Jeu 7 Jan - 22:17
Arrivé depuis peu dans Paris, j’avais chargé le groupe de recueillir des informations sur la situation du pays et de la ville. La capitale était certes immense, mais je devais m’assurer la survie du groupe. C’était la seule chose qui importait. Heureusement parmi nous, certains parlaient les langues romanes et plus précisément le français. J’ai appris quelques notions utiles, mais j’enquêtais surtout sur la population sans l’interroger. C’était plus de l’observation. La peste ayant entamé le nombre d’habitants, nous n’avons eu aucun mal à trouver une maison (un peu petite). Heureusement nous nous y retrouvons rarement tous en même temps.
Cette nuit-là, j’étais de sortie avec trois de mes compagnons. Le quatrième veillait sur le repos des autres. La guerre était peut-être terminée, je ne faisais pas confiance à ces chiens galeux rancuniers. Aux abords de la Seine, mes camarades me proposèrent d’entrer dans une taverne. Pour boire un verre, oui, mais surtout glaner des informations. C’était une bonne idée, hors je ne souhaitais me mêler à la populace. Les deux vampires m’assurèrent qu’ils ne seraient pas long. Ils sont donc entrés et m’ont laissé seul. Je comptais sur les doigts d’une main les moments où j’avais pu être seul depuis mon réveil. Soupirant dans l’air frais de la nuit, j’ai marché vers un muret. Les eaux du fleuve étaient noirs. Sa couleur ne s’arrangeait pas à la lumière du jour, paraissait-il. Et cette odeur infecte… J’en avais des frissons d’horreur.
Je laissais passer bien des minutes avant de retourner auprès de la taverne. Je n’ai rencontré aucun ennui. Il me semblait que je le devais à l’épée à ma ceinture. Au coin d’une fenêtre de l’établissement, j’ai replacé mon capuchon sur ma tête pour mieux me dissimuler. Silhouette inquiétante dans l’obscurité.
Après avoir capté le regard d’un des vampires, je me suis aussitôt éloigné pour ne pas attirer d’autres attentions. J’ai patienté encore à l’ombre d’un bâtiment, une maison sans nul doute. Au retour de mes compagnons, ils m’apprirent qu’il n’y avait pas l’ombre d’une créature nocturne dans l’établissement et surtout que le quartier était malfamé et très pauvre malgré les tanneries qui semblaient tourner à plein régime. Cela semblait être l’endroit idéal pour y trouver des proies. À cause de notre nombre, il nous fallait trouver plusieurs points de chasse pour ne pas attirer des soupçons inutiles. Se rendre à la campagne environnante me semblait être une bonne alternative.
Sortant de mes réflexions, je les félicitai pour leur travail et leur proposai de trouver un autre lieu de beuverie où je pourrais éventuellement boire un verre avec eux.
Cette nuit-là, j’étais de sortie avec trois de mes compagnons. Le quatrième veillait sur le repos des autres. La guerre était peut-être terminée, je ne faisais pas confiance à ces chiens galeux rancuniers. Aux abords de la Seine, mes camarades me proposèrent d’entrer dans une taverne. Pour boire un verre, oui, mais surtout glaner des informations. C’était une bonne idée, hors je ne souhaitais me mêler à la populace. Les deux vampires m’assurèrent qu’ils ne seraient pas long. Ils sont donc entrés et m’ont laissé seul. Je comptais sur les doigts d’une main les moments où j’avais pu être seul depuis mon réveil. Soupirant dans l’air frais de la nuit, j’ai marché vers un muret. Les eaux du fleuve étaient noirs. Sa couleur ne s’arrangeait pas à la lumière du jour, paraissait-il. Et cette odeur infecte… J’en avais des frissons d’horreur.
Je laissais passer bien des minutes avant de retourner auprès de la taverne. Je n’ai rencontré aucun ennui. Il me semblait que je le devais à l’épée à ma ceinture. Au coin d’une fenêtre de l’établissement, j’ai replacé mon capuchon sur ma tête pour mieux me dissimuler. Silhouette inquiétante dans l’obscurité.
Après avoir capté le regard d’un des vampires, je me suis aussitôt éloigné pour ne pas attirer d’autres attentions. J’ai patienté encore à l’ombre d’un bâtiment, une maison sans nul doute. Au retour de mes compagnons, ils m’apprirent qu’il n’y avait pas l’ombre d’une créature nocturne dans l’établissement et surtout que le quartier était malfamé et très pauvre malgré les tanneries qui semblaient tourner à plein régime. Cela semblait être l’endroit idéal pour y trouver des proies. À cause de notre nombre, il nous fallait trouver plusieurs points de chasse pour ne pas attirer des soupçons inutiles. Se rendre à la campagne environnante me semblait être une bonne alternative.
Sortant de mes réflexions, je les félicitai pour leur travail et leur proposai de trouver un autre lieu de beuverie où je pourrais éventuellement boire un verre avec eux.
Ven 8 Jan - 23:54
Les premières chaleurs du printemps n’ont rien fait pour rendre la ville de Paris plus séduisante. Sale de son eau croupie, de ses pavés souillés de fluides et matières peu délicates. June en viendrait presque à regretter le reste de l’Europe. Pourtant Paris est vendue comme étant l’une des plus belles villes du monde… Ils n’ont de toute évidence jamais réalisé que Paris et Venise portaient le même arôme infecte.
Aimer la nuit n’était ici plus suffisant. Il en viendrait presque à regretter d’être né fourni d’un odorat décent. Mais l’embrun de la Seine est trop pour ses sens, et sa marche nocturne au cœur de Paris, pourtant œuvrée dans l’intention d’oublier les heures passantes, se conclut rapidement aux portes d’une taverne des bas quartiers. Le cœur au bord des lèvres, l’homme prend plusieurs inspirations mesurées, rabaissant le capuchon de ce manteau qui couvrait sa tenue de garde qu’il n’avait pas encore quittée. Une main pour désordonner les épis d’ébène et les émeraudes assimilent leur environnement d’un regard assuré. La pièce est d’une disposition simple, et les tables peu peuplées. Probablement une preuve que cette tranche de la population payée au lance-pierre ne faisait pas suffisamment de frais. Triste. Si seulement il pouvait en avoir un quelconque intérêt.
Le soldat avance d’un pas silencieux, par habitude, ou peut-être par arrogance, nul ne le saurait. Certains regards le suivent, mais il ne croise pas les yeux de ce peuple inepte. Peu intéressé. Non, lui trouve position à l’une des tables les plus à l’abri des regards, ses prunelles ardentes transperçant le propriétaire des lieux lorsqu’il l’approcha pour le saluer.
« Une cervoise. »
Les traits jeunes de June ? Le tavernier n’en a cure lorsqu’une pièce de cuivre claque contre la table, le jeune homme d’ores et déjà désintéressé de l’existence du grand homme à ses côtés. Son regard est trop absorbé par la contemplation des âmes errant dans ce piteux lieu de dévergonderie. Aucun visage n’attire son intérêt, pas plus qu’un écusson ou un signe distinctif d’une quelconque classe d’intérêt. Non, cette nuit aura été pathétique et infructueuse… Même la bière porte le goût rance d’une cuvée souillée par les orges fanées des temps de peste. Mais June ne soupire pas, le dos droit, buvant à moitié la piteuse boisson offerte. La porte s’ouvre et rentre un groupe de jeunes du quartier, bruyants mais particulièrement inintéressants. Pourquoi s’était-il encore infligé les longueurs d’une nuit parisienne ? Il n’en était même plus certain.
Observant ses ongles avec un dédain propre à sa classe sociale, il n’aperçoit qu’après que la porte de la taverne se soit refermées les deux figures s’étant invitées dans les lieux. Et si de prime abord, leur apparence laissa June indifférent, c’est à la façon que ses pupilles ont de se contracter que l’on saurait qu’en un instant son monde venait de basculer. Son cœur reste calme, toute sa personne n’en montre aucun signe. Mais lorsqu’après un instant les hommes quittent les lieux, June abandonne sa chope sans le moindre regret, pistant les ombres nocturnes, trop absorbé pour même remarquer que deux des jeunes entrés plus tôt l’avaient suivi, appâtés par l’évidente aisance qu’affichait le jeune soldat.
