Comme presque tous les soirs, Inesis était de sortie. Cette fois, Feliz ne l’avait pas accompagné et avait préféré rester là où ils vivaient – même si squatter était sans doute un terme plus approprier, de fait. Le mordu parcourait la ville aussi rapidement et discrètement que possible. Paris était une ville en constant changement et s’il s’y était fait, depuis, Inesis ne pouvait pas s’empêcher de se dire que cette ville-ci n’avait que peu de choses communes avec celle qu’il avait connu, plus de soixante ans en arrière.

Ce soir, il avait cru voir un enlèvement. Un individu tout fardé de rouge s’était enfui d’un appartement dans les hauteurs d’un immeuble. Impossible pour un humain, ce devait donc forcément être un vampire ou un lycan. Ou un infant. Dans tous les cas, Inesis ne pouvait pas imaginer laisser un tel individu dans la nature. Un kidnappeur n’était jamais une personne saine d’esprit.

Alors qu’il cherchait une trace, une odeur, n’importe quoi, il fut surprit par un petit attroupement composé de soldats et de civils. Il pensait que c’était là une banale arrestation dont il n’aurait rien eut à faire. Mais non. L’homme, blond, se mit à courir, entrainant une femme avec lui.
Ce qui attrapa l’attention du vampire, c’était que le blond avait jeté la femme dans la cathédrale mais sans y entrer lui-même. Et cette façon de courir… Quelqu’un d’aussi agile et rapide n’était pas humain. Du moins, le mordu y songea fortement. Il avait envie de l’aider. Juste pour voir à quel point il représentait une menace pour les environs.

Il plongea dans l’obscurité, ses yeux rouges flamboyants dans le noir. Puis, voyant l’homme dans une ruelle, il se permit de l’interpeller. « Vous devriez me suivre, ils peuvent parfois être obstinés. » Le mieux restait encore d’aller à travers toits.

Une fois sur les toits et dans la tranquillité que la nuit a à offrir, Inesis se retourne vers son homologue – plus grand que lui cependant. Il cligne des yeux un instant, tâchant de ne rien laisser paraitre. « Vampire. Je ne suis pas un lycan. » Mais il en connaissait suffisamment pour vouloir les protéger. Si ce vampire était un opposant aux lycanthropes, alors il ne s’entendrait pas sur le long terme avec lui.

Mais l’heure n’était pas aux divergences d’opinions. Puisque Feliz n’était pas avec lui, Inesis s’était dit que, peut-être, il pourrait tirer avantage de la présence de cet autre vampire pour son enquête personnelle. « Je suis sur une piste mais seul, il va m’être difficile de ratisser tout Paris rapidement. Je me disais qu’avec un peu de chance, un prêté pour un rendu serait une proposition équitable. »

Puis il regarde en contre-bas. « Et puis si vous aviez dû utiliser votre force contre des humains, il y aurait eu une fin plutôt sanglante. En ce moment, mieux vaut éviter d’en arriver là. »

« Cela ne vous dérange peut-être pas de faire couler le sang, mais moi, si. » Il cligne des yeux, ajoute. « Je veux protéger Paris alors ce genre de comportement n’est pas souhaité. » Une manière polie pour une mise en garde, sans doute.

Il inspire, expire avant d’en venir finalement au cœur du sujet. « J’ai aperçu un individu plus qu’étrange partir avec une tierce personne dans les bâtiments du quartier résidentiel. Il me semble l’avoir vu partir vers ici, mais je ne trouve rien. Pas la moindre odeur, pas la moindre trace. »

Il regarde autour de lui et continue. « Je pense que la personne qui a fait ça est un vampire ou un lycan. Et que cette personne a enlevé un humain. Ce n’est pas tolérable. »

Inesis était persuadé d’être dans son bon droit. Avant de se présenter dans les formes, cependant, il souhaitait jauger son comparse. Un vampire était le prédateur idéal contre un autre vampire, après tout.

