AERIN & SERAFEÍM

L’humain était si diversifié et pourtant si unique. Chaque être humain naissait et développait un caractère qui évoluerait avec le temps. Dans le cas d’Elros, son caractère, il a dû se le forger pour se protéger de ce monde impitoyable. Il n’y avait pas de place pour les faibles. C’était la dure loi de la survie et actuellement, Elros se battait pour la sienne. La vie n’est pas offerte sur un plateau, il faut se battre, se relever et continuer, ne jamais abandonner, baisser les bras, jamais. À quoi cela lui servait d’être aussi bienveillant ? Même si celui-ci possède une carapace aussi solide que la carapace d’une tortue, il lui était inconcevable d’ignorer la douleur des autres. C’était là son plus gros défaut avec la curiosité. Les paroles d’Elros se voulaient sincères et rassurantes, un sentiment de bienveillance mélangé à de la sympathie. Il ne voulait pas en faire un ennemi, une connaissance ? Elros n’avait aucun ami, une personne sur qui comptait...Et pourtant, qu’est ce que cela lui aurait fait du bien de se sentir soutenu. Dans ce monde ou le plus fort gagne, Elros ne pouvait compter que sur lui-même et avec le temps, cela en devenait un fardeau.

Quelques murmures, aucune émotion, Elros avaient l’impression de parler à du marbre. Cependant, malgré cette façade, il avait bien observé le visage de cet homme si renfermé et avait bien vu quelques petites mimiques bien à lui. Il ne le connaissait nullement et pourtant, malgré son masque, il arrivait à lire en lui comme dans un livre. Était-il comme lui ? Loin de là, Elros n’a jamais vécu ce que Sera à s’en doute traverser. Pourtant, pourtant, il l’avait vu, ce regard, ce cri du cœur, ce combat contre la douleur. Oui, Elros avait l’envie de devenir une épaule qui l'aidera à se reposer... Même si cela ne serait qu’éphémère, il souhaitait lui apporter la meilleure aide possible. Même si cela ne l’atteindrait sans doute jamais, Elros s’en était fait la mission. Jamais il n’avait fui devant la difficulté ou l’impossibilité d’un souhait, alors pourquoi les mots du Duc le frappa comme une lame de couteau ? Il ne croyait pas en l’humain, on le sentait dans ses paroles, ou alors serait-ce autre choses ?



Pourquoi se laisser bercer d’illusion ? Après tout, le monde était fait ainsi, croire, désespoir, vivre, mourir. Tout ne tenait qu’à un fil, le fil du destin. Les paroles du bleuté n’avait pas l’air de l’avoir atteint, comme si ses mots étaient rentrés dans une oreille et sortis de l’autre. Et pourtant, pendant une fraction de seconde, il vit la surprise dans les yeux de Serafeim. Pendant ce petit instant, aussi court qu’un clignement de cils, Elros avait entrevu une émotion, un petit signe de “vie”. Sans s’en rendre compte, Elros sourit, pas un sourire espiègle ou moqueur, mais un sourire sincère et soulagé. Ses paroles l'avaient perdu pour un petit instant. Cela lui suffisait, il ne demandait rien d’autre que cette reconnaissance. Ne pas parler dans le vide, ne pas parler à un arbre, voilà ce que ressentait Elros. Il était tout simplement heureux de parler avec une personne qui l’écoutait et le respectait comme il le faisait. Le monde est rempli de personnalités haut en couleur, triste, joyeuse, réservée.

Ils finirent par entrer dans la demeure du dernier rendez-vous. La bâtisse était assez imposante mais pourtant très simple. Comparée à la demeure d’avant, celle-ci était bien meilleure. Que ce soit le devant ou l’intérieur, tout était soigné et bien mis en place, pas de surplus, juste le nécessaire. Quelques tableaux par ci, quelques plantes par là. Elros ne ressentit aucune animosité et se détendit. Ils arrivèrent enfin dans le salon et le Duc s’installa en face du noble. Un signe de tête et Elros fut servi en rafraîchissement et denrée. Dégustant son présent derrière le Duc, il surveillait ce qu’il se passait d’un regard attentif. Il y a peu, le Duc ne se sentait pas bien et tout va mieux ? Il n’en croyait pas mot. Est ce qu’il était en train de mentir au chevalier ? Plus les minutes passaient, plus la vérité commençait à se dessiner. Il lui mentait. Pouvait-il lui en vouloir ? Bien sûr que non... Il ne le pouvait pas, car lui-même mentait sur son identité. Un jeune homme ? Laissez-le rire. Il n’était personne, enfin si, mais pas Elros.

Durant cet entretien qui sembla durer des heures, Elros remarqua les signes d’il y a quelques heures. Il n'allait pas mieux, au contraire, cela avait l’air d’empirer. Il aurait aimé parler, ouvrir la bouche pour le faire signaler au noble, mais pourquoi faire ? Cela ne servirait à rien à part mettre la honte sur le Duc. Alors il ne dit rien, il resta dans un silence respectueux tout en priant pour que l’entretien se termine vite. Les paroles du noble ne se firent pas attendre face à l’interrogation de son interlocuteur et Elros reposa la tasse sur la table, faisant un signe de remerciement discret à la dame qui vint ramasser celle-ci.

Plus les minutes passent, plus Elros sentit une inquiétude encore plus forte grandir. L’état empirait et il n’arrivait pas à parler, à réagir... Il le savait, s’il réagissait, Sera le lui reprochait. Alors il regarda le seigneur en face et essaya de lui faire comprendre que cela n’allait pas. Par chance, la gentillesse et la grandeur d’âme de ce noble fini par donner enfin les mots que le chevalier attendait. Il proposa au Duc de reporter le rendez-vous ultérieurement. Son état ne permettait pas de continuer l’entrevue. Malgré le noble refus du blondinet, il finit par accéder à sa requête et ils finirent par sortir, le chevalier juste derrière lui. Une fois traverser la porte et aucune possibilité de vision, Elros se précipita pour soutenir le Duc et le faire descendre les escaliers jusqu’à sa monture. Il l’assit alors sur un banc non loin et posa sa main de nouveau sur son front.



Il resta alors à côté de lui, la main sur l’épaule du Duc, le visage inquiet. Cela remontait à quand, son approche sociale ? C'était, il y a bien longtemps maintenant. Elros ne dit mot pendant un moment, regardant l’état du Duc s’empirer sans savoir quoi faire. Alors il redressa la tête soudainement et déclara d’une voix posée, mais entremêlé à de l’inquiétude.