Les pavés sont suintant des premières moiteurs, et si l’odeur l’avait jusque-là incommodé, il ne pourrait pas être plus désintéressé maintenant. Non, tout ce qui comptait c’était de retrouver ce visage qu’il aurait pu redessiner, comme sorti d’un jour passé, et pas de sa plus tendre enfance. June se fige et laisse sa silhouette épouser le mur, tapi dans les ombres d’une ruelle où les voix des deux hommes résonnent. Et soudain, une troisième intonation se distingue. Suave et profonde. S’il ne bat pas des cils, June se dit qu’il pourrait s’agir de sa créature. Peut-être dans ses rêves, l’homme à la chevelure de blé avait aussi une voix aussi hypnotique.
Mais pour tout ce que June était discret, les deux autres hommes ne l’étaient pas. Son attention toute entière tournée vers les ombres échangeant dans la rue, l’humain ne réalise que trop tard qu’il risquait gros, lorsqu’un pavé s’écrase brutalement contre sa tempe.
Aimer la nuit n’était ici plus suffisant. Il en viendrait presque à regretter d’être né fourni d’un odorat décent. Mais l’embrun de la Seine est trop pour ses sens, et sa marche nocturne au cœur de Paris, pourtant œuvrée dans l’intention d’oublier les heures passantes, se conclut rapidement aux portes d’une taverne des bas quartiers. Le cœur au bord des lèvres, l’homme prend plusieurs inspirations mesurées, rabaissant le capuchon de ce manteau qui couvrait sa tenue de garde qu’il n’avait pas encore quittée. Une main pour désordonner les épis d’ébène et les émeraudes assimilent leur environnement d’un regard assuré. La pièce est d’une disposition simple, et les tables peu peuplées. Probablement une preuve que cette tranche de la population payée au lance-pierre ne faisait pas suffisamment de frais. Triste. Si seulement il pouvait en avoir un quelconque intérêt.
Le soldat avance d’un pas silencieux, par habitude, ou peut-être par arrogance, nul ne le saurait. Certains regards le suivent, mais il ne croise pas les yeux de ce peuple inepte. Peu intéressé. Non, lui trouve position à l’une des tables les plus à l’abri des regards, ses prunelles ardentes transperçant le propriétaire des lieux lorsqu’il l’approcha pour le saluer.
« Une cervoise. »
Les traits jeunes de June ? Le tavernier n’en a cure lorsqu’une pièce de cuivre claque contre la table, le jeune homme d’ores et déjà désintéressé de l’existence du grand homme à ses côtés. Son regard est trop absorbé par la contemplation des âmes errant dans ce piteux lieu de dévergonderie. Aucun visage n’attire son intérêt, pas plus qu’un écusson ou un signe distinctif d’une quelconque classe d’intérêt. Non, cette nuit aura été pathétique et infructueuse… Même la bière porte le goût rance d’une cuvée souillée par les orges fanées des temps de peste. Mais June ne soupire pas, le dos droit, buvant à moitié la piteuse boisson offerte. La porte s’ouvre et rentre un groupe de jeunes du quartier, bruyants mais particulièrement inintéressants. Pourquoi s’était-il encore infligé les longueurs d’une nuit parisienne ? Il n’en était même plus certain.
Observant ses ongles avec un dédain propre à sa classe sociale, il n’aperçoit qu’après que la porte de la taverne se soit refermées les deux figures s’étant invitées dans les lieux. Et si de prime abord, leur apparence laissa June indifférent, c’est à la façon que ses pupilles ont de se contracter que l’on saurait qu’en un instant son monde venait de basculer. Son cœur reste calme, toute sa personne n’en montre aucun signe. Mais lorsqu’après un instant les hommes quittent les lieux, June abandonne sa chope sans le moindre regret, pistant les ombres nocturnes, trop absorbé pour même remarquer que deux des jeunes entrés plus tôt l’avaient suivi, appâtés par l’évidente aisance qu’affichait le jeune soldat.
Les pavés sont suintant des premières moiteurs, et si l’odeur l’avait jusque-là incommodé, il ne pourrait pas être plus désintéressé maintenant. Non, tout ce qui comptait c’était de retrouver ce visage qu’il aurait pu redessiner, comme sorti d’un jour passé, et pas de sa plus tendre enfance. June se fige et laisse sa silhouette épouser le mur, tapi dans les ombres d’une ruelle où les voix des deux hommes résonnent. Et soudain, une troisième intonation se distingue. Suave et profonde. S’il ne bat pas des cils, June se dit qu’il pourrait s’agir de sa créature. Peut-être dans ses rêves, l’homme à la chevelure de blé avait aussi une voix aussi hypnotique.
Mais pour tout ce que June était discret, les deux autres hommes ne l’étaient pas. Son attention toute entière tournée vers les ombres échangeant dans la rue, l’humain ne réalise que trop tard qu’il risquait gros, lorsqu’un pavé s’écrase brutalement contre sa tempe.
Sam 9 Jan - 0:30
Nous nous exprimions en allemand, langue commune à nous trois. Et une manière de ne pas l’oublier si d’aventure il nous venait le besoin de quitter la France. Nous allions partir quand nous avons entendu ce bruit sourd. Aussitôt en alerte, j’ai ordonné à mes compagnons de rentrer en faisant des détours au cas où ils seraient suivis. En bons petits soldats, ils m’obéirent. Je supposais surtout qu’ils tenaient trop à la vie pour rester. J’ai dégainé mon épée. J’étais prince. Protéger a toujours été gravé dans ma chair.
En déboulant dans le rue, arme au poing, deux types me regardèrent d’un air ahuri. Instant durant lequel je pus analyser la situation et m’apercevoir que ce n’était pas après nous qu’ils en avaient. Ils s’apprêtaient à faire les poches à un homme. Ça ne me regardait pas bien sûr. Hors comme je l’ai dit plus tôt, protéger était instinctif chez moi.
— Déguerpissez ou j’empale vos têtes sur une pique.
L’un d’eux souffla par la bouche et l’odeur d’alcool me parvint aux narines. Ils n’allaient quand même pas essayer ? Je levai mon bras pour leur donner un coup d’épée et ils comprirent que je ne plaisantais pas. Le premier s’enfuit et le second se plaignit d’être abandonné avant de le suivre. Pas des soldats, pour sûr, ou bien la France avait de quoi rougir. Je rangeai mon épée et baissai les yeux vers la victime. L’odeur du sang se fit plus insistante et je soupirai. Fouillant ma poche, je sortis un mouchoir en tissu propre. M’abaissant auprès du jeune homme, j’appliquai le mouchoir sur sa plaie. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire de lui. Si je le laissais là, il allait se faire à nouveau détrousser. Et il n’était pas question de le ramener à la maison.
Arrachant un long rectangle de ma cape, je l’attachais autour de la tête du jeune homme. Le mouchoir servant de compresse provisoire. Il était bien habillé, je pouvais le déposer chez un médecin. Ce sera suffisant. Ma paume tapota sa joue tiède.
— Je ne te veux aucun mal, alors sois sage.
J’ai replacé mon capuchon sur ma tête, puis me suis débrouillé pour le mettre sur mon dos. Il n’était pas léger, le bougre !
En déboulant dans le rue, arme au poing, deux types me regardèrent d’un air ahuri. Instant durant lequel je pus analyser la situation et m’apercevoir que ce n’était pas après nous qu’ils en avaient. Ils s’apprêtaient à faire les poches à un homme. Ça ne me regardait pas bien sûr. Hors comme je l’ai dit plus tôt, protéger était instinctif chez moi.
— Déguerpissez ou j’empale vos têtes sur une pique.
L’un d’eux souffla par la bouche et l’odeur d’alcool me parvint aux narines. Ils n’allaient quand même pas essayer ? Je levai mon bras pour leur donner un coup d’épée et ils comprirent que je ne plaisantais pas. Le premier s’enfuit et le second se plaignit d’être abandonné avant de le suivre. Pas des soldats, pour sûr, ou bien la France avait de quoi rougir. Je rangeai mon épée et baissai les yeux vers la victime. L’odeur du sang se fit plus insistante et je soupirai. Fouillant ma poche, je sortis un mouchoir en tissu propre. M’abaissant auprès du jeune homme, j’appliquai le mouchoir sur sa plaie. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire de lui. Si je le laissais là, il allait se faire à nouveau détrousser. Et il n’était pas question de le ramener à la maison.
