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Sam 20 Nov - 17:40
Ranimer la flamme
Après la visite de la Duchesse d’Aquitaine, le Prince oublié avait demandé à ce qu’on lui apporte tout son courrier non lu à son bureau. S’il s’attendait à en avoir une certaine quantité, il n’avait pas idée de l’ampleur du désastre… Impossible de rattraper tout son retard en si peu de temps, de plus il était assez épuisé par son voyage et son entraînement. Alors il ne chercha à lire que l’écriture de Clarisse d’Aquitaine. Depuis le début de son isolement, elle lui avait envoyé une bonne dizaine de missives, ce qui ne manqua pas de le faire culpabiliser. Aucune n’avait reçu de réponse. Pire encore, aucune n’avait été ouverte. Alors il prit le temps de briser le sceau de chacune pour les lire dans l’ordre chronologique.

Dans ses écrits, Clarisse lui racontait des faits de la cour, des histoires qu’elle avait entendu, mais aussi le comportement de la reine ou de ses enfants. Et, l’air de rien, elle glissait ici et là que la présence du Prince avait le don de manquer à bon nombre de ses partisans. Que ses qualités faisaient défaut à la cour et que beaucoup espéraient un prompt retour du légitime roi pour défendre son droit du sang. S’il n’avait pas eu cette conversation avec sa mère un peu plus tôt, il n’aurait pas lu entre les lignes et aurait compris seulement au premier degré ses propos. Or, en les relisant, il comprit que Clarisse se languissait de le revoir, de graviter de nouveau autour de lui, de le défendre bec et ongle et d’attirer son regard, sa sympathie.

Dans la nuit, il prit le temps d’écrire une lettre à l’adresse de Clarisse, l’informant de son arrivée prochaine et de son désir de la rencontrer pour parler. Elle partirait en même temps que le Duc d’Auvergne et arriverait sans doute bien avant lui. Pour l’heure, Ambrose avait besoin de sommeil et il s’écroula dans son lit, pour trouver le repos nécessaire et la motivation de faire le voyage, encore…

*****

Sur le chemin pour Paris, il entendit à plusieurs reprises parler des noces à venir du Duc de Normandie, ce qui ne manqua pas de l’amuser. C’était bien son seul petit bonheur à refaire toute cette route chaotique. Arrivé à Paris, Clarisse avait déjà reçu la missive du Prince et était donc prévenue de sa volonté de la recevoir. Et comme il n’était pas du genre à laisser traîner les choses (une fois bien sûr qu’il arrêtait de bouder et remettait son nez dedans), son premier ordre à ses domestiques fut de demander à ce qu’on la prévienne de sa présence. Il y eu un vague vent de protestation, car en l’absence du Prince à Paris, ses appartements n’étaient pas parfaitement en ordre, mais il leur fit confiance pour que tout soit prêt à l’arrivée de sa potentielle épouse.

Le Prince eut tout juste le temps de se reposer brièvement durant une sieste, que déjà la rousse s’était présentée, accompagnée d’une dame la chaperonnant. Elle non plus ne voulait pas perdre son temps. Ou alors, la joie et l’excitation d’avoir des nouvelles d’Ambrose l’avaient préparée à se rendre disponible dès qu’il l’inviterait. En tout cas, le Duc l’attendait lorsqu’elle arriva chez lui et lui fit une révérence pour le saluer.

Un instant, il l’observa en silence. Maintenant que sa mère lui avait révélé la nature de ses sentiments à son égard, il voulait la regarder sous un nouvel angle : celui d’une belle femme, non promise. Et en ce sens, il fallait bien reconnaître que Clarisse avait été gâtée. Sa silhouette était très bien proportionnée, sa démarche naturelle, fière, sa chevelure remarquable et éblouissante, son regard séduisant et sa bouche… Et bien maintenant qu’il y faisait attention, ses lèvres étaient semblables à un fruit défendu qui auraient le don de l’inspirer…

Puisqu’il retournait à la vie de cour, il devait faire des efforts de présentation et de mondanités. Ainsi, il attrapa la main de son invitée pour y déposer un baise-main.

- Cla… risse.

Sa voix s’était presque cassé à la moitié de son prénom, trouvant incongru de le prononcer à nouveau. Ils ne s’étaient pas vus depuis un bon moment et il avait pris l’habitude en grandissant de mettre une certaine distance dans ses propos en l’appelant Mademoiselle, notamment. Mais enfants, tous les deux s’appelaient par leur prénom, le plus naturellement possible, alors… Pourquoi cette hésitation ?

Se sentant déjà maladroit, il se gratta la tête, fit un signe de tête respectueux à la dame l’accompagnant, en retrait dans la pièce pour laisser le loisir aux deux nobles de discuter.

- Je vous en prie, asseyez-vous. Je suppose que vous avez reçu ma lettre ?
Clarisse d'Aquitaine
HUMAINE - DUCHESSE

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Inventaire : Ceci est votre inventaire. Un objet autorisé pour le début de l'aventure.
Espèce : Humaine
Emploi : Courtisane (fille du Duc d'Aquitaine)
Pièces : 2548

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Clarisse d'Aquitaine
Inventaire : Ceci est votre inventaire. Un objet autorisé pour le début de l'aventure.
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Emploi : Courtisane (fille du Duc d'Aquitaine)
Pièces : 2548
Dim 21 Nov - 1:00
S’il est une chose qu’on ne peut pas nier, s’agissant de Clarisse d’Aquitaine, c’est son dévouement. Non pas envers une croyance ou une tâche, mais envers une personne : Ambrose de France. Cela s’est fait petit à petit, au gré de ses toutes premières rencontres envers ce garçon un peu plus âgé qu’elle, à l’époque. Lors des réceptions dans lesquelles leurs parents étaient conviés, ils étaient amenés à se côtoyer. Plus tard, ensuite, quand elle a rejoint les enfants d’honneur, progéniture bien née des grandes familles nobles, les occasions ont été plus nombreuses. S’il n’avait envers elle que des réactions neutres, parfois maladroites mais souvent dénuées de tout sous-entendus… il lui paraissait quand même amical et à l’écoute de ce qu’elle pouvait lui dire. C’était déjà beaucoup.

Le temps a fait les choses et désormais, c’est un impératif qu’elle s’impose à elle-même : celui de s’assurer qu’il va bien, qu’il se porte bien et que personne ne cherche à lui nuire. Certes, cela peut paraitre démesuré pour une simple courtisane qui navigue entre Bordeaux et la Cour de France, mais pour elle… c’est « la » mission prioritaire dans son esprit. Alors elle a créé son propre petit réseau, essayant autant que possible de s’assurer que même reclus dans son château de Clermont l’homme va bien, autant que possible. Parce qu’elle a pleinement conscience, comme beaucoup, que son départ de la Cour en janvier est en réaction directe au couronnement de sa cousine. Elle l’a vu, les premiers jours suivant cette annonce, sombrer dans la colère et la frustration. Elle l’a vu et a essayé de l’aider. Seulement, quand il a décidé de partir à Clermont, il l’a fait du jour au lendemain, sans qu’elle puisse réagir.

Sans qu’elle puisse le suivre. Comment aurait-elle pu l’expliquer ? Quelle raison donner ? Il ne l’avait pas invitée… officiellement, elle n’est rien pour lui. Alors qu’il est… beaucoup, pour elle. Même s’il ne le voit pas. Elle a bien fini par comprendre qu’il ne voyait pas la portée de son attention à son égard. Mais cela n’y changeait rien. Depuis son départ, elle a continué à lui écrire, comme elle l’a souvent fait quand il s’absentait longuement. Elle s’est appliquée à lui dévoiler quelques anecdotes et autres faits rythmant la vie à la Cour. Toujours dans des formules qui ne pourraient aucunement leur porter préjudice si ses lettres tombaient en de mauvaises mains.

Il ne lui a pas répondu. Ni après la première, ni après la deuxième ou la troisième… cela ne l’a pas empêchée de poursuivre sa correspondance à sens unique. Comme une manière tout autant de se rappeler à son bon souvenir que de se remémorer, de son côté, les choses à savoir à la Cour. Le tout parsemé de petites tournures de phrases pour rappeler au Prince que beaucoup pensaient à lui. Elle pensait à lui. Elle ne lui a pas écrit ainsi pour autant.

Habituée à son silence et curieusement pas véritablement blessée par ce manque de réaction (voilà bien des années qu’elle fait avec), elle ne s’attendait absolument pas à recevoir, finalement, une missive de sa part.

« Mademoiselle, une lettre pour vous.
- Une lettre ?
- Elle vient d’Auvergne, de Clermont, c’est le sceau du duc. »

Dans un réflexe presque hystérique, elle s’est levée pour arracher la missive des mains du serviteur et a réclamé que personne ne vienne la déranger. Elle a lu le contenu une fois, ses yeux s’agrandissant à chaque mot inscrit. Elle l’a relu ensuite, sentant son visage s’échauffer sans même comprendre pourquoi. Il revient à Paris, bien prestement. Il revient et souhaite s’entretenir « à cœur ouvert » avec elle. Elle s’est attardée longuement sur ces mots sans vraiment les comprendre, et cette missive a finalement rejoint plusieurs autres, dissimulées dans le double-fond de sa commode.

***

Lorsqu’on lui confirme que le duc est bel et bien arrivé à Paris, elle ne tient plus en place. Elle serait incapable de dire pourquoi mais les mots qu’il a pris le temps de coucher dans sa lettre à son intention sont différents de ceux qu’il utilisait jusque-là. Quelque chose d’indéfinissable qui l’intrigue et la panique un peu. Il parlait également du mariage du duc de Normandie et du blablabla Joyau. Calme-toi mon cœur, cela ne nous mènera nulle part. Quand il est question d’Ambrose de France, elle ne compte plus le nombre de fois où ses illusions l’ont faite souffrir. Elle espère beaucoup, de manière démesurée, alors qu’elle sait qu’elle a déjà de la chance de pouvoir compter parmi ses amies.

Cet espoir absurde qui l’habite tout de même la rend fébrile et quand l’un des serviteurs du duc vient la chercher, elle se retourne une nouvelle fois vers sa dame de compagnie, ancienne servante de sa mère. « Gisèle, souvenez-vous bien. Je vous interdis d’interrompre sous un quelconque prétexte Monsieur le duc lors de notre entrevue. » Parmi ses deux suivantes choisies par sa mère la duchesse, à l’époque, elle a bien intentionnellement demandé que ce soit la plus âgée, Gisèle, qui l’accompagne en tant que chaperonne. La femme s’est accommodée à sa vie auprès de la fille du duc et l’apprécie, si bien que ses rapports auprès de la duchesse sont de moins en moins précis, au fil du temps. Et puis… pour peu qu’on lui mette un recueil de poésie entre les mains, elle oublie bien vite ce qui se passe autour d’elle.

Aussi, quand Clarisse et sa dame de compagnie sont introduites auprès du duc, il suffit d’un simple regard de la rousse pour que la chaperonne fasse un salut courtois et aille discrètement s’asseoir à une petite table éloignée, installée dans un coin. Rapidement les yeux bleus de l’aînée d’Aquitaine s’ancrent dans ceux du Prince pour ne plus s’en détourner. Elle fait une élégante révérence en réponse à la sienne, tout en maintenant de chaque côté le tissu de sa robe bleu foncé. Il la détaille avec application et Clarisse sent son visage s’empourprer, osant à peine soutenir son regard. A-t-il seulement conscience que rien dans son examen n’est particulièrement discret ? Si son attitude la déstabilise, elle se sent toute à la fois flattée et un peu perdue d’être ainsi l’objet de son attention.

A son baise-main, sa respiration se coupe malgré elle. Ce n’est pas la première fois qu’il lui en fait un…. Néanmoins c’est sans aucun doute le premier qu’il lui fait en un contexte aussi intime. Et quand son prénom passe avec difficulté ses lèvres, son visage trahit sa surprise.

« Monsieur le duc. » Il était lointain le temps où l’usage du prénom leur était encore véritablement permis. En pareille situation et sous l’œil de sa servante qui n’a rien dû rater de ce début de retrouvailles, elle ne peut se permettre de lui rendre la pareille. Elle l’appelle Ambrose dans ses songes. Il serait bien trop inconvenant de sa part de le faire en cet instant.

Chacun de ses mots, chacun de ses gestes, elle n’en perd pas une miette. Il se gratte la tête et l’invite à s’asseoir, ce qu’elle fait avec délicatesse, s’assurant de ne pas plier sa robe au passage. Elle se sent étrangement petite auprès de lui, ne sachant guère ce dont il souhaite lui parler.

« Oui, je l’ai lue, votre Excellence. Je vous remercie de m’avoir donné de vos nouvelles. » Même si le timing est surprenant, elle a été véritablement heureuse de le lire. Chaque geste de sa part à son égard est un petit bonheur pour elle. « Je sais que vous avez récemment rendu vos hommages au duc de Normandie pour son futur mariage mais je ne m’attendais pas à vous voir revenir si prestement à la Cour. J’espère que vous avez fait bon voyage. »



fin août 1590

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Dim 21 Nov - 20:20
Ranimer la flamme
Du coin de l’œil, il remarqua que la dame accompagnant son invitée s’était éloignée. Juste assez pour laisser un soupçon d’intimité durant ces retrouvailles, mais pas davantage pour laisser croire qu’elle ne garderait pas Clarisse sous sa protection. Enfin, le Prince était devenu un ours, mais de là à inviter des jeunes pour profiter d’elles, non, clairement ce n’était pas le genre de la maison...

