Informations connues de tous : ★Le baron Louis de Montmorency, étant le huitième enfant de sa fratrie, a hérité du Domaine de Chantilly, un immense territoire où l’élevage des chevaux est la spécialité. En effet la famille est connue pour son amour de ces créatures. Il est même de notoriété publique que les chevaux élevaient là-bas sont de nobles bêtes qui valent leur pesant d’or. Il faut parfois patienter un long moment avant de pouvoir en acquérir un.
★Louis épouse en seconde noce Agnès de Beaufort en 1565.
★Leurs enfants sont Thibaud (né en 1566), Geoffroy (né en 1569), Henri (né en 1571), Albéric (né en 1572) et Madeleine (née en 1574).
★Ceux-ci reçurent une éducation parfaite, même Madeleine suivit des enseignements superflus pour une demoiselle de son rang. L’équitation occupait une grand partie de leurs journées.
★À ses seize ans, Thibaud fut désigné comme successeur de son père. On assista alors à une hiérarchisation très stricte des enfants. Geoffroy allait se mettre au service des forces armées de Sa Majesté. Henri devait entrer dans les ordres. Albéric n’était que le remplaçant de l’un de ses frères et Madeleine devait épouser un bon parti utile à Thibaud.
★Dès l’âge de cinq ans, Madeleine fut promise à un vicomte de quatre ans son aîné.
★Mais son fiancé fut l’une des premières victimes de la peste qui s’abattit sur le pays.
★Désormais que l’épidémie s’est calmée et que l’on se remet doucement de la famine, le baron de Montmorency cherche activement et rapidement un nouvel époux pour sa fille.


Rumeurs : ◤« On dit que le baron a l’alcool très mauvais. »
◤« On dit même qu’après la naissance d’Henri, Monsieur est devenu violent avec sa femme. Surtout quand il était ivre. »
◤« J’ai cru entendre le Maître crier à sa femme que leur prochain enfant avait intérêt à être une fille. Je me demande pourquoi. »
◤« Il paraît que le jeune Albéric est devenu la cible préférée des violences patriarcales. »
◤« La naissance de Madeleine n’a pas adouci leur père. Il s’en prend à Albéric et à elle maintenant ! De temps en temps à sa femme, mais c’est de plus en plus rare. »
◤« On raconte qu’un docteur est venu pour Madame la baronne, mais certains domestiques affirment que c’était pour la petite qu’il était là. D’ailleurs ça va faire une semaine qu’on ne la voit plus. Monsieur a peut-être fini par la tuer. »


Ce que les gens ignorent : ◢Père aime sa famille. Il était juste impatient d’avoir une fille.
◢Quand Père boit trop de vin, Albéric et moi passons notre temps à trouver des cachettes. Nous cherchons à éviter la tempête qui approche. Mais Père finit toujours par trouver l’un de nous. Heureusement nos grands frères étaient là pour s’occuper de nous après l’orage.
◢Lorsque j’ai compris que j’allais être mariée à un parfait inconnu, j’ai eu très peur. Peur qu’il soit comme Père à me crier et me frapper parce que je serai l’unique responsable des petits bébés que je mettrai au monde. Et si comme Mère, je devais mettre au monde plein de garçons avant d’avoir une seule fille ? Devais-je revivre ça ?

[trigger warning]:

◢J’adore les chevaux. Et j’aimais beaucoup l’un de nos palefreniers. C’était un jeune garçon beaucoup plus vieux que moi. Mais on s’entendait très bien. Il était le premier pour qui j’ai eu de tendres sentiments. Nous nous sommes avoués cet amour et l’avons vécu caché. J’étais une enfant, il se contentait donc de m’embrasser chastement les mains ou les joues. Il disait souvent qu’un jour on monterait sur un des chevaux et on partirait pour ne plus jamais revenir. Et moi ? J’y croyais naïvement, voulant échapper à un mariage dont je n’avais jamais vu l’autre parti.
◢Un an plus tard, une de nos domestiques tomba enceinte et j’appris que son mari n’était autre que mon tendre amour. Il m’a dit l’aimer, d’où leur mariage. Mon cœur était brisé, inconsolable. Je ne me souviens pas avoir crié et pourtant je l’ai fait malgré qu’il essayait de me faire taire, car il savait ce qu’il encourait si on apprenait qu’il m’avait ne serait-ce qu’effleurer. Thibaud et Albéric ont vu la scène et ont aussitôt accouru. Albéric m’a serré dans ses bras pour me faire reculer, tandis que Thibaud enfonçait son poing dans le nez du palefrenier. Il ne lui laissa pas le temps de parler. Le fond de l’affaire ne s’ébruita pas. Père sut pour la bagarre, mais Thibaud refusa de lui en donner les raisons. Et ce fut pour le mieux ainsi.
◢Mon mariage approchait. Et la première chose qu’on fit faire fut mon trousseau et ma tenue de mariée. Le cordonnier était admiratif devant mes adorables petits pieds. Si seulement il savait comme c’était douloureux de les bander depuis toute petite… Lorsque ma robe fut achevée, elle trôna sur un mannequin dans ma chambre. La voir était source de malaise, presque de terreur. Cela me rappelait que je craignais mon futur époux et son caractère potentiellement violent comme Père.
◢Je ne sus jamais si c’était un garçon doux ou non, car il est mort d’une terrible maladie. Au fond de moi j’étais heureuse, mais en prévoyance de la réaction de Père je fus paniquée. Ce jour-là, j’ai passé plusieurs heures cachée sous mon lit en tremblant comme une feuille. Et finalement Père est arrivé. Saoul, cela va de soi. Il m’ordonna de sortir de ma cachette. Il savait où j’étais car dans mon empressement je n’avais pas entièrement ramené ma robe. Je suis à peine sortie que Père m’a saisi par les cheveux. Et il passa sa colère sur moi. Une nouvelle fois. Mais ce fut plus terrible qu’auparavant. Je ne sais pas combien de temps cela dura. Lorsqu’il en eut fini, il faisait nuit. Ce sont une fois de plus Thibaud et Albéric qui me ramassèrent. Je me rappelle seulement de leurs chaleurs à tous les deux lorsqu’ils se sont allongés à mes côtés dans mon lit. J’avais mal, mais je leur étais reconnaissante de rester avec moi.
◢Père a attendu que l’épidémie se calme pour se préoccuper de mon mariage. Il avait déjà bien à faire avec la gestion de la maladie sur nos terres. Entre temps Thibaud a quitté la maison pour vivre avec son épouse. Ils ont eu un bébé. Heureusement ils ne vivent pas loin (pour pouvoir reprendre le domaine de Père). Geoffroy a lui aussi quitté la maison pour s’enrôler dans l’armée. Et cela faisait longtemps que Henri était parti. Albéric ? Il était sans doute le plus malheureux de nous tous. Père ne lui avait toujours rien donné à faire de sa vie. Je me soucie de lui et lui ai assuré que lorsque je me marierai, je l’emmènerai avec moi. Je refuse de le laisser seul avec notre père.