Ven 24 Déc - 21:35
L'amour et la violence
Ne devrais-je pas être libre ?
La nature m'avait conçu comme j'étais. À quoi bon résister ? À quoi bon chercher une logique ? Comme s'il fallait tout rationaliser, comme s'il existait une raison précise. Non. Si je suis fou, je ne le suis que d'amour.
Et pour cet amour, je suis prêt à tout. Il serait bien faible si ce n'était pas le cas. Je ne sens que votre jalousie s'éventrant contre moi. Parce que n'aimez pas assez fort. Vous ne connaissez pas ce sentiment insidieux qui s'infiltre dans chaque pore de votre peau. C'est enivrant, cela vous possède et s'éprend de vous en un claquement de doigts. Entièrement envoûtés par un charme magistral. Plus grand encore que n'importe quel foi ridicule. Il n'y a aucune logique dedans, aucune raison. Mieux que le sang de Lycan, mieux que le regard affolé d'une pauvre âme face à face avec la mort, réalisant que tous ses cauchemars prennent vie, mieux que la luxure, mieux que n'importe quel jour fade où les couleurs semblent pâles et grisonnantes. Où la morosité se mêle à l'ennui. Avec elle, il n'existe plus aucun jour pluvieux. Toujours dans une intensité constante, je lui dédie mon attention, mes efforts, mes secondes.
Au fil des siècles, j'ai construis mes manières, mon éloquence, j'ai appris à me fondre dans la masse. À charmer les nobles, le peuple, les pauvres, les riches. De toute manière, ils n'étaient que des animaux en liberté. Jouant entre eux avec la prétention de se sentir éternels. Attendant inconsciemment l'heure où un être supérieur détruirait leurs rêves et leurs espoirs. Lamentable. Je les ai observé se débattre pendant si longtemps, toujours en guerre, en révolte, en soumission. Pitoyable. Si vous restez le dos courbé, vous ne verrez jamais les sommets. Trop occupés à jouer avec leurs ego, je me suis fait majordome. Pour les servir. Pour avoir leur confiance. Pour facilement les utiliser, les écraser, les posséder.
Si je suis fou, ce n'est que de violence.
Parfois je sens mon corps bouillir. La frustration éreinte mon humeur, et une rage s'empare de moi. Une intensité équivalente à mon amour. Comme un mélange harmonieux, une mélodie battante capable de m'aveugler. Une colère sourde. Tout baigne dans un océan rouge. Une teinte pourpre qui s'imprègne dans mon esprit. Ce n'était pas ma faute si tout m'était dû. Si j'étais un être supérieur élu parmi ce monde peuplé de vermine. Je n'avais pas choisis. Peu m'importait si personne n'était d'accord. Si vous voulez vous regrouper et vivre main dans la main avec les sous-fifres. Moi j'en ai marre de courir, le monde derrière moi prêt à me gober. Ce n'est pas juste, j'exige que mes caprices soient tous acceptés. Dans le cas contraire, je vous ferais plier à ma volonté. Parce que la nature m'en a offert le droit.
Lycanthropes, humains et autres êtres inférieurs devraient comprendre où réside leur place. Johanna devrait comprendre où réside la sienne. Mais personne n'obéit, pensant pouvoir braver l'ordre naturel des choses. Sans comprendre que j'étais maître de mon destin. Maître de posséder ce qui était à ma portée. Alors je mettrais le monde à ma portée s'il le faut, je détruirais vos rois, vos reines. J'empalerais vos têtes le long des routes, j'incarnerais ce que vous n'osez vous avouer. À quel point vos existences sont fragiles. Je détruirais tout s'il le faut. Tant que Johanna revienne. Tant qu'elle comprenne que je l'aime.
Il n'y a rien d'autre qui compte. Le chaos peut bien m'emporter car je suis déjà fou. Oscillant entre deux extrêmes, ne laissant aucune place pour la raison. Si je n'ai pas l'amour, j'abattrais la violence.
Dis, est-ce que toi aussi tes souvenirs défilent parfois dans le chaos ? Des images filantes dans une envolée vers les astres. Des brides qui semblent être aspirées, n'avouant rien de précis juste des flashs immédiats qui se perdent sur un fond obscur ou une teinte pourpre.
Sans écouter, j'avais fuis pour profiter d'être hors de portée de vue et ainsi échapper à l'autorité de mes parents. Vois-tu, j'étais trop jeune pour chasser moi-même sans surveillance, mais assez vieux pour m'éloigner au crépuscule. Une longueur d'avance représentant ma liberté juvénile.
J'avais toujours aimé longer la côte, proche de l'eau. Ce jour-là aussi, j'y étais.
Mais contrairement à tous les autres jours, elle était là.
Échouée sur le sable dans une odeur délicieuse de sang. Dans ses vêtements déchirés, elle devait avoir été amené par le courant ou revenir de plus loin sur la côte. Survivante miraculée ou errante abattue, peu importe, elle titubait à demi-morte sur le rivage. Vivante et à peine consciente, c'était comme si son instinct l'avait réveillé tandis que je m'étais approché alors attiré par l'odeur enivrante. C'était la première fois que je voyais un lycanthrope se transformer. À bout de force, elle s'élançait et retombait quasiment aussitôt deux pas devant elle. Ses jambes ne l'amèneraient pas plus loin alors elle rampait dans un effort vain. Inconsciemment, elle était venue s'offrir à moi comme si l'univers m'envoyait un signal. Cruel est le destin pour les êtres inférieurs car elle s'échouait à mes pieds prête à se faire cueillir par l'ordre naturel des choses. Elle avait terminé son but dans le grand schéma, celui de me nourrir. Ainsi dès mon plus jeune âge, il me semblait que tout m'était dû. Les autres races n'existaient alors que pour me nourrir, comme les animaux nourrissent l'humanité.
Du bétail.
Alors dans l'effort nonchalant de mon instinct le plus naturel, je me suis nourris.
As-tu déjà goûtée au sang de Lycan ?
Ma mâchoire avait écrasé sa trachée. Sa peau s'était déchirée sous la pression, un amas pourpre fleurissait à l'impact et je regrettais aussitôt le gâchis de ma sauvagerie. Une sensation d'euphorie immédiate entraînait un engouement gourmand et je m'enfonçais dans le creux de son cou. Comme si plus rien ne pouvait m'arrêter. Comme si je buvais pour la première fois. Même lorsque son cadavre, froid, chutait au sol la sensation restait. Parcourant le long de mes veines, s'éprenant de chacune de mes cellules, un sentiment surclassant n'importe quel autre. Et à l'apogée de cette sensation intense, un coup violent m'arracha les deux pieds du sol. J'avais rien vu mais j'avais sentis mes côtes se briser à l'impact alors que je volais sur une centaine de mètres. Rebondissant sur le sable dans des roulades pas contrôlées pour ajouter quelques commotions. Mon corps frêle de gamin peu résistant face à la force brute d'un lycanthrope. Je le regardais s'approcher se fondant parfaitement dans la nuit, le regard remplit de haine. Lui non plus ne semblait avoir aucune culpabilité à me tuer, ses compagnons me toisaient d'un regard avouant qu'eux aussi n'hésiteraient pas. Par vengeance peut-être, par solidarité ou par hasard, ils me regardaient tous l'air narquois. Peu importait, il armait déjà son deuxième coup et je le sentais fatal.
À peine vivant que je me voyais mourir, contenté de ma soif et maintenant achevé.
Est-ce que tu admirais ton père ? Je n'ai pas beaucoup de souvenirs, il me reste des vestiges que le temps a épargné mais je me souviens qu'à cet instant, j'en étais fier. Dans une force brute, il s'était rué sur le lycanthrope pour interrompre son élan. Il m'avait sauvé tandis que ma mère et ma sœur couraient vers moi. Bientôt on était tous encerclés, prêts à se faire bondir dessus. Mais malgré ça, je perdais conscience persuadé que mes parents reprendront le contrôle du bétail. Persuadé qu'une race inférieure ne puisse être un danger pour des êtres élus tels que nous. Après tout mes parents les achèveraient les uns après les autres. Ils les laisseront sans défense pour leur rappeler la hiérarchie. Pourtant.
À mon réveil, ils étaient tous les deux morts. Réduits en charpie, sans corps à pleurer, sans réel souvenir à chérir. Et au lendemain du décès de mes parents, je rencontrais vraiment ma sœur. De deux ans ma cadette, toujours proche de mère, de père. Comme un bruit de fond jusque là qui cohabitait avec mon existence, mes problèmes d'enfant et mes aventures. Une image fugace oscillant entre l'amour et la violence. Une partenaire, un poids, un cobaye, un soutien, elle était depuis six ans gravé dans mon décor.
À mon réveil, elle était endormie. Je m'étais extirpé du couchage avec le peu d'énergie que j'avais. Le corps encore endolori, la douleur semblait lacérer ma peau à chaque pas. Mais je continuais. Malgré la souffrance, malgré la sueur, j'avançais vers elle pour l'arracher des bras de celle qui la tenait. Le regard noir, le visage rongé de rage. Qu'elle me rende ma sœur. Elle était tout ce qui me restait et rien ni personne ne pouvait m'empêcher de la récupérer. Avec un sourire, elle me laissait la reprendre sans résistance. Désarmant ma colère futile, maintenant avec ma sœur de six ans dans mes petits bras qui la soulevaient à peine. Et, alors que je me retrouvais sans défense, les mains prises et complètement cloué sur place. Elle posa sa main contre ma tête. Ses doigts glissants délicatement dans mes cheveux, me fixant d'un air chaleureux. Comme un ange scintillant dans l'obscurité, un regard aux deux couleurs captivantes. Alors caressant ma joue dans une tendresse maternelle, elle me fit une promesse.
Celle que tout irait bien à partir maintenant.
Pourtant...
Dis, est-ce que toi aussi tes souvenirs s'effilent avec le temps ? Deviennent moins importants, s'empilant les uns sur les autres, luttant pour garder une place parmi les moments marquants. Je me demande combien de souvenirs il me reste d'antan, combien m'en restera-t-il du présent ? Et toi ? Combien de souvenirs de cette époque garderas-tu jusqu'à la fin des temps et dans combien encore, je serais dedans ?
« Entre Zuicher et moi. Tu sauverais qui en premier ? »
Elle me regardait avec son air taquin habituel. Ses iris océan plongées sur moi avec une insistance exécrable. Dernier vestige de la petite vampire qu'elle était après des siècles d'existence. Toujours s'accrochant à mon attention, comme si elle s'éteindrait aussitôt que je la quitterais des yeux. Après tout, le monde semblait nous courir derrière, la gueule grande ouverte, prêt à nous avaler d'une bouchée. Sans égard pour nos états d'âmes ou nos destins. Je ne me souviens pas d'une époque où nous luttions pas pour notre survie.
« Han, tu as besoin de réfléchir ? »
Elle me bousculait et me secouait dans une tentative efficace d'avoir une réponse plus rapide. Si physiquement nous avions grandi, nos manières et nos valeurs s'étaient collées sur celles du clan Torsdag. Sur Zuicher. Même si j'avais passé les premières années à interdire quiconque de s'approcher de ma sœur, même si l'insolence s'empilait sur mon caractère déjà capricieux, même si nous étions deux contre le reste du monde, on survivait encore et toujours à travers les obstacles.