Ambrose se sentit terriblement gauche lorsqu’elle le nomma par son titre de Duc. Ah oui, c’est vrai, la distance, le monde des adultes, la noblesse. Il s’emmêlait déjà les pinceaux et détestait aussitôt être retourné dans les mondanités. Il laissa glisser son regard vers son plus fidèle domestique, André et ce dernier haussa les épaules. Bon, qu’attendait-il de se part ? Une approbation ? Une remarque ? Certainement pas dans cette situation. Le majordome, dont il ne pouvait se passer où qu’il se trouve en France, lui ferait sans doute des commentaires plus tard, mais là, il ne jugeait pas intéressant d’intervenir en se raclant la gorge, en coupant la conversation en proposant des rafraîchissements, ou en usant d’une autre diversion pour que le Prince se recentre. Il n’y avait donc pas mort d’homme !

Il faillit tout de même faire l’erreur de s’asseoir à côté d’elle, avant de se raviser et de se placer en face d’elle. Ce serait mieux pour l’observer et surtout cela n’attirerait pas le courroux de sa dame de compagnie, qui faisait mine d’être plongée dans un recueil, mais dont les œillades vers Clarisse à intervalles réguliers n’étaient pas franchement discrètes.

Une nouvelle fois, il se gratta la tête. Il n’en avait plus conscience à force et bien des gens autour de lui avaient cessé de lui faire la remarque. Ce geste était plus fort que lui, lorsqu’il était mal à l’aise, pas vraiment dans son élément ou dans une situation qui lui échappait. Mais cela, la jeune femme devait fort bien le savoir… Ici, il se sentit bête, car oui il avait fait un très bref aller-retour à Paris et n’avait fait l’honneur de ne rencontrer que le Duc de Normandie. Les partisans de Victoire devaient jaser à ce sujet, mais qu’importe, c’était déjà trop tard. Il aurait à présent l’occasion de se rattraper, puisque ses projets en tête le forceraient à rester un certain temps à Paris et à se montrer parmi la noblesse.

- Oui, oui… J’ai rendu visite au Duc de Normandie et appris par la même occasion ses fiançailles avec Diane d’Orléans. Je suis aussitôt reparti pour Clermont. Je n’avais pas prévu de revenir à Paris, pour tout vous dire, mais j’ai été un peu bousculé

Une nouvelle fois il se gratta la tête, songeant à son tête-à-tête avec la mère de son invitée. Elle lui avait confié ne pas désirer répéter un seul mot de leur conversation, ni même évoquer sa visite chez le Duc. Il devrait faire de même, il supposait. Comment s’exprimer ? Comment aller dans le vif du sujet sans être un grand dadais, comme sa mère avait si bien su le nommer ? Trop de questions, il avait la sensation que son crâne surchauffait et que de la vapeur s’échappait de ses oreilles. Il fallait noyer le poisson et vite !

- Et bien oui, le Duc de Normandie est comme un frère pour moi, je ne pouvais pas passer à côté de ses noces !

Belle pirouette de la part d’Ambrose. Enfin, cela n’avait rien d’extraordinaire, mais il fut bien content de s’être ainsi rattrapé et que cela vienne de lui. Car oui, aucune intervention d’André. Se sentant plus confiant, il se laissa entraîner par le flot de ses pensées et le plus naturellement du monde, il proposa à Clarisse :

- Est-ce qu’il vous plairait d’être ma compagne durant la cérémonie ?

De but en blanc, c’était une question sortie du chapeau du magicien, encore. Étrange combien André s’agitait pour présenter un plateau digne de ce nom avant de s’approcher en premier de la rousse.

- Un rafraîchissement Mademoiselle ?

Aie, est-ce qu’il avait fait une erreur ? Était-ce cavalier d’ainsi l’inviter à se montrer en public à son bras au mariage de son ami, comme ça, soudainement, alors que ce serait sa première apparition en public depuis des lustres ?

Parce qu’il ne s’était pas suffisamment embourbé, il essaya de nager vers la surface, mais ne fit que s’enfoncer. Pauvre Clarisse, pauvres émotions malmenées.

- Et par compagne j’entends que vous m’accompagniez, je ne vous ai pas encore proposé de fiançailles.
Clarisse d'Aquitaine
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Clarisse d'Aquitaine
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Lun 22 Nov - 23:49
La petite voix qui l’occupait jusqu’au début de cette entrevue continue de murmurer. L’attitude du duc, sa manière de se comporte et de la saluer n’a rien d’habituel, entre eux. Clarisse peut se targuer de connaître l’homme mais là… elle est un même déstabilisée. Elle ne sait guère ce qu’il a derrière la tête. S’il le sait lui-même, d’ailleurs, vu comment il se gratte le crâne et jette des coups d’œil à son majordome présent également. Clarisse trouve ses gestes attendrissants. Elle ne veut pas qu’il se sente mal ou embarrassé alors elle lui sourit tandis qu’il s’assoit, attendant qu’il lui réponde. De ce qu’il dit, elle serait curieuse de comprendre ce qu’il entend par ce mot qu’il emploie.

« Bousculé ? Rien de grave, j’espère ? » Cela ne la regarde pas forcément mais c’est plus fort qu’elle. Il reprend d’ailleurs, insistant sur le duc de Normandie et elle acquiesce de la tête. « Je comprends, bien sûr. » Quoi en dire de plus ? L’amitié entre les deux ducs est connue. La jeune femme, pourtant, ne porte pas particulièrement le normand dans son cœur. Est-ce à cause de leurs tempéraments forts ? Plus d’une fois elle est sortie d’une discussion avec l’ami d’Ambrose énervée comme pas possible. Un vrai rustre, celui-là ! Pour autant, elle s’abstient bien d’en dire quoique ce soit. Elle sait que le prince de France tient à l’autre homme et que la réciproque est très certainement vraie. Même si elle n’apprécie pas particulièrement Alaric, elle ne remettrait pas cela en doute. Alors oui, il est évident qu’Ambrose viennent s’enquérir de l’état de son ami et de l’annonce de futures épousailles. Avec la sœur du duc d’Orléans, qui plus est ! La célèèèèbre (insérez de l’ironie) Diane, ô grand joyau de la saison. Oui, Clarisse est agacée par tout le blabla qui résonne bien trop fort autour de la physicienne. Là encore, elle sait quand il est des choses à dire et d’autres à garder pour soi.

De toute manière, lorsque le brun reprend la parole il parvient à balayer toutes les railleries qui montent en elle en une simple question. Une question, tant de mots, tant de raison pour elle de se figer un bref instant. Sa bouche fait un petit « o » et il lui faut un peu de temps pour assimiler, pour être certaine qu’elle a bien entendu. Il a dit « compagne », non ? Ses joues s’échauffent une nouvelle fois tandis que la graine d’espoir ne cesse de grandir en elle. C’est un bruit sur le côté qui la déconcentre un peu et lui fait tourner la tête vers le serviteur du duc qui lui propose un à boire. Elle fixe le plateau et articule : « Une… une citronnade, s’il vous plait. » Il la pose devant elle avec application, en fait de même devant le duc tandis que Clarisse essaie de reprendre le cours de sa réflexion. Ambrose a bien parlé de l’accompagner à la cérémonie de mariage d’Alaric, c’est bien ça ?

Le majordome a le visage tourné vers le brun si bien qu’elle ne voit rien de l’échange silencieux entre eux. La voix du prince retentit à nouveau quand le serviteur se décale et les yeux bleus de Clarisse plongent dans ceux de son interlocuteur. Elle sait que le rouge ne fait que s’accroitre sur son visage. Elle qui s’applique à être irréprochable et imperturbable, en une simple tourne de phrase Ambrose la désarme tout à fait. Ce mot « compagne » suivi d’un sous-entendu à des fiançailles. Des fiançailles entre eux ! Des fiançailles qu’il n’aurait pas « encore » demandé. Oh mon Dieu !… Souhaite-t-il donc l’achever ? Il a dit cela avec légèreté, sur le ton de l’humour, mais c’est beaucoup pour elle et son cœur insensé quand il s’agit du prince. Elle ne peut pas dissimuler sa fébrilité et balbutie : « Oh euh… je… » Elle reprend son souffle et contenance à la fois. « Avec plaisir, Monsieur le duc. Ce serait un honneur pour moi. »

Sans doute devrait-elle jouer la carte de la modestie en pareille circonstance mais elle n’en ressent pas un gramme. Elle est heureuse et fière. Elle sera la cavalière d’Ambrose, prince de France ! Elle sera à son bras… Oh, elle envisage déjà la plus belle robe qu’elle pourra sortir pour l’occasion. La lueur de joie et d’excitation mêlée qui l’habite est très certainement visible dans ses yeux.

Elle ne sait pas à quoi elle doit cette chance mais elle n’échangerait sa place pour rien au monde. Pour calmer son agitation, elle porte son verre à ses lèvres et prend une petite gorgée de boisson citronnée.

Pour ne pas trahir son émotion, elle questionne ensuite : « Est-ce que tout s’est bien passé sur Clermont, Monsieur ? »



fin août 1590

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Mar 23 Nov - 16:59
Ranimer la flamme
La diversion n’était pas suffisante pour ramener à la raison le Prince. Son majordome André servait à Mademoiselle d’Aquitaine une citronnade, mais son maître était en roue libre, provoquant une vague d’émotions à la rousse, un léger soupir de désespoir de la part de l’homme d’un certain âge et ce qui ressemblait à une main qui claque sur le front de la part de la dame chaperonnant la demoiselle. Indécrottable. André se sentait bien désolé pour la jeune femme qu’il avait déjà eu l’occasion de rencontrer et qu’il savait torturée par le Prince, bien qu’il n’en ait pas l’intention et certainement pas un mauvais fond. Néanmoins, l’ayant connu toute sa vie, il était incapable de lui donner la moindre qualité concernant les sentiments d’autrui et tout ce qui touche à la romance.

Ambrose ressentit un trouble dans l’atmosphère. Ses yeux allaient et venaient entre les différents protagonistes présents dans le salon et pour autant… Il n’arrivait pas à mettre le doigt sur le souci. Il n’avait pourtant rien fait de mal, rien proposé de déplacé ou d’incongru ? Il n’était que bienveillance et ne lui forçait pas la main… Les femmes étaient vraiment un livre illisible, incompréhensible, qu’on ne sait par quel bout prendre et que l’on abîme rien qu’en en les regardant ! Le regard lourds de sous-entendus de son fidèle domestique lui permis au moins de comprendre que quelque chose clochait. Quant aux joues cramoisies de Clarisse… Et bien il se fit la remarque qu’elles allaient fort bien avec sa chevelure et que cela lui donnait un air de petite fille qui tranchait fortement avec son air assuré habituel.

Elle accepta d’être sa « compagne » pour l’occasion, ce qui ne manqua pas d’une certaine façon de le réjouir. Certes pas autant que la demoiselle, mais tout de même. Il n’aurait pas à présenter aux noces seul, aigri, fuyant tout le monde. Grâce à Clarisse et sa flamboyante allure, il apparaîtra sous un meilleur jour et aurait toutes les raisons du monde d’ignorer la noblesse qui l’insupporte, en faveur d’une femme qu’il savait pouvoir supporter facilement. Son ami le Duc de Normandie y trouverait sans doute à redire, mais Ambrose s’était abstenu de critiquer la proximité de sa future épouse avec la traîtresse, Victoire de France. Il devrait y mettre du sien aussi !

- C’est entendu ! Vous serez certainement ravissante !

Un bref regard vers André et il comprit que son commentaire, bien qu’un peu pauvre, avait le mérite de rattraper un tant soit peu sa bourde précédente. Ses prunelles se fixèrent de nouveau sur la flamboyante Clarisse qui l’interrogeait sur son bref passage à Clermont, visiblement soucieuse que quelque chose de négatif s’y soit déroulé. Le plus naturellement du monde, il lui répondit :

- Disons que j’ai fait la rencontre surprise de votre m… De… Il vit dans son champ de vision les gros yeux ronds d’André, au courant tout comme lui de la naïveté de Clarisse sur la visite de sa mère. De votre tas de lettres ! Oui je sais, j’ai tardé, mais que voulez-vous, je suis ainsi. J’ai tout lu d’une traite et je me suis dit qu’il n’était pas très juste de ma part de vous ignorer à ce point, alors que vous vous inquiétiez pour moi. Et vous le savez fort bien, j’exècre les injustices.

Un petit rappel de celle qu’il vit depuis le début de cette année et surtout une nouvelle pirouette lui permettant de se rattraper. Qui a dit que l’exercice de la conversation est d’une facilité déconcertante ? C’était plus facile quand il jouait l’ours au fond de sa grotte auvergnate et que ses échanges étaient soit avec des domestiques, soit son maître d’arme. Pour éviter de se gratter une nouvelle fois la tête, il passa une main nonchalante dans sa chevelure ébouriffée et reprit :

- Nous nous connaissons depuis notre enfance, nous avons même grandi en partie ensemble. Vous ne méritez pas que je vous ignore alors même que j’ai conscience de tout ce que vous avez fait pour moi et de toute ce que vous faites encore à ce jour. Disons que j’ai eu une révélation, d’un coup d’un seul et que j’ai songé à réparer mes tords.