Arrachant un long rectangle de ma cape, je l’attachais autour de la tête du jeune homme. Le mouchoir servant de compresse provisoire. Il était bien habillé, je pouvais le déposer chez un médecin. Ce sera suffisant. Ma paume tapota sa joue tiède.
— Je ne te veux aucun mal, alors sois sage.
J’ai replacé mon capuchon sur ma tête, puis me suis débrouillé pour le mettre sur mon dos. Il n’était pas léger, le bougre !
Sam 9 Jan - 1:49
Dire qu’il est robuste ne ferait pas le tour de la question. Mais l’impact a le mérite de le sonner et de le déséquilibrer. June, un genou à terre, siffle de haine alors que l’un des hommes l’attrape par le col et tente de le faire se redresser pour lui faire les poches. Le soldat voit rouge, mais pour des raisons physiologiques, cette fois, alors que son arcade fendue laisse s’écouler un flot abondant de sang contre ses paupières. Les yeux plissés, la peine est évidente à discerner, entre ce sentiment de tournis et cette perte d’équilibre. Il devrait brandir la dague attachée à sa cuisse, mais une voix brise la torpeur qui le prend.
June se sent idiot de reconnaître cette voix malgré le vrombissement à son oreille. Pourquoi la tête était-elle une partie si fragile du corps humain ? June se déteste à l’idée d’être aussi vulnérable. Mais pour cette fois seulement, June se sent à nouveau comme un enfant, lorsque l’éclat d’une lame se brandit devant lui. Quelle ironie, un membre de la garde bêtement pris à revers. Il devrait être honteux, et la boule de colère qui compresse ses poumons n’est qu’une preuve de sa fierté et de l’importance que la réussite porte à ses yeux. Demain, il s’entraînerait au sang, jusqu’à l’aube. Demain…
Mais l’instant présent le retient. Les deux hommes ont pris la fuite, visiblement terrifiés et le jeune brun cherche dans l’obscurité trouble de son regard à capter le visage de son sauveur. Il se ment à lui-même. Toutes ces choses ne devraient pas tant lui importer. Mais tout au fond, il espère que ce visage retrouvé d’une nuit promise serait le signe qu’il avait traqué toute sa vie. Peut-être que l’homme à la voix de safran était en réalité celui du portrait qu’il porte aujourd’hui encore sous l’épais cuir de sa veste. Je me laisse pourtant amadouer par une main large et fraîche contre ma joue, ne laissant échapper aucun son à la douleur qui me transperce un court instant à la pression du tissu se resserrant sur la plaie. Tant qu’il n’y avait pas de commotion, June devrait s’estimer heureux…
Était-ce du bonheur, ce pincement lorsque l’homme le soulève, le prenant sur son dos ? June s’agace seul. Il n’était plus un enfant. Mais l’éclat un bref instant de ces cheveux blonds débordant de la capuche qu’il rajuste laisse le suédois incertain.
« Vous n’aviez pas à me porter assistance… Mais je vous suis redevable… »
Le ton de sa voix est serré, ennuyé, mais un van Heil paye toujours ses dettes. Il voudrait dire qu’il est suffisamment fort pour ne pas laisser sa tête dodeliner contre l’épaule de l’homme, souffle chaud et régulier, tentant de laisser passer la vague de nausée qui essaye de s’immiscer là, pernicieuse et dégoûtante. Mais à trop bien respirer, c’est l’odeur de l’homme qu’il perçoit. Ce n’est pas un homme du peuple, non. Sa carrure est trop forte, son dos trop large, et son parfum est celui d’une personne qui n’aura pas l’impudence de ne trouver les bains qu’une fois toutes les nouvelles lunes. June ferme les yeux et lui le nerveux, celui qui ne croit jamais rien ni personne murmure, le mordant dans sa voix toujours aussi réel malgré son état semi-léthargique.
« Qu’est-il advenu de vos deux amis ? »
Le mieux est encore de prétendre la faiblesse pour mieux duper le reste du monde.
June se sent idiot de reconnaître cette voix malgré le vrombissement à son oreille. Pourquoi la tête était-elle une partie si fragile du corps humain ? June se déteste à l’idée d’être aussi vulnérable. Mais pour cette fois seulement, June se sent à nouveau comme un enfant, lorsque l’éclat d’une lame se brandit devant lui. Quelle ironie, un membre de la garde bêtement pris à revers. Il devrait être honteux, et la boule de colère qui compresse ses poumons n’est qu’une preuve de sa fierté et de l’importance que la réussite porte à ses yeux. Demain, il s’entraînerait au sang, jusqu’à l’aube. Demain…
Mais l’instant présent le retient. Les deux hommes ont pris la fuite, visiblement terrifiés et le jeune brun cherche dans l’obscurité trouble de son regard à capter le visage de son sauveur. Il se ment à lui-même. Toutes ces choses ne devraient pas tant lui importer. Mais tout au fond, il espère que ce visage retrouvé d’une nuit promise serait le signe qu’il avait traqué toute sa vie. Peut-être que l’homme à la voix de safran était en réalité celui du portrait qu’il porte aujourd’hui encore sous l’épais cuir de sa veste. Je me laisse pourtant amadouer par une main large et fraîche contre ma joue, ne laissant échapper aucun son à la douleur qui me transperce un court instant à la pression du tissu se resserrant sur la plaie. Tant qu’il n’y avait pas de commotion, June devrait s’estimer heureux…
Était-ce du bonheur, ce pincement lorsque l’homme le soulève, le prenant sur son dos ? June s’agace seul. Il n’était plus un enfant. Mais l’éclat un bref instant de ces cheveux blonds débordant de la capuche qu’il rajuste laisse le suédois incertain.
« Vous n’aviez pas à me porter assistance… Mais je vous suis redevable… »
Le ton de sa voix est serré, ennuyé, mais un van Heil paye toujours ses dettes. Il voudrait dire qu’il est suffisamment fort pour ne pas laisser sa tête dodeliner contre l’épaule de l’homme, souffle chaud et régulier, tentant de laisser passer la vague de nausée qui essaye de s’immiscer là, pernicieuse et dégoûtante. Mais à trop bien respirer, c’est l’odeur de l’homme qu’il perçoit. Ce n’est pas un homme du peuple, non. Sa carrure est trop forte, son dos trop large, et son parfum est celui d’une personne qui n’aura pas l’impudence de ne trouver les bains qu’une fois toutes les nouvelles lunes. June ferme les yeux et lui le nerveux, celui qui ne croit jamais rien ni personne murmure, le mordant dans sa voix toujours aussi réel malgré son état semi-léthargique.
« Qu’est-il advenu de vos deux amis ? »
Le mieux est encore de prétendre la faiblesse pour mieux duper le reste du monde.
Sam 9 Jan - 10:15
Je savais que je n’avais pas à faire cela. Mais peu importe que je sois un prince mort il y a un siècle. Pour moi, je l’étais toujours. Et c’était bien là mon problème. Ma vie inachevée me manquait. Je voulais redevenir le prince glorieux, fort de ses conquêtes. La guerre était terminée dans les faits, mais au fond, j’avais besoin d’elle pour me sentir existé. Pour vivre tout simplement. Les temps de paix étaient trop simples et ennuyeux lorsqu’on était seul…
Je grognai brièvement pour toute réponse. Nous ne nous reverrons jamais, inutile de garder cette dette en mémoire petit être éphémère. Ce n’était pas du dédain, juste une réalité. L’humain pouvait mourir n’importe quand. Peut-être demain s’il continuait à fréquenter des endroits malfamés alors que son rang social sortait du lot.
Marchant en silence, je ne comptais pas faire la discussion pour que ce jeune homme ne s’intéresse pas à moi et m’oublie aussi vite que nous nous sommes rencontrés. Je préférais ne pas marquer les mémoires. En tout cas c’était ce qu’on m’avait appris à faire pour cette vie. Ne pas exister.
La question me surprit. Il les avait donc vu. Depuis quand ? J’associais les informations pour en conclure qu’en tant que soldat, il les avait peut-être suivi. Après tout mes camarades étaient louches à entrer dans une taverne et à en ressortir rapidement. Notre façon de nous faufiler dans la nuit pouvait intriguer aussi. Je devais savoir ce qu’il nous voulait.
