Petite pause autour d'un bon thé !

Quelques jours plus tôt : appartement du chevalier Elros Brindal

Assis paisiblement dans son fauteuil qu’il avait récupéré chez sa marâtre, le chevalier était en pleine relecture de ses différents récits. Notant toutes ses mésaventures sur un carnet bien caché dans sa chambre, Elros soupirait un peu. En dehors, du fait qu’il n’était pas vraiment Elros, il ressentait comme un manque imposant en lui, comme si quelque chose n’allait pas. Prendre la place de son défunt frère n’était pas tout le temps aisé, surtout lorsqu’il était en semaine de douleur chaque mois. Cacher son identité pour continuer à perdurer le souhait de son père, cela n’était pas simple. Souriant tristement, il tourna la tête pour admirer une peinture de sa famille, sa petite soeur, son frère, sa mère et son père. Souriant et heureux, le coeur du chevalier se serra légèrement dans sa poitrine. Se levant doucement, il s’avança jusqu’à celle-ci et caressa du bout des doigts la fameuse toile. Des doux souvenirs et des douloureux lui revenant en tête. Posant son front contre celle-ci, un léger sourire s’échappa de ses lèvres et ferma un instant les yeux. Le silence prenait place progressivement et il s'octroyait un instant pour se recueillir, priant de tout son coeur pour qu’ils soient maintenant en paix.

Dans un moment de sollicitude intense, un bruit à la porte le sortit de ses rêveries et après avoir accepté que la personne entre, il fut surpris de voir, entre les mains du coursier, une lettre lui étant adressée. Le remerciant, il attendit que l’homme sorte pour ouvrir ladite enveloppe et lire rapidement le contenu. Une invitation à prendre un thé ? Et en plus chez Sire Serafeim ? Elros sourit légèrement et se dirigea directement vers son bureau pour s’y asseoir et commencer à écrire une réponse. Il était bien heureux de le voir un peu mieux. Il est vrai que leurs premières rencontres en tant que commanditaire et chevalier ne s'étaient pas réellement bien passées. Entre la soudaine crise du duc, l’attaque dans la forêt et ce mécréant...On peut dire qu’ils ont vécu une expérience assez rude pour une première impression. Ce soir-là, Elros avait tout donné pour protéger Serafeim, malheureusement cela ne s’était pas du tout passé comme prévu et il a dû être alité pendant quelques jours chez le noble. Forcé par celui-ci à rester jusqu’à ce qu’il aille mieux, Elros n’avait pas vraiment eu la force de refuser, au vu de son état. Il se rappelait encore les manigances qu’il a dû mettre en place pour garder son secret précieusement. Durant ces quelques jours, le chevalier avait bien réfléchi à tout ce qu’il avait fait durant tout ce temps, des missions, des escortes, tellement de choses qui fatiguait à long terme le jeune homme qui, ne l’oublions pas, reste une femme malgré tout.

Au moins, Elros avait pu se reposer convenablement et profiter de sa convalescence pour souffler un peu, penser à autres choses et surtout guérir. Blessure, légère fracture et bleu, le corps de celui-ci était bien amoché. Heureusement pour lui, il avait plutôt bien guéri...Enfin, presque. Il lui restait encore quelques séquelles de cette aventure. Il était un peu impatient de revoir le Duc, voir comment il se portait et s’il n’avait pas de séquelles de cette péripétie. Devant la faiblesse du blond, le chevalier avait tout donné et avait promis, en son for intérieur, de ne rien dire. Gardant l’état du noble secret, se doutant qu’il ne souhaitait pas que cela soit ébruité.

Après un moment à se remémorer des souvenirs si lointains, il finit d’écrire sa lettre et la donna de nouveau au coursier qui attendait non loin. Retournant à l’intérieur, il regarda par la fenêtre et laissa un léger sourire se construire sur ses lèvres. Ils n’avaient pas eu le temps de se revoir après cet événement, il était bien impatient.

Aujourd’hui, 4 juillet 1590

Le jeune homme s’était préparé assez tôt, se doutant de la route qu’il allait lui être incombé. Portant une tenue assez simple mais toutefois professionnelle, le voilà en route vers la demeure du noble. Apportant de petites confiseries acheter sur le chemin, il finit par arriver devant la grande demeure, toujours si imposante. Confiant sa fidèle monture au palefrenier du domaine, Elros se hâta vers la grande porte en bois, utilisant le morceau de ferraille pour prévenir de sa présence. Petite révérence au majordome qui venait de lui ouvrir, ils échangèrent quelques mots et, après quelques instants, se retrouvèrent enfin devant la porte menant aux quartiers du commanditaire de la lettre. Attendant avec patience qu’on lui dise de rentrer, il fut surpris de voir la porte s’ouvrir par elle-même et d’apercevoir par la même occasion le duc, habillé d’une manière très peu conventionnelle et assez unique. Faisant immédiatement une révérence de courtoisie, il offrit un petit sourire empli de sincérité.

- Bien le bonjour Messire Di Vinieri. Je suis honoré de pouvoir me joindre à vous pour prendre le thé. J’ai, par la même occasion, apporté de petites gâteries pour accompagner le thé. J’espère que cela vous conviendra.

Laissant le panier aux bons soins du majordome, le chevalier finit par entrer dans la pièce et laissa les rougeurs grimper sur ses joues un instant. Une fois que le noble se replaça sur son fauteuil, Elros reprit son sérieux, faisant s'envoler toute trace des rougeurs précédentes. En tant que demoiselle, elle ne pouvait le nier, cette tenue le mettait vraiment bien en valeur. Il se rappela alors de cette fameuse soirée lors du bal du printemps et sourit inconsciemment. De son point de vue, il doit penser qu’il se ressemble comme deux gouttes d’eau, sa sœur et lui, si seulement il savait, il serait fort déçu.