Le majordome se retenait de rire. Sa révélation, c’était Mathilde d’Aquitaine ! On repassera pour le miracle qui aurait opéré dans l’esprit d’Ambrose ! Au moins, il se rattrapait dans ses paroles et sans en faire des tonnes, ni tenter une romance bancale, il essayait de flatter Clarisse… à sa façon, c’est-à-dire maladroitement.
Clarisse d'Aquitaine
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Pièces : 2548

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Clarisse d'Aquitaine
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Mar 23 Nov - 18:19
Elle qui pensait plutôt bien connaître Ambrose de France, le voilà qui la surprend, et à plus d’un titre ! Cette invitation qu’il vient de lui faire provoque une grande vague d’excitation chez la jeune femme. Elle ne se souvient plus de la date exacte annoncée pour le mariage du duc de Normandie mais elle n’a qu’une hâte : y assister avec à son bras le plus bel homme qui soit, le duc d’Auvergne. Parce que dans son esprit c’est quelque chose de parfaitement ancré. Certes, elle a vu bien d’autres hommes aux visages peut-être plus symétrique, aux yeux verts à couper le souffler ou des corps d’athlètes antiques… cela n’y change rien. Dans son cœur Ambrose est parvenu à prendre une place bien trop importante pour être détrôné. Ce n’est pas que son physique qui l’a séduite, c’est aussi certaines de ses réflexions, sa détermination et le voile de mystère qui le recouvre parfois, quand il se complait dans son silence, qui l’ont charmé. Désormais, il est impossible pour elle de revenir en arrière. Elle se sait condamnée à aimer un homme qui ne voit rien de ses sentiments et probablement à en épouser un autre qu’elle n’aimera pas. Si sa mère ne lui en a pas reparlé jusque-là, elle sait que le mariage est un sujet qui retombera très vite sur le tapis, la concernant. Vingt-deux ans et toujours pas mariée… il est hors de question qu’elle finisse comme Diane d’Orléans. Clarisse a bien l’intention d'être une épouse et une mère avant ses trente ans, même si cette perspective la fait souffrir. Ambrose de France est beau et intelligent, selon elle, mais il ne la voit pas. Il ne la voit pas comme elle le voudrait, du moins.

Elle en a pris son parti depuis longtemps… et aujourd’hui, il chamboule toutes les certitudes de l’aînée d’Aquitaine ! C’est la première fois, sans doute, qu’il semble la considérer autrement que comme une amie ou même… une sœur ? Elle ne sait pas trop la place qu’elle occupe pour lui, jusque-là. Il n’a jamais eu de geste bien chevaleresque à son égard autrement que lorsque les conventions et l’étiquette l’y poussaient. En cet instant, les seuls regards qui s’attardent sur eux sont ceux de deux de leurs serviteurs. Aucune autre noble n’attend une attitude particulière de la part du duc. Aucune règle ne pousse Clarisse à réagir d’une façon dictée par la bienséance. Et pourtant, il l’a invitée au bal. Elle ! Il s’attend même à ce qu’elle soit ravissante ! C’est ce qu’il a dit, « ravissante ». Le rouge ne quitte pas ses joues tandis qu’un grand sourire se dessine sur ses lèvres.

« Je ferai tout pour l’être, Monsieur le duc. » Et pour vous plaire, cela va de soi.

Comme pour s’assurer qu’elle ne rêve pas, elle a un petit regard pour Gisèle qui l’observe de là où elle se trouve, les yeux au ciel. Certes le duc est maladroit dans les paroles qu’il emploie, mais ce n’est pas grave ! C’est l’invitation qui compte et uniquement elle. Clarisse se doute d’ailleurs que cet évènement sera répété à sa mère assez rapidement… elle se demande bien comment elle prendra la nouvelle. Mais en attendant, c’est son petit bonheur inattendu qui compte et rien d’autre. L’eau citronnée la rafraichit et elle se demande bien ce que le brun a en tête lorsqu’il lui répond avec hésitation. Son sourcil froncé s’apaise quand il évoque ses lettres. Un « tas » de lettres. La formulation n’est guère joyeuse et elle ne sait pas comment le prendre… mais ce qu’il dit ensuite lui plait. Il n’en parle pas comme d’un fardeau mais comme d’une injustice à corriger.

« Il ne fallait pas vous infliger cette peine, voyons. » Menteuse. Rien ne lui a fait plus plaisir sur ces dernières semaines que la réception de la missive du duc. « Vous savez j’ai toujours apprécié écrire et je me suis dit que vous ne seriez pas contre quelques nouvelles… » Peut-être s’est-elle emballée, d’ailleurs. Quand il parle d’un tas, sous-entend-il qu’il y en avait trop ? « Merci de vous en être soucié mais l’important c’est que vous alliez bien. »

Ses prunelles bleues glissent sur ses cheveux tandis qu’il y passe sa main. Ses cheveux sont nombreux, partant dans tous les sens et… elle adore cet air que ça lui donne. Là où certains se poudrent et se dissimulent sous des perruques absurdes, Ambrose de France ne s’embarrasse guère. Son regard tombe à nouveau sur les yeux bleu-gris du prince et une nouvelle fois les mots qu’il prononce lui coupent le souffle.

C’est d’elle dont il parle. Et elle cligne bêtement des yeux tandis que ses paroles sont comme une mélodie à son oreille. Il l’a remarquée ! Il a vu son attention à son égard, sa prévenance… Quelle que soit l’origine de cette révélation qu’il évoque, elle ira probablement prier Dieu pour l’en remercier. « Je ne suis pas certaine de mériter ces compliments, cher duc. »  Elle se sent comme l’adolescente qu’elle était peu d’années plus tôt tandis qu’elle bat des cils en cherchant à saisir la portée de ce que cette voix grave et envoutante vient de dire.

« Réparer… réparer vos torts, Monsieur ? Je crains de ne pas comprendre. » C’est tout un paradoxe qui commence à poindre en elle. Elle est curieuse de saisir ce qu’il entend par là mais elle ne voudrait pas non plus qu’il se sente redevable envers elle… cela fait bien trop longtemps qu’elle sait que ses sentiments sont à sens unique. Si dans ses rêves les plus fous elle s’envisage un bel avenir avec cet homme, c’est toujours sous couvert d’un amour véritable. Même si son ambition se mêle à tout cela, elle n’est pas certaine de vouloir à ses côtés un homme qui ne la considère pas autant qu’elle le considère, elle. « Vous ne m’avez jamais nui en une quelconque façon. Je crois au contraire qu’à une époque j’avais un peu trop tendance à être dans vos pattes… » Cette époque est-elle si lointaine ? Cela remonte à bien avant l’annonce du couronnement de Victoire, c’est certain.



fin août 1590

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Mar 23 Nov - 19:44
Ranimer la flamme
Sur le sujet des injustices, Ambrose était intraitable et impossible à raisonner. Lorsqu’il jugeait une situation en défaveur de quelqu’un, il prenait mouche. Après s’être rendu compte de son erreur en ignorant ses nombreuses missives, ses attentions, ses espoirs, ses sentiments, tout cela grâce à l’intervention de sa mère, le Prince s’était promis de se racheter. Tout le chemin durant pour revenir sur Paris il eut le temps d’y songer et même de relire les écrits de Clarisse. Il était absolument ignoble de sa part de ne pas avoir su remarquer et remercier cette dévotion. Ainsi, lorsqu’elle fit preuve de beaucoup de modestie, le brun secoua la main devant lui en voulant l’interrompre. Un geste peu poli certes, mais partant d’une bonne intention.

- J’insiste. Ce n’était pas digne de vous ni de moi. Cela n’arrivera plus.

Car un bon souverain ne devait pas ignorer l’appel à l’aide du petit peuple, ignorer la cour, la noblesse, ceux qui font partie de ses partisans, c’est une erreur fatale. Et comme sa mère l’avait dit, il était devenu un volcan endormi. Il était lent à la détente, maladroit et peu observateur, mais une fois ses fautes réalisées, il sait les corriger et ne plus les commettre. C’était un défaut, mais savoir se remettre en question par la suite était une qualité dont il estimait sa cousine dépourvue et cela s’était largement remarqué avec ses décisions grotesques depuis son couronnement. Ainsi, il était confiant à propos de cette mauvaise habitude. Il n’était pas certain qu’il s’y tiendrait pour tout le monde, mais une chose est sûre, les lettres de Clarisse ne seraient plus jamais ignorées. Et Ambrose de France n’a qu’une parole, c’est un fait. Dans le coin de la pièce, le majordome souriait, satisfait d’entendre son maître capable d’une promesse qui était loin d’être un mensonge.

Il sentit aux interrogations de Clarisse qu’elle ne suivait pas totalement cette conversation et cela, à juste titre. La pauvre n’avait pas idée de tous les tenants et aboutissants de sa présence à Paris. Si elle savait pour la visite de sa mère, sans doute qu’elle aurait apparu d’une manière bien différente, ne laissant pas les émotions la rendre plus vulnérable qu’elle ne l’est vraiment. Néanmoins, même s’il devait reconnaître qu’on parlait d’elle en des termes plutôt élogieux, faisant référence à sa grâce, sa beauté, son esprit vif et piquant, voir cet aspect d’elle, un peu plus timide, c’était assez plaisant. Un peu comme si cela lui était réservé, bien qu’il ne soit pas méritant, bien qu’il ne soit qu’un grand dadais aveugle.

- Je n’ai jamais perçu cette époque de la même façon que vous. Je n’ai pas toujours été acteur de mon présent, je le crains. Beaucoup de choses se sont passées autour de moi, beaucoup de gens ont gravité autour de moi, prenant des décisions, agissant sur mon destin, pendant que je ne me concentrais que sur une seule et unique chose : la France.

Sa voix était assurée. Son regard plongé dans de celui de Clarisse, mais il devina au menton relevé de son majordome qu’il dégageait soudainement sa vraie personnalité : un homme avec de l’assurance, des qualités oratoires quand bien même ses mots étaient régulièrement dénués de sentiments. Une force certaine, sur laquelle on pouvait compter. Un être élevé pour régner et tirer vers le haut la nation dont on lui confierait les rênes.

- Si j’avais été plus attentif, peut-être aurais-je pu me préparer à ce que mon destin s’envole. Il est temps pour moi de reprendre ma destinée, avec tout le respect que je dois pour mon grand-père le Roi. Il y aura toujours des personnes pour graviter autour de moi, car un Roi doit choisir ses conseillers et ceux en qui il a confiance. N’en déplaise à beaucoup, je ne compte pas laisser les autres décider de mon sort pour moi, dorénavant. J’ai le pouvoir, maintenant, de choisir et d’être plus attentif. Et j’ai choisi de vous remarquer, Clarisse. C’est pourquoi vos lettres ne seront plus ignorées, ni nos conversations, ni vos désirs. Car autour de moi, s’il y a des personnes qui ont retourné leur veste ou qui ont disparu, d’autres sont restées et ne songent pas à me quitter. J’en ai conscience, enfin.
Clarisse d'Aquitaine
HUMAINE - DUCHESSE

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Clarisse d'Aquitaine
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Mer 24 Nov - 17:58
D’un geste de main le duc balaie ses remarques quant au fait qu’il n’était aucunement obligé de lui répondre ou de considérer cela comme une mission absolue. Il insiste et lui confirme que cela ne se reproduira pas. Il n’y a pas une once de doute dans sa formulation. C’est un fait. Pour Clarisse, l’entendre est un nouveau plaisir en cet échange décidément bien surprenant. S’ils ont souvent eu l’occasion de discuter ensemble, par le passé, cela n’avait guère ce genre de tournure. L’homme avait la tête dans ses idées, dans ce qu’il devait faire ou ce qu’il allait faire et s’il l’écoutait souvent il ne faisait pas toujours grand cas de ce qu’elle pouvait lui dire. Elle le sait… et ne s’en est jamais vexée, curieusement. Là où avec d’autres, elle n’aurait aucunement admis qu’on passe d’un sujet à un autre sans lui laisser voix au chapitre. Avec Ambrose cela a toujours été différent. D’autres fois, à l’inverse, il s’intéressait pleinement à ce qu’elle pouvait lui dire et les remarques qu’elle apportait… jusqu’à se contenter d’un simple hochement de tête puis partir, dans ses pensées. Un peu comme il pouvait le faire avec ses amis masculins.

Il est arrivé à Clarisse, par le passé, de se demander s’il la considérait véritablement comme une femme. Il faut dire que malgré les efforts qu’elle pouvait faire en la matière (et qu’elle continue de faire, en vérité), il ne semblait pas particulièrement y faire attention. Ni pour elle ni pour n’importe quelle femme qui gravitait autour de lui, à dire vrai. Alors, cette fois, elle sent bien que chacun des mots du brun est pesé, pensé et irrémédiablement destiné à elle et à elle seule. Elle ne sait toujours pas ce qui justifie dans la tête d’Ambrose un tel changement d’attitude mais elle en est bien contente. Ah ça… oui ! Elle a un petit hochement de tête les yeux baissés comme pour lui confirmer que le message est bien passé.

À la question qu’elle articule à voix haute il se laisse un petit temps avant d’y répondre et son regard posé sur elle ne fait qu’accroitre le rouge à ses joues. S’il continue ainsi il faudra bien des heures pour que son visage reprenne ses couleurs normales. Elle n’est pas habituée à être ainsi le centre de son attention même si Dieu sait combien de fois elle l’aurait voulu. Ce qui change c’est que ce ne sont pas la teneur de ses dires qu’il semble analyser mais bien… sa personne. Sa présence à ses côtés et cette habitude qu’elle a toujours eu de se positionner à ses côtés, d’une manière ou d’une autre. Elle le dit avec légèreté, comme un mea culpa, et lui… il lui répond d’une voix ferme, là encore. Il n’y a plus d’hésitation dans son ton et quand il achève de parler, c’est « la France » qui résonne encore aux oreilles de Clarisse. Cette fois c’est elle qui prend le temps de l’examiner pleinement. C’est un roi qu’elle a devant elle. Un homme qui sait parler et saurait parfaitement rallier les gens à sa cause. C’est cette facette d’Ambrose – parmi tant d’autres – qu’elle a toujours admiré.