— Partis. Pourquoi ? ... En quoi ils vous intéressent ?
Outre le fait que j’ai réfléchi un instant avant de parler puisque je maniais mal le francais, mon accent originaire de l’Est ne dissimula pas ma méfiance. Mes bras se resserrèrent sur ma prise, suffisamment pour le faire basculer à terre si besoin. Effectivement selon sa réponse, je pouvais très bien revenir sur ma décision et l’abandonner aux vautours du coin. Il était impossible que les deux autres aient été repérés aussi vite. Il y avait forcément une autre explication. Que leur voulait cet homme ? L’idée de l’éliminer de mes propres mains me traversa l’esprit. Je supposais que je pourrais me nourrir de lui au passage. Il avait l’air appétissant. Et puis il semblait avoir une bonne hygiène de vie, ça changera des sans-le-sou habituels.
Je grognai brièvement pour toute réponse. Nous ne nous reverrons jamais, inutile de garder cette dette en mémoire petit être éphémère. Ce n’était pas du dédain, juste une réalité. L’humain pouvait mourir n’importe quand. Peut-être demain s’il continuait à fréquenter des endroits malfamés alors que son rang social sortait du lot.
Marchant en silence, je ne comptais pas faire la discussion pour que ce jeune homme ne s’intéresse pas à moi et m’oublie aussi vite que nous nous sommes rencontrés. Je préférais ne pas marquer les mémoires. En tout cas c’était ce qu’on m’avait appris à faire pour cette vie. Ne pas exister.
La question me surprit. Il les avait donc vu. Depuis quand ? J’associais les informations pour en conclure qu’en tant que soldat, il les avait peut-être suivi. Après tout mes camarades étaient louches à entrer dans une taverne et à en ressortir rapidement. Notre façon de nous faufiler dans la nuit pouvait intriguer aussi. Je devais savoir ce qu’il nous voulait.
— Partis. Pourquoi ? ... En quoi ils vous intéressent ?
Outre le fait que j’ai réfléchi un instant avant de parler puisque je maniais mal le francais, mon accent originaire de l’Est ne dissimula pas ma méfiance. Mes bras se resserrèrent sur ma prise, suffisamment pour le faire basculer à terre si besoin. Effectivement selon sa réponse, je pouvais très bien revenir sur ma décision et l’abandonner aux vautours du coin. Il était impossible que les deux autres aient été repérés aussi vite. Il y avait forcément une autre explication. Que leur voulait cet homme ? L’idée de l’éliminer de mes propres mains me traversa l’esprit. Je supposais que je pourrais me nourrir de lui au passage. Il avait l’air appétissant. Et puis il semblait avoir une bonne hygiène de vie, ça changera des sans-le-sou habituels.
Sam 9 Jan - 18:04
Alors il ne s’était pas trompé. Cet homme était bel et bien le troisième inconnu qu’il avait aperçu près de la bâtisse. June pourrait espérer à son rêve enfin réalisé, mais il entend nettement l’intonation dans la voix de l’autre homme, surplombée d’un accent important. Le soldat se ravise. Lui aussi aurait été méfiant. Il avait été trop direct, non, il ne pouvait pas risquer de laisser l’inconnu se volatiliser. Faire preuve de davantage de tact.
« Ils ne m’intéressent pas je vous ai aperçus au coin de la rue, avant que ces hommes ne m’agressent. »
Son ego brûle d’ainsi se rabaisser, mais June ne pouvait pas se permettre une erreur de calcul, pas ici, pas maintenant. Il hésite avant de tenter à nouveau, utilisant la langue que les hommes avaient employée dans la ruelle. Oh bien sûr, June n’est pas parfait en allemand, mais ses connaissances sont somme toute suffisantes pour parvenir à tenir une médiocre conversation. Et si la touche de Suède de ses origines s’entend à sa façon de parler, ce ne serait peut-être qu’une piste de plus à exploiter pour en apprendre davantage sur l’homme qui lui fait face.
« Je ne me suis pas présenté – Je suis soldat au solde de la garde royale de France… Il est de mon devoir de protéger le peuple. »
Ne pas citer la taverne. Simplement prétendre à une coïncidence. Il pince les lèvres, regrettant déjà de s’être engagé sur cette pente glissante pour sa fierté, mais il avait besoin d’une ouverture.
« Quand bien même je n’ai pas fait preuve d’une grande compétence quant à mon rôle. »
Un effort, June. Tout ceci le mènera peut-être à une révélation qu’il attendait depuis qu’il est né – ou presque –.
« Ils ne m’intéressent pas je vous ai aperçus au coin de la rue, avant que ces hommes ne m’agressent. »
Son ego brûle d’ainsi se rabaisser, mais June ne pouvait pas se permettre une erreur de calcul, pas ici, pas maintenant. Il hésite avant de tenter à nouveau, utilisant la langue que les hommes avaient employée dans la ruelle. Oh bien sûr, June n’est pas parfait en allemand, mais ses connaissances sont somme toute suffisantes pour parvenir à tenir une médiocre conversation. Et si la touche de Suède de ses origines s’entend à sa façon de parler, ce ne serait peut-être qu’une piste de plus à exploiter pour en apprendre davantage sur l’homme qui lui fait face.
« Je ne me suis pas présenté – Je suis soldat au solde de la garde royale de France… Il est de mon devoir de protéger le peuple. »
Ne pas citer la taverne. Simplement prétendre à une coïncidence. Il pince les lèvres, regrettant déjà de s’être engagé sur cette pente glissante pour sa fierté, mais il avait besoin d’une ouverture.
« Quand bien même je n’ai pas fait preuve d’une grande compétence quant à mon rôle. »
Un effort, June. Tout ceci le mènera peut-être à une révélation qu’il attendait depuis qu’il est né – ou presque –.
Sam 9 Jan - 18:34
Aperçu, disait-il. Soit, il était possible de lui accorder le bénéfice du doute. Cela n’avait rien d’improbable. Et en tant que soldat, c’était bien le minimum que de s’inquiéter pour le peuple. Je ferai fouetter un tel bon à rien et le mettrai aux travaux forcés.
L’emploi de l’allemand me surprit. Il avait remarqué mon moment de réflexion. C’était aimable à lui. Cela voulait aussi dire qu’il avait compris de quoi nous parlions. Rien de dramatique en soi. Je ne m’en formalisais pas. Je me devais en revanche de répondre dans cette langue moi aussi.
— Je l’avais remarqué.
Mes mots étaient soudain plus fluides. C’était bien normal puisque j’avais pratiqué ce parler bien plus longtemps que toute autre langue apprise durant la récente guerre.
— De quoi avez-vous l’air d’être secouru par un homme de ce même peuple ?
J’étais censé n’être qu’un passant, mais je ne pouvais m’empêcher de le sermonner comme si j’étais toujours un haut gradé.
— Vous feriez mieux d’abandonner les basses besognes. Si je ne m’abuse, vous venez d’une noble famille. Cela s’entend à votre manière de vous exprimer. De plus vous venez de loin pour un simple étranger qui vient faire fortune dans un autre pays. Demandez donc à votre père de vous aider à obtenir un poste plus sûr. Cela vaudra mieux.
Loin était relatif. L’Allemagne n’était pas si loin. Cependant je pouvais déceler un accent qui n’avait rien de germanique au sens strict. Cela me rappelait un pays que je n’avais pas vu depuis au moins dix ans, mais je pouvais me tromper. J’ai donc décidé de le tester.
— Vous venez de bien loin…
Mon suédois n’était pas si mauvais malgré le manque de pratique.
Un souvenir traversa mon esprit. Celui de cette flamme vacillante qui traversait la nuit. Et moi, pauvre fou, qui avais tant désiré posséder rien que pour moi cette fragile petite âme brave. Il m’a fallu des jours pour me consoler de cette perte. Affreux espoir et mélancolie qui me hantaient !
L’emploi de l’allemand me surprit. Il avait remarqué mon moment de réflexion. C’était aimable à lui. Cela voulait aussi dire qu’il avait compris de quoi nous parlions. Rien de dramatique en soi. Je ne m’en formalisais pas. Je me devais en revanche de répondre dans cette langue moi aussi.
— Je l’avais remarqué.
Mes mots étaient soudain plus fluides. C’était bien normal puisque j’avais pratiqué ce parler bien plus longtemps que toute autre langue apprise durant la récente guerre.