Dans un sourire partagé, la nuit s'élançait derrière nous. Elle s'était avancée pour rattacher les premiers boutons de ma chemise et frotter les petites poussières sur mon veston. Avec son regard toujours intense, elle remettait mon col. Dis, as-tu toi aussi connu l'affection différente d'une mère et d'une maman ? T'en ai-je laissé le temps ? J'imagine que c'est différent. Sans liens biologiques, j'avais dédié mon existence pour servir Zuicher du mieux que je le pourrais. Alors, j'ai appris, j'ai recopié, j'ai évolué. Je suis devenu le vampire que j'étais lorsque nous nous sommes rencontrés. Lorsque mon existence a prit sens. Mais dans cette époque disparue, Zuicher trônait en tête de mon admiration. Je voulais devenir comme elle. Elle qui représentait tout, l'amour comme la violence. J'aurais tout sacrifié pour briller dans ce regard bicolore, mériter cette affection sans limite. Être digne d'elle, digne de son amour qui semblait être comme celui d'une mère, inconditionnel.
« Voilà, maintenant tu es tout beau avec ton costume de majordome. Félicitations, Emmery. »
Est-ce que tu étais la préférée ? Ou comme moi, avais-tu toujours raison ?
J'avais toujours mes raisons en tout cas. Et c'était bien suffisant pour légitimer tous mes mots, tous mes actes, toutes mes dérives. Et même si cela me déchirait de voir le reste du monde s'acharner sur Zuicher, par ma faute, je n'avais pas arrêté ma route. Violence, insolence ou autre condescendance, de petit à jeune, de jeune à grand, elle avait été la cible des conséquences.
Ça faisait longtemps que j'avais entendu derrière une porte ces mots, pourtant ils m'avaient accompagnés tout le long du voyage jusqu'en France. Trottant dans mon esprit dans une boucle interminable. Dès que je laissais mes pensées voguer, dès que le silence s'éprenait du présent, dès que mes yeux se fermaient. Une mélodie que je connaissais par cœur, aujourd'hui un souvenir que je ne pourrais jamais effacer. Un regret. Un de ses instants gravés avec les autres moments clés. Je n'avais que des bons souvenirs de Zuicher. Avant. Quelques pincements au cœur quand je décevais ses yeux, quelques blessures et caprices oubliés, surtout des mots que je regrettais ne pas savoir dire. Des sentiments que je ne savais ni montrer ni exprimer.
« Tu as l'air nerveux. Ne t'en fais pas, ce n'est que quelques jours, tu retrouveras Zuicher bien assez tôt. Puis tu n'avais qu'à mieux te tenir. »
Un râle soupiré tandis qu'elle profitait d'être ma sœur, la seule personne qui pouvait se permettre de me parler comme ça. Puis plus les jours passaient et plus les mêmes reproches tournaient et trituraient mes pensées. Je pouvais bien les opposer à mes excuses, à mon orgueil, à mon ambition. Peu importait. Je pouvais sentir les regards envieux, les regards haineux, je pouvais entendre à nouveau chaque critique, chaque poignard qu'ils avaient tenté d'enfoncer sous ma peau. Jalousant ma position auprès de la cheffe de clan, ne pouvant accepter notre ascension, notre arrivée dans le clan. Et par-dessus tout, ils ne supportaient aucun écart de comportement. Je pouvais pousser les limites toujours plus loin dans l'excès et je restais dans les grâces de Zuicher. Ils en étaient malades. Ils en exploseraient. C'était bien la seule satisfaction que j'en retirais.
« Tu lui as arraché la langue et tu voulais l'enfoncer de force dans son oreille... »
Est-ce que toi aussi dans tes brides de souvenirs, un éclat sombre vient parfois t'aveugler ? Alors plus rien n'est visible, aucune lumière ne passe comme si l'opacité du morceau ne laisserait rien d'autre se jouer. Comme si, inlassablement coincé dans un cycle sempiternel, tout ce qui précédait s'était montré à toi simplement pour ce souvenir précis.
« Par pitié, ne lui fais pas de mal. Par pitié, EMMERY! »
Ça ne te rappelle rien ?
Et pour la première fois c'était trop tard. La première fois qu'elle ne pouvait pas me stopper.
Ma main contre sa gorge, je le repoussais contre le mur. Il avait bien tenté de se débattre mais je le matraquais de ma main libre. Dans un rythme fou et frénétique, je n'entendais plus rien. Seulement le fracas de ma main contre son crâne qui rebondissait contre le mur dans un échange sans fin. Je ne voyais plus rien. Seulement son sang jaillir de sa peau se fendant sous mes coups. Mon corps entier dans un élan tremblant que personne ne pouvait stopper. Toute la rage se relâchait d'un coup et débordait comme une aura d'épouvante. Les yeux instables, les muscles contractés et un sourire carnassier sur les lèvres. Et je frappais. Encore et encore, ma propre main se déchirant par la répétition. La résistance de ses os scindait ma peau en de petites coupures alors qu'ils se rétractaient sur eux-mêmes au fur et à mesure que je cognais. Déformé, la petite audience choquée, ma sœur en larmes. Il était mort et ce n'était que le début.
« Pourquoi ? Emmery... Pourquoi ? »
Et maintenant ?
Son sang avait entièrement recouvert mon visage. Je n'étais qu'un visage trempé de pourpre lorsque je me retournais. Les yeux injectés de ma colère sourde. Je relâchais sa gorge tandis qu'il chutait au sol et qu'enfin, les premiers hurlements se fassent entendre. Sans me hâter j'avançais vers les deux autres hôtes, dépassant ma sœur qui tentait vainement de retenir mon bras. Tétanisés, ils ne bougeaient pas. Ils pouvaient cracher sur moi autant qu'ils le voulaient. Qu'ils me haïssent, qu'ils m'envient, peu m'importe. Mais qu'ils ne touchent jamais ma sœur ou Zuicher.
À sa hauteur, je l'attrapais par le bras et après quelques luttes, elle se jetait au sol comme s'il allait pouvoir l'engloutir et la protéger. Je levais son bras pour venir le briser à la perpendiculaire d'un coup de pied violent. L'élan tranchant sa peau, lui arrachant l'avant-bras dans l'enchaînement. Une mare de sang à mes pieds se formait tandis que j'extirpais la rage en la lynchant à mort au sol. Je piétinais son visage pour détruire à jamais son image avant de lui cracher dessus. Il en restait encore un. Traumatisé dans un coin, attendant d'être achevé pour ne pas à avoir repenser à la tragédie d'aujourd'hui. Me suppliant de l'envoyer rejoindre ses proches. Je posais mes mains de chaque côté de son visage.
Je posais délicatement mes pouces contre ses paupières et j'appuyais doucement alors que je pouvais deviner à quel point j'étais profond dans son crâne au niveau sonore de ses cris. Je poussais violemment d'un coup sec pour lui crever les yeux et les enfoncer à l'arrière de son crâne. Je crois qu'il a perdu conscience à ce moment-là, alors j'ai plongé mes mains de chaque côté de sa mâchoire pour l'écarter. Forçant encore et encore jusqu'à ce qu'elle lâche que je puisse lui déboîter et enfin l'arracher entièrement. Le laissant croupir dans son sang, mort après une atroce douleur.
Et enfin, la tempête s'estompe. Le son, la vue, la raison, tout revenait et mon corps entier se crispait. Un morceau de mâchoire dans la main et du sang de la tête aux pieds. Le souffle court, l'extase d'une colère assouvie qui se nourrissait enfin de tous les affres de mon existence. Enfin mes yeux se posent sur elle. L'effroi s'est emprise de son regard océan qui ne retrouvait pas son calme. Alors, pour la première fois, elle me fuyait. Au milieu du chaos et des cadavres encore chauds.
As-tu déjà fait quelque chose malgré toi ? Avec un acte au résultat à l'opposé de ce que tu espérais ? Quand elle avait terminé de me fuir, elle me hurlait de ne pas approcher. Comme quand nous étions gamins, elle pleurait. Son corps s'écroulant sous son propre poids pour venir s'échouer à genoux. Reniflant ses larmes, en me regardant avec un air effrayé. Je n'osais pas avancer plus. Encore recouvert de sang, encore confus.
« Pourquoi il a fallut que tu les tues ? Pour un mauvais mot ? Pour ton honneur ? Le mien ? Tu vas finir par te tuer, Emmery. Tu vas te faire entièrement dévorer par toi-même et plus personne pourra te sauver. »
J'avais fait un pas.
« Ne t'approche pas. Dans ces moments-là, Emmery, tu me fais peur. »
Quelque chose s'était brisé. Dans une infinité de morceaux volants en éclats, ne laissant choir sur nos lendemains pluvieux qu'un poids sur nos cœurs.
Je me demande si un jour, toi aussi, tu devras fuir pour protéger tes proches. Si un jour ta présence même pouvait les gêner d'une quelconque manière et que ta dernière option soit celle de t'éloigner. Les laisser évoluer avec assez distance pour qu'ils puissent avoir une place que jusque là tu occupais sans t'en rendre compte.
On serait rentré bien avant qu'on ne découvre qu'ils avaient disparu. Vu le peu de contact qu'il y avait entre le clan et ces vampires, on s'était juré de rien dire. De ne plus en parler. Ni entre nous, ni à Zuicher. Un secret qui tient toujours. Pourtant j'avais bien failli tout lui dire à la seconde où nous étions de retour. Son regard qui se voulait tendre me semblait accusateur. Et tous les derniers siècles étaient remontés dans le creux de ma gorge. Je revoyais tous mes écarts. Les uns après les autres, avec à chaque fois son regard déçu qu'elle surmontait en me réconfortant. J'aurais pu tout lui balancer sur le tas, me répandre de pardon, promettre de mieux me tenir, de mieux me contrôler, mais je n'en avais pas la force. Déstabilisé la seconde suivante par la sincérité de son affection. Je pouvais essayer autant que je le désirais, face à elle, j'étais toujours un gamin cloué sur place, sans défense, persuadé que tout irait bien.
Après tout, elle était celle qui me l'avait promis.
« Zuicher, je... »
Alors aux prémices de la guerre contre les lycanthropes, je décidais de partir. Après avoir accompagné pendant cinq siècles le clan et surtout, Zuicher. Après s'être ennobli dans la société des Hommes, après avoir tout appris et gravis les échelons, j'abandonnais ce que je désirais protéger le plus au monde. Lorsque je les voyais toutes les deux, discutant proche du feu tandis que la pénombre englobait le reste de la salle, je me sentais de trop. Entravant depuis toujours leurs routes, sans savoir que ma destinée appartenait au futur. Ton futur. À cet instant, je sentais mon âme fondre auprès de ma mémoire. Entre le feu ardent de la rage et celui des moments chaleureux. De nouveau entre l'amour et la violence.
« Emmery, c'est joli. »
« Pas autant que vous. »
« Mais qu'est-ce que tu veux à la fin, Emmery ?
« Heureusement que vous êtes là, Emmery. Je ne saurais ce que je ferais toute seule dans cette ruelle sombre. »
« Qu'est-ce que vous faites ? Non, arrêtez... Non je ne veux pas. NON ! À l'aide ! Quelqu'un ! Arrêtez, lâchez moi. PITIÉ ! Pas ça, non, je vous en supplie, non. Non. Non............ »
« MEURS ! MONSTRE ! »
« Et toi ? Qui va te protéger ? Aussi bien des autres que de toi-même ? »
Était-ce le temps qui avait éreinté une à une mes émotions pour ne laisser alors que deux extrêmes aux intensités similaires ? Ou bien était-ce toi, ta beauté, ta douceur, ton odeur qui attisaient alors tous mes désirs les plus primitifs ? Je ne me sentais plus comme l'enfant que j'avais pu être alors que j'avais perdu au fil du temps toutes les choses que j'avais cueillis à bout de bras. Ma sœur, Zuicher, mes compagnons de route morts au combat, mes excès de luxure lassés à la seconde où ils étaient consumés. Tout. Tout avait disparu dans le creux de ma poigne tandis que les siècles s'écoulaient devant mon visage figé. Et pourtant, plus rien n'avait d'importance lorsque tu me regardais. Lorsque tu me confiais tes espoirs, tes rêves et tes fantasmes qui volaient bien au-delà que ce que n'importe qui d'autre que moi pourrait t'offrir. Je ne pouvais laisser personne t'arracher de moi. Tu étais mienne. Le destin nous avait choisis pour nous unir et peu m'importe si je suis le seul à l'entendre hurler. Peu m'importe si je suis le seul à t'aimer. J'aimerais pour deux.