Au regard de la situation actuelle et de son éloignement récent, le sourire qui habite désormais le visage de la rousse est celui d’une partisane et d’un soutien indéfectible envers ce prince de France. Cet homme qui a conscience de ce qu’il aurait dû être et de ce qu’il peut encore accomplir, elle en est certaine. Prunelles bleu gris plongé dans l’océan, ils ne se quittent pas du regard. Clarisse souffle simplement : « Et la France vous en remerciera un jour. » Là aussi ce n’est que certitude. Jamais, dans l’esprit de l’aînée du duc d’Aquitaine, il n’en serait autrement. Ambrose est fait pour régner et il régnera.

Quand sa voix résonne encore, elle ne saurait décrire la multitude d’émotions qui la traverse. Il veut reprendre son destin en main. Cela veut dire beaucoup et elle s’en réjouie par avance. Mieux, il dit la remarquer, elle. C’est cramoisie qu’elle est, maintenant. Consciente que le rouge de ses joues va bientôt se fondre à la couleur de ses cheveux… Tomate se moquaient certains dans la cour de Saint-Germain-en-Laye. Elle aura tout le temps de s’y attarder plus tard. Ce qui l’importe, là, c’est l’intention qui se dégage du duc. Ce qu’il lui dit, comme s’il en ressentait un besoin impérieux. Il fait même allusion à ses désirs et c’est un ultime coup porté à ses rêves de romance et de mariage… A-t-il conscience de tout ça ? Il n’en donne pas l’air. Il est parfaitement sincère dans ce qu’il dit et elle l’est tout autant quand elle lui répond : « Je ne vous quitterai jamais, Monsieur. A moins que ce ne soit vous qui vous lassiez de ma présence et me le demandiez. »

C’est une réponse impulsive qui glisse de ses lèvres avant même qu’elle puisse réfléchir à la portée de ses mots, à combien elle se dévoile, aussi. « C’est un honneur et un bonheur pour moi de savoir que ce que je pourrais vous dire compte, Monsieur. J’ai toujours eu à cœur de vous soutenir et je continuerai, quoi qu’il en coûte. » Elle a un regard discret autour d’eux, elle sait qu’elle ne devrait pas dire ce qu’elle souhaite dire, pour peu que les murs aient des oreilles, alors elle se penche et murmure d’une petite voix : « Vous avez la stature et l’âme d’un roi. Si ça ne tenait qu’à moi, le seriez depuis longtemps. Je demeure à vos côtés parce que j’ai parfaitement conscience de ça. D’une certaine façon vous êtes déjà mon roi. » Les deux derniers mots trahissent sa pensée et réalisant ce qu’elle vient de dire son regard s’abaisse bien vite sur un coin de la table et elle se recule, se cachant une nouvelle fois derrière ce verre qu’elle porte à ses lèvres.

Elle en oublierait presque le majordome et sa servante qui échangent des regards, un peu plus loin.



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Mer 24 Nov - 19:48
Ranimer la flamme
Il était rare qu’il se rende compte du pouvoir et de la portée de ses mots. Bien souvent, il les choisissait pour paraître éloquent et captiver son audience, au détriment des sentiments de son public. Ici, il était à des années lumières d’imaginer toucher la corde sensible de Clarisse. Le Prince s’était exprimé sans filtre, ce qui arrivait plutôt rarement, avec un calme olympien et une assurance certaine. Là encore, il ne se doutait pas à quel point certains des mots de son discours pouvaient avoir le don d’électriser la rousse, dans le bon sens du terme.

Fier de son maître, fier du Roi qu’il avait vu grandir, le majordome avait arqué un sourcil de surprise en l’entendant se soucier du désir de son invitée. Car maintenant qu’il voyait la demoiselle d’un œil nouveau, qu’il la remarquait, Ambrose comptait bien réparer ses tords et se rattraper. Après tout, à en croire sa mère, elle se languissait de lui, inlassablement, depuis bien des années, passant probablement à côté des flirts et autres jeux de séduction avec d’autres hommes par dévotion pour lui. Il y avait de quoi être flatté, surtout au vu du minois et des formes équilibrées de la flamboyante qui lui assuraient de faire chavirer les cœurs. Alors qu’elle aurait pu déjà être mariée et mère, Clarisse avait emprunté un tout autre destin et tout mis en œuvre pour rester fidèle à la cause du Prince, pour rester au plus près d’Ambrose. C’était… touchant, déroutant, envoûtant.

Il était très plaisant de tenir un pareil discours et qu’il ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd, ni même de l’ennemi. Car pour le Prince oublié, tout partisan de Victoire de France est de fait son ennemi. Ici, l’auvergnat eut une énième preuve de la dévotion de Clarisse qui lui fit en quelques sortes la promesse de sa fidélité, arrachant alors un sourire sincère au Prince. Qu’il était bon de se sentir soutenu. Qu’il était bon de se retrouver entre personnes sensées, raisonnables, capables de voir que la France n’a pas d’avenir avec l’actuelle tête couronnée. S’il n’était pas un ours, il aurait presque eu envie d’attraper sa main, de la serrer en ses doigts, d’en embrasser le dessus et de ronronner en remerciement. Elle devrait se contenter de son sourire. Après tout, c’était déjà un beau cadeau, car l’auvergnat s’était terré dans le mutisme et un monde grisâtre, amère, colérique, depuis le début de cette année. Entouré des personnes assurant son soutien, il pourrait sortir de ses travers, peu à peu.

- Comment pourrai-je me lasser de vous si vous me soutenez, quoi qu’il en coûte, pour reprendre vos propres mots ?

Aucune flatterie derrière ces paroles, de simples faits. Car quand bien même il n’avait pas été le plus attentif, le plus tendre, le plus romantique, loin de là, il ne l’avait jamais violemment repoussée, ne l’avait jamais humiliée, n’avait jamais cherché à la blesser. Il était distant, la tête en l’air, peu loquace, maladroit, comme avec tout le monde, tout simplement. Rien n’était contre elle particulièrement et maintenant qu’elle savait qu’il comptait se reprendre et en terminer avec ses erreurs, peut-être sera-t-elle rassurée ? Car si Ambrose n’est pas le meilleur des amis, le plus flatteur, le plus drôle, le plus plaisant pour tenir une conversation, il est une qualité qu’on ne peut lui ôter : lui aussi est loyal. Et parce qu’il ne supporte pas les injustices, il lui est impossible de faire du mal à ceux qu’il reconnaît comme ses fidèles amis. Être l’ami d’Ambrose, c’est s’assurer sa protection, son amitié, sa sympathie, avec sa propre définition de ces termes.

En la voyant se pencher vers lui, pour partager des paroles purement entre eux deux, il fit de même. Ce qu’il entendit était semblable à un chant divin à ses oreilles. Ou à un délicieux bonbon que l’on laisse fondre dans sa bouche pour s’en délecter. L’appeler « mon roi » était sans doute la meilleure idée de Clarisse. Non pas qu’il en fallait peu pour le séduire, n’est pas ours qui le veut… Néanmoins, il fallait bien reconnaître que cela lui fit un certain effet. Ajouté à cela la beauté de la demoiselle, maintenant qu’il la regardait réellement pour s’en rendre compte… Les pensées d’Ambrose dévièrent légèrement, très légèrement. Avec ses joues rouges, ses lèvres délicieuses et sa loyauté à tout épreuve, et bien, il n’était qu’un homme et son sourire s’étira davantage... Durant quelques instants il détailla les traits de son visage une nouvelle fois, laissant libre cours à ses pensées. Assez longtemps pour lui laisser l’occasion de faire de même, mais pas davantage pour ne pas rendre le moment trop gênant. Il se renfonça dans son siège et son sourire s’estompa peu à peu, avant d’énoncer une vérité :

- Votre roi est sans reine.
Clarisse d'Aquitaine
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Clarisse d'Aquitaine
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Jeu 25 Nov - 19:56
Clarisse a le sentiment que quelque chose dont elle n’a pas entière connaissance se joue, à cette table. Il possède toutes les cartes et la laisse se dévoiler, tranquillement mais surement. Elle est perdue, certes, et en même temps comme dans un cocon… Tout ce qu’il lui a dit jusque-là la berce dans un espoir qu’elle n’aurait jamais cru formuler, quelques heures plus tôt. Il s’est excusé de la façon dont il a agi avec elle par le passé et désormais, il la flatte. Parce que c’est bien ce que c’est, qu’il l’admette ou non. Il n’est pas décontenancé par la franchise de ses paroles et parait même satisfait.

Les yeux de la rousse s’abaissent légèrement à ses propos et elle espère qu’il réalise avec la même vivacité qu’elle tout ce qu’ils se disent là. Cette fidélité qu’elle annonce haut et fort n’est aucunement exagérée. Cela fait bien trop longtemps que c’est ainsi, pour elle. Être dans son ombre, l’aider et faire en sorte d’être un soutien (visible ou non par le concerné), c’est ce qu’elle fait depuis longtemps. Lui déclarer droit dans les yeux lève un monceau d’intimité, pour Clarisse, mais n’est qu’une affirmation accessoire. Qu’il l’entende ou non c’est déjà comme cela qu’elle fonctionne. Ce qui change, en cet instant, c’est qu’il parait s’en réjouir.

Il sourit et il est beau, son visage éclairé par une émotion qu’il n’affiche que rarement. Elle sent parfaitement ses yeux clairs qui l’examinent une fois de plus. Est-ce donc la première fois qu’Ambrose réalise vraiment la femme qu’elle est et cette loyauté indéfectible qui est la sienne ? Il semblerait. Elle apprécie cette façon qu’il a de l’observer. Est-ce pour cette raison que ses mots se teintent d’une audace dont elle n’aurait pas cru faire preuve, face à lui ?

Si elle n’est pas habituée à le voir ainsi, lui, elle en a déjà vu d’autres avec un regard semblable en sa direction. Des yeux gourmands qui s’attardent ça et là sur ce qu’elle à montrer : sa chevelure de feu qui tombe en boucles soignées autour de son visage, ses pupilles bleu océan et ses formes avantageuses… A partir du moment où elle capte cette étincelle chez le duc, elle n’a pas l’intention de la laisser passer et encore moins de l’oublier. Elle a vingt-deux ans désormais et a passé bien trop de temps à songer à lui de manière de moins en moins chaste (pourquoi le nier ?), alors… elle a le droit, ne serait-ce qu’en pensée, d’imaginer bien des choses. Les mots qu’elle prononce se font plus aventureux.

Tandis que la citronnade éveille ses papilles, elle les entend résonner, encore et encore. Au-delà du zeste de trahison envers Victoire de France, ce qui est flagrant reste son impertinence. Le duc, aussi détaché qu’il ait pu l’être jusqu’à cette discussion ne semble plus si indifférent. Clarisse est embarrassée de ce « mon roi » qui s’est imposé à elle et, en même temps, sent une forme d’excitation curieuse monter en elle. Est-ce le mot de trop ? Ou au contraire… une déclaration parfaitement honnête ? Il peut l’entendre comme il le souhaite, elle s’adaptera. Elle s’est toujours adaptée jusque-là.

Elle a la confirmation d’avoir touché une corde sensible car l’intérêt présent dans le regard de l’homme semble s’accroitre. Elle se décide à plonger ses yeux dans les siens et il ne rate rien, absolument rien, de la surprise qui les habitent quand il annonce que son roi est sans reine. Son cœur manque un battement et elle baisse le regard. Cette toute petite phrase est lourde de sens… selon le sens que l’on veut lui donner. Tour à tour, c’est une vague de chaud et de froid qui la traversent. Beaucoup de questions aussi. Trop pour qu’elle garde une parfaite maîtrise d’elle-même. Qu’entend-il par-là ? Est-ce une simple affirmation dans la continuité de ce qu’ils se sont dit jusque-là ou… est-ce que cela la concerne ? Doit-elle y voir un sous-entendu ? Elle aimerait. Ah, ce qu’elle aimerait qu’il parle d’elle !

Clarisse d’Aquitaine peut être parfaitement perspicace et voir entre les lignes pour bien des choses mais pas quand il s’agit d’Ambrose de France. Pas quand il s’adresse ainsi à elle, avec une attitude et des mots qu’elle s’était résignée à ne jamais entendre de sa part, sauf dans ses rêves. Elle n’est cependant pas femme à perdre trop de temps en de longs soliloques intérieurs.

« C’est vrai. » Il n’a pas besoin d’épouse pour être déjà roi de son cœur… « Avec la bonne personne à vos côtés, vous pourriez améliorer d’autant plus votre image et gagner en influence. »

Sa voix est curieusement neutre. Elle ne veut pas se trahir, elle ne veut pas se faire mal inutilement non plus. Elle marque une pause et reprend : « Est-ce donc pour cela que vous êtes revenu sur la capitale ? Vous envisagez vous aussi le mariage ? » En le disant elle réalise que si ça se trouve, ce n’est que ça. Le mariage prochain de son ami le duc de Normandie le rappelle à sa propre condition, ses propres obligations. Actuellement, à la Cour, être sans épouse ou sans mari arrivé un certain âge est perçu comme un échec et le mariage, comme une réussite. S’il se marie, ce sera effectivement bien vu.

