Est-ce qu’on pouvait dire qu’il était de bonne humeur ? Oui. Comme toujours à chaque fois qu’il partait en chasse. D’habitude, il en était quitte pour des petites proies, mais certains soirs, comme aujourd’hui d’ailleurs, c’était un tout autre type de gibier qu’il visait. Lorsque la lettre du Duc d’Orléans était parvenue au qg et qu’il avait pris connaissance du contenu, il avait décidé d’y répondre personnellement.
Le voyage en lui-même n’avait pas été si long. Le rendez-vous avez été convenu et la nuit n’avait pas été longue à tout engloutir. Il continua d’avancer.

Aymeric continua de progresser, en silence. Il n’y avait nul bruit ce soir dans ces lieux. Rien d’autre que celui de quelques animaux rongeurs et des insectes. Il savait que si un craquement où deux ne pourraient pas paraitre suspect de prime à bord, les bruits de pas répétés seraient une tout autre affaire. Alors il était peut-être un peu lent, mais il était silencieux. D’autant que la lune était belle ce soir et permettait de voir les alentours sans aucune difficulté.

Il repéra finalement la silhouette du Duc et s’en rapprocha jusqu’à se mettre à son niveau, un peu en retrait. Point d’arrivée donc. Il s’autorisa quelques secondes d’observation de son coéquipier du jour ainsi que des alentours, après avoir salué Charles d’un mouvement de la tête et l’avoir finalement rejoint.

Il ne décroche pas un mot, conscient que si le vent qui vient leur frapper le visage doucement camoufle un tantinet leurs odeurs respective, ce n’est pas le cas de leurs voix. L’endroit tout proche sonnait effectivement comme une tanière. Une suffisamment grande pour abriter un loup bien plus grand que la normale. Il laissa un sourire en coin étirer ses lèvres, sourire qui disparut bien vite.
Il fit quelques signes à Charles, avant de porter la main à sa ceinture pour en tirer son épée. S’il y avait une créature dans les parages, elle ne verrait pas la lumière du jour. Ce fut la promesse qu’il se fit tandis qu’il quittait leur point de rencontre pour se diriger la tanière, laissant quelques minutes à son comparse pour se positionner à sa guise avant qu’il ne se risque à rentrer dans la grotte.

Et tandis qu’il fit quelques pas supplémentaires, il perçut un mouvement dans l’ombre. Il ne put que distinguer l’éclat brusque d’un regard qui était tout sauf humain alors qu’il eut un mouvement pour se décaler et relever son épée, lui permettant d’éviter de justesse une première attaque.
Fine et légère mais bien présence, lui laisserait au minimum une coupure à l’argent sur l’épaule de la bête qui se tourna vers celui qui avait eu l’audace de le déranger. C’est ainsi que la chasse commençait.

Un animal seul ? Tourné sur le côté, le milicien s’autorisa un léger regard dans la tanière. Il ne perçu rien de plus mais dû éviter un nouvel assaut. Qu’importe, cette fois ci son sourire était bien présent tandis qu’il relevait l’arme et attaquait à son tour.

Les miliciens étaient des gens de tous horizons, de tous milieu. Mais ils avaient une cause commune. Et c’était pour cette raison que lorsque l’heure était au combat, les différents avaient tendance à s’effacer au profit de l’unisson. Le fait que se serrer les coudes augmenter aussi les chances de survie aider aussi à consolider les liens. C’est pour cette raison qu’Aymeric ne prêtait que peu d’attention à Charles pour se concentrer sur son adversaire. Il n’avait pas besoin de le guider, n’avait pas besoin d’hurler les ordres comme il devait parfois le faire avec les plus jeunes ou les plus inexpérimenté des miliciens. Les deux hommes avaient fait leurs preuves, restait plus maintenant qu’à rajouter un corps supplémentaire à leur liste de trophées.
Une première taillade à laquelle s’ajouta bientôt une deuxième, faisant comprendre à leur adversaire qu’ils n’étaient ni des amateurs et que leurs intentions étaient claires. Une hésitation, une attaque qui eut sa riposte immédiate. L’odeur du sang se fit sentir et le chef de la milice eut un regard un peu étonné pour Charles avant qu’il se ne rue vers l’avant :  Le loup venait de faire demi-tour après son saut, et il visait définitivement celui qui l’avait blessé deux fois en très peu de temps.

