Mer 12 Jan - 21:14
Trigger Warning : Violence. Descriptions détaillées.
ft. Stanislava Braginsky
Woodkid - Run boy run ♫.
RUN BOY RUN !
Combien de temps déjà avait passé ? Parfois, mon enfance, ma jeunesse, mon existence avant l'instant présent appartenait à une différente époque. C'était étrange de ressentir la longueur de l'éternité que lorsque l'on replongeait dans nos souvenirs d'antan. Étrange de se sentir si loin de ces temps, si loin de ces moments. Sans regrets pourtant, sans aucune trace de nostalgie. Simplement le constat que le présent semblait se consumer à une vitesse folle. Bientôt prêt à rejoindre ces vieux instants qui me paraissent si lointains.
Au début, on était peut-être deux, voir trois fois plus nombreux. Pas de quoi remplir une main si je comptais ceux qui comme moi étaient là depuis le début. Toute la période de guerre était un peu floue, il fallait dire que le sang de loup coulait à flot. C'était une dynamique étrange, on voyageait beaucoup, comme destinés à accomplir quelque chose ensemble. Quelque chose sur le long terme. Pour finalement en voir crever la moitié, la plupart démembrés, déchiquetés et éparpillés quelque part où personne n'oserait vraiment s'approcher. Puis ils étaient vite oubliés dans l'adrénaline de la survie, dans l'extase du sang lycanthrope, dans les orgies victorieuses. Traversant l'âge d'or de la jeunesse en abusant des droits naturels. Il y avait quelque chose d'exultant de défier la mort. J'avais trouvé dans la guerre, un contexte où exprimer librement mes valeurs. Essayant de transformer n'importe quel mortel sur ma route, le regarder échouer aux portes de l'élévation dans des douleurs inouïes, terrasser les lycanthropes pour imposer la domination des vampires. Les déguster sans aucun égard pour la modération. Consumer le charnel dans des sens variés et aboutir à une liberté qui me semblait nécessaire. Indispensable. Comme ordonnée par la nature.
J'étais seul, à quelques jours d'avance sur le reste du groupe. Égaré sur le littoral de ce qui était aujourd'hui le Saint-Empire Germanique, pourtant autrefois c'était ma terre natale. Sous un autre nom, dans un autre temps. Planqué dans l'obscurité de la cime des arbres, l'attendant dans un timing parfait alors qu'il passait sous moi. Je lui tombais dessus alors qu'il traversait la forêt, transformé, tandis que la nuit avait capturé la fraîcheur du printemps. Quel beau paysage pour assouvir la violence du constat des choses que j'ai perdu. Alors que ma chute l'enfonçait dans le sol, je plantais immédiatement ma dague d'argent dans sa nuque, le plus verticalement possible. Le laissant vivre pour mourir doucement par le poison, la dague tranchant tout lien avec le reste de son corps. Il resterait immobile, attendant que la douleur emporte sa conscience et que la mort abrège ses souffrances.
Dans l'élan de la chute, on avait glissé sur quelques mètres pour finir dans un petit espace. Le gazon vert se gorgeait de pourpre, alors que l'astre nocturne affichait son croissant à travers le feuillage des arbres. Quand je me relevais, laissant son cadavre sur le sol, à peine contenté du spectacle. Elle était là. Était-ce la distance ou bien paraissait-elle stoïque ? Prête à m'exécuter sèchement ? C'était probablement ce que je ressentais, ses cheveux bruns enveloppant un visage aux traits parfaits. Tandis que j'étais taché de sang avec aux pieds une créature incapable de se mouvoir à quelques minutes d'une mort dont les spasmes et gargarismes sont légions.
« Vous excuserez ses manières, il ne devrait plus en avoir pour longtemps. »
Je défiais son regard et j'attendais sa réaction. Il m'était difficile de savoir ce qu'elle avait vu, peut-être m'avait-elle vu traquer la meute pour attendre qu'un d'entre eux s'éloigne un peu tout comme elle venait peut être tout juste de tomber sur moi. Et dans ce cas, je pouvais toujours trouver un moyen de me démerder. Il était temps de ressortir les bonnes manières. Puis si cela devait mal se passer, comme on dit, après l'entrée...
« Vous êtes ? »
Le plat de résistance.
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