« Oh, monsieur de Goede. Il est tard, revenez demain. »
Il avait voulu refermer la porte mais j'avais aisément repousser le bois pour forcer mon entrée. Il me regardait de haut, me dépassant de quelques têtes. Le dédain dans les yeux, déjà ennuyé avant même que je ne puisse débattre. Avant même que je ne puisse lui faire entendre raison. Il fallait qu'il comprenne que j'étais bien l'unique prétendant pour sa fille.
« N'insistez pas. Sortez maintenant ! Vous ne serez jamais son mari. Jamais, vous m'entendez ? »
Non. Je n'entendais plus. Et toi ? Entendais-tu sa voix se hausser ? Pouvais-tu entendre sa colère plomber ses mots ?
Il ne fallut qu'un coup sec dans sa gorge pour qu'il suffoque et tombe au sol. Sa trachée enfoncée ne laissant plus aucun air passer, il n'y avait plus que l'agonie avant le néant. En quelques minutes, il mourrait étouffé dans des spasmes impuissants. Comme un poisson hors de l'eau, terminant sa vie comme l'humain fragile qu'il était. Subissant alors de se mettre au travers d'un chemin écrit et immuable. Le destin ne laissait personne bloquer sa route. Et comme un cycle infini qui semblait rythmer mon existence, une énième colère venait s'accommoder de mon être. Une colère que je traînais depuis toujours comme un caprice dont je ne pouvais me défaire. Je pouvais regarder tout autour de moi, il n'y avait rien que des arrogants se pavanant en plein jour. Inconscients qu'un claquement de doigts les enterreraient six pieds sous terre. Inconscients de vivre dans un troupeau où leurs existences n'étaient qu'éphémères.
Entendais-tu ton père suffoquer ? Les yeux gorgés de sang, il me suppliait du regard alors que tes frères se sentaient héroïques. Incapables de rester à leurs places, trop humains pour ne pas se sentir éternel, trop humains pour ne pas avoir la prétention d'être un sauveur. Pourtant. Malgré leurs tailles, malgré leurs forces, malgré leurs efforts. Tout était vain contre le chemin acté du destin. Un amour si intense que rien ne pouvait nous séparer. Ils étaient arrivés juste au moment où la vie quittait le cadavre gisant du paternel. Se ruant à deux dessus, ce n'était pas suffisant pour me faire virevolter bien loin. Frédérik s'était accroché autour de ma taille, pensant pouvoir me plaquer. Mais on ne bougeait pas. Les talons bien ancrés sur le parquet, je pouvais le balancer contre le meuble. Tout se brisait à son impact et il restait sans bouger un instant. Assez longtemps pour que je puisse le tirer jusqu'à vous. Te souviens-tu ? Sara derrière toi, toutes les deux planquées derrière votre mère alors que je ramenais Frédérik par les cheveux. Chopant Louis au passage, assez jeune pour rester tétaniser à la vue de son père au sol et sans grande défense lorsque ma poigne s'entourait autour de son cou.
« Johanna, partons. »
Dis, pourquoi n'as-tu rien dit ? Voulais-tu que je les tue comme j'avais tué ton père ? Ne m'avais-tu pas dit que tu voulais être libre ? Ne rêvais-tu pas d'être emmenée au loin auprès d'un prince charmant ? Tandis que le silence répondait à mon exigence, je brisais le bras de Louis pour que ses cris provoquent la moindre réaction. Je le laissais au sol tandis que Frédérik se relevait, encore endolori par le premier coup. La lutte ne fut pas bien acharnée. Je prenais vite le dessus et j'écrasais son visage contre la table. Encore et encore, jusqu'à ce que le bois se brise et que les copeaux tranchants viennent s'empaler sur son visage. Bientôt, il ne bougeait plus. Des épines de bois de tailles diverses sur la totalité de son faciès qui ne montrait alors qu'une teinte pourpre. Et puisque tu ne bougeais toujours pas, je ramassais un pied pour le planter contre l'estomac de Louis, au sol, le bras en angle droit. Il me suppliait. Te rappelles-tu du désespoir dans le fond de ses yeux ? Pouvais-tu voir qu'il hurlait en se demandant pourquoi il devait payer pour l'amour de quelqu'un d'autre ? Petit à petit je forçais sur le pied de table qui s'enfonçait dans le creux de son ventre. Déjà le sang apparaissait dans un cercle inégal qui avait transpercé sa chemise. La peau tendue au maximum de son élasticité attendant qu'un dernier coup pour traverser entièrement sa chair. Un dernier coup pour pénétrer dans ses entrailles et qu'une souffrance inhumaine envahisse son pauvre petit corps. Devait-il subir tant de douleur pour que tu te décides enfin ? Visiblement ce n'était pas assez et le tribut pour te posséder demandait encore une vie. Alors qu'on entendait l'impact du pied contre le sol, traversant de toute part Louis, il extirpa un dernier cri tandis qu'il se vidait de son sang à une allure impressionnante. Un trou béant dans le ventre où trônait un pied de table bancal.
Peut-être était-ce par instinct maternel, ou simplement la folie de voir son mari et ses fils périrent aussi brutalement. Mais ta mère défiait toute raison en se suicidant bêtement. Assez stupide pour foncer droit sur le danger, une claque suffit pour la mettre à terre. Me laissant le champ libre pour planter mes crocs dans son cou et la dévorer. Sans vergogne. Contentant à peine ma soif. Et alors il ne restait plus que deux paires de yeux bleus perdus dans un chaos qui portait mon nom. Une de trop, une qui n'avait aucune valeur pour moi, comme si les tiens avaient aspirés tout mon intérêt. Pourtant, quelque chose me dérangeait dans le regard de Sara. Plus je m'approchais et plus je pouvais sentir cet étrange sentiment qui faisait repartir ma raison. Encore embourbé dans ma rage, encore dans les mêmes tourbillons que je ne pouvais pas contrôler. Que je n'avais jamais voulu contrôler. Tous mes caprices d'enfants, tous mes désirs intenses de luxure, de gourmandise, toutes ces choses qu'on essayait de me retirer alors qu'elles m'étaient dues. N'avais-je pas assez sacrifié ? N'avais-je pas, moi aussi, droit de m'approprier ce que je trouvais précieux ? Si le monde m'avait tant privé de ce que je chérissais c'était pour toi. Pour me préparer à notre rencontre où enfin tout me serait rendu. Devant ta sœur, je posais doucement mes mains contre sa gorge. Elle se débattait mais je pouvais seulement lire sa détresse dans le fond de son regard océan. Une détresse pour laquelle je n'avais aucune compassion. Pas plus que la colère de ton père, les efforts héroïques de tes frères ou encore le dernier soupir de ta mère. Pas plus que n'importe quel autre être vivant peuplant ce monde. Pourtant.
« Pourquoi ? Pourquoi Emmery ? Par pitié, par pitié, ne lui fais pas de mal ! Par pitié, par pitié, je partirai avec toi ! »
Comme une réminiscence d'un autre souvenir. Ces mots mélangés dans la confusion, comme si je vivais cet instant pour la deuxième fois. Un déjà-vu interpellé par le bleu de ses yeux et par le son de ta voix qui avait choisit spécifiquement ces mots. Assez pour me rappeler à ma sœur. Assez pour revenir au dernier point de contrôle de ma mémoire, celui où j'avais dépassé ses limites. En une fraction de seconde, je revoyais le regard effrayé de ma sœur. La déception, la peur, la distance, tout ce qui s'était enchaîné rapidement après. Je relâchais la pression de ma poigne et je la laissais choir au sol. Dans des larmes inconsolables et une douleur qui peinait à trouver une blessure apparente. Une douleur en dedans.
Et dans un instinct proche de la nostalgie, comme si mon esprit m'obligeait à retracer mes pas.
J'embarquais Johanna sur mon épaule pour un départ immédiat.
Une fuite vers la France.
Et puis je t'ai tout donné. Mon amour - celui qu'on m'avait légué - inconditionnel. Un amour impossible à refuser, incorporé dans mon essence et imposé à toi. Tu ne peux pas y échapper. Mais puisque ce n'était pas suffisant je t'ai offert tout ce que l'humanité pouvait chérir. Les plus beaux bijoux, les plus belles robes, les meilleurs plats. Et ce n'était pas suffisant. J'ai persévéré toujours dans le même sentiment. Je ne pouvais pas lutter, il suffisait que tu sois dans la pièce pour que le reste du monde s'écroule. Peu importe les mots que tu me hurlais, peu importe la vulgarité, les insultes, ta voix me contentait. Juste l'entendre, te voir, te consumer. Et à chaque fois que tu me repoussais, je devais resserrer ma poigne. Étendre mon emprise pour que tu comprennes enfin que c'était le véritable but de nos existences. Une rencontre pas anodine. Comment pouvait-elle l'être ? Pourtant, tu ne me voyais pas. Même si tu me regardais, tu ne me voyais pas. Ni mes mots, ni mes actes, ni mes cadeaux, rien n'allumait ton regard. J'ai tout tenté. Rien n'était suffisant.
Ton seul défaut était ta condition d'humaine. Durant ses longs siècles d'existence, j'avais déjà essayé. En vérité, je n'avais probablement fait que d'essayer. Et à chaque fois, ils mourraient en quelques jours. À chaque fois, ils n'étaient pas destinés à devenir un être supérieur. Et je les regardais se tordre dans des douleurs atroces, ne pouvant plus hurler tellement leurs corps se comprimaient, ils perdaient conscience dans les premières minutes pour se réveiller à chaque pic de douleur et finir par éjecter du sang par tous les orifices. Mais tu étais différente. Tu devais l'être. Le destin ne pouvait pas me l'interdire car l'éternité me semblait alors être le minimum. Je n'aurais pas accepté moins si c'était pour le partager avec toi. Alors au premier signe de ton déclin, je m'étais déjà décidé. Et la seconde d'après je me maudissais.
Rapidement, tu as réagis. Je croyais en tes chances de survie mais je savais que ce serait douloureux. Ce n'était pas rien, devenir un vampire. S'extirper de sa condition d'humaine pour se promouvoir parmi les êtres supérieurs. Demande au peuple à quel point la royauté est loin. Comme les autres, tu te tordais de douleur. Comme les autres, tu hurlais jusqu'à ce que l'air te manque. Comme ton père, tu suffoquais. Comme tes frères, tu expérimentes une souffrance intense, dans le creux du ventre, dans le bras, dans le visage. Qui emprisonne tous tes membres, comme s'ils allaient imploser. Le sang brûlant qui remonte jusqu'au plus profond de tes entrailles. T'en souviens-tu de cette atroce agonie ? Avant la fin du premier jour, j'avais perdu tous mes espoirs. Je te voyais déjà mourir devant moi dans une impuissance totale. Je voyais le schéma se répéter, à nouveau, je détruisais ce que je chérissais le plus. Ton état ne faisait qu'empirer, dans un chaos frénétique, et à nouveau, j'allais perdre la chose la plus importante pour moi. Inacceptable. Mon existence ne pouvait pas se résumer à un cycle sans fin où finirait toujours par perdre. Personne, pas même le destin qui se joue de moi, ne pourrait t'arracher de moi. Inacceptable.