Le métal de son épée heurta les dents, déviant l’attaque dans un crissement ô combien désagréable qui fit probablement serrer les mâchoires des deux hommes.

Il ne parvint pas à couper les gencives ou le bord de la bouche. L’animal eut le reflexe de le repousser et de se retirer plutôt que de continuer son assaut et tout humain qu’il était, Aymeric parti en arrière, sans tomber, mais suffisamment pour être hors de portée des griffes mais aussi de sa lame. Charles était désormais le plus proche des deux. Le chef de la milice bondit sur le côté, cherchant à prendre l’animal en tenaille. Loin de se laisser avoir, le loup-garou modifia sa propre position en conséquence, grognant dans la direction d’Aymeric qui s’avança sans hésitation.
Nouveau round. Préparation pour un nouvel assaut. Pour une quelconque raison, le loup sembla avoir sa préférence pour l’homme portant la fourrure de ses pairs, pensant peut-être que la blessure qu’il était parvenu à infliger à l’autre le rendait moins dangereux pour lui. Ou peut-être chercha-t-il à se sortir de cette situation en les forçant à ses rassembler une nouvelle fois. Aussi sauta-t-il sur Aymeric qui, loin d’être idiot, esquiva dans la direction opposée à Charles. Hors de question de rester au milieu de deux miliciens n’est ce pas, aussi la créature ne perdit pas de temps à sauter une nouvelle fois et Aymeric jura dans sa barbe tandis qu’il était contraint de se jeter sur le côté à son tour.

[Jet de dés ? Aymeric pour esquiver, Charles pour attaquer, si l'envie lui en dit bien entendu ]

Il put esquiver le plus gros de l’attaque mais un bruit de déchirure allié à une étincelle de douleur à son bras droit lui indiqua qu’à son tour, il avait été touché. Une légère coupure qui fit comprendre sa présence sans parvenir à le ralentir ou le gêner. Il fronça les sourcils tandis qu’il se retrouvait nez à nez avec la créature une fois de plus, décidée à finir ce qu’elle avait commencé et le chef de la milice était prêt à l’affronter de front si nécessaire, sans crainte de la mâchoire et des dents qui y étaient associées. Seulement tandis qu’il se propulsait en avant, épée levée, le loup poussa un cri de douleur et tourna la tête et sans prêter plus attention à ce qui avait pu se passer, l’arme d’Aymeric frappa à la nuque, mettant un terme définitif au combat et à la vie de la créature.
Alors seulement perçu-t-il l’éclat de la lance plantée profondément dans le flanc de la créature tandis qu’il se redressait, un peu perplexe et sa propre lame devenue rouge sous le sang de leur adversaire. Son regard passa du cadavre au duc, à qui il adressa un mouvement de la tête.

- Beau lancé, fit-il tandis que sa main se posait sur ladite arme pour l’en extraire et faire voler vers son propriétaire légitime d’un lancer ample.

Il tourna la tête un instant pour observer les alentours, sans qu’il ne distingue un quelconque mouvement ou un quelconque son qui pourrait indiquer une autre présence indésirable. Mais il devait reconnaître que les bois avaient désormais retrouvés leur tranquillité, pour le moment.

- C’est étonnant qu’on n’ait pas déjà reçu un second visiteur, murmura-t-il, plus pour lui-même qu’autre chose, Je sais qu’il existe des loups solitaires mais c’est assez rare, un coup d’œil vers Charles, Avez-vous besoin de bander votre blessure où pouvons-nous y aller ?