— De quoi avez-vous l’air d’être secouru par un homme de ce même peuple ?
J’étais censé n’être qu’un passant, mais je ne pouvais m’empêcher de le sermonner comme si j’étais toujours un haut gradé.
— Vous feriez mieux d’abandonner les basses besognes. Si je ne m’abuse, vous venez d’une noble famille. Cela s’entend à votre manière de vous exprimer. De plus vous venez de loin pour un simple étranger qui vient faire fortune dans un autre pays. Demandez donc à votre père de vous aider à obtenir un poste plus sûr. Cela vaudra mieux.
Loin était relatif. L’Allemagne n’était pas si loin. Cependant je pouvais déceler un accent qui n’avait rien de germanique au sens strict. Cela me rappelait un pays que je n’avais pas vu depuis au moins dix ans, mais je pouvais me tromper. J’ai donc décidé de le tester.
— Vous venez de bien loin…
Mon suédois n’était pas si mauvais malgré le manque de pratique.
Un souvenir traversa mon esprit. Celui de cette flamme vacillante qui traversait la nuit. Et moi, pauvre fou, qui avais tant désiré posséder rien que pour moi cette fragile petite âme brave. Il m’a fallu des jours pour me consoler de cette perte. Affreux espoir et mélancolie qui me hantaient !
Sam 9 Jan - 18:54
La pique – et toutes les suivantes – ont le mérite de pratiquement le faire grincer des dents. Son horreur face à l’incompétence et le travail bâclé lui donneraient presque envie d’aller réclamer repentance auprès de l’Eglise. De confesser l’inaptitude profonde et totale dont il a pu faire preuve cette nuit. Furieux après sa propre personne, June se contient, retenant calmement que l’homme était bien plus prolixe dans une langue germanique… Avant de se renfrogner à l’idée de se faire rabrouer par un parfait inconnu. Il est pourtant forcé de ravaler ses mots et ses répliques. Il n’aurait pas été distrait si le rêve n’avait pas ainsi miroité devant ses yeux. Mais June devait se rendre à l’évidence. Sa débandade n’était que le fruit de son manque de contrôle quant à ses propres desseins. Il avait payé le prix, et cet homme avait effectivement tous les droits du monde de le remettre à sa place.
« Veuillez pardonner ma maladresse. »
Il ferait effectivement des heures supplémentaires pour compenser cet échec par un entraînement draconien. Mais déjà le sujet change et June ne peut s’empêcher de mordre d’une voix tranchante.
« Mon statut ne tient qu’à mes efforts. »
C’est d’ailleurs pris dans cet agacement profond qu’il ne perçoit pas le changement de langues, trop habitué, depuis des années de baroude et de voyages en terres inconnues, à parler naturellement la langue qui lui fait face. Et le suédois coule contre sa langue avec une verve plus élaborée, plus sûre. Elle était la langue de son père, de son enfance, de tous ses péchés.
« Je pourrai en dire autant de vous. »
June ne rajoute pas que se prétendre du peuple en étant si visiblement un étranger à la France pourrait être considéré comme une offense. Non, il ne peut se permettre ce genre de remarques. Il entrouvre les yeux et le monde semble désormais moins vaciller, à son immense soulagement. Il redresse légèrement son dos et s’apprête à rajouter dans sa langue natale… avant de réaliser qu’il devrait souffrir la honte ignominieuse d’être porté encore un long moment, s’il voulait poursuivre son enquête. June pourrait probablement compter les morceaux restant de son ego déchiré à la centaine, une fois cette nuit achevée. Quelle honte.
« Mais je présume que tous les goûts se trouvent en France… Il serait en toutes circonstances impossible à nos aliènes personnes de retrouver nos pays natifs, eu égard aux récents événements. »
« Veuillez pardonner ma maladresse. »
Il ferait effectivement des heures supplémentaires pour compenser cet échec par un entraînement draconien. Mais déjà le sujet change et June ne peut s’empêcher de mordre d’une voix tranchante.
« Mon statut ne tient qu’à mes efforts. »
C’est d’ailleurs pris dans cet agacement profond qu’il ne perçoit pas le changement de langues, trop habitué, depuis des années de baroude et de voyages en terres inconnues, à parler naturellement la langue qui lui fait face. Et le suédois coule contre sa langue avec une verve plus élaborée, plus sûre. Elle était la langue de son père, de son enfance, de tous ses péchés.
« Je pourrai en dire autant de vous. »
June ne rajoute pas que se prétendre du peuple en étant si visiblement un étranger à la France pourrait être considéré comme une offense. Non, il ne peut se permettre ce genre de remarques. Il entrouvre les yeux et le monde semble désormais moins vaciller, à son immense soulagement. Il redresse légèrement son dos et s’apprête à rajouter dans sa langue natale… avant de réaliser qu’il devrait souffrir la honte ignominieuse d’être porté encore un long moment, s’il voulait poursuivre son enquête. June pourrait probablement compter les morceaux restant de son ego déchiré à la centaine, une fois cette nuit achevée. Quelle honte.
« Mais je présume que tous les goûts se trouvent en France… Il serait en toutes circonstances impossible à nos aliènes personnes de retrouver nos pays natifs, eu égard aux récents événements. »
Lun 11 Jan - 0:11
Ce n’était guère de mon ressort de lui pardonner son inaptitude, malgré mes réprimandes. Mais il semblait sincère. Difficile de lui en vouloir plus longtemps. Le principal était qu’il se rende compte de sa faute, il ne restait qu’à lui de faire le nécessaire pour se corriger.
C’était fou comme les voyages m’avaient appris à distinguer ceux qui parlent dans leur langue natale ou non. Et très clairement ce jeune homme avait parlé avec une aisance propre à un natif. Il était donc bien suédois. Dans l’obscurité, un doux sourire fleurit sur mes lèvres. En effet je venais de loin. Il n’imaginait pas à quel point cette phrase avait un sens multiple. J’avais pris de si nombreux détours que je m’étais souvent perdu. J’en avais oublié le visage de ma Lucia et de mes enfants chéris, excepté un. Dieu, que c’était encore douloureux de se remémorer le passé !
Le sentir bouger dans mon dos me rappela à l’instant présent. La position était sans doute inconfortable pour un homme adulte. Mes bras se délièrent un peu pour lui donner plus de liberté. Et je fus surpris de l’entendre parler politique. Où voulait-il en venir ?
— Cela sera sûrement possible un jour. Les guerres et jeux politiques ont rendu méfiants les anciens alliés. Rien de plus.
J’avais moi-même bien connu ce genre de situation. Penser que nos alliés seraient indéfiniment de notre côté et pourtant il suffisait de peu pour les perdre. Lorsque l’on dirigeait un pays, c’était d’autant plus fragile.
— J’aimerais y retourner, avoua-je d'une voix faible. Je mentirai en disant que la Valachie ne me manque pas.
À bien y réfléchir, je le pourrai sûrement dès la réouverture des frontières. Après un siècle, il ne devait plus rester grand monde qui m’avait connu. Je pourrais m’inventer un nom, prendre une place de boyard et fonder une nouvelle famille. Cela ne pouvait arriver. J’étais incapable de vivre des temps de paix.
J’étais inconscient de ce que je venais d’avouer et donc de révéler à ce garçon. Jamais je n’aurais imaginer le fond de sa pensée. Avant qu’il ne dise quoique ce soit, je m’arrêtai devant une maisonnée avec une enseigne claire même pour un étranger. Le trajet n'avait pas été si long finalement grâce aux efforts de sa mémoire pour se souvenir où il avait vu un médecin.
— Nous sommes arrivés. Pouvez-vous vous tenir debout ? Il me faut me servir de mes mains pour frapper à la porte.
C’était fou comme les voyages m’avaient appris à distinguer ceux qui parlent dans leur langue natale ou non. Et très clairement ce jeune homme avait parlé avec une aisance propre à un natif. Il était donc bien suédois. Dans l’obscurité, un doux sourire fleurit sur mes lèvres. En effet je venais de loin. Il n’imaginait pas à quel point cette phrase avait un sens multiple. J’avais pris de si nombreux détours que je m’étais souvent perdu. J’en avais oublié le visage de ma Lucia et de mes enfants chéris, excepté un. Dieu, que c’était encore douloureux de se remémorer le passé !
