Une promesse est une promesse, bien qu’il faille parfois que du temps s’écoule pour qu’elle puisse être tenue. Lors de leur rencontre, Lisbeth et Diane avaient convenu de passer un déjeuner et une après-midi ensemble, accompagnées de Charles et d’Iris, pour un moment tout en douceur sur les terres du Duc d’Orléans. Les événements ont fait que cette invitation n’avait pas eu lieu plus tôt, car  entre temps s’est déroulé le merveilleux bal d’Augustine qui aura été le déclencheur de l’un des plus gros événements de la vie de la physicienne: ses noces avec Alaric de Normandie. Évidemment, son frère était au courant. Voyant combien sa sœur était devenue une boule d’énergie et que les préparatifs avançaient bon train, il lui avait proposé une bulle de repos, quelques jours loin de la capitale, chez eux, en famille.

L’occasion était rêvée. Ainsi, avant son mariage, elle aurait le temps de passer de doux moments avec son frère et sa nièce en tant que femme non marié. Qui sait à l’avenir si ces occasions seront nombreuses, mais il est évident qu’elle devra les voir très souvent, au risque d’être bien malheureuse autrement. Voilà donc les Orléans retournés sur leur terre et tout naturellement, ils avaient convenu d’inviter la couturière du palais de Sa Majesté pour honorer la promesse de Diane. De même, dans son emploi du temps bien chargé, la Duchesse (bientôt de Normandie) avait envoyé une invitation au Chevalier de Bayard pour continuer ce qui avait été interrompu précédemment par une jolie fleur désireuse de partager la découverte d’une portée de chatons.

Le jour d’accueillir Lisbeth était arrivée. Diane, tout naturellement très enjouée, l’était encore plus depuis qu’elle se savait fiancée à Alaric. Et pour ne rien gâcher à son bonheur, elle savait qu’elle passerait une excellente journée, entourée de personnes qu’elle aime. Il était question d’un très bon repas, d’échanges au sujet de l’art de Lisbeth et de son talent, certainement d’une promenade et surtout d’une demande bien particulière de la part de ma future mariée. Elle ne désirait pas que sa robe soit celle d’un créateur réputé en vogue de Paris. Elle désirait que ce soit le précieux cadeau de deux personnes qu’elle chérie de tout son cœur… Et qui d’autres que son amie couturière et son frère bien plus doué qu’elle pour manier les aiguilles ?

Lorsqu’elle vit arriver Lisbeth, Diane dû se faire violence pour ne pas la prendre dans ses bras tant elle était heureuse que ce jour se déroule enfin. A vrai dire, c’est la petite tornade, sa nièce adorée qui la devança dans un éclat de rire communicatif. Aux côtés de son magnifique Charles, Diane salua leur invitée du jour avec un sourire naturellement chaleureux.

- Bonjour Lisbeth, avez-vous fait bon voyage ?

Elle laissa le loisir à son frère de souhaiter la bienvenue à la demoiselle sur son domaine et à la jeune Iris de s’exprimer quant à sa joie d’avoir de la visite. Chacun eut le temps de parler comme il le souhaitait avant que Diane n’ajoute :

- Nous avons tant de choses à nous raconter depuis la dernière fois que nous nous sommes vues !

Évidemment, elle ne faisait aucune allusion à leur mission et leur lourd secret qu’elles partageaient. Elle préférait éclipser cet événement de son esprit. Elles avaient bien dû se croiser au bal donné par Madame de Châtillon ? En tout cas, les sujets ne manqueraient pas aujourd’hui, mais il est vrai qu’un en particulier la faisait se languir : celui de la confection de sa robe de mariée. Néanmoins, il serait bien impoli et précipité de lui en parler ici, alors qu’elle est à peine arrivée.

Ravie d’apprendre que son amie avait fait bon voyage, elle découvrit dans les écrits de son carnet qu’elle n’était pas venue les mains vides. Évidemment, Diane n’avait pas organisé toute cette journée avec son frère pour recevoir un présent. Ainsi, elle se sentit à la fois gênée, à la fois flattée et très excitée à l’idée de découvrir de quoi il s’agissait. Nul doute que parmi les cadeaux se cachaient une surprise pour sa nièce, sa jolie Iris qui avait fait un bisou très tendre sur la joue de Lisbeth.

