Mar 18 Jan - 19:25
Foi ébranlée |
La petite abeille ne se sentait plus chez elle dans sa ruche. Était-ce bien chez elle ? Cette ruche, cette maison qui l’avait sauvée d’une mort certaine, de l’abandon, de la solitude... Sans elle, sans l’Église souterraine, elle serait morte de faim et de froid dans sa vieille couverture, à s’égosiller pour attirer l’attention d’une brave âme. Alors, il n’y avait pas de doute à avoir, c’était sa maison, sa famille, sa foi. Rien ne devait ébranler sa spiritualité, ses croyances, cette propagande qu’on lui a dit et répété pour qu’elle devienne un pion sage et discipliné. Pourquoi fallait-il sans cesse que dans son esprit elle tourne systématiquement le positif en négatif ?
Athénaïs était en colère. Contre elle-même, pour avoir cédé à l’adrénaline plutôt qu’à la raison et ainsi précipité l’avenir de Théodose dans la dépendance et la souffrance. Mais elle en voulait également à cette « maison », cette « famille » qui ne lui laissait ni le temps du deuil, ni celui des questions et des remarques constructives. L’abeille ne supportait plus cette condition de pion silencieux et tout juste utile pour qu’on le garde en vie. Elle ne voulait plus être simplement tolérée, elle voulait tant être appréciée à sa juste valeur. Une sorcière, et alors ? Ce n’est pas comme si elle avait le moindre désir de faire le mal. Si on lâchait un peu de mou à sa laisse, elle ne prévoyait pas de se servir de cette liberté pour tuer ou révéler les secrets de l’Église souterraine. A la place, on ne cessait de resserrer l’étau autour de sa gorge.
La petite abeille suffoquait. Le regard du peu de personnes qu’elle fréquentait avait changé depuis que son échec avait été répété au sein de sa « grande famille ». Cela n’impactait pas sa vie de sage-femme, fort heureusement. Personne ne lui tournait le dos et les femmes sur le point d’accoucher continuaient de faire appel à ses mains pour accueillir leur enfant. Quant à sa double vie, on ne lui confiait plus guère de mission, si ce n’est de récolter des fioles de son poison. D’esclave à l’illusion d’une certaine liberté, elle était simplement devenue une vache à lait. La comparaison n’était pas flatteuse, c’était pour ainsi qu’elle se sentait.
Elle avait bien tenté de montrer de la bonne volonté, de montrer qu’elle voulait se racheter. On perdait vite patience en sa compagnie, on l’ignorait, on lui demandait de faire ce dont elle était capable et pas davantage. Depuis un moment, l’idée lui trottait à l’esprit de se racheter par un geste incroyable, en menant elle-même dans le secret le plus total une mission. Une part d’elle désirait redorer son blason, une autre n’en avait plus cure et souhaitait simplement disparaître du joug de l’Église souterraine pour vivre une nouvelle vie. Cette ambiguïté en elle, présente depuis son premier accouchement dramatique, s’était intensifiée depuis la fin de sa mission. Sans cesse, la propagande dans son esprit était détruite par ses propres pensées, son avis, sa volonté, son incompréhension. Sa foi était ébranlée, tout simplement.
Le manque de sommeil entraînant une grande fatigue, se réfugier la journée dans le travail ne lui suffisait plus. Il y avait bien les prières, les sessions de larmes et de couinements, mais rien n’y faisait. Finalement, elle préféra se rendre directement dans la maison de Dieu, peut-être qu’Il l’entendrait. Peut-être qu’Il la chasserait. A ce stade, elle ne savait plus quoi penser. Elle savait fort bien qu’elle n’était pas la plus pieuse et la plus droite dans sa foi depuis qu’elle s’était émancipée du couvent et des sœurs, mais tout de même, elle était un enfant du Seigneur. Il saurait lui donner un peu de réconfort et des réponses. Prier et demander pardon, voilà tout ce dont la petite abeille était capable dans l’immédiat.
La messe interminable du jour venait de prendre fin. La sorcière avait un tel manque de sommeil qu’elle n’avait fait que piquer du nez tout le long. Les bancs de bois n’étaient pourtant pas confortables à ce point... Elle s’avança, honteuse de son apparence, ses cheveux un peu en bataille, ses yeux bordés de vilains cernes, pour recevoir son hostie. Dans un instant de paranoïa, elle crut remarquer des regards médisants dans l’audience. L’Église souterraine était-elle ici aussi ? Ou bien était-ce parce qu’elle aurait eu l’audace de ronfler ? Ou alors, tout cela n’était que le fruit de son imagination ?