Quand Zuicher est arrivée, je pleurais. À la minute où son regard m'a transpercé je me suis sentis, encore, toujours, comme un gamin cloué sur place. Alors mes genoux tombaient. Sans défense. Alors mes je baissais les yeux, retenant un sanglot pour les larmes c'était trop tard. Persuadé que tout irait bien maintenant. Elle me l'avait promis.
« Zuicher... Je t'en supplie, sauve-la... »
À partir de cet instant, j'ai arrêté de vivre. Quand les cris stoppèrent, je ne me souvenais combien de jours étaient passés. Tu as survécu. Et maintenant tu n'as plus aucun défaut. Tu es éternelle. Pourtant, malgré tous mes efforts pour te garder auprès de moi, alors que je pensais avoir déjoué tous les mauvais tours du destin. À la minute où Zuicher est revenue, mon corps entier a tremblé. D'instinct, j'ai commencé à fuir. Chassé par une aura menaçante émanant d'elle que je sentais s'approcher de moi. En quelques pas à peine, trois flèches me transperçaient. Je perdais l'équilibre et chutais au sol. Le moment d'après elle était là. À quelques mètres, le regard fixé sur moi. J'essayais vainement d'esquiver, de fuir, mais elle était toujours là. Bien trop forte, bien plus rapide, bien plus agile, anticipant mes stratégies dans un flegme nonchalant. Sans la moindre résistance, elle déchiquetait facilement mon flanc droit. Je sais même plus combien de flèches j'avais sous la peau, combien de sang j'avais perdu, je voyais plus rien. Encore confus de me faire humilier de la sorte, complètement trahit par celle qui m'avait tout appris, à celle à qui j'avais tant donné. Dis moi, Johanna, pourquoi personne ne semble voir tout ce que je fais pour eux ? Je volais à travers un arbre, j'avais l'impression que mon corps se scindait en deux. J'avais pu sentir mes côtes sortir de mon corps, la peau emporté par le choc de l'impact. Perdant contrôle de mon bras droit, me cognant le crâne dans l'élan de la chute pour l'ouvrir contre un rocher. Jamais été si proche de la mort, mais tu étais vivante. J'étais échoué au sol, incapable de bouger, incapable de parler si ce n'était pour balbutier dans une mare de sang et le jour était levé depuis quelques heures maintenant. Zuicher me surplombait et je n'avais qu'une chose à lui dire.
Pourquoi ? Pourquoi ton regard est si triste ? Si tu te forces, arrête ! Arrête et sauve-moi.
« Tu ne me laisses pas le choix, Emmery... »
Dis, est-ce que le soleil te manque ?
Parfois je croyais surprendre les mordus me regarder avec envie. Craintifs de brûler, c'était devenu leur pire cauchemar et pourtant, la vie était la seule chose qu'ils ne donneraient pas pour sentir à nouveau l'astre diurne sur leur peau. Alors, ils restaient là, plantés dans la pénombre, à nous épier jusqu'au moment où l'obscurité redeviendra maîtresse des lieux. Dis, ne trouves-tu pas la lune plus enivrante que l'astre diurne ?
Elle m'a abandonné là. Alors que le zénith arrivait, je pouvais déjà sentir ma peau cramer. Incapable de bouger, elle m'avait laissé en pâture au soleil. Mais tu étais vivante. Je pouvais pas mourir. Je ne peux pas mourir. Jamais, pas avant que j'accomplisse ce que toute mon âme me hurle. J'avais l'impression de fondre, en plus de la douleur de l'humiliation qu'elle m'avait infligé mon corps semblait n'être qu'une brûlure. Une sensation intense qui me collait à la peau, j'avais perdu tous mes sens, toutes mes sensations. Égaré sur le sol à la recherche d'aide, d'eau, d'ombre. De n'importe quoi qui puisse me sauver. J'exigeais de survivre. Je pouvais pas te laisser me survivre, maintenant que tu étais éternelle. Maintenant que le miracle était réalité. Je devais vivre.
Alors je rampais, je rampais, et alors que je sentais mes forces me quitter. Je sentais quelque chose me tirer. Rapidement, je me sentais de retour à la sécurité.
« Emmery. Je te bannis. »
Honnêtement, je savais même pas comment j'avais pu survivre. Quand je me suis réveillé, j'étais à moitié mort, tu avais disparu et plus rien ne semblait rester dans mon esprit plus que quelques secondes. De toute manière, plus rien d'autre ne comptait. Tu n'étais plus là. J'avais tout perdu. Sais-tu combien de temps j'ai mis pour récupérer de ces plaies ? Maintenant scarifié ad vitam aeternam du visage au corps, traînant une réminiscence de cette douleur pour ne jamais oublier la rancoeur laissé au fond de moi. Sais-tu combien de personnes j'ai dû tué pour me remettre ? Sais-tu combien de jeunes femmes ont dû payer parce qu'elles ne te ressemblaient pas assez ? Parce qu'elles n'avaient pas ta voix, tes mots, ton visage ? Sais-tu combien encore payeront pour le même crime ? Depuis ce jour, plus rien n'a de la valeur, tout ce que j'ai fais c'est de me rapprocher. De chercher. De manigancer. Patiemment pour atteindre mon seul et unique objectif. Te récupérer.
Emmery de Goede
La vie n'est qu'une longue perte de ce qu'on aime. Victor Hugo.
Sexe : Masculin.
Date & lieu de naissance : En 1000, dans la Frise aujourd'hui les Pays-bas.
Âge : 590 ans.
Âge apparent : Vingtaine entamée.
Race : Vampire sang-pur.
Groupe : Basse-noblesse.
Métier / fonction : Majordome.
Condition sociale : Moyenne.
Feat : Shinazugawa Sanemi, Kimetsu no Yaiba.
Date & lieu de naissance : En 1000, dans la Frise aujourd'hui les Pays-bas.
Âge : 590 ans.
Âge apparent : Vingtaine entamée.
Race : Vampire sang-pur.
Groupe : Basse-noblesse.
Métier / fonction : Majordome.
Condition sociale : Moyenne.
Feat : Shinazugawa Sanemi, Kimetsu no Yaiba.
Caractère
L'amour et la violence
Ne devrais-je pas être libre ?
La nature m'avait conçu comme j'étais. À quoi bon résister ? À quoi bon chercher une logique ? Comme s'il fallait tout rationaliser, comme s'il existait une raison précise. Non. Si je suis fou, je ne le suis que d'amour.
Et pour cet amour, je suis prêt à tout. Il serait bien faible si ce n'était pas le cas. Je ne sens que votre jalousie s'éventrant contre moi. Parce que n'aimez pas assez fort. Vous ne connaissez pas ce sentiment insidieux qui s'infiltre dans chaque pore de votre peau. C'est enivrant, cela vous possède et s'éprend de vous en un claquement de doigts. Entièrement envoûtés par un charme magistral. Plus grand encore que n'importe quel foi ridicule. Il n'y a aucune logique dedans, aucune raison. Mieux que le sang de Lycan, mieux que le regard affolé d'une pauvre âme face à face avec la mort, réalisant que tous ses cauchemars prennent vie, mieux que la luxure, mieux que n'importe quel jour fade où les couleurs semblent pâles et grisonnantes. Où la morosité se mêle à l'ennui. Avec elle, il n'existe plus aucun jour pluvieux. Toujours dans une intensité constante, je lui dédie mon attention, mes efforts, mes secondes.
Au fil des siècles, j'ai construis mes manières, mon éloquence, j'ai appris à me fondre dans la masse. À charmer les nobles, le peuple, les pauvres, les riches. De toute manière, ils n'étaient que des animaux en liberté. Jouant entre eux avec la prétention de se sentir éternels. Attendant inconsciemment l'heure où un être supérieur détruirait leurs rêves et leurs espoirs. Lamentable. Je les ai observé se débattre pendant si longtemps, toujours en guerre, en révolte, en soumission. Pitoyable. Si vous restez le dos courbé, vous ne verrez jamais les sommets. Trop occupés à jouer avec leurs ego, je me suis fait majordome. Pour les servir. Pour avoir leur confiance. Pour facilement les utiliser, les écraser, les posséder.
Si je suis fou, ce n'est que de violence.
Parfois je sens mon corps bouillir. La frustration éreinte mon humeur, et une rage s'empare de moi. Une intensité équivalente à mon amour. Comme un mélange harmonieux, une mélodie battante capable de m'aveugler. Une colère sourde. Tout baigne dans un océan rouge. Une teinte pourpre qui s'imprègne dans mon esprit. Ce n'était pas ma faute si tout m'était dû. Si j'étais un être supérieur élu parmi ce monde peuplé de vermine. Je n'avais pas choisis. Peu m'importait si personne n'était d'accord. Si vous voulez vous regrouper et vivre main dans la main avec les sous-fifres. Moi j'en ai marre de courir, le monde derrière moi prêt à me gober. Ce n'est pas juste, j'exige que mes caprices soient tous acceptés. Dans le cas contraire, je vous ferais plier à ma volonté. Parce que la nature m'en a offert le droit.
Lycanthropes, humains et autres êtres inférieurs devraient comprendre où réside leur place. Johanna devrait comprendre où réside la sienne. Mais personne n'obéit, pensant pouvoir braver l'ordre naturel des choses. Sans comprendre que j'étais maître de mon destin. Maître de posséder ce qui était à ma portée. Alors je mettrais le monde à ma portée s'il le faut, je détruirais vos rois, vos reines. J'empalerais vos têtes le long des routes, j'incarnerais ce que vous n'osez vous avouer. À quel point vos existences sont fragiles. Je détruirais tout s'il le faut. Tant que Johanna revienne. Tant qu'elle comprenne que je l'aime.
Il n'y a rien d'autre qui compte. Le chaos peut bien m'emporter car je suis déjà fou. Oscillant entre deux extrêmes, ne laissant aucune place pour la raison. Si je n'ai pas l'amour, j'abattrais la violence.
Histoire
TRIGGER WARNING : Cette fiche contient des descriptions poussées d'actes violents. Des sous-entendus, des mots, des situations, des actes pouvant choquer les plus sensibles. Merci d'en prendre note avant d'entamer votre lecture.
Dis, est-ce que toi aussi tes souvenirs défilent parfois dans le chaos ? Des images filantes dans une envolée vers les astres. Des brides qui semblent être aspirées, n'avouant rien de précis juste des flashs immédiats qui se perdent sur un fond obscur ou une teinte pourpre.
« Emmery ! Reviens tout de suite ! Combien de fois je t'ai dis de ne pas jouer dehors avant que la nuit tombe ? »
Sans écouter, j'avais fuis pour profiter d'être hors de portée de vue et ainsi échapper à l'autorité de mes parents. Vois-tu, j'étais trop jeune pour chasser moi-même sans surveillance, mais assez vieux pour m'éloigner au crépuscule. Une longueur d'avance représentant ma liberté juvénile.
J'avais toujours aimé longer la côte, proche de l'eau. Ce jour-là aussi, j'y étais.
Mais contrairement à tous les autres jours, elle était là.