Petite pause autour d'un bon thé !

Aujourd’hui, 4 juillet 1590

Il avait le souvenir d’une grande demeure située près de la forêt de Saint-Cloud. Il avait bien sûr accepté l’invitation du Duc sans sourciller, se rappelant cette fameuse soirée à la fête du printemps. Il avait vu pour la première fois Aerin, son vrai lui. Souriant un peu, il était un peu plus serein, malgré le fait qu’il devait garder son identité...Ce que cela pouvait être dur parfois. Une fois devant la porte, Elros attendit patiemment qu’on lui fasse signe de rentrer et une fois dedans, il fut grandement surpris de voir la tenue que porter celui-ci.Il n’avait jamais vu de telle tenue à Paris, mais cela ne le dérangeait pas. Après tout, le Duc était chez lui, il pouvait bien s’habiller comme il le souhaitait. Les pâtisseries données au majordome, Elros fit un signe de la tête au remerciement du blond. Ce n’était pas très courtois de venir les mains vides lorsqu’on était invité, alors cela était totalement naturel de venir avec un petit quelque chose.

Le voyant s'asseoir sur le fauteuil d’où il venait, sûrement, le chevalier redressa la tête en le voyant lui faire signe de le rejoindre en face de lui. Regardant l’endroit désigner, un joli canapé gris parsemé de quelques coussins. Se dirigeant vers le dit canapé, Elros s’y assit et s’installa convenablement. Il n’avait pas spécialement l’habitude de se genre de rendez-vous thé. D’ordinaire, il passe ses journées dans son petit appartement ou alors directement dans les rues de Paris. Posant ses mains sur ses jambes, le chevalier regardait un peu le contenu de la pièce. Une chose est sûre, c’était très raffiné et très bien entretenu. Que ce soient les tapisseries, les quelques tableaux et décorations, tout était soigneusement bien placé. Cela lui rappelait le salon chez ses parents, ils adoraient tout bien ranger et l'apprêter en cas de venue. Laissant apparaître un léger sourire, son regard se tourna aussitôt vers le Duc lorsque celui-ci prit la parole.

Est-ce qu’il allait bien ? C’était une bonne question. En vrai, il ne le savait pas vraiment. Depuis la fête du printemps, tout, c’était bousculer dans sa tête. Que ce soit en termes de réputation où même de vie, tout cela avait bien changé. Le seul bonheur qu’il avait, c’était que les circonstances de ce qu’il s'était passées n’auront pas beaucoup d’impact sur sa vraie identité. Repensant à tout cela, Elros serra le poing et les dents, ce n’était pas vraiment le bon moment pour repenser à ce jour-là. Prenant une grande inspiration, le chevalier releva la tête et essaya de dessiner un léger sourire sur ses lèvres, sans réel succès.

- J’ai bien guéri de mes blessures grâce à votre générosité lors de ce fameux soir. Je vous remercie pour votre bienveillance en me laissant séjourné pour me remettre de mes blessures.

Se rappelant qu’il avait les mains serrées, il les cacha rapidement en faisant mine de chercher quelque chose et secoua sa tête pour se changer les idées. Ce n’était vraiment pas le bon moment.

- Et vous Messire ? Comment vous portez-vous depuis la dernière fois ? Ma sœur m’a dit que vous vous alliez bien lors de votre dernière rencontre.

Bien sûr qu’il savait qu’il allait bien, il l’avait vue, il n’y a pas si longtemps, lors d’un événement mondain. Mais cela, il ne pouvait point le dire, jamais. D’un coup, le Duc se rattrapa sur ses dires, comme s’il avait vu le malaise du chevalier. Perplexe, Elros redressa la tête et le regarda un léger moment avant de finalement réussir à sourire et hocha la tête doucement.

- Je me porte comme un charme en cette sublime journée. Malgré la chaleur qui nous guette, j’apprécie fortement cette opportunité de penser à autre chose et de profiter d’un moment de répit.

Se rendant compte de sa gourde, il se frotta le front avec énergie. Décidément, la journée va s’annoncer bien plus difficile qu’il ne l’aurait imaginé. Repenser à tout cela le mettait dans une rage bien profonde. Son premier vrai échec. Grognant intérieurement pour calmer le feu qui brûlait, il ferma un instant les yeux pour reprendre contenance et relever la tête en entendant quelqu’un rentrer. Apparemment, c’était bientôt l’heure du thé. Tournant son regard vers la fenêtre, il aperçoit la douce lumière de dehors traverser la vitre et laisser une vision du dehors assez lumineuse. Pendant un court instant, l’envie de revenir à son enfance le heurta de plein fouet. Si seulement il pouvait revenir en arrière et sauver sa famille...C’était l’une de ses plus gros regrets et au jour d’aujourd’hui, cette peine le hante encore plus qu’avant, comme un couteau continuellement enfoncé dans son cœur. Si seulement son lui innocent et enfantin n’avait pas disparu…

À la proposition du Duc, Elros tourne sa tête vers son interlocuteur et réfléchit un instant. Cela pourrait lui faire du bien, de prendre l’air, d’oublier pendant un instant ce qui le rongeait.

- Ce serait avec un immense plaisir d’aller prendre le thé dans votre jardin. Il fait si beau dehors, ce serait dommage de ne pas en profiter.

Se levant alors à la suite du noble, Elros remercia le majordome qui les guida vers l’extérieur de la demeure, ouvrant une porte magnifiquement bien sculpté, aveuglant un instant le chevalier.