Le sentir bouger dans mon dos me rappela à l’instant présent. La position était sans doute inconfortable pour un homme adulte. Mes bras se délièrent un peu pour lui donner plus de liberté. Et je fus surpris de l’entendre parler politique. Où voulait-il en venir ?
— Cela sera sûrement possible un jour. Les guerres et jeux politiques ont rendu méfiants les anciens alliés. Rien de plus.
J’avais moi-même bien connu ce genre de situation. Penser que nos alliés seraient indéfiniment de notre côté et pourtant il suffisait de peu pour les perdre. Lorsque l’on dirigeait un pays, c’était d’autant plus fragile.
— J’aimerais y retourner, avoua-je d'une voix faible. Je mentirai en disant que la Valachie ne me manque pas.
À bien y réfléchir, je le pourrai sûrement dès la réouverture des frontières. Après un siècle, il ne devait plus rester grand monde qui m’avait connu. Je pourrais m’inventer un nom, prendre une place de boyard et fonder une nouvelle famille. Cela ne pouvait arriver. J’étais incapable de vivre des temps de paix.
J’étais inconscient de ce que je venais d’avouer et donc de révéler à ce garçon. Jamais je n’aurais imaginer le fond de sa pensée. Avant qu’il ne dise quoique ce soit, je m’arrêtai devant une maisonnée avec une enseigne claire même pour un étranger. Le trajet n'avait pas été si long finalement grâce aux efforts de sa mémoire pour se souvenir où il avait vu un médecin.
— Nous sommes arrivés. Pouvez-vous vous tenir debout ? Il me faut me servir de mes mains pour frapper à la porte.
Lun 11 Jan - 5:43
Sa fureur serait une évidence pour quiconque verrait le ravage des flammes au fond de ses prunelles de jade. June est une créature de sang chaud, le genre à ne pas même essayer une seule seconde de contenir l'ouragan de haine qui peut parfois secouer sa carrure de tête brûlée. Il est un étalon que rien ne peut arrêter, et si sa course devait venir à aboutir dans le mur ou par-dessus les flancs d'un ravin, il l'accepterait au seul mérite d'être égal à lui-même. Sa fougue était une chose qu'on lui avait de plus en plus reproché à mesure qu'il approchait l'âge adulte. Étiqueté de machisme, de camaraderie virulente ou simplement d'un trop plein d'énergie juvénile… June ne laissait taire ses pulsions violentes qu'au profit de ceux qui pouvait lui apporter un bénéfice supérieur à la seule satisfaction de se donner raison. Et l'homme contre lequel il reposait valait bien plus qu'un simple vent de furie gagné d'un ego froissé.
Non, à cet instant précis, bien plus important que ses pauvres ressentiments devait être entendu. Et June devait avouer que si parler politique lui déplaisait grandement, ce fut un détail soufflé par le grand homme qui le fit tiquer. Alors il était originaire de Valachie. L'information lui aurait presque fait perdre espoir, tant cette contrée s'illustrait par un peuple rustre aux attributs de peau et chevelure sombre. Mais June ne doit pas se contenter de ça. Il avait nettement vu la teinte claire de ces mèches qui s'étaient un instant échappées des replis du tissu qui dissimulait encore l'homme. Non tout ceci était peut-être le plus proche d'une piste qu'il ait pu faire jusqu'à ce jour. Alors dire que son sang s'est glacé à l'idée de devoir abandonner sa piste encore fraîche et inexploitée... Plutôt mourir. Et June n'avait pas un instant l'intention de passer l'arme à gauche de sitôt.
Alors il a ravalé son ego. Encore une fois. Se promettant qu'il éclaterait un mur dès qu'il serait hors de vue. Qu'il faisait tout ceci pour assouvir son besoin viscéral de faire vivre une promesse qui n'est même pas la sienne. Un dernier effort.
June relève la tête vers la maisonnée et il de tend, murmurant tout bas, jouant la peur, ou quelque chose qu'il espérait s'en rapprocher. Il en vomirait s'il n'était pas accompagné.
« Je - Je me sens amplement mieux, Monsieur. Je ne pense pas avoir besoin d'un médecin … »
June se hait alors qu'il joue de ses bras contre les épaules du grand homme pour retrouver son propre équilibre et se faire toucher le sol des pieds… avant de chavirer brutalement contre le mur tout proche, l'air piteux, la lueur de la rue voilant sombre les traits de son sauveur. Un effort de comédie et le cœur de June s'emballe par l'immense honte qui lui étreint le cœur alors qu'il ment.
« Je vous en prie, je ne vis pas loin, je ne veux pas avoir affaire à ce charlatan… Il… Cet homme est… »
Déglutissement. Le jeune homme est désormais visiblement mal à l'aise. Suffisamment peut-être pour laisser présager un méfait de ce médecin à son égard. Suffisant pour rebuter un homme adulte… Quoi donc ? L'imagination n'a jamais été son fort, malheureusement. Et le jeune homme de résoud au pire affront qu'il pouvait s'infliger pour seulement quelques minutes supplémentaires à gratter le moindre indice à l'autre...
Alors June se décolle du mur, chancelant, et agrippe maladroitement le bras de l'homme, jouant de son étourdissement, mais y mettant suffisamment de force pour ne pas pour autant laisser croire qu'il pourrait tomber dans les pommes ici même.
« Je ne vis qu'à un instant d'ici… » Un mensonge éhonté. « Accepteriez-vous simplement de m'y guider encore un temps…? »
Ce n'était plus de l'eau bénite qu'il lui faudrait pour absoudre son dégoût profond pour sa propre personne. Il devrait probablement s'immoler pour oublier.
Non, à cet instant précis, bien plus important que ses pauvres ressentiments devait être entendu. Et June devait avouer que si parler politique lui déplaisait grandement, ce fut un détail soufflé par le grand homme qui le fit tiquer. Alors il était originaire de Valachie. L'information lui aurait presque fait perdre espoir, tant cette contrée s'illustrait par un peuple rustre aux attributs de peau et chevelure sombre. Mais June ne doit pas se contenter de ça. Il avait nettement vu la teinte claire de ces mèches qui s'étaient un instant échappées des replis du tissu qui dissimulait encore l'homme. Non tout ceci était peut-être le plus proche d'une piste qu'il ait pu faire jusqu'à ce jour. Alors dire que son sang s'est glacé à l'idée de devoir abandonner sa piste encore fraîche et inexploitée... Plutôt mourir. Et June n'avait pas un instant l'intention de passer l'arme à gauche de sitôt.
Alors il a ravalé son ego. Encore une fois. Se promettant qu'il éclaterait un mur dès qu'il serait hors de vue. Qu'il faisait tout ceci pour assouvir son besoin viscéral de faire vivre une promesse qui n'est même pas la sienne. Un dernier effort.
June relève la tête vers la maisonnée et il de tend, murmurant tout bas, jouant la peur, ou quelque chose qu'il espérait s'en rapprocher. Il en vomirait s'il n'était pas accompagné.
« Je - Je me sens amplement mieux, Monsieur. Je ne pense pas avoir besoin d'un médecin … »
June se hait alors qu'il joue de ses bras contre les épaules du grand homme pour retrouver son propre équilibre et se faire toucher le sol des pieds… avant de chavirer brutalement contre le mur tout proche, l'air piteux, la lueur de la rue voilant sombre les traits de son sauveur. Un effort de comédie et le cœur de June s'emballe par l'immense honte qui lui étreint le cœur alors qu'il ment.
« Je vous en prie, je ne vis pas loin, je ne veux pas avoir affaire à ce charlatan… Il… Cet homme est… »
Déglutissement. Le jeune homme est désormais visiblement mal à l'aise. Suffisamment peut-être pour laisser présager un méfait de ce médecin à son égard. Suffisant pour rebuter un homme adulte… Quoi donc ? L'imagination n'a jamais été son fort, malheureusement. Et le jeune homme de résoud au pire affront qu'il pouvait s'infliger pour seulement quelques minutes supplémentaires à gratter le moindre indice à l'autre...
Alors June se décolle du mur, chancelant, et agrippe maladroitement le bras de l'homme, jouant de son étourdissement, mais y mettant suffisamment de force pour ne pas pour autant laisser croire qu'il pourrait tomber dans les pommes ici même.