Échouée sur le sable dans une odeur délicieuse de sang. Dans ses vêtements déchirés, elle devait avoir été amené par le courant ou revenir de plus loin sur la côte. Survivante miraculée ou errante abattue, peu importe, elle titubait à demi-morte sur le rivage. Vivante et à peine consciente, c'était comme si son instinct l'avait réveillé tandis que je m'étais approché alors attiré par l'odeur enivrante. C'était la première fois que je voyais un lycanthrope se transformer. À bout de force, elle s'élançait et retombait quasiment aussitôt deux pas devant elle. Ses jambes ne l'amèneraient pas plus loin alors elle rampait dans un effort vain. Inconsciemment, elle était venue s'offrir à moi comme si l'univers m'envoyait un signal. Cruel est le destin pour les êtres inférieurs car elle s'échouait à mes pieds prête à se faire cueillir par l'ordre naturel des choses. Elle avait terminé son but dans le grand schéma, celui de me nourrir. Ainsi dès mon plus jeune âge, il me semblait que tout m'était dû. Les autres races n'existaient alors que pour me nourrir, comme les animaux nourrissent l'humanité.
Du bétail.
Alors dans l'effort nonchalant de mon instinct le plus naturel, je me suis nourris.
As-tu déjà goûtée au sang de Lycan ?
Ma mâchoire avait écrasé sa trachée. Sa peau s'était déchirée sous la pression, un amas pourpre fleurissait à l'impact et je regrettais aussitôt le gâchis de ma sauvagerie. Une sensation d'euphorie immédiate entraînait un engouement gourmand et je m'enfonçais dans le creux de son cou. Comme si plus rien ne pouvait m'arrêter. Comme si je buvais pour la première fois. Même lorsque son cadavre, froid, chutait au sol la sensation restait. Parcourant le long de mes veines, s'éprenant de chacune de mes cellules, un sentiment surclassant n'importe quel autre. Et à l'apogée de cette sensation intense, un coup violent m'arracha les deux pieds du sol. J'avais rien vu mais j'avais sentis mes côtes se briser à l'impact alors que je volais sur une centaine de mètres. Rebondissant sur le sable dans des roulades pas contrôlées pour ajouter quelques commotions. Mon corps frêle de gamin peu résistant face à la force brute d'un lycanthrope. Je le regardais s'approcher se fondant parfaitement dans la nuit, le regard remplit de haine. Lui non plus ne semblait avoir aucune culpabilité à me tuer, ses compagnons me toisaient d'un regard avouant qu'eux aussi n'hésiteraient pas. Par vengeance peut-être, par solidarité ou par hasard, ils me regardaient tous l'air narquois. Peu importait, il armait déjà son deuxième coup et je le sentais fatal.
À peine vivant que je me voyais mourir, contenté de ma soif et maintenant achevé.
Est-ce que tu admirais ton père ? Je n'ai pas beaucoup de souvenirs, il me reste des vestiges que le temps a épargné mais je me souviens qu'à cet instant, j'en étais fier. Dans une force brute, il s'était rué sur le lycanthrope pour interrompre son élan. Il m'avait sauvé tandis que ma mère et ma sœur couraient vers moi. Bientôt on était tous encerclés, prêts à se faire bondir dessus. Mais malgré ça, je perdais conscience persuadé que mes parents reprendront le contrôle du bétail. Persuadé qu'une race inférieure ne puisse être un danger pour des êtres élus tels que nous. Après tout mes parents les achèveraient les uns après les autres. Ils les laisseront sans défense pour leur rappeler la hiérarchie. Pourtant.
À mon réveil, ils étaient tous les deux morts. Réduits en charpie, sans corps à pleurer, sans réel souvenir à chérir. Et au lendemain du décès de mes parents, je rencontrais vraiment ma sœur. De deux ans ma cadette, toujours proche de mère, de père. Comme un bruit de fond jusque là qui cohabitait avec mon existence, mes problèmes d'enfant et mes aventures. Une image fugace oscillant entre l'amour et la violence. Une partenaire, un poids, un cobaye, un soutien, elle était depuis six ans gravé dans mon décor.
À mon réveil, elle était endormie. Je m'étais extirpé du couchage avec le peu d'énergie que j'avais. Le corps encore endolori, la douleur semblait lacérer ma peau à chaque pas. Mais je continuais. Malgré la souffrance, malgré la sueur, j'avançais vers elle pour l'arracher des bras de celle qui la tenait. Le regard noir, le visage rongé de rage. Qu'elle me rende ma sœur. Elle était tout ce qui me restait et rien ni personne ne pouvait m'empêcher de la récupérer. Avec un sourire, elle me laissait la reprendre sans résistance. Désarmant ma colère futile, maintenant avec ma sœur de six ans dans mes petits bras qui la soulevaient à peine. Et, alors que je me retrouvais sans défense, les mains prises et complètement cloué sur place. Elle posa sa main contre ma tête. Ses doigts glissants délicatement dans mes cheveux, me fixant d'un air chaleureux. Comme un ange scintillant dans l'obscurité, un regard aux deux couleurs captivantes. Alors caressant ma joue dans une tendresse maternelle, elle me fit une promesse.
Celle que tout irait bien à partir maintenant.
Pourtant...
Dis, est-ce que toi aussi tes souvenirs s'effilent avec le temps ? Deviennent moins importants, s'empilant les uns sur les autres, luttant pour garder une place parmi les moments marquants. Je me demande combien de souvenirs il me reste d'antan, combien m'en restera-t-il du présent ? Et toi ? Combien de souvenirs de cette époque garderas-tu jusqu'à la fin des temps et dans combien encore, je serais dedans ?
« Entre Zuicher et moi. Tu sauverais qui en premier ? »
Elle me regardait avec son air taquin habituel. Ses iris océan plongées sur moi avec une insistance exécrable. Dernier vestige de la petite vampire qu'elle était après des siècles d'existence. Toujours s'accrochant à mon attention, comme si elle s'éteindrait aussitôt que je la quitterais des yeux. Après tout, le monde semblait nous courir derrière, la gueule grande ouverte, prêt à nous avaler d'une bouchée. Sans égard pour nos états d'âmes ou nos destins. Je ne me souviens pas d'une époque où nous luttions pas pour notre survie.
« Han, tu as besoin de réfléchir ? »
Elle me bousculait et me secouait dans une tentative efficace d'avoir une réponse plus rapide. Si physiquement nous avions grandi, nos manières et nos valeurs s'étaient collées sur celles du clan Torsdag. Sur Zuicher. Même si j'avais passé les premières années à interdire quiconque de s'approcher de ma sœur, même si l'insolence s'empilait sur mon caractère déjà capricieux, même si nous étions deux contre le reste du monde, on survivait encore et toujours à travers les obstacles.
« Tu dis n'importe quoi. Je serais mort bien avant que Zuicher soit vaincue. Et... »
Nous avions perdus notre mère mais en échange :
Nous avions gagné une maman.
Dès lors, nous étions trois contre le reste du monde
.Nous avions gagné une maman.
Dès lors, nous étions trois contre le reste du monde
« ...Zuicher tuera n'importe quel fou qui s'approcherait un peu trop de nous. »
« Zuicher tuera n'importe quel fou qui s'approcherait un peu trop de nous. »Dans un sourire partagé, la nuit s'élançait derrière nous. Elle s'était avancée pour rattacher les premiers boutons de ma chemise et frotter les petites poussières sur mon veston. Avec son regard toujours intense, elle remettait mon col. Dis, as-tu toi aussi connu l'affection différente d'une mère et d'une maman ? T'en ai-je laissé le temps ? J'imagine que c'est différent. Sans liens biologiques, j'avais dédié mon existence pour servir Zuicher du mieux que je le pourrais. Alors, j'ai appris, j'ai recopié, j'ai évolué. Je suis devenu le vampire que j'étais lorsque nous nous sommes rencontrés. Lorsque mon existence a prit sens. Mais dans cette époque disparue, Zuicher trônait en tête de mon admiration. Je voulais devenir comme elle. Elle qui représentait tout, l'amour comme la violence. J'aurais tout sacrifié pour briller dans ce regard bicolore, mériter cette affection sans limite. Être digne d'elle, digne de son amour qui semblait être comme celui d'une mère, inconditionnel.
« Voilà, maintenant tu es tout beau avec ton costume de majordome. Félicitations, Emmery. »
Est-ce que tu étais la préférée ? Ou comme moi, avais-tu toujours raison ?
J'avais toujours mes raisons en tout cas. Et c'était bien suffisant pour légitimer tous mes mots, tous mes actes, toutes mes dérives. Et même si cela me déchirait de voir le reste du monde s'acharner sur Zuicher, par ma faute, je n'avais pas arrêté ma route. Violence, insolence ou autre condescendance, de petit à jeune, de jeune à grand, elle avait été la cible des conséquences.
« Tu ne pourras pas le protéger pour toujours. Il arrivera un jour où tu devras payer pour ce laxisme envers ses excès. »
Ça faisait longtemps que j'avais entendu derrière une porte ces mots, pourtant ils m'avaient accompagnés tout le long du voyage jusqu'en France. Trottant dans mon esprit dans une boucle interminable. Dès que je laissais mes pensées voguer, dès que le silence s'éprenait du présent, dès que mes yeux se fermaient. Une mélodie que je connaissais par cœur, aujourd'hui un souvenir que je ne pourrais jamais effacer. Un regret. Un de ses instants gravés avec les autres moments clés. Je n'avais que des bons souvenirs de Zuicher. Avant. Quelques pincements au cœur quand je décevais ses yeux, quelques blessures et caprices oubliés, surtout des mots que je regrettais ne pas savoir dire. Des sentiments que je ne savais ni montrer ni exprimer.
« Tu as l'air nerveux. Ne t'en fais pas, ce n'est que quelques jours, tu retrouveras Zuicher bien assez tôt. Puis tu n'avais qu'à mieux te tenir. »
Un râle soupiré tandis qu'elle profitait d'être ma sœur, la seule personne qui pouvait se permettre de me parler comme ça. Puis plus les jours passaient et plus les mêmes reproches tournaient et trituraient mes pensées. Je pouvais bien les opposer à mes excuses, à mon orgueil, à mon ambition. Peu importait. Je pouvais sentir les regards envieux, les regards haineux, je pouvais entendre à nouveau chaque critique, chaque poignard qu'ils avaient tenté d'enfoncer sous ma peau. Jalousant ma position auprès de la cheffe de clan, ne pouvant accepter notre ascension, notre arrivée dans le clan. Et par-dessus tout, ils ne supportaient aucun écart de comportement. Je pouvais pousser les limites toujours plus loin dans l'excès et je restais dans les grâces de Zuicher. Ils en étaient malades. Ils en exploseraient. C'était bien la seule satisfaction que j'en retirais.
« J'y peux rien s'il parlait trop. »
« Tu lui as arraché la langue et tu voulais l'enfoncer de force dans son oreille... »
« Je vois pas le problème. Il parlait vraiment trop. »
Est-ce que toi aussi dans tes brides de souvenirs, un éclat sombre vient parfois t'aveugler ? Alors plus rien n'est visible, aucune lumière ne passe comme si l'opacité du morceau ne laisserait rien d'autre se jouer. Comme si, inlassablement coincé dans un cycle sempiternel, tout ce qui précédait s'était montré à toi simplement pour ce souvenir précis.
« Par pitié, ne lui fais pas de mal. Par pitié, EMMERY! »
Ça ne te rappelle rien ?
Et pour la première fois c'était trop tard. La première fois qu'elle ne pouvait pas me stopper.