Peut-être donc n’est-ce que ça… Après cette loyauté sans faille qu’elle lui a annoncée, comment le prendrait-elle s’il lui demandait simplement des conseils sur les femmes de bonne naissance en vogue à la Cour ? Parviendrait-elle seulement à soutenir son regard, une fois de plus, sans que ses émotions ne prennent le dessus ? Sa main qui ne tient pas le verre se glisse sous la table et se transforme en un poing qui serre farouchement le tissu de sa robe. Saura-t-elle rester forte ?



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Jeu 25 Nov - 23:22
Ranimer la flamme
Ambrose de France n’était ni marié, ni fiancé. Une fatalité qui, à leur siècle et surtout à son âge, avait le don d’attirer de mauvais jugements sur le Prince. Et ce qui avait le plus le don d’agacer les colporteurs de ragots, c’était à quel point il n’en avait rien à faire. Car le mariage, jusqu’ici, n’avait pas été une question de la plus haute importance à ses yeux et il ne s’était pas caché de donner son avis et de décourager des prétendantes. Dorénavant, Ambrose avait un regard neuf, notamment grâce à son échange avec la mère de Clarisse. Et comme les choses ne doivent pas traîner avec lui, car tout ce qui peut être fait maintenant ne sera plus à faire demain, l’épineux sujet du mariage devrait être traité dans les plus brefs délais. Si une union pouvait à la fois lui apporter une alliance intéressante, le retour de la confiance de ses partisans et, cerise sur le gâteau, un mariage heureux, il s’estimerait gagnant. Car là encore, en ce siècle, les mariages heureux parmi la noblesse ne sont guère considérés face à des intérêts politiques ou l’argent… Peut-être, enfin, la chance du Prince de France, Roi légitime, se manifesterait dans l’un des aspects de sa vie ?

Il n’y avait aucun doute sur le lien familial entre Mathilde et Clarisse d’Aquitaine. Les mots que la fille employa ressemblèrent fortement à ceux qu’il avait entendu, plusieurs jours plus tôt, de la bouche de sa mère. Une bonne alliance ferait ses affaires et ranimerait la flamme chez ses partisans. Avec un joyau à ses côtés, son éclat naturel reviendrait pour subjuguer les défenseurs d’une France forte. Soit Mathilde d’Aquitaine avait bien fait son éducation, soit Clarisse avait réellement un esprit assez vif pour mener son bout de chemin dans le monde de la politique. Toujours est-il que son discours ne cessait de plaire au brun face à elle. Forcément, il allait dans son sens et, maintenant qu’il y songeait, cela ne l’étonnait pas. Ses mots faisaient échos à des conversations passées, anciennes, nouvelle preuve que son discours et sa dévotion avaient toujours existé.

Si la question de Clarisse n’avait rien de trop intrusif, le ton de sa voix ayant légèrement changé, le Prince s’interrogea. Est-ce qu’elle aurait peur qu’il revienne pour en épouser une et se moquer d’elle ? Quand bien même ce n’était pas son genre, il était connu qu’il en avait découragé plus d’une par le passé, quand ce n’étaient pas ses parents qui s’en chargeaient dans son dos. N’ayant pas un mauvais fond, il ne faisait rien pour humilier ou ruiner la réputation des demoiselles, mais son caractère peu avenant était suffisant pour le rendre suffisamment antipathique et obtenir la paix qu’il désirait. Forcément, ces sons de cloches peu flatteur étaient parvenus aux oreilles de la flamboyante, bien qu’elle ne semblait ni les entendre, ni les écouter. Dans sa démarche pour balayer ses injustices passées, il voulut lui dire la vérité et évoquer sa mère.

- Comme je vous l’ai dit, je suis revenu pour les noces du Duc…

Sa voix perdit de sa superbe, devenant peu à peu moins assurée. L’aura du Roi laissa celle du maladroit reprendre le dessus. De nouveau, sans pouvoir se contrôler, il se gratta la tête, rendant sa coupe de cheveux plus chaotique encore. Quand bien même il n’était pas le meilleur pour ménager les émotions des autres, il s’imaginait difficilement lui annoncer de but en blanc vouloir trouver sa Reine, sans donner plus de détail, et qu’elle accepte ce fait sans broncher. Ce serait sans doute une déception, une torture, une source de souffrance pour la flamboyante Clarisse. S’il en croyait sa mère, elle n’avait d’yeux que pour lui depuis des années, si ce n’est depuis leur première rencontre. Ambrose se sentait coincé et le poids de la demoiselle sur lui l’empêchait de réfléchir. Incapable de mentir plus longtemps, il finit par lui avouer une bonne partie de ses motivations, masquant tout de même quelques détails pour ne pas la décevoir.

- Oui, j’envisage un mariage. J’ai conscience qu’en fuyant la capitale j’ai commis une grave erreur et que, mon célibat à mon âge, n’aide pas mes partisans à se manifester. Je suis de votre avis, avec la bonne personne à mes côtés, je pourrai retourner à mes devoirs et me battre pour la couronne. Mon image se renforcera auprès de ceux qui doutent.

C’était un premier pavé dans la mare, une première grosse révélation : Ambrose de France, l’ours mal léché, buté et impossible à séduire, songeait très sérieusement à changer de situation et considérait la vie maritale. L’espace d’un instant, sans doute réceptif aux bonnes ondes de son majordome qui l’encourageait à faire preuve d’un semblant de compassion pour les sentiments de Clarisse, il songea à ce qu’elle pouvait ressentir après cette nouvelle. Ainsi, il voulut la rassurer, sans pour autant trop s’avancer, sait-on jamais qu’ils ne soient jamais sur la même longueur d’onde, il ne pouvait lui faire de promesse en ce jour.

- Je ne désire pas épouser n’importe quelle femme. Un raclement de gorge d’André se fit entendre, trouvant la tournure de la phrase indélicate. Entre celles qui soutiennent Victoire de France, celles qui n’ont rien de noble, celles qui sont étrangères à la France et celles que j’ai déjà moi-même éconduis par le passé… Il en parlait comme s’il dressait une liste de commissions, c’était affligeant et son majordome sentit une vague de honte le submerger. Je ne veux pas épouser quelqu’un qui me trahira, qui vendra mes secrets, qui ne saura pas me soutenir. Je veux faire de la reine de France un joyau dont la loyauté est indiscutable, en qui je pourrai avoir pleinement confiance, qui portera les princes et les princesses de France, qui ne fera pas honte à la nation et qui saura éclipser toutes les autres femmes par sa simple présence.

Sa voix avait retrouvé en confiance, en fermeté. Ce sujet était toujours délicat pour le Prince, très maladroit dès qu’il s’agissait de sentiment, de romance et de mariage. Néanmoins, l’enjeu de la France l’encouragea à se montrer fort et assuré dans ses désirs. Pour tout indice sur l’identité d’une prétendante, il conclut :

- Peu nombreux ont gardé leur allégeance pour le roi légitime, me sont toujours fidèles, resteront à mes côté, que je sois ici ou en Auvergne. Et encore moins nombreuses sont les femmes m’entourant, prétendantes au titre de reine, Clarisse.
Clarisse d'Aquitaine
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Clarisse d'Aquitaine
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Ven 26 Nov - 20:57
Dans tous les cas, elle se doit de rester forte. Désormais il lui est impossible de remettre en cause l’engagement qu’elle a envers cet homme. Peu importe ce qu’il lui dit, ce qu’il fait, elle sera là, pas loin, à le soutenir comme elle l’a toujours fait. L’hypothèse qu’il en épouse une autre est une réalité qu’elle ne s’est jamais cachée. Tout comme elle aurait pu se retrouver déjà mariée, si le destin ne s’en était pas mêlé. Son attachement à Ambrose de France va au-delà de tout cela.

Pourtant, en cet instant, c’est l’espoir qui prend possession de toute forme de logique en elle. Il est différent, presque doux – à sa manière – et semble avoir véritablement ouvert les yeux en sa direction, de ce qu’il dit. Elle ne sait pas s’en détourner. Elle ne sait pas calmer son cœur et le chaos qui agite son esprit. Elle essaie de ne rien en montrer, la voix prudente et les mots imperturbables, alors que sous la table, ses jointures se dessinent sur son poing serré. Le tissu de sa robe sera probablement tiré à jamais en cet endroit. Quelle importance cela peut donc avoir par rapport au duc d’Auvergne, son regard éternellement rivé sur elle et cette lueur qui prédomine dans ses yeux bleu gris et qu’elle ne parvient pas encore à décrypter ?

Vouloir faire bonne figure est une chose, être prête à entendre ce qu’il a à lui répondre en est une autre… Elle ne détourne pas les yeux pour autant, tandis qu’il poursuit son explication, acquiesçant dans son sens. Le mariage est un sujet important et sacré aux yeux de beaucoup. Cela en ferait un bon chrétien, un roi honorable, un homme accompli et un père en devenir. Autant de choses qui ne pourraient que satisfaire nombre de ces soutiens et de ceux qui n’attendent que peu de choses pour le devenir. Il en a conscience tout comme elle. Elle ne se fait pas confiance toutefois pour approfondir la chose en l’immédiat et hoche simplement la tête, d’une manière lui donnerait presque une attitude timide. En vérité, c’est sa fébrilité intérieure qui la rend ainsi sur le fil. Elle veut savoir, comprendre l’issue de toute cette conversation autant qu’elle la craint. Plus les minutes s’égrènent, plus elle a la certitude qu’il est là pour lui annoncer quelque chose d’important. De très important.

Tellement concentrée en direction d’Ambrose, c’est comme s’il était un aimant face auquel elle n’avait aucun espoir de se détourner un jour. Jamais elle ne le voudrait, de toute façon. Autour, il y a le majordome du duc qui semble avoir développé comme un code silencieux avec son seigneur et ne perd rien de leur échange, pas plus que Gisèle qui a délaissé son recueil de poèmes depuis plusieurs minutes. La tension à cette table est nettement plus fascinante que des vers couchés sur le papier. Même si… le prince de France n’est pas particulièrement poète. « N’importe quelle femme », dit-il, et la main de Clarisse se crispe encore plus sur sa jambe. Qu’est-ce qu’il entend par là ? Très vite, il se rattrape pourtant et son énumération est éloquente. Il parle de femmes qu’il aurait lui-même éconduit. Elle pense brièvement « J’ai été éconduite moi-même. » avant de se souvenir d’une subtilité qui a son importance : il ne l’a jamais repoussée. Elle n'a simplement pas eu l’occasion de passer le filtre de ses parents. Elle ne sait pas les raisons concrètes de ces deux refus, d’ailleurs. Une incompatibilité avec sa mère ? Des enjeux et des prétentions différentes ? Quelque chose comme ça, sans doute. Ce n’est pas grave. Il ne l’a jamais éconduite. Déjà sa voix grave résonne à nouveau et les hochements de tête de Clarisse se font plus discrets encore. Il cherche… une reine. Il la cherche et il a une idée très précise de ce qu’il en attend.

C’est un sourire léger, un peu crispé, qui orne le visage de la rousse. Sa respiration est difficile. Elle n’aime pas ce sujet. Pas dans la bouche de cet homme qui a son entière affection depuis bien trop longtemps. Pas quand il suffirait de quelques mots de sa part pour que tout l’espoir qui l’habite s’écroule définitivement ou, à l’inverse, se transforme en une joie qui briserait facilement chacune des barrières qu’elle s’est mise jusque-là pour garder la face. Elle ne sait pas ce qu’il a en tête et plus rien ne passe ses lèvres. Elle le fixe juste tandis qu’il se remet à parler. Il est question de fidélité envers lui. Il est question des femmes qui l’entourent…

Et le cœur de Clarisse tambourine comme il ne l’a jamais fait. Ses yeux sont brillants. Elle a tout entendu, tout vécu de ces dernières minutes dans une intensité redoutable. Chaque mot est comme une brise qui vient se poser sur elle et peut repartir tout aussi vite.

Chose absurde… elle a peur. Elle, la flamboyante Clarisse d’Aquitaine, est à fleur de peau et complètement à découvert face à cet homme. Elle ne se sent plus capable, après ce qu’il vient de dire, de se dissimuler. De rester dans l’incertitude encore plus longtemps. Il a trop dit ou pas assez. Ses yeux piquent tandis qu’elle prend sur elle pour ne pas les détourner. Elle ne veut rien perdre de ce visage qu’elle croit connaître par cœur et qui lui prouve, une fois de plus, combien elle se trompe. Tout ce qu’il a dit là est une surprise immense. Jamais il ne s’est montré aussi prolixe sur les choses du mariage et de la vie conjugale. Sur les femmes, même. Et là, tous ces mots sont tournés vers elle. Le silence s’installe un court instant. Elle ne sait pas ce qu’elle est censée dire, censée comprendre.