- Vous nous gâtez déjà de votre présence Lisbeth, j’espère que vous ne vous êtes pas donnée trop de mal.

Son espoir était sincère, mais au vue de son sourire, tout aussi charmé que celui d’Iris s’imaginant avec un petit cadeau, Diane ne semblait pas vraiment réticente à l’idée de découvrir ce que la couturière leur avait concocté. Avec elle, il y avait tant de possibilités ! Elle était une jeune femme douée dans tant de domaines ! D’ailleurs, il y en avait un pour lequel elle devrait la féliciter, mais avant, elle laissa la parole à son frère, hôte et maître des lieux. L’heure du thé venait d’être annoncée et le petit quatuor se mit en route pour le petit salon où tout avait été préparé en amont pour accueillir Lisbeth. Tout naturellement, Diane avait trouvé une position qui lui semblait normale étant donné combien elle appréciait la couturière. Ainsi, elle s’accrocha à son bras pour l’avoir au plus près d’elle. Lui glissant un mot à l’oreille, elle lui fit part de ses dernières pensées.

- Avant que je n’oublie… Votre gâteau était un délice et je peux vous dire qu’il a remporté un franc succès auprès de Mademoiselle Brindal, la nouvelle dame de compagnie de Sa Majesté.

Ponctuant sa phrase d’une petit clin d’œil, elle libéra son bras juste à temps pour que Lisbeth puisse découvrir librement le petit salon. Charles n’avait pas voulu mettre les petits plats dans les grands pour impressionner la demoiselle. Au contraire, l’âme de la pièce était une invitation à la détente, à une ambiance moins formelle, au naturel et aux discours libres. Chez les Orléans, on savait inviter, mieux encore, on savait mettre à son aise ses invités !

- Prenez place Lisbeth… Iris meurt d’envie de vous avoir auprès d’elle…

Elle gloussa, accompagnée de sa nièce qui n’allait pas dire le contraire. Tandis que l’invitée s’installa à côté de la petite fille, Diane prit place de sorte à voir tout le monde d’un simple coup d’œil. Tant de beaux visages, tant de belles âmes. Elle était comblée, cette après-midi en bonne compagnie ne pouvait que s’avérer exquise ! Son cœur pourrait-il supporter autant de bonheur en si peu de temps ? Certainement, depuis trop d’années elle s’était interdit d’être ainsi heureuse, la vie voulait la récompenser pour autant d’altruisme et de patience.

Un domestique servit chacun et Diane préféra attendre un peu que son thé soit moins brûlant pour se laisser tenter. La chaleur du mois d’août était étouffante et même si l’on dit qu’il vaut mieux boire très chaud pour que le corps finisse par se refroidir, elle n’en avait pas le courage. A la place, elle ne se laissa pas abattre et jeta son dévolu sur l’une des pâtisseries présentes sur la table. Une petite voix lui rappelait qu’elle serait bientôt une femme mariée et devrait faire attention à sa consommation de sucre. Une autre lui rappela qu’elle n’avait aucune tendance à se reposer et qu’il lui fallait bien de quoi nourrir son énergie débordante.

Il fallait bien lancer des sujets de conversation et la Duchesse savait bien son amie plus timide, plus en retrait, notamment du fait de son handicap. Ainsi, le plus naturellement du monde, elle évoqua les derniers potins de la cour… Ce qui amènerait forcément au sujet de son mariage !

- Il me semble bien vous avoir vue au bal d’Augustine. N’était-ce pas une soirée divine ? Que d’amusements ! Il y a certes eu quelques désagréments pour certains danseurs, mais dans l’ensemble, il me semble que cela marquera nos esprits ! Et puis cette pluie de nouvelles que Sa Majesté nous a annoncé ! Sentant ses joues rosirent, elle évoqua son titre de joyau de la saison. Ce bal aura marqué un grand tournant dans ma vie...