Ma main contre sa gorge, je le repoussais contre le mur. Il avait bien tenté de se débattre mais je le matraquais de ma main libre. Dans un rythme fou et frénétique, je n'entendais plus rien. Seulement le fracas de ma main contre son crâne qui rebondissait contre le mur dans un échange sans fin. Je ne voyais plus rien. Seulement son sang jaillir de sa peau se fendant sous mes coups. Mon corps entier dans un élan tremblant que personne ne pouvait stopper. Toute la rage se relâchait d'un coup et débordait comme une aura d'épouvante. Les yeux instables, les muscles contractés et un sourire carnassier sur les lèvres. Et je frappais. Encore et encore, ma propre main se déchirant par la répétition. La résistance de ses os scindait ma peau en de petites coupures alors qu'ils se rétractaient sur eux-mêmes au fur et à mesure que je cognais. Déformé, la petite audience choquée, ma sœur en larmes. Il était mort et ce n'était que le début.
« Pourquoi ? Emmery... Pourquoi ? »
Et maintenant ?
Son sang avait entièrement recouvert mon visage. Je n'étais qu'un visage trempé de pourpre lorsque je me retournais. Les yeux injectés de ma colère sourde. Je relâchais sa gorge tandis qu'il chutait au sol et qu'enfin, les premiers hurlements se fassent entendre. Sans me hâter j'avançais vers les deux autres hôtes, dépassant ma sœur qui tentait vainement de retenir mon bras. Tétanisés, ils ne bougeaient pas. Ils pouvaient cracher sur moi autant qu'ils le voulaient. Qu'ils me haïssent, qu'ils m'envient, peu m'importe. Mais qu'ils ne touchent jamais ma sœur ou Zuicher.
À sa hauteur, je l'attrapais par le bras et après quelques luttes, elle se jetait au sol comme s'il allait pouvoir l'engloutir et la protéger. Je levais son bras pour venir le briser à la perpendiculaire d'un coup de pied violent. L'élan tranchant sa peau, lui arrachant l'avant-bras dans l'enchaînement. Une mare de sang à mes pieds se formait tandis que j'extirpais la rage en la lynchant à mort au sol. Je piétinais son visage pour détruire à jamais son image avant de lui cracher dessus. Il en restait encore un. Traumatisé dans un coin, attendant d'être achevé pour ne pas à avoir repenser à la tragédie d'aujourd'hui. Me suppliant de l'envoyer rejoindre ses proches. Je posais mes mains de chaque côté de son visage.
« Tu disais quoi déjà ? »
Je posais délicatement mes pouces contre ses paupières et j'appuyais doucement alors que je pouvais deviner à quel point j'étais profond dans son crâne au niveau sonore de ses cris. Je poussais violemment d'un coup sec pour lui crever les yeux et les enfoncer à l'arrière de son crâne. Je crois qu'il a perdu conscience à ce moment-là, alors j'ai plongé mes mains de chaque côté de sa mâchoire pour l'écarter. Forçant encore et encore jusqu'à ce qu'elle lâche que je puisse lui déboîter et enfin l'arracher entièrement. Le laissant croupir dans son sang, mort après une atroce douleur.
Et enfin, la tempête s'estompe. Le son, la vue, la raison, tout revenait et mon corps entier se crispait. Un morceau de mâchoire dans la main et du sang de la tête aux pieds. Le souffle court, l'extase d'une colère assouvie qui se nourrissait enfin de tous les affres de mon existence. Enfin mes yeux se posent sur elle. L'effroi s'est emprise de son regard océan qui ne retrouvait pas son calme. Alors, pour la première fois, elle me fuyait. Au milieu du chaos et des cadavres encore chauds.
As-tu déjà fait quelque chose malgré toi ? Avec un acte au résultat à l'opposé de ce que tu espérais ? Quand elle avait terminé de me fuir, elle me hurlait de ne pas approcher. Comme quand nous étions gamins, elle pleurait. Son corps s'écroulant sous son propre poids pour venir s'échouer à genoux. Reniflant ses larmes, en me regardant avec un air effrayé. Je n'osais pas avancer plus. Encore recouvert de sang, encore confus.
« Pourquoi il a fallut que tu les tues ? Pour un mauvais mot ? Pour ton honneur ? Le mien ? Tu vas finir par te tuer, Emmery. Tu vas te faire entièrement dévorer par toi-même et plus personne pourra te sauver. »
J'avais fait un pas.
« Ne t'approche pas. Dans ces moments-là, Emmery, tu me fais peur. »
Quelque chose s'était brisé. Dans une infinité de morceaux volants en éclats, ne laissant choir sur nos lendemains pluvieux qu'un poids sur nos cœurs.
Je me demande si un jour, toi aussi, tu devras fuir pour protéger tes proches. Si un jour ta présence même pouvait les gêner d'une quelconque manière et que ta dernière option soit celle de t'éloigner. Les laisser évoluer avec assez distance pour qu'ils puissent avoir une place que jusque là tu occupais sans t'en rendre compte.
On serait rentré bien avant qu'on ne découvre qu'ils avaient disparu. Vu le peu de contact qu'il y avait entre le clan et ces vampires, on s'était juré de rien dire. De ne plus en parler. Ni entre nous, ni à Zuicher. Un secret qui tient toujours. Pourtant j'avais bien failli tout lui dire à la seconde où nous étions de retour. Son regard qui se voulait tendre me semblait accusateur. Et tous les derniers siècles étaient remontés dans le creux de ma gorge. Je revoyais tous mes écarts. Les uns après les autres, avec à chaque fois son regard déçu qu'elle surmontait en me réconfortant. J'aurais pu tout lui balancer sur le tas, me répandre de pardon, promettre de mieux me tenir, de mieux me contrôler, mais je n'en avais pas la force. Déstabilisé la seconde suivante par la sincérité de son affection. Je pouvais essayer autant que je le désirais, face à elle, j'étais toujours un gamin cloué sur place, sans défense, persuadé que tout irait bien.
Après tout, elle était celle qui me l'avait promis.
« Zuicher, je... »
Alors aux prémices de la guerre contre les lycanthropes, je décidais de partir. Après avoir accompagné pendant cinq siècles le clan et surtout, Zuicher. Après s'être ennobli dans la société des Hommes, après avoir tout appris et gravis les échelons, j'abandonnais ce que je désirais protéger le plus au monde. Lorsque je les voyais toutes les deux, discutant proche du feu tandis que la pénombre englobait le reste de la salle, je me sentais de trop. Entravant depuis toujours leurs routes, sans savoir que ma destinée appartenait au futur. Ton futur. À cet instant, je sentais mon âme fondre auprès de ma mémoire. Entre le feu ardent de la rage et celui des moments chaleureux. De nouveau entre l'amour et la violence.
Et alors tout devenait un florilège confus où les époques et les souvenirs s'emmêlent.
« Et c'est pour ça que tu seras toujours un sous-fifre. Car tu es un perdant. Tu bases tes décisions sur le médiocre spectre de ta perspective et tes émotions. Alors vas-y, jette-toi aux loups et meurs comme le misérable que tu es destiné à incarner. »
« Emmery, c'est joli. »
« Pas autant que vous. »
« Dis moi, lycan, qu'est-ce que cela te fait de savoir que pour les prochaines heures je vais te regarder agoniser ? Plus tu approcheras de la fin, plus l'argent empoisonnera ton sang. Ce sera lent et douloureux. Et pour moi qui fait face à l'éternité, ta mort ne représentera qu'une fraction de seconde. »
« Mais qu'est-ce que tu veux à la fin, Emmery ?
« Me permettez-vous de vous accompagner ? »
« Emmery, tu n'as plus besoin de nous protéger maintenant. »« Tout, je veux absolument tout. »
« Heureusement que vous êtes là, Emmery. Je ne saurais ce que je ferais toute seule dans cette ruelle sombre. »
« Tu vas finir par te faire avaler par le monde. Engloutit par ton orgueil. Et personne ne pourra plus rien faire pour toi. »
« Qu'est-ce que vous faites ? Non, arrêtez... Non je ne veux pas. NON ! À l'aide ! Quelqu'un ! Arrêtez, lâchez moi. PITIÉ ! Pas ça, non, je vous en supplie, non. Non. Non............ »
« Mais avant, je vous décimerais un à un. Toi et tous tes semblables, je me délecterais de votre sang jusqu'à ce qu'il n'existe plus aucun lycanthrope sur ces terres qui ne soit pas certain que sa survie dépend de mon appétit. »
« Quelque part, tu as toujours été tout seul, Emmery. Détruisant chacune des choses que tu avais entre les mains parce que tu étais bien trop excité, bien trop agité pour le préserver. Et comme toutes les choses les plus chères à ton cœur, tu finiras par tout détruire. »
« MEURS ! MONSTRE ! »
« Quand vas-tu m'achever ? Me garderas-tu enfermée pour toujours ? Devrais-je satisfaire tes péchés de luxure et gourmandise jusqu'à ce que le temps m'emporte ? Je te maudis, Emmery de Goede. Et je me maudis pour avoir cru tes mots et tes attentions. Tu n'es qu'un monstre. »
« Et toi ? Qui va te protéger ? Aussi bien des autres que de toi-même ? »
Et puis, soudainement, il y en a un qui s'arrête. Surpassant les autres pour se déposer par-dessus. Coupant chaque image, chaque son.
Éclairé comme la lumière du zénith.
Éclairé comme la lumière du zénith.
« Elle ? C'est Johanna van Helzen. »
M'avais-tu vu ce soir-là ? Car je n'ai rien d'autre que ton visage en tête quand j'essaye de m'en rappeler. Après avoir erré des siècles, oscillant entre ma luxure pour les femmes et ma gourmandise pour les loups, mon destin touchait au but. Enfin un sens offert à mon existence qui jusque là s'était accrochée à deux mots qui semblaient se jouer en permanence. Pourquoi l'amour était-il si intense ? Pourquoi fallait-il qu'il soit un sentiment si violent ? Je ne l'avais pas choisi. Je n'étais pas l'être puissant qui décidait à quel point l'amour viendrait frapper mon être. Comme un flot virulent détruisant tout ce que j'avais bien pu désirer un jour. Il n'y avait plus que toi. Toi. Au sommet de mon monde, excluant le reste du monde. Toi, et moi. L'amour, et la violence. Était-ce le temps qui avait éreinté une à une mes émotions pour ne laisser alors que deux extrêmes aux intensités similaires ? Ou bien était-ce toi, ta beauté, ta douceur, ton odeur qui attisaient alors tous mes désirs les plus primitifs ? Je ne me sentais plus comme l'enfant que j'avais pu être alors que j'avais perdu au fil du temps toutes les choses que j'avais cueillis à bout de bras. Ma sœur, Zuicher, mes compagnons de route morts au combat, mes excès de luxure lassés à la seconde où ils étaient consumés. Tout. Tout avait disparu dans le creux de ma poigne tandis que les siècles s'écoulaient devant mon visage figé. Et pourtant, plus rien n'avait d'importance lorsque tu me regardais. Lorsque tu me confiais tes espoirs, tes rêves et tes fantasmes qui volaient bien au-delà que ce que n'importe qui d'autre que moi pourrait t'offrir. Je ne pouvais laisser personne t'arracher de moi. Tu étais mienne. Le destin nous avait choisis pour nous unir et peu m'importe si je suis le seul à l'entendre hurler. Peu m'importe si je suis le seul à t'aimer. J'aimerais pour deux.