Lorsqu’on lui présenta le corps du Seigneur, elle souffla un Amen sans conviction. Tout ceci n’avait servi à rien et elle n’avait pas ressenti Sa présence pour la rassurer.
Athénaïs était en colère. Contre elle-même, pour avoir cédé à l’adrénaline plutôt qu’à la raison et ainsi précipité l’avenir de Théodose dans la dépendance et la souffrance. Mais elle en voulait également à cette « maison », cette « famille » qui ne lui laissait ni le temps du deuil, ni celui des questions et des remarques constructives. L’abeille ne supportait plus cette condition de pion silencieux et tout juste utile pour qu’on le garde en vie. Elle ne voulait plus être simplement tolérée, elle voulait tant être appréciée à sa juste valeur. Une sorcière, et alors ? Ce n’est pas comme si elle avait le moindre désir de faire le mal. Si on lâchait un peu de mou à sa laisse, elle ne prévoyait pas de se servir de cette liberté pour tuer ou révéler les secrets de l’Église souterraine. A la place, on ne cessait de resserrer l’étau autour de sa gorge.
La petite abeille suffoquait. Le regard du peu de personnes qu’elle fréquentait avait changé depuis que son échec avait été répété au sein de sa « grande famille ». Cela n’impactait pas sa vie de sage-femme, fort heureusement. Personne ne lui tournait le dos et les femmes sur le point d’accoucher continuaient de faire appel à ses mains pour accueillir leur enfant. Quant à sa double vie, on ne lui confiait plus guère de mission, si ce n’est de récolter des fioles de son poison. D’esclave à l’illusion d’une certaine liberté, elle était simplement devenue une vache à lait. La comparaison n’était pas flatteuse, c’était pour ainsi qu’elle se sentait.
Elle avait bien tenté de montrer de la bonne volonté, de montrer qu’elle voulait se racheter. On perdait vite patience en sa compagnie, on l’ignorait, on lui demandait de faire ce dont elle était capable et pas davantage. Depuis un moment, l’idée lui trottait à l’esprit de se racheter par un geste incroyable, en menant elle-même dans le secret le plus total une mission. Une part d’elle désirait redorer son blason, une autre n’en avait plus cure et souhaitait simplement disparaître du joug de l’Église souterraine pour vivre une nouvelle vie. Cette ambiguïté en elle, présente depuis son premier accouchement dramatique, s’était intensifiée depuis la fin de sa mission. Sans cesse, la propagande dans son esprit était détruite par ses propres pensées, son avis, sa volonté, son incompréhension. Sa foi était ébranlée, tout simplement.
Le manque de sommeil entraînant une grande fatigue, se réfugier la journée dans le travail ne lui suffisait plus. Il y avait bien les prières, les sessions de larmes et de couinements, mais rien n’y faisait. Finalement, elle préféra se rendre directement dans la maison de Dieu, peut-être qu’Il l’entendrait. Peut-être qu’Il la chasserait. A ce stade, elle ne savait plus quoi penser. Elle savait fort bien qu’elle n’était pas la plus pieuse et la plus droite dans sa foi depuis qu’elle s’était émancipée du couvent et des sœurs, mais tout de même, elle était un enfant du Seigneur. Il saurait lui donner un peu de réconfort et des réponses. Prier et demander pardon, voilà tout ce dont la petite abeille était capable dans l’immédiat.
La messe interminable du jour venait de prendre fin. La sorcière avait un tel manque de sommeil qu’elle n’avait fait que piquer du nez tout le long. Les bancs de bois n’étaient pourtant pas confortables à ce point... Elle s’avança, honteuse de son apparence, ses cheveux un peu en bataille, ses yeux bordés de vilains cernes, pour recevoir son hostie. Dans un instant de paranoïa, elle crut remarquer des regards médisants dans l’audience. L’Église souterraine était-elle ici aussi ? Ou bien était-ce parce qu’elle aurait eu l’audace de ronfler ? Ou alors, tout cela n’était que le fruit de son imagination ?
Lorsqu’on lui présenta le corps du Seigneur, elle souffla un Amen sans conviction. Tout ceci n’avait servi à rien et elle n’avait pas ressenti Sa présence pour la rassurer.