Quand elle ouvre enfin la bouche, c’est d’une voix si incertaine qu’elle ne se reconnait même pas. « Monsieur… Vos mots me troublent. Je crains de mal comprendre, je crains de me méprendre et de me ridiculiser davantage. » Elle ne s’en remettrait pas. Pas devant lui. « Et d’un autre côté, j’ai envie de croire. J’ai envie d’espérer. Je ne saurais admettre que vous soyez en train de me torturer volontairement. » C’est trop difficile pour elle, le rouge à ses joues s’accentue encore (si c’est possible) et ses yeux se détachent des siens. C’est dans un souffle qu’elle achève. « Je vous en prie, Ambrose, dites-moi véritablement ce que vous voulez me dire. »

Si un léger hoquet surpris résonne derrière elle à l'usage du prénom du prince, elle s'en moque.



fin août 1590

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Ven 26 Nov - 22:27
Ranimer la flamme
S’il estimait avoir été assez clair dans ses paroles, Clarisse lui démontra le contraire. Certains diraient qu’elle joue la carte de la modestie, souhaite se faire désirer, d’autres diraient qu’elle est simplement sotte ou que le Prince s’exprime comme un imbécile. Cela aurait été tellement plus simple si elle pouvait comprendre seule ses intentions, lire ses pensées, l’empêcher de devoir en dire d’avantage et très certainement d’avoir des propos qui n’auraient rien d’engageant. Hélas, la flamboyante n’était pas certaine de comprendre le sens de son discours. Est-ce qu’il s’exprimait à ce point mal ?

La suite lui laissa entendre qu’elle devinait ses intentions, mais hésitante, ne désirant ni s’infliger des peines, ni la honte, elle n’osait en être certaine. Le roi légitime se sentit bouillir de l’intérieur, lentement. Pourquoi fallait-il que toutes ces choses soient compliquées ? Pourquoi les mots n’étaient pas aussi faciles à manier qu’une épée ou une monture ? Il était bien plus doué dans ces deux domaines que dans l’art de réciter des poèmes avec passion et conviction, ou encore dans l’art de séduire. L’inconfort et la gêne de cette situation commençaient sérieusement à se faire ressentir, à son grand désarroi, bien qu’il tentait par tous les moyens d’affronter ce sujet avec dignité.

Comme par le passé, elle prononça son prénom. Il roula sur sa langue et sortit dans un son qui se détachait du reste de sa phrase. Derrière elle, sa dame de compagnie hoquetait de surprise, semblant sur le point de lui rappeler qu’elle était en présence du Prince de France. Quant à André, il ne perdait plus une miette de leurs échanges, ne prétextant même plus de regarder ailleurs que dans leur direction. Ni l’un ni l’autre ne souhaitait réellement intervenir et désirait plutôt laisser les deux nobles s’en sortir seuls. Après tout, un grand enjeu se cachait derrière ces retrouvailles. C’était comme lire un roman, les pages défilaient et le dénouement était très attendu de tous.

- Je pensais être clair… Marmonna-t-il, visiblement gêné.

Les iris bleus de la flamboyante cherchaient la moindre réponse sur son visage. Le rictus qui la rassurerait, le sourire qui l’encouragerait. C’était presque trop à supporter. Elle espérait tant en cet instant et lui avait même fait part de son désir de croire qu’il n’était pas simplement en train de la torturer. Cherchant ses mots pour lui dire véritablement le fond de sa pensée, il ne trouva que des tournures de phrases lourdes, déplaisantes, épuisantes. Il se massa les tempes, se tira quelques cheveux, avant de pousser un soupir dramatique, supposé l’aider à se détendre. Alors qu’il se massait la nuque, ressentant une vive tension, il bredouilla :

- Nous n’avons pas l’air de bien nous comprendre aujourd’hui, mais je crois que vous croyez bien…

Que c’était bancal, mais que c’était bancal ! Son majordome réprima une grimace en constatant que son Prince n’avait plus rien d’un Roi, mais l’air d’un adolescent s’essayant pour la première fois au flirt. Conscient de la pauvreté de son discours, Ambrose désira faire mieux.

- Ce que je veux dire, c’est que vous me dites croire en quelque chose et il me semble que de ce que vous me dites, je crois bien que c’est ce que vous êtes supposée croire.

L’espace d’un instant, André se demanda si son Prince n’était pas en train de revenir sur ses résolutions, de se débiner et de noyer le poisson. Néanmoins, il voulut croire en lui et sa volonté de ne plus être l’ombre de lui-même. La gêne était palpable, elle se disséminait dans la pièce, se respirait et s’attrapait chez chacun des protagonistes. Cette conversation n’avait plus ni queue ni tête et chacun voulait en venir à bout. Épuisé par ses tentatives minables, le Prince grogna. Rien de trop impressionnant, mais disons que cela pouvait conforter dans l’idée qu’il était mi-ours, mi-homme.

- Oh bon sang, c’est si dur de faire des phrases.

Il se passa ses deux mains sur son visage, avant de reprendre un minimum de contenance. Finalement, il réussit à cracher le morceau de manière claire, mais toujours sans le moindre soupçon de romance.

- Vous êtes la seule qui me soit aussi dévouée, la seule autour de moi qui ne m’abandonne pas car je suis un grand dadais lent ou décourageant. Vous êtes la seule prétendante, Clarisse.

Le pavé dans la mare était jeté. L’espace d’un instant, il savoura ce sentiment de soulagement. Et puis, très rapidement, le rouge lui monta aux joues et il devint presque difficile d’affronter le regard de la flamboyante. Ambrose de France était un épéiste réputé, un stratège, une figure, un monarque pure, mais qu’il était nul pour faire rêver ces dames…
Clarisse d'Aquitaine
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Clarisse d'Aquitaine
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Sam 27 Nov - 1:36
Elle a besoin de savoir, elle a besoin de comprendre, elle a besoin d’entendre des mots clairs dans sa bouche. Sans quoi… elle va exploser. Cette sensation d’incertitude et d’excitation mêlée ne fait pas bon ménage et elle est à deux doigts de craquer. Elle le sait. Elle le sent. Qu’elle n’ait pas à se permettre une telle familiarité envers le prince, par l’usage de son prénom, lui semble tellement dérisoire au milieu de tout ce qu’ils sont en train de se dire – ou de ne pas se dire, justement. Si elle y met les formes autant que possible, elle ne dissimule aucunement l’urgence dans sa voix. Articuler les syllabes qui constituent son nom s’est fait naturellement. C’est un prénom qu’elle prononce souvent, dans le noir, en secret. C’est un prénom qui résonne avec une puissance sans pareil, dans son esprit. Là, c’est une preuve de plus. Comme sa manière à elle de le supplier un peu plus. Un retour bien des années en arrière autant qu’une rappel de cette proximité qui fut la leur… même s’il ne l’a pas toujours vue comme elle l’aurait voulue, elle l’a rarement perdu des yeux, elle.

Et aujourd’hui, ce sont ses mêmes prunelles qu’elle essaie de fuir un bref instant. Elle n’a plus la force de soutenir son regard tant qu’elle demeure dans cette incertitude confuse. Si Gisèle s’offusque c’est bien le cadet de ses soucis. Elle veut savoir… doit-elle enfermer à jamais son cœur qui bat comme le plus puissant des tambours ? Doit-elle le verrouiller et lui faire comprendre qu’il sera à jamais cloisonné et destiné à souffrir en regardant Ambrose de France heureux avec une autre ? Ou au contraire… peut-elle croire en une joie véritable, puissante et intense ?

Face à son attente le cœur au bord des lèvres, il oppose une certaine gêne qui la décontenance un peu. Il dit être « clair » ? Si c’est ce qu’il appelle de la clarté, qu’il revoie donc sa définition ! Elle a un sursaut d’orgueil à peine perceptible dans le regard. Une surprise voilée d’un peu de fierté. Non mon cher Ambrose, non, ce n’est pas clair. Qu’il réagisse ainsi la rassure presque mais ce n’est pas pour autant ce qu’elle veut entendre, alors elle n’en dit rien et ses yeux se baissent à nouveau. Elle a besoin qu’il aille plus loin que ça. S’il a quelque chose à lui dire, qu’il lui dise, sans laisser place au moindre doute.

« Je crois que vous croyez bien… » fait-il entendre d’une voix hésitante. A nouveau le regard de Clarisse se perd et ne sait guère sur quoi se concentrer. Ce duc qui balbutie une phrase peu explicite dévoile une facette qu’elle n’avait jamais vraiment aperçue, le concernant. Il n’a pas une stature royale, en cet instant. Il est un homme avec ses incertitudes. Il en est presque touchant.

Il doit bien voir que ses mots n’aident franchement pas et se reprend. A sa deuxième tentative, un sourcil se fronce de lui-même sur le visage de Clarisse. Est-il en train de se moquer d’elle avec ses phrases sans queue ni tête ? Peut-être va-t-il falloir revoir sa rhétorique. Il joue sur les mots qu’elle a employé, cependant. Si elle arrive à démêler sa phrase, il dit qu’elle est bien supposée croire. Supposée croire… qu’il parle donc de ce qu’elle espère le plus au monde ? Serait-ce vrai ? Elle n’est pas réellement plus avancée.

C’est quand il s’exclame ensuite, se passant les mains sur le visage, qu’elle comprend qu’il ne joue aucunement avec ses sentiments. Il est simplement tout aussi perdu qu’elle. Si elle le pouvait, elle attraperait une de ses mains pour qu’il se calme, pour qu’il prenne confiance… Une fois de plus ses prunelles bleues se fixent sur le visage du brun. Elle n’a rien perdu de son désarroi passager.

Toujours suspendue à ses mots, c’est la troisième tentative qui est la bonne. Il parle, elle écoute et secoue la tête à ses mots, comme pour sous-entendre « Vous, un grand dadais ? Jamais ! ».  C’est sa dernière phrase, enfin, qui la libère d’un poids qui coupait tout autant sa respiration que ses paroles. C’est quand elle sent un sillon humide couler sur sa joue qu’elle réalise que l’émotion qui la saisissait jusque-là s’est transformée en une larme discrète, plus forte que cette contenance qu’elle parvient difficilement à garder. Son poing se desserre pour sécher rapidement cette larme sur son visage. Si elle espère que cela passe inaperçu, c’est probablement raté.

Elle ne mesure même pas l’immense sourire qui s’impose sur ses lèvres. C’est lui qui doit attendre sa réaction, maintenant. « Je… C’est un cadeau que vous me faites, Monsieur. » Plus qu’un cadeau, en vérité. Un rêve qui devient réalité, un espoir trop longtemps enfoui qui éclate dans toute sa splendeur. Si elle s’attardait réellement elle pourrait se demander si elle est un choix par défaut, s’il n’a envisagé personne d’autre simplement parce qu’il ne connait personne d’autre… Elle s’en moque. Elle a entendu les mots qu’elle désespérait entendre et rien n’entachera son bonheur. Ce n’est plus d’inquiétude ou d’incertitude que ses prunelles brillent mais bien d’une joie immense. Tant pis si cela éclate, tant pis si elle en devient transparente. Si c’est à ses yeux à lui… qu’elle soit donc mise à nue, maintenant qu’elle a entendu, maintenant qu’elle a compris.

« Je vous ai toujours été dévouée en tant qu’amie, Monsieur le duc. Je le serai plus encore comme… épouse. Si vous voulez donc de moi en tant que tel. » Elle se sent formelle. Trop. C’est que par le passé les deux fois où elle a été fiancée n’ont jamais rimé avec véritable bonheur ou attraction. Ce n’était qu’une formalité dans laquelle elle n’avait pas son mot à dire. Là, tout est différent.

Ses pensées se bousculent et elle ajoute. « C’est un immense honneur et une immense joie, Monsieur. » Elle se corrige. « Ambrose. » Elle aime ce prénom. Elle l’aime d’autant plus désormais qu’elle voudrait le crier. Ce n’est peut-être pas ce qui est attendu en un instant pareil mais pourquoi se taire ? Elle s’est bien trop cachée jusque-là quand il était question du brun, elle peut bien se permettre de se dévoiler un peu, juste un peu, à son propos. Elle n’est pas qu’un nom sur une liste. Elle est une femme qui l’a toujours observé, tantôt de loin, tantôt de près. Elle est un soutien indéfectible. Il ne doit certainement pas mesurer la force de ses sentiments pour lui.

Ses yeux dans les siens, elle le fixe à présent et remarque le rouge à ses joues. Pour lui aussi cette discussion est donc riche en émotion ? Un exercice auquel il n’était visiblement pas bien préparé mais… c’est ce qui le rend d’autant plus attendrissant. Car c’est bien ça. Il a été tantôt un roi charismatique, tantôt un homme avec ses failles et ses maladresses. Elle ne s’est jamais sentie aussi attirée et fascinée par lui qu’en cet instant. Elle voudrait l’entendre confirmer, encore et encore, son envie de l’avoir pour femme. Elle voudrait se livrer pleinement sur les sentiments qu’elle a à son égard. Elle voudrait pouvoir s’approcher, le toucher, s’assurer que tout cela n’est pas un rêve. Ah, si ça ne tenait qu’à elle… ! Son regard se voile d’une intensité qu’elle ne contrôle même plus.

« Je ne vous décevrais pas. »



fin août 1590

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Sam 27 Nov - 17:47
Ranimer la flamme
Évidemment, son geste pour se débarrasser de cette larme coulant lentement le long de son visage, il l’avait remarqué. De toute façon, il n’avait pas cessé de la regarder, quand bien même il devenait difficile d’affronter ses prunelles avec un tel sujet. Ce que la flamboyante avait tenté de masquer, peu discrètement, avait finalement été plus remarquable encore. Il s’y prenait à ce point comme un pied pour s’exprimer ? Le Prince essaya de trouver dans ses paroles un mot particulièrement désagréable, un sous-entendu négatif, quelque chose justifiant de tirer une larme à Clarisse. Définitivement, il n’y comprenait rien à rien. Il ne voyait aucun mal dans son discours et était à des années lumières de se douter à quel point la demoiselle était tout simplement heureuse…

Il se sentit comme un grand dadais, la mère de Clarisse avait raison. Il ne voyait pas même ce qui était sous ses yeux si bien que le grand sourire de la rousse le prit au dépourvu. Est-ce qu’elle ne pleurait pas juste avant ? Les femmes, vraiment, il fallait qu’elles viennent au monde avec une notice explicative, par pitié ! Clarisse lui parlait de cadeau et dans sa voix transparaissait tout le soulagement qu’elle ressentait, enfin, après des années de tortures silencieuses. Deux paires de prunelles, celles des domestiques, se posèrent sur elle avec beaucoup de bienveillance, ressentant la joie de la demoiselle, sa patience ayant portée ses fruits, enfin.