Ils avaient une tanière à inspecter et probablement une petite ronde a effectué dans les parages. L’odeur du sang serait suffisante pour alerter les prédateurs environnant, aussi Aymeric crispa sa main un peu plus sur la poignée de son arme tandis qu’il observait les alentours, une fois de plus.

Il s’amusa quelque peu de ce rush d’euphorie qui suivait toujours le moment où ils parvenaient à mettre un coup fatal à une créature. Ce sentiment de satisfaction à l’idée de se rapprocher d’un pas supplémentaire de leur mission et la réalisation qu’ils allaient vivre pour un petit temps supplémentaire était suffisant pour effacer même temporairement les possibles tensions entre personnes et vous mettre de bonne humeur pour les prochains jours. Oui, Aymeric pouvait parfaitement comprendre cela. Lui-même se laisserait probablement aller à ce sentiment une fois assuré qu’ils ne craignaient plus rien.
Il hoche simplement la tête aux remerciements avant de se détourner pour aller inspecter les alentours.  Si la lumière de la torche qui venait de faire son entrée et l’odeur du sang n’attirait pas le reste d’une potentielle meute alors rien d’autre n’y parviendrait. Un propre morceau de bois allié à un morceau de tissu et il profita de la torche de Charles pour allumer la sienne et faire un tour autour de la tanière. Il ne trouva rien de concluant ou du moins, rien qui n’indiquait la présence de plusieurs individus. Des traces uniques de pattes, certaines touffes de pelage accroché à la végétation du coin.

Lorsqu’il revint ce fut pour trouver Charles lui-même à l’entrée, les mains vides.

- Rien. Un sacré coup de chance pour cette fois ci. Il semblerait que vos terres pourront dormir un peu plus tranquille cette nuit.

C’était presque dommage qu’aucun des deux hommes n’avaient de potentiel recru à former. Cette « chasse » aurait été une assez tranquille pour être formatrice sans trop de risque, une bonne idée de ce que pouvait être une créature en limitant les potentiels dégâts. Et encore. Les deux hommes avaient été touché malgré eux et si les blessures n’étaient pas suffisamment profondes ou ne constituait pas un frein, elles étaient bien présentes.

- Aucune affaire qui pourrait nous indiquer son identité ? fit-il, un sourcil haussé.

Un nom, une famille, une piste. Le chef de la milice était convaincu qu’il y avait bel et bien une meute derrière. Plus ou moins loin et donc plus ou moins accessibles.

- Alors il ne nous reste plus qu’à brûler le corps et revenir plus tard avec de l’eau bénite pour purifier les lieux. Et c’est terminé.

Sa torche plus simple, elle s’éteignit et Aymeric l’écrasa au sol sans cérémonie, un mouvement du pied s’assurant qu’il ne débuterait aucun feu de forêt accidentellement, avant de se rapprocher du corps toujours immobile, l’odeur vicié d’acier devenant de plus en plus fort à chaque seconde qui passait.

- Enfin. Je reviendrai probablement faire une ronde avant de repartir, souffla-t-il plus pour lui-même qu’autre chose.

- Si vous le dites, fit le chef de la milice au rappel du propriétaire de ces terres, dans un désintérêt total.

Qu’importe celui qui avait posé son nom sur ces lieux. Aymeric ne s’intéressait qu’aux jeux de pouvoir de la cour afin d’avoir une petite idée de l’équilibre des forces en présences, et déterminées lesquelles étaient les plus intéressantes à approcher pour le bien de la milice. Une vision très personnelle du profit qu’il ne destinait pourtant pas à sa personne, mais qui, il le savait, lui était pourtant reproché d’une certaine manière. Non pas qu’il y porte grand intérêt. Ce n’était que des détails qui lui passaient très largement au-dessus de l’esprit.  Mais si vous vouliez argumenter…

- Aussi étrange que cela paraisse, oui. Un pauvre bougre qui aura fait une mauvaise rencontre et l’aura payé de son âme, je suppose.