« Je ne vis qu'à un instant d'ici… » Un mensonge éhonté. « Accepteriez-vous simplement de m'y guider encore un temps…? »
Ce n'était plus de l'eau bénite qu'il lui faudrait pour absoudre son dégoût profond pour sa propre personne. Il devrait probablement s'immoler pour oublier.
Lun 11 Jan - 19:49
Je l’ai laissé descendre pour constater par moi-même qu’il aillait bien. Hors non, ce n’était pas le cas. Je me demandais à quoi il jouait. Il titubait qui pouvait se sentir en forme dans un tel état. L’envie de l’abandonner me prit. Il pouvait lui arriver n’importe quoi, ça ne me concernait pas. Et en même temps, je ne me sentais pas le cœur à le laisser aux mains de cette nuit. Qui sait tout ce qui pouvait lui arriver. Il était clair que j’allais m’inquiéter malgré moi. Pas le choix.
Son histoire de charlatan me chiffonnait bien sûr. Cependant je ne connaissais pas le dit individu. Je ne pouvais donc pas porter de jugement. D’autant plus que je ne fréquentais aucun médecin depuis très longtemps.
— Je sens que vous ne me laissez pas le choix.
Cela ressemblait fort à un caprice. C’était à se demander s’il était douillet. Peu importe. Je n’étais pas concerné par sa sensibilité à la douleur, si ce n’était que j’allais encore devoir le traîner. Il faisait chaud sous ce capuchon à force… De ma main libre, je repousse ma chevelure épaisse. Ma capuche manqua de glisser dans le mouvement. Je ne savais pas ce qu’il avait eu le temps de voir avant que je la remette en place, mais cela me fit soupirer. Pourquoi me comporter de manière si mystérieuse ? Il n’y avait personne pour me reconnaître ici.
Je finis par prendre le bras qui m’agrippait pour le passer autour de mon cou, puis je le saisis par la taille. Mauvais comédien ou non, je ne pouvais pas le forcer à voir un médecin.
— Par où est-ce ?
Je verrais très vite si le coup reçu était très grave. Pour l’heure, je me remis en marche en suivant ses indications.
Son histoire de charlatan me chiffonnait bien sûr. Cependant je ne connaissais pas le dit individu. Je ne pouvais donc pas porter de jugement. D’autant plus que je ne fréquentais aucun médecin depuis très longtemps.
— Je sens que vous ne me laissez pas le choix.
Cela ressemblait fort à un caprice. C’était à se demander s’il était douillet. Peu importe. Je n’étais pas concerné par sa sensibilité à la douleur, si ce n’était que j’allais encore devoir le traîner. Il faisait chaud sous ce capuchon à force… De ma main libre, je repousse ma chevelure épaisse. Ma capuche manqua de glisser dans le mouvement. Je ne savais pas ce qu’il avait eu le temps de voir avant que je la remette en place, mais cela me fit soupirer. Pourquoi me comporter de manière si mystérieuse ? Il n’y avait personne pour me reconnaître ici.
Je finis par prendre le bras qui m’agrippait pour le passer autour de mon cou, puis je le saisis par la taille. Mauvais comédien ou non, je ne pouvais pas le forcer à voir un médecin.
— Par où est-ce ?
Je verrais très vite si le coup reçu était très grave. Pour l’heure, je me remis en marche en suivant ses indications.
Lun 11 Jan - 22:11
Dire qu’il ressent un soulagement réel en entendant qu’il ne l’abandonnerait pas ici laisse presque le cœur de June branlant de panique. Tout se passait trop vite. Poursuivre une chimère ne l’avait toujours amené qu’à percuter la réalité comme un mur, et ce, de plein fouet. Mais ici, à cet instant précis, tous ses espoirs se concrétisent après plus de dix ans à espérer. L’homme repousse ses cheveux et June se maudit de sa vue encore trouble, ne percevant, encore une fois, que quelques mèches blondes dans l’obscurité. Il allait lui échapper avant qu’il ait pu confirmer ses soupçons, conscient que tout ceci ne le laisserait que déçu et blessé – de ce coup pris à la tête. Non, June ne serait pas blessé d’un énième échec cuisant… non… –
Son attention est pourtant bien vite tirée vers bien plus important. La main qui serre sa taille est froide, et June ne peut réprimer le désir insatiable qui le brûle de savoir. Lui le croyant qui avait péché par tant de voies inacceptables, mentait et buvait chaque sont de cette voix. Il voulait savoir. Voulait savoir plus que tout au monde. Plus qu’il tenait à protéger l’honneur de son père. Plus qu’il ne rêvait de ne plus être un simple bâtard.
June s’humecte les lèvres et reprend appui sur ses jambes de façon plus appropriée avant de pointer la rue Saint-Martin, celle-là même qui traversait la moitié de Paris, il avait besoin de temps. Besoin de temps pour réussir à replacer ses idées, tout tournait encore un peu, et la confusion semblait persister. Pourtant le jeune garde ne fait rien pour laisser entendre son malaise. Prend sur ses forces et son estime déjà émoussée pour continuer le long des pavés, les quelques calèches et pauvres individus pédestres continuant leur chemin, percevant certainement cette scène comme étant celle de deux parisiens revenant d’une soirée trop arrosée.
Peut-être était-ce pour cette raison que June peinait de plus en plus à aligner les pas, appuyant davantage son poids contre l’homme. Sûrement l’autre remarquerait le changement de comportement, le silence, le son devenant progressivement laborieux de sa respiration. Le cerveau humain est si fragile, un simple coup pouvait faire tant de dégâts, même temporaires et purement réversibles. Mais June est si concentré sur l’idée de tirer sur ce tissu… S’il attend encore quelques mètres, ils passeraient sous la lumière vacillante d’une lampe illuminant la rue… Encore quelques pas. Encore un pas…
Peut-être que June devrait avoir honte d’accepter sa faiblesse lorsqu’il réalise que prétendre perdre l’équilibre devient en réalité un fait aussi vrai que le monde semble tourner autour de lui. Il ne perd pourtant pas de vue qu’il doit tirer sur ce tissu, et dans un son ténu, le capuchon s’échoue sur les épaules de l’homme lorsque June tente et manque de se rattraper correctement à l’inconnu. Il perd l’équilibre et pourrait rencontrer le pavé si son cœur n’avait pas cessé de battre.
« C’est vous. »
L’émeraude semble briller à l’instar des joyaux de la couronne, tant son regard s’illumine. Si humain qu’il est, ses joues prennent une teinte plus rougie, parce que l’allégresse est une émotion qu’il contrôle si mal de l’avoir trop peu côtoyée. Les mots lui échappent et s’il bat des cils pour lutter contre l’obscurité grandissante, il parvient à agripper le coin du parchemin qu’il a gardé contre son poitrail tant d’années que les fibres en sont écorchées.
Peut-être était-ce Dieu se moquant de l’une de ses brebis, que leur rencontre se face à la lueur d’une flamme chancelante. June sent son cœur palpiter, l’excitation, le soulagement. Il voudrait graver chacune de ces lignes inchangées contre ses pupilles, voir le portrait de cet homme chaque fois que ses paupières se fermerait, d’un battement ou d’un songe plus heureux. Mais lorsque le noir l’engouffre, faisant défaillir son corps entier qui ne manquerait de s’échouer contre le pavé, June tient d’une main molle le portrait dessiné il y a bien des années d’un homme qui l’avait ensorcelé un soir de décembre. La page encore tendrement lovée contre sa chair, partiellement dissimulée par ses vêtements.
Et contre l’encre usée, le reflet de Vlad se peint sur la toile ingénue, marqué d’une simple annotation, celle du jour où tout a commencé.
Son attention est pourtant bien vite tirée vers bien plus important. La main qui serre sa taille est froide, et June ne peut réprimer le désir insatiable qui le brûle de savoir. Lui le croyant qui avait péché par tant de voies inacceptables, mentait et buvait chaque sont de cette voix. Il voulait savoir. Voulait savoir plus que tout au monde. Plus qu’il tenait à protéger l’honneur de son père. Plus qu’il ne rêvait de ne plus être un simple bâtard.