La promesse en tant qu’épouse de continuer à lui être dévouée était bien évidemment assez plaisante à entendre. Une deuxième fois, la flamboyante prononça son prénom et ce n’était pas pour lui déplaire. Quand bien même cela serait un moment embarrassant, selon la situation, il faudrait s’y faire car, si l’union était actée, entre eux il n’y aurait plus de Mademoiselle ou de Monsieur. Son ultime promesse, ou plutôt affirmation, de ne pas le décevoir arracha un petit sourire au Prince, dont les rouges étaient toujours réchauffées de belles couleurs.

Son réflexe était de lui affirmer qu’il n’en doutait pas un instant, car si Clarisse avait patienté toute sa vie pour cet instant, ne laissant rien transparaître, il s’imaginait fort bien qu’elle serait capable de beaucoup pour être digne de son rôle d’épouse et de reine. Néanmoins, un petit quelque chose dans son discours le troubla. « Si vous voulez donc de moi en tant que tel. » avait-elle dit. Est-ce qu’il ne lui mettait pas un peu le couteau sous la gorge ? Indécrottable, désespérant, le Prince s’emmêla les pinceaux et préféra jouer franc jeu pour être certain de ne pas forcer la flamboyante.

- Vous n’êtes pas obligée, vous savez. Ce n’est pas parce que je me suis imaginé tout cela que vous devez vous sentir forcée d’accepter… Ce n’est qu’une idée lancée comme ça, si vous avez d’autres projets, une alliance en cours, ou que sais-je…

Épuisé, épuisant, était le Prince. Le majordome avait envie de coudre les lèvres du roi légitime pour qu’il arrête de se ridiculiser. Une pensée très probablement commune à celle Gisèle, la dame de compagnie de Clarisse. Que l’on arrête le Prince, il s’embourbe, il s’embourbe !

- Je veux dire, j’ai vu votre larme, je sais que je ne suis pas un cadeau. Je suis désagréable, souvent, solitaire et renfermé, j’ai du mal à faire confiance. Je n’aime pas la vie mondaine, je n’aime pas les grands événements. Je ne dis pas toujours ce que je pense et lorsque je le fais, je blesse les autres sans le vouloir. J’ai l’impression d’être tout votre contraire, pour être honnête.

Dit ainsi, cela ne faisait pas rêver. Mais ne dit-on pas que les opposés s’attirent ? Toujours est-il que la franchise du Prince se voulait bienveillante et non décourageante. Pour une fois qu’il ne mettait pas tout en œuvre pour repousser une prétendante inintéressante ! Ici, il voulait prévenir Clarisse, quand bien même il ne se doutait pas à quel point elle le connaissait et savait tirer le meilleur de lui-même. Si un mariage devait avoir lieu, il désirait sincèrement qu’elle soit prête à l’affronter, lui, l’ours mal léché et ses gros défauts.

- Je ne suis pas très doué avec les mots, ne vous attendez pas à un grand romantique, je crois que vous avez eu un bon aperçu de tout ce dont je suis capable. Néanmoins… Je ne veux vous veux aucun mal, sincèrement, c’est pourquoi je vous demande d’être sûre de votre décision. Votre malheur n’est pas mon bonheur. Il serait normal que vous attendiez de moi que je vous comble, tout autant que vous me comblerez, j’en suis certain.

Ah, l’évocation des sentiments ! Tout naturellement, il se gratta férocement le crâne, désemparé par ce sujet. Un autre point, plutôt épineux, lui vint à l’esprit. Son visage se renfrogna, son sourire disparu et sa voix devint plus grave encore.

- Tout cela n’est qu’hypothétique, car je ne vous forcerai pas la main. Et puis, paraît-il que Victoire de France a son mot à dire.

Évidemment, parler de sa cousine le mettait d’une humeur massacrante. De surcroît, évoquer son pouvoir décisionnaire de reine, c’était la cerise sur le cageot.
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Clarisse d'Aquitaine
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Dim 28 Nov - 18:46
Clarisse a le sentiment d’être dans un cocon, une bulle de bonheur et de surprise qui lui semble encore bien fragile, en cet instant. Elle aimerait pouvoir affirmer tout haut et fort cette joie qui l’habite. Elle ferait probablement des jalouses, au passage, seulement… si Ambrose de France veut bien d’elle pour épouse, elle le mérite ! C’est à elle et à elle seule qu’elle le doit – pense-t-elle naïvement, parfaitement ignorante du rôle de sa mère dans tout ça. Sa dévotion n’a jamais faibli, sa présence auprès du prince, vue ou non par ce dernier, non plus. Cette discussion et son tournant étaient inespérés pour elle. Elle réalise encore mal et son corps lui-même demeure plongé dans une forme de confusion.

Cette larme traitresse en est la preuve. Sa fierté espère que le duc n’en a rien vu. Son cœur espère qu’il saura comprendre combien elle se réjouie des mots qui ont franchi ses lèvres. Elle ne se départie ni de son sourire ni de ses joues encore rougies. C’est qu’au-delà de cette demande, cette déclaration, il y a tout ce qui va suivre. C’est une aventure à deux qui les attend. Sa vie va changer et même si elle est parfaitement fébrile rien qu’en y songeant, là, elle est aussi excitée et enthousiaste. Il se passe tellement de choses dans son esprit qu’elle a une moue parfaitement étonnée en entendant les mots de l’homme.

Dès qu’il commence à parler, elle a envie de l’arrêter, de rire, de secouer la tête… Mais la surprise est forte et il semble bien parti à vouloir faire entendre son message. Comment peut-il croire qu’elle se sent forcée ? Ou qu’elle puisse avoir un autre projet que l’épouser, lui ? Oh bon sang… il est tellement dans l’erreur. Elle comprend mieux, toutefois, quand il évoque cette satanée larme. Elle lève légèrement les yeux au ciel avant d’être littéralement happée par ce qu’il ajoute. Il parle… de lui. Et en des mots fort peu élogieux, d’ailleurs. Combien d’hommes, combien de princes de sang tiendraient un tel discours ? C’est à ça qu’elle songe, Clarisse, captivée par ce qu’il dit. Il liste ses défauts avec une facilité déconcertante et oublie ses nombreuses qualités qui justifient sans mal cette fascination qu’il a toujours exercé sur elle sans s’en rendre compte.

« Monsieur… » Elle murmure, pour l’interrompre, mais il poursuit encore. Il la touche, littéralement. Il est d’une honnêteté redoutable et elle ne se sait guère capable de l’être tout autant. Elle se sait des défauts, sa mère lui en a souvent listé la grande majorité et elle a entendu bien des serviteurs se plaindre d’elle… mais elle serait incapable d'en faire le plein étalage face à celui qu’elle rêve d’appeler un jour « Mon époux ». Un rêve qui l'est de moins en moins, d’ailleurs. Ambrose lui parle, semblant presque s’excuser d’être ce qu’il est et elle prend sur elle. Elle aurait tant à dire, elle voudrait le secouer, l’encenser et l’embrasser en même temps ! Pour un ours reclus dans son Auvergne, il se dévoile curieusement sensible et attentionné à son égard. Il dit vouloir son bonheur, comment pourrait-elle se détourner de lui ?

« Vous me comblerez tout autant, j’en suis certaine. » Cette phrase prête à rougir et la couleur à ses joues s’accentue une fois de plus. « Sans doute est-ce moi qui n’aie pas été suffisamment claire, et je m’en excuse. Ne doutez jamais de mon envie de vous épouser, Monsieur. Bien au contraire, je pense être en cet instant la femme la plus heureuse de toute cette Cour. » S’il s’est livré, elle peut le faire également. Elle lui doit ça.

Quand il évoque « le » sujet sensible qui pourrait ternir ce joli tableau qu’ils forment, elle secoue la tête, comme s’il parlait d'un petit caillou qui se serait glissé dans sa chaussure. « Si elle est la femme qu’elle prétend être, elle n’a pas à s’opposer à votre bonheur. Vous êtes son cousin, après tout. » C’est une évidence et même si Clarisse sent naître une légère crainte à ce propos, elle refuse que cela gâche l’échange qu’ils ont tous les deux. Chaque chose en son temps. Elle ne veut même pas évoquer le prénom de la reine, ni même son titre.

La rousse prend une longue inspiration, se redresse un peu et plonge ses prunelles dans celles du prince. « Vous n’avez aucune idée de l’affection que j’ai pour vous, Monsieur, et j’ai peur que si je l’exprime un jour elle déferle sur vous jusqu’à vous noyer… » Si cela peut paraitre exagéré, il n’en est rien. Ces barrières qu’elle a dressées en elle sont encore robustes mais vacillantes. Après cette journée elles pourront probablement tomber à tout moment et elle devra prendre sur elle pour ne pas faire fuir cet homme qu’elle admire depuis si longtemps. « Vous êtes juste, honnête, digne et beau. La vie vous malmène, il est vrai, et comme je vous l’ai dit puisque vous m’acceptez à vos côtés je ferai tout ce qu’il faut pour vous aider à retrouver ce qui vous est dû. »

Il a joué cartes sur tables et c’est à son tour d’en faire de même. « Si vous me voulez pour femme tout autant que je vous veux pour mari, nous ferons de nos différences une force. Car la liste de mes défauts est bien plus grande encore que la vôtre… » C’est assez peu élégant, formulé ainsi, et cette fois c’est elle qui fait souffler sa dame de compagnie, dans son dos. Oui, c’est… direct. Trop pour l’élégante qu’elle est. Elle a besoin de décrisper un peu cette atmosphère qui est demeurée pesante, malgré tout. Elle a un léger rire. « Vous aurez sans doute le loisir de vous en rendre compte par vous-même ! » C’est dit sur un ton léger – et pas forcément faux.

Elle se sent pousser des ailes et profite du fait que Gisèle ait vue sur son dos pour oser étendre quelque peu le bras et ouvrir discrètement sa main au centre de la table. Peut-être comprendra-t-il… peut-être que non.

« Quant au romantisme… j’apprécie ce que vous avez su en montrer jusque-là. » Certains diront qu’il est complètement à côté de la plaque et c’est peut-être vrai. Néanmoins… « Tous les hommes n’ont pas cette prévenance dont vous faites preuve à mon égard. »



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Dim 28 Nov - 21:23
Ranimer la flamme
Les mots avaient suivi de manière fluide. On pourrait presque croire que cela avait été une tâche facile, une fois sur sa lancée. Pourtant, le Prince n’aimait guère s’ouvrir de la sorte, montrer le fond de ses pensées. Tout cela lui coûtait. Peut-être parce qu’il avait la crainte d’armer ses ennemis grâce à ses paroles ? Néanmoins, au vu de l’attachement de Clarisse et de son dévouement exemplaire, il n’avait rien à craindre d’elle. Peut-être que cela l’avait aidé à faire preuve de réalisme quant à son propre caractère. Il était tout à fait conscient de ses nombreux défauts, connus de beaucoup et faisant l’objet de conversations moqueuses à son égard. Un homme capable de reconnaître ses tords et ses défauts, n’est-ce pas une preuve d’intelligence, de modestie, de réflexion et de remise en questions ? De toutes manières, il ne pouvait plus revenir en arrière. Il n’irait pas jusqu’à dire qu’il avait confiance en la flamboyante, n’accordant ce privilège qu’à son majordome, son meilleur ami d’enfance et son frère, seul rescapé de sa famille. Néanmoins, il avait l’intime conviction qu’elle ne ferait rien de ses propos, qui n’avaient aucunement l’allure d’une révélation.

Clarisse se fit rassurante. Elle croyait en lui, tout comme lui croyait en elle. Ce serait un chemin tortueux, mais ils apprendraient à se connaître, se soutenir, se supporter, se séduire. Une perspective qui lui donnait envie de soupirer tant cela lui paraissait compliqué. André serait sans doute de bon conseil pour l’aider. Clarisse serait peut-être plus débrouillarde que lui pour mener la barque de la romance. Il songea un instant à demander l’aide d’Alaric, et puis il se souvint que ce bougre d’idiot avait envoyé des lettres non signées à sa future épouse, incapable de lui dire pendant des années qu’il ne désirait qu’elle. Finalement, Ambrose n’était pas le seul cas indécrottable !

Évidemment, elle gonfla son orgueil en lui faisant part de sa joie sincère de l’épouser. Il avait donc très mal interprété sa gêne et cette larme. Point de fausse modestie. Point de supplication à ne pas la forcer. Clarisse était heureuse, tout simplement. Il était à deux doigts de soupirer de soulagement. Il aurait eu horreur de se taper une honte monumentale dans son élan pour revenir sur le devant de la scène mondaine. De même, il n’aurait pas voulut que parmi tous les ragots à son égard, on le traite de forceur en plus d’être un imbécile aromantique.