« Oh, monsieur de Goede. Il est tard, revenez demain. »
Il avait voulu refermer la porte mais j'avais aisément repousser le bois pour forcer mon entrée. Il me regardait de haut, me dépassant de quelques têtes. Le dédain dans les yeux, déjà ennuyé avant même que je ne puisse débattre. Avant même que je ne puisse lui faire entendre raison. Il fallait qu'il comprenne que j'étais bien l'unique prétendant pour sa fille.
« N'insistez pas. Sortez maintenant ! Vous ne serez jamais son mari. Jamais, vous m'entendez ? »
Non. Je n'entendais plus. Et toi ? Entendais-tu sa voix se hausser ? Pouvais-tu entendre sa colère plomber ses mots ?
Il ne fallut qu'un coup sec dans sa gorge pour qu'il suffoque et tombe au sol. Sa trachée enfoncée ne laissant plus aucun air passer, il n'y avait plus que l'agonie avant le néant. En quelques minutes, il mourrait étouffé dans des spasmes impuissants. Comme un poisson hors de l'eau, terminant sa vie comme l'humain fragile qu'il était. Subissant alors de se mettre au travers d'un chemin écrit et immuable. Le destin ne laissait personne bloquer sa route. Et comme un cycle infini qui semblait rythmer mon existence, une énième colère venait s'accommoder de mon être. Une colère que je traînais depuis toujours comme un caprice dont je ne pouvais me défaire. Je pouvais regarder tout autour de moi, il n'y avait rien que des arrogants se pavanant en plein jour. Inconscients qu'un claquement de doigts les enterreraient six pieds sous terre. Inconscients de vivre dans un troupeau où leurs existences n'étaient qu'éphémères.
Entendais-tu ton père suffoquer ? Les yeux gorgés de sang, il me suppliait du regard alors que tes frères se sentaient héroïques. Incapables de rester à leurs places, trop humains pour ne pas se sentir éternel, trop humains pour ne pas avoir la prétention d'être un sauveur. Pourtant. Malgré leurs tailles, malgré leurs forces, malgré leurs efforts. Tout était vain contre le chemin acté du destin. Un amour si intense que rien ne pouvait nous séparer. Ils étaient arrivés juste au moment où la vie quittait le cadavre gisant du paternel. Se ruant à deux dessus, ce n'était pas suffisant pour me faire virevolter bien loin. Frédérik s'était accroché autour de ma taille, pensant pouvoir me plaquer. Mais on ne bougeait pas. Les talons bien ancrés sur le parquet, je pouvais le balancer contre le meuble. Tout se brisait à son impact et il restait sans bouger un instant. Assez longtemps pour que je puisse le tirer jusqu'à vous. Te souviens-tu ? Sara derrière toi, toutes les deux planquées derrière votre mère alors que je ramenais Frédérik par les cheveux. Chopant Louis au passage, assez jeune pour rester tétaniser à la vue de son père au sol et sans grande défense lorsque ma poigne s'entourait autour de son cou.
« Johanna, partons. »
Dis, pourquoi n'as-tu rien dit ? Voulais-tu que je les tue comme j'avais tué ton père ? Ne m'avais-tu pas dit que tu voulais être libre ? Ne rêvais-tu pas d'être emmenée au loin auprès d'un prince charmant ? Tandis que le silence répondait à mon exigence, je brisais le bras de Louis pour que ses cris provoquent la moindre réaction. Je le laissais au sol tandis que Frédérik se relevait, encore endolori par le premier coup. La lutte ne fut pas bien acharnée. Je prenais vite le dessus et j'écrasais son visage contre la table. Encore et encore, jusqu'à ce que le bois se brise et que les copeaux tranchants viennent s'empaler sur son visage. Bientôt, il ne bougeait plus. Des épines de bois de tailles diverses sur la totalité de son faciès qui ne montrait alors qu'une teinte pourpre. Et puisque tu ne bougeais toujours pas, je ramassais un pied pour le planter contre l'estomac de Louis, au sol, le bras en angle droit. Il me suppliait. Te rappelles-tu du désespoir dans le fond de ses yeux ? Pouvais-tu voir qu'il hurlait en se demandant pourquoi il devait payer pour l'amour de quelqu'un d'autre ? Petit à petit je forçais sur le pied de table qui s'enfonçait dans le creux de son ventre. Déjà le sang apparaissait dans un cercle inégal qui avait transpercé sa chemise. La peau tendue au maximum de son élasticité attendant qu'un dernier coup pour traverser entièrement sa chair. Un dernier coup pour pénétrer dans ses entrailles et qu'une souffrance inhumaine envahisse son pauvre petit corps. Devait-il subir tant de douleur pour que tu te décides enfin ? Visiblement ce n'était pas assez et le tribut pour te posséder demandait encore une vie. Alors qu'on entendait l'impact du pied contre le sol, traversant de toute part Louis, il extirpa un dernier cri tandis qu'il se vidait de son sang à une allure impressionnante. Un trou béant dans le ventre où trônait un pied de table bancal.
Peut-être était-ce par instinct maternel, ou simplement la folie de voir son mari et ses fils périrent aussi brutalement. Mais ta mère défiait toute raison en se suicidant bêtement. Assez stupide pour foncer droit sur le danger, une claque suffit pour la mettre à terre. Me laissant le champ libre pour planter mes crocs dans son cou et la dévorer. Sans vergogne. Contentant à peine ma soif. Et alors il ne restait plus que deux paires de yeux bleus perdus dans un chaos qui portait mon nom. Une de trop, une qui n'avait aucune valeur pour moi, comme si les tiens avaient aspirés tout mon intérêt. Pourtant, quelque chose me dérangeait dans le regard de Sara. Plus je m'approchais et plus je pouvais sentir cet étrange sentiment qui faisait repartir ma raison. Encore embourbé dans ma rage, encore dans les mêmes tourbillons que je ne pouvais pas contrôler. Que je n'avais jamais voulu contrôler. Tous mes caprices d'enfants, tous mes désirs intenses de luxure, de gourmandise, toutes ces choses qu'on essayait de me retirer alors qu'elles m'étaient dues. N'avais-je pas assez sacrifié ? N'avais-je pas, moi aussi, droit de m'approprier ce que je trouvais précieux ? Si le monde m'avait tant privé de ce que je chérissais c'était pour toi. Pour me préparer à notre rencontre où enfin tout me serait rendu. Devant ta sœur, je posais doucement mes mains contre sa gorge. Elle se débattait mais je pouvais seulement lire sa détresse dans le fond de son regard océan. Une détresse pour laquelle je n'avais aucune compassion. Pas plus que la colère de ton père, les efforts héroïques de tes frères ou encore le dernier soupir de ta mère. Pas plus que n'importe quel autre être vivant peuplant ce monde. Pourtant.
« Pourquoi ? Pourquoi Emmery ? Par pitié, par pitié, ne lui fais pas de mal ! Par pitié, par pitié, je partirai avec toi ! »
Comme une réminiscence d'un autre souvenir. Ces mots mélangés dans la confusion, comme si je vivais cet instant pour la deuxième fois. Un déjà-vu interpellé par le bleu de ses yeux et par le son de ta voix qui avait choisit spécifiquement ces mots. Assez pour me rappeler à ma sœur. Assez pour revenir au dernier point de contrôle de ma mémoire, celui où j'avais dépassé ses limites. En une fraction de seconde, je revoyais le regard effrayé de ma sœur. La déception, la peur, la distance, tout ce qui s'était enchaîné rapidement après. Je relâchais la pression de ma poigne et je la laissais choir au sol. Dans des larmes inconsolables et une douleur qui peinait à trouver une blessure apparente. Une douleur en dedans.
Et dans un instinct proche de la nostalgie, comme si mon esprit m'obligeait à retracer mes pas.
J'embarquais Johanna sur mon épaule pour un départ immédiat.
Une fuite vers la France.
Et puis je t'ai tout donné. Mon amour - celui qu'on m'avait légué - inconditionnel. Un amour impossible à refuser, incorporé dans mon essence et imposé à toi. Tu ne peux pas y échapper. Mais puisque ce n'était pas suffisant je t'ai offert tout ce que l'humanité pouvait chérir. Les plus beaux bijoux, les plus belles robes, les meilleurs plats. Et ce n'était pas suffisant. J'ai persévéré toujours dans le même sentiment. Je ne pouvais pas lutter, il suffisait que tu sois dans la pièce pour que le reste du monde s'écroule. Peu importe les mots que tu me hurlais, peu importe la vulgarité, les insultes, ta voix me contentait. Juste l'entendre, te voir, te consumer. Et à chaque fois que tu me repoussais, je devais resserrer ma poigne. Étendre mon emprise pour que tu comprennes enfin que c'était le véritable but de nos existences. Une rencontre pas anodine. Comment pouvait-elle l'être ? Pourtant, tu ne me voyais pas. Même si tu me regardais, tu ne me voyais pas. Ni mes mots, ni mes actes, ni mes cadeaux, rien n'allumait ton regard. J'ai tout tenté. Rien n'était suffisant.
As-tu déjà placé tous tes efforts, je dis bien tous tes efforts, pour arriver à obtenir quelque chose d'indispensable ? D'essentielle ? Peux-tu imaginer que ce quelque chose te résiste ? Et enfin, peux-tu accepter que ce quelque chose soit périssable ?
Ton seul défaut était ta condition d'humaine. Durant ses longs siècles d'existence, j'avais déjà essayé. En vérité, je n'avais probablement fait que d'essayer. Et à chaque fois, ils mourraient en quelques jours. À chaque fois, ils n'étaient pas destinés à devenir un être supérieur. Et je les regardais se tordre dans des douleurs atroces, ne pouvant plus hurler tellement leurs corps se comprimaient, ils perdaient conscience dans les premières minutes pour se réveiller à chaque pic de douleur et finir par éjecter du sang par tous les orifices. Mais tu étais différente. Tu devais l'être. Le destin ne pouvait pas me l'interdire car l'éternité me semblait alors être le minimum. Je n'aurais pas accepté moins si c'était pour le partager avec toi. Alors au premier signe de ton déclin, je m'étais déjà décidé. Et la seconde d'après je me maudissais.
Rapidement, tu as réagis. Je croyais en tes chances de survie mais je savais que ce serait douloureux. Ce n'était pas rien, devenir un vampire. S'extirper de sa condition d'humaine pour se promouvoir parmi les êtres supérieurs. Demande au peuple à quel point la royauté est loin. Comme les autres, tu te tordais de douleur. Comme les autres, tu hurlais jusqu'à ce que l'air te manque. Comme ton père, tu suffoquais. Comme tes frères, tu expérimentes une souffrance intense, dans le creux du ventre, dans le bras, dans le visage. Qui emprisonne tous tes membres, comme s'ils allaient imploser. Le sang brûlant qui remonte jusqu'au plus profond de tes entrailles. T'en souviens-tu de cette atroce agonie ? Avant la fin du premier jour, j'avais perdu tous mes espoirs. Je te voyais déjà mourir devant moi dans une impuissance totale. Je voyais le schéma se répéter, à nouveau, je détruisais ce que je chérissais le plus. Ton état ne faisait qu'empirer, dans un chaos frénétique, et à nouveau, j'allais perdre la chose la plus importante pour moi. Inacceptable. Mon existence ne pouvait pas se résumer à un cycle sans fin où finirait toujours par perdre. Personne, pas même le destin qui se joue de moi, ne pourrait t'arracher de moi. Inacceptable.
