information dans sa tête et réfléchit à une idée, mais rien ne lui venait. Décidément, dès qu’il s’agissait de s’organiser, la couturière avait le don de s'emmêler les pinceaux. Au moins, il était motivé et bienveillant à son égard, donc elle ne risquait rien avec lui, elle en était persuadée. Se dirigeant vers la pièce du fond, elle accrocha le petit rideau contre la poutre en bois et une fois fait, se dépêcha de faire réchauffer l’eau en faisant attention de ne pas se faire mal. Écoutant les dires de Lycoris par rapport à la tenue qu’il choisirait, elle sourit un peu. Il était aussi tête en l’air qu’elle ? Était-ce possible ? Le hasard fait bien les choses. Sortant deux tasses qu’elle déposa près d’elle, Lisbeth sortit enfin le thé ramené par son père et fut agréablement surprise par l’odeur émanant du petit sac en tissu. Un mélange de fleurs, de feuille et de pépins de fruit, une odeur vraiment apaisante. Examinant le tout, elle attendit que l’eau finisse son petit chemin et agrippa d’une main habile les deux boules à thé cachées dans un des tiroirs.

L’eau chaude prête, elle mit le thé dans les contenants, les referma et les plaça dans la tasse avant d’y verser l’eau. Pendant ce temps, elle entendait quelques bruits de papier derrière elle. Choisir une tenue n’était pas vraiment évident, surtout pour une personne qui ne portait pas ce genre d’apparat. Mais elle ne s’en inquiétait pas, elle avait confiance en Lycoris, il trouvera son bonheur dans ces croquis. Une fois les tasses prêtes, elle revint vers lui, déposant précautionneusement les deux récipients sur une petite table à côté.

Une fois sa mission accomplie et sans accro, la demoiselle se rapprocha de Lycoris et passa sa tête par-dessus son épaule pour voir ce qu’il avait choisi. Heureusement qu’elle était légèrement plus grande que le blondinet, sinon elle n’aurait pu voir ainsi le dessin choisi. Souriant, elle se dégagea de cette position et se mit à côté de lui, examinant le croquis et hochant la tête. Il avait bien choisi, elle avait eu raison de le laisser choisir ainsi. La tenue était vraiment simple mais élégante, cela lui irait à merveille ! Toute contente, elle tapota l’épaule de Lycoris et sourit doucement, lui tendant son carnet pour qu’il lise.

- Le thé est prêt, fait attention, c’est chaud, je te conseil d'attendre un peu ! Je m’occupe de préparer le tissu pour la prochaine partie. Je te kidnappe le croquis héhé.

Elle ferme son carnet et se saisit de la feuille, tirant la langue et allant devant son étagère à tissu. Examinant chaque texture avec un œil expert, elle toucha, analysa et trouva enfin le premier tissu, répétant l’affaire deux autres fois. Les tissus maintenant disposés sur la table, elle les plia convenablement en posant le croquis par-dessus et déposa près de celui-ci son petit carnet contenant les mesures prises plus tôt. Revenant vers le blondinet, Lisbeth se rendit compte que son canapé était encombré et se dépêcha d’enlever les affaires. Posant ses mains sur les épaules de son modèle, elle le fit s'asseoir et s’assit à côté, rapprochant la table pour qu’il puisse mélanger l’eau et le thé et enlever la boule à thé.

- Il faut que tu mélanges aussi et après, tu enlèves la boule à thé ! Attends, je vais te montrer !

Déposant son carnet à côté d’elle, elle prit l’une des tasses, touillant avec l’objet et une fois terminé, le déposa sur un petit récipient disposé sur la table et souffla doucement sur l’eau chaude pour la refroidir un peu et lui tendit innocemment.