Inesis se retint de soupirer, encore. Il perdait du temps à faire les choses ainsi. Au moins, il avait potentiellement sauvé trois soldats des crocs de cet autre vampire, il devait se concentrer sur le positif de la situation. « Bien, suivez-moi. »

Sautant de toit en toit, Inesis regardait en contre-bas et dans les ruelles pour voir si ses sens ne le guidaient pas vers un semblant de piste. « Au fait, quel est votre nom ? » Il pouvait au moins lui donner son prénom afin de faciliter les échanges le temps de la recherche. « Je m’appelle Inesis. » Un nom qui n'étouffait pas d'origines françaises.

Puis, il songea qu’étoffer le flux de ses informations pourrait être une bonne idée, également. « La personne a été enlevé dans les bâtiments du quartier riche. Votre théorie pourrait se tenir si c’avait eu lieu dans les quartiers délabrés où l’on peut facilement enlever quelqu’un pour le dévorer, voire pire. Mais pourquoi aller jusqu’aux appartements de là-bas ? »

C’est vrai que cela lui échappait. Rien ne faisait sens si c’était pour dévorer une tierce personne.

« Hum… » Inesis essaya de se concentrer. Avait-il vu quelque chose de particulier ?

« Non, pas particulièrement. Avec la lumière contraire de la lune, il me semble avoir vu des cheveux roux et très longs, mais je n’ai pas vu de visages qui puissent nous aider dans nos recherches. Et j’ai déjà essayé de rentrer dans l’appartement pour trouver une piste odorante ou autre… rien. »

Il est vrai que les choses s’annonçaient compliquées. Mais Inesis ne voulait pas lâcher le morceau pour autant. « Vous êtes à Paris depuis longtemps ? »

S’il connaissait aussi bien que lui les petits recoins divers et variés, ils iraient forcément plus vite qu’en étant deux au même endroit.

Il se rendait compte de la vacuité de sa question alors qu’il la posait. Inesis secoua la tête. « Oui, désolé, ma question ne fait pas vraiment de sens. Moi-même je ne suis réveillé de mon hibernation totale que depuis deux ans alors pas mal de choses ont changés ici, par rapport au Paris que j’ai connu avant. »

Mais il réfléchissait à toute allure. Voyons voir… Vlad disait avoir arpenté les rues un bon moment. C’était là une bonne piste avec laquelle démarrer. « En admettant que l’un de nos congénère… » il détestait ce terme. « Ai eu envie de dévorer une personne noble, il ou elle aurait très bien pu l’emmener dans les quartiers délabrés. Nous pourrions commencer par enquêter directement sur place, voir si quelqu’un, à cette heure avancée de la nuit, aurait pu voir quelque chose. Qu’en pensez-vous ? »

Il n’avait pas d’autres idées, malheureusement. A moins que... "Ou alors nous pourrions retourner à l'appartement. Peut-être que vous verrez des choses qui m'ont échappés ?" Le droit à l'erreur n'était pas qu'une notion humaine.

Inesis n’y avait pas pensé, mais il n’avait pas pris le temps de se renseigner sur l’heure qu’il était lorsqu’il a vu cet enlèvement se jouer sous ses yeux. « Non. »

Toutefois il subsistait un moyen rapide d’évaluer le temps qui s’était écoulé entre le moment où il avait zoné du côté des appartements des nobles et celui où il était arrivé ici puisqu’il avait mis environs cinq minutes de ses recherches sur chaque bâtiment sur lesquels il s’était posé ensuite. « Je dirais… Trente minute. Maximum. »

Maintenant qu’il formulait tout cela à haute voix, c’était d’autant plus compliqué d’espérer une bonne résolution à cette affaire, si tant est que la créature ait voulu, en effet, dévorer du noble. Inesis soupira. « Finalement c’est peut-être vain… » Il ne voulait pas raisonner ainsi. Mais Feliz lui disait souvent qu’il en faisait trop, que rien ne l’obligeait à se mettre ainsi, en potentiel danger, pour des personnes qu’il ne connaissait même pas.

Sauf qu’Inesis n’avait pas pu se changer avant, il n’allait certainement pas changer maintenant. « Auriez-vous des gens vers qui nous pourrions nous tourner, pour un coup de main ? » Autant tenter le tout pour le tout, non ?