Elle croit un instant entendre le bruit de canons tambouriner autour d’elle. Mais non, ce n’est que son cœur, son cœur qui bat à tout rompre, son cœur qui bat comme il n’a plus battu depuis si longtemps. Son cœur qui s’est comme ranimé d’avoir revu un presque fantôme de son passé.

Hil-… Non, Mélusine, à présent, avait promis qu’elle passerait et elle a tenu sa promesse – plus tôt que Zuicher ne l’avait imaginé, d’ailleurs. Et entendre sa voix, là juste derrière ce linteau de bois lui avait comme fouetté la peau. Mais la sensation n’était pas détestable, bien au contraire.

Zuicher, comme poupée mécanique, réarrange sa chevelure – comme si elle voulait paraître présentable – et se dirige vers la porte, qu’elle ouvre sans hésiter. Le visage qu’elle retrouve derrière la renvoie des siècles en arrière, mais elle n’aurait refoulé cette impression pour rien au monde. C’est un sourire gracieux qui se place sur son visage pour l’illuminer autrement que par la froide résignation qu’elle arbore habituellement. « Madame la Macrelle, je vous en prie, vous ne me dérangez jamais. Entrez… »

Ce petit jeu ne tient que pour les oreilles extérieures, mais il faut donner le change, dans ce monde encore plus que dans celui qui fut le leur.

Une fois la porte fermée, c’est une autre réalité qui prédomine. Et pour ne pas songer une seconde de plus qu’elle est en train de rêver, Zuicher vient prendre sa consœur dans ses bras, juste un instant. « Ah… Je n’ai donc pas hallucinée… Merci pour tout… » Merci d’être en vie, surtout.

Zuicher se sent comme dans un écrin hors du temps, protégée de toute menace, de toute chose désagréable. Hilf à ses côtés lui redonne le sourire, ce rictus qu’elle pensait elle-même avoir perdu il y a des siècles maintenant. Peu importe, l’heure n’est plus à la médiocrité du regret. Elles ont peut-être le temps de combler les années passées éloignées l’une de l’autre. Ou, à défaut, de faire tout comme l’espace d’une soirée de quelques heures.

« Que veux-tu ? Les humains sont des créatures particulières, j’imagine que c’est normal que cela se retrouve dans leurs styles vestimentaires. » Et encore, elle ne parlerait pas des jabots en étoile ou des protèges-bourses qu’elle avait eu le malheur de voir sortis dans les plus grandes cours européennes il y a quelques décennies à peine. Quelle horreur, et après c’était eux, ancien viking, que l’on taxait d’être des barbares. Le monde à l’envers.

« Mignonnes ? Tu sembles oublier un peu vite que je tenais la hache avant de savoir tenir un tisserand. » Et qu’elle égorgeait plus d’ennemis qu’elle ne prenait le temps de suturer des plaies. Elle ne tombe cependant pas d’accords avec sa consœur. « Moi je trouve que tout te va bien. » De toute manière, à personne que l’on aime on ne trouve aucun défaut, c’est ainsi. Mais Zuicher ne veut pas froisser Hilf, aussi prend-t-elle le temps de réfléchir. « Hum… Tu sais, je pense qu’une coiffe fleurie t’irait encore mieux. Pas besoin de passer forcément par un chapeau. »

De toute manière, elle n’avait pas besoin de ça pour être belle aux yeux de l’originelle. « Alors, dis-moi, où étais-tu pendant toutes ces années ? »

C’était long.