Aymeric sembla quelque peu sceptique cependant. Mais il n’en dit rien tandis qu’il attrapait le cadavre pour le déplacer et observer Charles improviser un bûcher sur le tas, avec ce qui se trouvait là, et l’allumer finalement. La purification par le feu. Et si le noble finit par se protéger le nez à cause de l’odeur, le chef de la milice croisa les bras sur son torse, raide comme la justice, tandis que son regard se fixait sur les flammes dansantes et crépitantes. Il faillit ne pas entendre la question, pourtant la réponse ne fut pas longue à fuser.

- Si vous vous sentez de faire un peu de politique, je ne crache jamais sur les rebondissements de la cour. Parfois on peut y apprendre 2/3 choses intéressantes et peut être trouver de nouveaux noms intéressants.

Il inspira, se pinçant l’arrête du nez avant de reprendre sa position première.

- Restez aussi en alerte. Je ferais la patrouille seul mais si jamais le reste de la meute venait à se manifester, nous ne serions pas trop de deux. Une pause. Si de nouvelles attaques ont lieu, on saura aussi qu’on a encore du travail à abattre.

Quant à la nouvelle qui suivit… Il n’en montra rien mais le plaisir n’était qu’à moitié présent. Leurs deux présences indiquaient qu’il allait se passer quelque chose à la capitale bientôt (pour le meilleur ou pour le pire) et si la présence de Charles était plutôt tranquille, celle de leur comparse en revanche était une autre limonade. Le genre de limonade qui explosait rapidement.

- Parfait. Paris n’a pas encore trop de remous, mais les créatures aiment s’y tapir et j’ai dans l’idées qu’on va avoir des mauvaises surprises.

Entre Evreux qui arriverait bientôt et le reste. S’ils savaient.

- Enfin, c’est pas comme si on devait s’attendre à autre chose.

- Merci.

Le chef de la milice se contenta de hocher la tête en réponse. Oui, il entendait bien qu’il aurait des echos de cette histoire s’il y avait quelque chose d’intéressant derrière et pour le reste, il ne doutait pas vraiment que Charles viendrait s’il le lui demandait. Il ne connaissait pas spécialement sa situation ni son envie de préserver sa fille de toutes ces histoires (il pourrait le comprendre, lui-même enfant arracher à sa famille par les créatures) mais pour le moment c’était un simple silence qui était retombé entre les deux hommes.

- Minimiser les dégâts et les victimes. Mh.

Maintenant que tout était terminé, maintenant que tout était calme… Aymeric retournait à son asociabilité. Non pas qu’il détestait Charles, pas vraiment, mais définitivement, il n’était pas ici pour se prêter à ces petits jeux, d’autant qu’il était à peu prêt certain qu’il ne se sentirait pas à sa place dans la demeure luxueuse du Duc. Il n’y avait bien que ceux de son mentor qu’il arpentait sans hésitation et c’était une époque révolue.

- Je vous laisse retrouver votre famille Duc. Je vais dormir à la belle étoile ce soir.

Ça avait son charme, une nuit à la belle étoile. Il trouverait probablement un coin tranquille un peu plus loin, avait de quoi allumer un feu si jamais il sentait le besoin de se réchauffer un peu et il passerait probablement une partie de la nuit à écouter les divers bruits de la forêt tout en laissant les étoiles et la lune égayer son champ de vision.

- Si d’aventure je trouve une piste viable, je vous le ferais savoir.

Il inspira, avant de finalement jeter un dernier regard en direction de son compagnon du jour, à qui il adressa un léger signe de tête avant de finalement se détourner. Se détourner de la scène du soir, du combat pour aller se tapir dans les ombres de la nuit.

- Passez une bonne nuit