Il ignora tout simplement le sujet de Victoire de France, que lui-même avait pourtant lancé. Une chose à la fois. Et puis, dans sa surprenante prévenance, il ne désirait pas mettre dans tous ses états la flamboyante en s’emportant parce qu’il aurait prononcé le nom de cette traîtresse. Qu’elle savoure cette joie, elle l’attendait depuis tant d’années...

La suite le fit virer au rouge, encore. Maintenant qu’elle était rassurée, Clarisse était presque en roue libre sur la route de la franchise. Alors certes, elle le complimenta, ce qui ne manqua pas une nouvelle fois de caresser son ego et de donner tord à Alaric qui avait osé prétendre qu’Ambrose n’est pas beau (une histoire de mâle alpha, comme souvent entre eux deux). Cela lui fit du bien, réellement, surtout après avoir dépeint un très vilain portrait de lui-même, composé uniquement de défauts faisant sa renommée.

Ignorant toute convenance et la réaction de sa dame de compagnie, elle tenta de lui quantifier son amour. Est-ce qu’il prit peur en s’imaginant noyé sous des vagues d’amours, de papouilles et de poèmes ? Oui. Le Prince oublié déglutit avec difficulté, ce qui ne manqua pas de faire très discrètement pouffer de rire son majordome. Ce dernier savait fort bien que son maître était du genre à se pétrifier lorsqu’il s’agissait d’une simple accolade avec une demoiselle. Pour ce qui était des choses de l’amour, il était un grand dadais. Pour ce qui était des choses purement sensuelles, par contre… Mais là n’était pas le propos, il ne fallait pas rêvasser en regardant les lèvres charnues de la flamboyante.

Est-ce qu’il fit mine de ne pas voir le mouvement amorcé par Clarisse, à l’abri des regards ? Ou bien était-il vraiment aveugle ? C’était discret, il fallait bien le reconnaître. On pouvait très facilement ne pas y prêter attention tant cela n’était pas non plus osé. La sentence tomba : il n’en fit rien. Ambrose ne s’avança pas même un peu, pour qu’un de ses doigts s’approche de sa main, l’effleure, ou l’attrape tout simplement. Le déni, la cécité, la gêne… Un mélange de tout cela, très probablement. D’autres auraient sans doute osé nouer leur main, mais le Prince n’était pas un grand romantique, c’était un fait. Cela ne repoussait pas la flamboyante et c’était sans doute le plus important. Peut-être aura-t-elle la patience de lui apprendre, de lui montrer ce qui est possible, attendu, désiré ? Pour toute réponse à ce geste, il rebondit sur ses dernières paroles avec orgueil.

- Je ne suis pas un homme, je suis le Roi. Fier comme un paon, alors même qu’il ignorait le geste de tendresse de Clarisse, il prit un air un peu plus léger avant de continuer. Je suis un ours, mais je ne suis pas de ceux qui ne respectent pas les femmes, les considérant simplement comme le sexe faible. Vous n’êtes pas une chose et je ne veux pas vous blesser. Ce que vous voyez comme de la prévenance et bien… ce n’est que mon désir de ne pas être exécrable.
Clarisse d'Aquitaine
HUMAINE - DUCHESSE

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Inventaire : Ceci est votre inventaire. Un objet autorisé pour le début de l'aventure.
Espèce : Humaine
Emploi : Courtisane (fille du Duc d'Aquitaine)
Pièces : 2548

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Clarisse d'Aquitaine
Inventaire : Ceci est votre inventaire. Un objet autorisé pour le début de l'aventure.
Espèce : Humaine
Emploi : Courtisane (fille du Duc d'Aquitaine)
Pièces : 2548
Mer 1 Déc - 23:14
Si le prince fait une drôle de tête quand elle essaie de lui exprimer la portée de son affection, elle ne s’y arrête pas. S’il n’est pas particulièrement poète lui-même, peut-être n’a-t-il pas été sensible à la métaphore ? Ou au contraire… peut-être ne l’a-t-il que trop entendue, craignant ce qu’il fallait en comprendre ?

Quand elle le veut Clarisse n’a visiblement rien à envier à l’ours en face d’elle. Portée par le moment, la discussion, elle laisse une vague de franchise prendre possession de ses lèvres. Elle n’invente rien. Ni quand elle parle de ses qualités à lui ni quand elle affirme que la liste de ses défauts à elle est bien trop longue pour être exposée ici. Ce n’est de doute façon par l’image qu’elle souhaite laisser à celui qui parle de l’épouser. Trop directe pour sa dame de compagnie, elle n’en reste pas moins sensible à ce qu’il peut penser d’elle. Elle veut qu’il comprenne que s’il l’accepte à son bras, il ne le regrettera pas, quoiqu’il en coûte. Elle veut qu’il comprenne également que si elle accepte sa demande, c’est parce qu’elle l’a rêvée un nombre incalculable de fois dans l’intimité de sa chambre. Il n’y a rien qui la rende plus heureuse et la joie qui l’habite n’est pas feinte.

C’est pour toutes ces raisons qu’elle tente un geste timide mais bien visible du concerné. Elle a un regard timide en sa direction, louant en même temps sa prévenance. Et… il n’en fait rien. Juste rien. Il reste dans la même attitude qu’il avait jusque-là, tout en reprenant la parole. Clarisse se mord la lèvre inférieure sans même s’en rendre compte, un peu piquée dans son ego, mais prend sur elle, réalisant à peine les mots du brun. Il réaffirme son statut de roi et elle pourra presque croire qu’elle a fauté. C’est peut-être le cas, d’une certaine manière. Lentement elle ramène son bras à elle et se redresse, droite dans sa chaise, avec un signe d’acquiescement. Elle l’écoute et sa crispation s’étiole quelque peu. Les paroles de l’homme prennent le dessus.

« Si vous êtes capable de me parler ainsi, Monsieur, j’ose croire que vous ne le serez jamais, exécrable. » Elle a le souvenir d’hommes jouant la carte de la sensiblerie, de la poésie, des belles métaphores et de phrases douces, mais sous l’enrobage aucun de ces mots ne lui avaient paru aussi sincère que ceux du roi des ours, en cet instant. Elle s’emballe, très certainement… comment s’en empêcher ?

« Je vous l’ai dit, voilà bien trop longtemps que je suis attachée à vous. » A sens unique jusque-là. « En tant qu’épouse je saurais faire face à n’importe quelle facette de votre personnalité que vous me montrerez. » Elle ne vit pas non plus complètement déconnectée des réalités et sait parfaitement que le mariage n’est pas un fleuve tranquille. Qu’elle s’imagine un petit cocon paradisiaque avec l’homme de ses rêves ne signifie pas qu’ils n’auront jamais de frictions ou de mésententes. Seulement… elle veut lui faire comprendre qu’elle est prête à accepter tout cela. « En acceptant de vous épouser, c’est du roi Ambrose de France tout entier que je serais la femme et la reine. »

Ce n’est pas peu dire. En ces quelques mots échangés, lui comme elle envisagent déjà un avenir royal, ou la réalité du moment serait parfaitement bouleversée. C’est dangereux, c’est hâtif.

Clarisse n’en a que faire, son sourire est éclatant et en disant tout cela elle n’a aucunement détourné ses yeux de ceux de son interlocuteur. Ce serait cependant oublier le majordome et Gisèle, sa suivant, qui se livrent à un véritable échange silencieux. Est-ce le temps qui s’est écoulé, ou bien la teneur des propos des deux concernés qui deviennent de plus en plus « dangereux » ? La rousse ne saurait le dire, toutefois, quand elle entend la voix de sa dame de compagnie, son visage se déforme et ses sourcils se froncent.

« … Mademoiselle ?
?! »

Ne lui avait-elle pas dit de ne les interrompre sous aucun prétexte ?

« Je m’excuse d’intervenir, cependant… vous êtes attendue tôt dans la soirée au château de la marquise d’Aulnay. »

Clarisse fusille l’impertinente du regard. Qui est donc la marquise d’Aulnay en comparaison du duc d’Auvergne, prince de sang et futur roi de France ?! « La marquise attendra. » Puis elle se tourne vers le concerné. « Certains sujets, certaines… personnes, supplantent tout le reste. » Cela fait bien longtemps qu’il occulte tout dans son esprit. Le jour où il lui fait part de son intention de l’épouser, ce n’est certainement pas une marquise de pacotille qui ruinera le moment.



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Ven 3 Déc - 15:46
Ranimer la flamme
Une nouvelle fois elle lui rappela que son attachement était de longue date. Etait-ce bien nécessaire de remuer ainsi le couteau dans sa propre plaie et de rappeler la culpabilité d’Ambrose ? Ce dernier ne lui en tint pas rigueur, il était sans doute normal qu’après une telle joie elle veuille exprimer son mal-être qu’elle a porté des années durant. Il ne voulait pas lui faire de promesse qu’il ne saurait parfaitement tenir. Il ne voulait pas lui promettre d’être un grand romantique qui rendrait folles de jalousie toutes les femmes. Il ne voulait pas lui promettre de la rendre absolument heureuse, le bonheur étant parfois très difficile à conserver. Le Prince de France se contenta d’une promesse plutôt vague, mais qu’il était certain de pouvoir tenir.

- Je ferai en sorte d’être le moins exécrable possible.

Personne n’a dit que ce serait une promesse qui ferait rêver. Néanmoins, c’était sincère et c’est bien ce qui importait le plus pour donner un temps soit peu envie à Clarisse de l’épouser et de passer toute une vie de mortelle à ses côtés. Tout de même, le manque de romantisme du Prince et l’absence de tentative de rapprochement, alors que la flamboyante cachait sa main avec dignité, firent rouler des yeux au ciel André qui n’en perdait pas une miette.

Elle deviendrait sa femme et sa reine. Le Prince ressenti une certaine excitation à l’idée qu’un couple royal soit enfin formé pour représenter la couronne de France. Tout du moins, pour rappeler qu’un roi et une reine dignes de ce nom n’attendent que d’être couronnés. Car outre un couronnement incompréhensible, Victoire de France n’était pas fichue de trouver un mari correct et de former un quelconque mariage qui lui donnerait un regain de popularité. Ambrose était un ours du fond de l’Auvergne mais au moins il savait l’importance d’une image lorsqu’il s’agissait de représenter la monarchie…

L’air fier et déterminé de la flamboyante lui arracha un autre petit sourire. Il avait très envie de la féliciter en la voyant se tenir avec un port de tête royal, un air de défi dans le regard, une prestance indéniable. Clarisse ferait une reine parfaite en apparence et très sans doute dans son comportement. Il n’aurait pas honte d’elle et il y avait fort à parier qu’elle ne tenterait jamais quoique ce soit pour entacher l’image de la couronne. Si seulement couronne il y avait sur sa tête brune…

Gisèle, jusqu’ici très silencieuse, bien que certains soupirs avaient été entendus, prit la parole pour rappeler à la flamboyante ses autres engagements. L’intéressée les balaya avec dédain et surtout de la colère dans le regard. Ce changement de personnalité n’eut aucun effet négatif sur l’avis du Prince à son égard, bien au contraire. Non seulement, cet air excédé l’amusait, mais la mention que certaines personnes avaient le droit à la priorité et d’autres non… lui plaisait fortement. Ambrose était prioritaire, Ambrose supplantait les autres. Évidemment, son ego n’allait pas rester indifférent.

En voyant la mine déconfite de sa dame de compagnie, le Prince oublié pouffa brièvement de rire. Sa future reine n’en démordrait pas, à moins que le roi ne lui ordonne le contraire. Bien sûr, il ne s’y pris pas de la sorte, il n’avait pas tout à fait envie de la pousser vers la sortie non plus. Néanmoins, il y a des occasions qu’il faut savoir honorer, quand bien même le sujet du jour avait bien plus d’importance qu’une quelconque réception. Ambrose ne voulait pas la priver de sa vie sociale, elle qui n’avait eu d’yeux que pour lui, elle qui avait attendu tant d’années pour obtenir l’objet de ses désirs. Et puis lui avait besoin de réfléchir, d’en parler, d’échanger avec André qui avait dressé mentalement une liste de sujets épineux et de comportements désespérants du Prince.

- Je ne voudrais pas que la Marquise d’Aulnay soit privée de votre compagnie. Il serait plus raisonnable que vous honoriez votre engagement auprès d’elle, Clarisse.

Ses paroles n’avaient rien de trop ferme, ni l’apparence de remontrance. Néanmoins, lui-même mettait un point d’honneur à suivre ses engagements, en principe. Il est vrai que depuis son départ de la cour, il n’en avait pris aucun, ce qui lui permettait d’être droit dans ses bottes en lui disant cela, bien que cela ait aussi un petit air hypocrite. Pour l’encourager à se diriger vers la sortie, le Prince se releva. Cela faisait un moment qu’ils étaient assis à converser et l’envie de se dégourdir les jambes se faisait ressentir. Peut-être qu’il sortirait, la nuit tombée, pour admirer les étoiles, profiter des chaudes soirées d’août et penser au calme, loin de l’agitation, des bruits de vie.

- Partez tranquille, je ne reviendrai pas sur ma proposition. Nous nous verrons à nouveau très bientôt, si vous le voulez bien.

Évidemment qu’elle le voudrait. Elle le désirait de tout son être et son départ se fit avec lenteur. Après une œillade insistante de la part de son majordome, Ambrose s’empara de la main de la flamboyante, juste avant qu’elle ne quitte ses appartements, pour y déposer un baiser.
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