Quand Zuicher est arrivée, je pleurais. À la minute où son regard m'a transpercé je me suis sentis, encore, toujours, comme un gamin cloué sur place. Alors mes genoux tombaient. Sans défense. Alors mes je baissais les yeux, retenant un sanglot pour les larmes c'était trop tard. Persuadé que tout irait bien maintenant. Elle me l'avait promis.
« Zuicher... Je t'en supplie, sauve-la... »
À partir de cet instant, j'ai arrêté de vivre. Quand les cris stoppèrent, je ne me souvenais combien de jours étaient passés. Tu as survécu. Et maintenant tu n'as plus aucun défaut. Tu es éternelle. Pourtant, malgré tous mes efforts pour te garder auprès de moi, alors que je pensais avoir déjoué tous les mauvais tours du destin. À la minute où Zuicher est revenue, mon corps entier a tremblé. D'instinct, j'ai commencé à fuir. Chassé par une aura menaçante émanant d'elle que je sentais s'approcher de moi. En quelques pas à peine, trois flèches me transperçaient. Je perdais l'équilibre et chutais au sol. Le moment d'après elle était là. À quelques mètres, le regard fixé sur moi. J'essayais vainement d'esquiver, de fuir, mais elle était toujours là. Bien trop forte, bien plus rapide, bien plus agile, anticipant mes stratégies dans un flegme nonchalant. Sans la moindre résistance, elle déchiquetait facilement mon flanc droit. Je sais même plus combien de flèches j'avais sous la peau, combien de sang j'avais perdu, je voyais plus rien. Encore confus de me faire humilier de la sorte, complètement trahit par celle qui m'avait tout appris, à celle à qui j'avais tant donné. Dis moi, Johanna, pourquoi personne ne semble voir tout ce que je fais pour eux ? Je volais à travers un arbre, j'avais l'impression que mon corps se scindait en deux. J'avais pu sentir mes côtes sortir de mon corps, la peau emporté par le choc de l'impact. Perdant contrôle de mon bras droit, me cognant le crâne dans l'élan de la chute pour l'ouvrir contre un rocher. Jamais été si proche de la mort, mais tu étais vivante. J'étais échoué au sol, incapable de bouger, incapable de parler si ce n'était pour balbutier dans une mare de sang et le jour était levé depuis quelques heures maintenant. Zuicher me surplombait et je n'avais qu'une chose à lui dire.
Pourquoi ? Pourquoi ton regard est si triste ? Si tu te forces, arrête ! Arrête et sauve-moi.
« Tu ne me laisses pas le choix, Emmery... »
Dis, est-ce que le soleil te manque ?
Parfois je croyais surprendre les mordus me regarder avec envie. Craintifs de brûler, c'était devenu leur pire cauchemar et pourtant, la vie était la seule chose qu'ils ne donneraient pas pour sentir à nouveau l'astre diurne sur leur peau. Alors, ils restaient là, plantés dans la pénombre, à nous épier jusqu'au moment où l'obscurité redeviendra maîtresse des lieux. Dis, ne trouves-tu pas la lune plus enivrante que l'astre diurne ?
Elle m'a abandonné là. Alors que le zénith arrivait, je pouvais déjà sentir ma peau cramer. Incapable de bouger, elle m'avait laissé en pâture au soleil. Mais tu étais vivante. Je pouvais pas mourir. Je ne peux pas mourir. Jamais, pas avant que j'accomplisse ce que toute mon âme me hurle. J'avais l'impression de fondre, en plus de la douleur de l'humiliation qu'elle m'avait infligé mon corps semblait n'être qu'une brûlure. Une sensation intense qui me collait à la peau, j'avais perdu tous mes sens, toutes mes sensations. Égaré sur le sol à la recherche d'aide, d'eau, d'ombre. De n'importe quoi qui puisse me sauver. J'exigeais de survivre. Je pouvais pas te laisser me survivre, maintenant que tu étais éternelle. Maintenant que le miracle était réalité. Je devais vivre.
Alors je rampais, je rampais, et alors que je sentais mes forces me quitter. Je sentais quelque chose me tirer. Rapidement, je me sentais de retour à la sécurité.
« Emmery. Je te bannis. »
Honnêtement, je savais même pas comment j'avais pu survivre. Quand je me suis réveillé, j'étais à moitié mort, tu avais disparu et plus rien ne semblait rester dans mon esprit plus que quelques secondes. De toute manière, plus rien d'autre ne comptait. Tu n'étais plus là. J'avais tout perdu. Sais-tu combien de temps j'ai mis pour récupérer de ces plaies ? Maintenant scarifié ad vitam aeternam du visage au corps, traînant une réminiscence de cette douleur pour ne jamais oublier la rancoeur laissé au fond de moi. Sais-tu combien de personnes j'ai dû tué pour me remettre ? Sais-tu combien de jeunes femmes ont dû payer parce qu'elles ne te ressemblaient pas assez ? Parce qu'elles n'avaient pas ta voix, tes mots, ton visage ? Sais-tu combien encore payeront pour le même crime ? Depuis ce jour, plus rien n'a de la valeur, tout ce que j'ai fais c'est de me rapprocher. De chercher. De manigancer. Patiemment pour atteindre mon seul et unique objectif. Te récupérer.
Je t'ai tout donné. Et je te donnerais tout. Même s'il faut t'offrir le monde, même si cela me prend l'éternité.
Alors reviens auprès de moi, Johanna. Je t'en supplie.
Reviens.
Ou regarde moi tout te prendre à nouveau.
Alors reviens auprès de moi, Johanna. Je t'en supplie.
Reviens.
Ou regarde moi tout te prendre à nouveau.
Derrière l'écran
Pseudo : Memery, Aime-riz, Aime rit, Bonnet E mmery, Meme rit, Em merry Christmas, and so on.
Âge : Tous les ans plus vieux d'un an.
Comment as-tu trouvé le forum ? J'ai cherché.
Un petit mot ? mot
Pseudo : Memery, Aime-riz, Aime rit, Bonnet E mmery, Meme rit, Em merry Christmas, and so on.
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Ven 24 Déc - 22:20
Feurst
But also
Une fiche très attendue pour un perso attendu et je ne suis pas déçue
Perso je trouve que le perso est hyper bien construit, bien approprié. Cruel mais avec une si belle plume est-ce que je peux t’en vouloir ? … un peu mais pas trop.
Bref juste c’était superbe à lire, très dur aussi tu tapes là où ça fait mal ouesh
Plein de feels, t’arrives pratiquement à me faire compatir pour lui tout en me donnant toutes les raisons de le détester
Juste super contente que tu sois sur le forum, bienvenue officiellement !
Hâte de pouvoir écrire avec toi
Bon courage pour la validation
But also
Une fiche très attendue pour un perso attendu et je ne suis pas déçue
Perso je trouve que le perso est hyper bien construit, bien approprié. Cruel mais avec une si belle plume est-ce que je peux t’en vouloir ? … un peu mais pas trop.
Bref juste c’était superbe à lire, très dur aussi tu tapes là où ça fait mal ouesh
Plein de feels, t’arrives pratiquement à me faire compatir pour lui tout en me donnant toutes les raisons de le détester
Juste super contente que tu sois sur le forum, bienvenue officiellement !
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Ven 24 Déc - 22:25
Merci, je suis vraiment content que cela te plaise !
Hâte de le faire évoluer, le prédéfini est si génial. Je suis ravi de pouvoir l'incarner. Je suis cruel mais pour les bonnes raisons. L'AMOUR !
Encore merciiiiiiiiiiiiiiii !
Hâte de le faire évoluer, le prédéfini est si génial. Je suis ravi de pouvoir l'incarner. Je suis cruel mais pour les bonnes raisons. L'AMOUR !
Encore merciiiiiiiiiiiiiiii !
Sam 25 Déc - 0:58
Bienvenu !
Une fiche très attendu et comme a dit Jojo, la plume est magnifique et j'ai accrochée du début à la fin !!
Hâte de voir son évolution en RP !! (Qui sait peut être un poti RP ?)
Bon courage pour la validation
Une fiche très attendu et comme a dit Jojo, la plume est magnifique et j'ai accrochée du début à la fin !!
Hâte de voir son évolution en RP !! (Qui sait peut être un poti RP ?)
Bon courage pour la validation
Sam 25 Déc - 17:24
... Eh bien.
Que dire ?
Longtemps que je n'avais plus dévoré littéralement une fiche comme ça, wouah ! J'ai réellement adoré ta fiche et la manière que tu as d'aborder le personnage. Le concept est parfaitement compris, bien remis en mots et même embelli je trouve !
Je suis si heureuse que Emmery soit incarné de la sorte !
Avec les fêtes il se peut que la validation prenne un peu de temps car nous sommes moins présentes dans le staff mais ne t'inquiètes pas, c'est dans les tuyaux !
Encore une fois je te renouvelle mes félicitations, tu as su magnifier un personnage bien au delà de ce que je m'attendais à voir et j'ai si hâte de pouvoir poursuivre la partie de l'intrigue qui lui est allouée avec toi
Des bisous sur toi !
Que dire ?
Longtemps que je n'avais plus dévoré littéralement une fiche comme ça, wouah ! J'ai réellement adoré ta fiche et la manière que tu as d'aborder le personnage. Le concept est parfaitement compris, bien remis en mots et même embelli je trouve !
Je suis si heureuse que Emmery soit incarné de la sorte !
Avec les fêtes il se peut que la validation prenne un peu de temps car nous sommes moins présentes dans le staff mais ne t'inquiètes pas, c'est dans les tuyaux !
Encore une fois je te renouvelle mes félicitations, tu as su magnifier un personnage bien au delà de ce que je m'attendais à voir et j'ai si hâte de pouvoir poursuivre la partie de l'intrigue qui lui est allouée avec toi
Des bisous sur toi !
Sam 25 Déc - 23:10
Damn cette fiche un plaisir de lire, vraiment, on sent toute l'intensité et la violence d'Emmery dans ta plume
Rebienvenue parmi nous et hâte de voir tes futurs RPS
Rebienvenue parmi nous et hâte de voir tes futurs RPS
Sam 25 Déc - 23:14
Bonsoir et bienvenue parmi nous !!!
J'ai dévoré ta fiche oo Ta plume porte complètement ! On sent toute sa violence, toute sa folie mais aussi, ces "failles" qui ont fragilisé son esprit... Il se dégage une grande force et une réelle menace de ce personnage, beaucoup de charisme et d'émotions bien décrites, j'ai adoré !
Au plaisir que tu nous rejoignes et dans l'espoir d'avoir un petit lien avec toi, qui sait ?
J'ai dévoré ta fiche oo Ta plume porte complètement ! On sent toute sa violence, toute sa folie mais aussi, ces "failles" qui ont fragilisé son esprit... Il se dégage une grande force et une réelle menace de ce personnage, beaucoup de charisme et d'émotions bien décrites, j'ai adoré !
Au plaisir que tu nous rejoignes et dans l'espoir d'avoir un petit lien avec toi, qui sait ?
Dim 26 Déc - 4:23
Merci pour les compliments. Je suis content que la fiche plaise !! Jolem bien aussi c'est tout grâce au prédef. ** !
Prenez votre temps Zui ! Je peux attendre et faire des manigances comme ça.
Mais j'ai si hâte aussi ** ! LIENS SECRETS !
OUI POUR DES RP'S !
C'est moi qui vous dévore.
Merci pour les compliments. Je suis content que la fiche plaise !! Jolem bien aussi c'est tout grâce au prédef. ** !
Prenez votre temps Zui ! Je peux attendre et faire des manigances comme ça.
OUI POUR DES RP'S !
C'est moi qui vous dévore.