June s’humecte les lèvres et reprend appui sur ses jambes de façon plus appropriée avant de pointer la rue Saint-Martin, celle-là même qui traversait la moitié de Paris, il avait besoin de temps. Besoin de temps pour réussir à replacer ses idées, tout tournait encore un peu, et la confusion semblait persister. Pourtant le jeune garde ne fait rien pour laisser entendre son malaise. Prend sur ses forces et son estime déjà émoussée pour continuer le long des pavés, les quelques calèches et pauvres individus pédestres continuant leur chemin, percevant certainement cette scène comme étant celle de deux parisiens revenant d’une soirée trop arrosée.
Peut-être était-ce pour cette raison que June peinait de plus en plus à aligner les pas, appuyant davantage son poids contre l’homme. Sûrement l’autre remarquerait le changement de comportement, le silence, le son devenant progressivement laborieux de sa respiration. Le cerveau humain est si fragile, un simple coup pouvait faire tant de dégâts, même temporaires et purement réversibles. Mais June est si concentré sur l’idée de tirer sur ce tissu… S’il attend encore quelques mètres, ils passeraient sous la lumière vacillante d’une lampe illuminant la rue… Encore quelques pas. Encore un pas…
Peut-être que June devrait avoir honte d’accepter sa faiblesse lorsqu’il réalise que prétendre perdre l’équilibre devient en réalité un fait aussi vrai que le monde semble tourner autour de lui. Il ne perd pourtant pas de vue qu’il doit tirer sur ce tissu, et dans un son ténu, le capuchon s’échoue sur les épaules de l’homme lorsque June tente et manque de se rattraper correctement à l’inconnu. Il perd l’équilibre et pourrait rencontrer le pavé si son cœur n’avait pas cessé de battre.
« C’est vous. »
L’émeraude semble briller à l’instar des joyaux de la couronne, tant son regard s’illumine. Si humain qu’il est, ses joues prennent une teinte plus rougie, parce que l’allégresse est une émotion qu’il contrôle si mal de l’avoir trop peu côtoyée. Les mots lui échappent et s’il bat des cils pour lutter contre l’obscurité grandissante, il parvient à agripper le coin du parchemin qu’il a gardé contre son poitrail tant d’années que les fibres en sont écorchées.
Peut-être était-ce Dieu se moquant de l’une de ses brebis, que leur rencontre se face à la lueur d’une flamme chancelante. June sent son cœur palpiter, l’excitation, le soulagement. Il voudrait graver chacune de ces lignes inchangées contre ses pupilles, voir le portrait de cet homme chaque fois que ses paupières se fermerait, d’un battement ou d’un songe plus heureux. Mais lorsque le noir l’engouffre, faisant défaillir son corps entier qui ne manquerait de s’échouer contre le pavé, June tient d’une main molle le portrait dessiné il y a bien des années d’un homme qui l’avait ensorcelé un soir de décembre. La page encore tendrement lovée contre sa chair, partiellement dissimulée par ses vêtements.
Et contre l’encre usée, le reflet de Vlad se peint sur la toile ingénue, marqué d’une simple annotation, celle du jour où tout a commencé.
Lun 11 Jan - 23:20
Si j’avais su ce qui m’attendait, les choses auraient été bien différentes. Je ne me serais pas laissé entraîner dans cette mascarade. Et je ne me serais pas retrouvé avec un tel fardeau.
Je le sentis fléchir. Il restait la possibilité qu’il se jouait de moi, alors j’ai fait comme si de rien était. Et puis il céda sous son poids, entraînant définitivement mon capuchon. J’étais contrarié, mais pas par le fait d’être démasqué. Juste parce qu’il jouait les braves pour rien et qu’il s’était bêtement évanoui. Je n’étais pas un monstre, alors je le rattrapai avant qu’il heurte lourdement le pavé. Cependant j’avais l’air bien fin avec cet inconnu sur les bras et ces trois mots qu’il a laissé échappé. Encore une fois, je me suis répété ces mots : « tu ne peux pas l’abandonner là. » Et encore une fois, je l’ai mis sur mon dos en veillant à ne rien laisser qui lui appartenait sur le sol. J’ai regagné des quartiers plus fréquentables pour y trouver une auberge.
Quelques regards interrogateurs, des pièces abandonnées sur le comptoir et j’obtins enfin une chambre où je montai mon bagage. N’ayant aucune idée d’où il vivait, je ne pouvais l’emmener nulle part d’autre. Le conduire chez nous serait du suicide. Je me contentai donc de cet endroit. Une fois seuls, je déposai le garçon sur le lit. J’avais à m’occuper de sa blessure. Je suis ressorti pour trouver le nécessaire à ma besogne.
Ma tâche accomplie, je l’ai soigné et me suis finalement inquiété du temps qu’il allait dormir. Toute la nuit ? Je ne l’espérais pas. Il n’était pas question pour moi de quitter cette chambre en pleine journée. Fait qu’il trouvera forcément étrange. Il était en sécurité, rien ne m’empêchait de partir. Mais ses mots me revinrent en mémoire. Qu’a-t-il voulu dire ? Et surtout comment un garçon aussi jeune pouvait me connaître ? Hésitant, je finis par le fouiller.
Je trouvai une bourse d’argent très bien fournie. Donc j’avais raison sur sa condition sociale. Autrement il n’avait rien de probant, hormis ce vieux parchemin. Il le traînait depuis des années vu son état. Sans aucune once de remord, je le dépliai et me figeai en voyant son contenu. C’était un portrait très fidèle, je ne pouvais le nier. Mais me trouver dessus était invraisemblable. La seule personne au monde qui pourrait être à ma recherche était mon fils cadet. Et l’homme sur ce lit n’était pas lui. Il n’avait rien de ses traits, ne me ressemblait en rien, ni à sa mère. Même si j’avais un peu oublié son visage, je ne pouvais pas me tromper.
J’eus beau retourner la question dans tous les sens, aucune réponse ne me vint. Je n’eus d’autre choix que de rester ici afin d’éclaircir ce mystère. Que cela me déplaise ou non. Rangeant ce parchemin dans ma poche, je décidai de me débarrasser de ma cape pour être plus à l’aise. Puis je reportai mon regard vers la fenêtre. Elle n’avait pas de volet, ni même de rideau. C’était contraignant. Je dus utiliser ma cape. J’ouvris la fenêtre pour coincer l’un des pans et la refermai. J’étendis convenablement le tissu pour filtrer le moindre rayon de soleil. Tout ceci au cas où il dormirait jusqu’au matin seulement.
Je pus enfin m’asseoir sur la chaise dans un coin de la pièce. La bougie que le tenancier nous avait laissé brûlait lentement sur la petite table à mes côtés. Je dépliai à nouveau le parchemin et toujours cette même question : qui était-il ?
Je le sentis fléchir. Il restait la possibilité qu’il se jouait de moi, alors j’ai fait comme si de rien était. Et puis il céda sous son poids, entraînant définitivement mon capuchon. J’étais contrarié, mais pas par le fait d’être démasqué. Juste parce qu’il jouait les braves pour rien et qu’il s’était bêtement évanoui. Je n’étais pas un monstre, alors je le rattrapai avant qu’il heurte lourdement le pavé. Cependant j’avais l’air bien fin avec cet inconnu sur les bras et ces trois mots qu’il a laissé échappé. Encore une fois, je me suis répété ces mots : « tu ne peux pas l’abandonner là. » Et encore une fois, je l’ai mis sur mon dos en veillant à ne rien laisser qui lui appartenait sur le sol. J’ai regagné des quartiers plus fréquentables pour y trouver une auberge.
Quelques regards interrogateurs, des pièces abandonnées sur le comptoir et j’obtins enfin une chambre où je montai mon bagage. N’ayant aucune idée d’où il vivait, je ne pouvais l’emmener nulle part d’autre. Le conduire chez nous serait du suicide. Je me contentai donc de cet endroit. Une fois seuls, je déposai le garçon sur le lit. J’avais à m’occuper de sa blessure. Je suis ressorti pour trouver le nécessaire à ma besogne.
Ma tâche accomplie, je l’ai soigné et me suis finalement inquiété du temps qu’il allait dormir. Toute la nuit ? Je ne l’espérais pas. Il n’était pas question pour moi de quitter cette chambre en pleine journée. Fait qu’il trouvera forcément étrange. Il était en sécurité, rien ne m’empêchait de partir. Mais ses mots me revinrent en mémoire. Qu’a-t-il voulu dire ? Et surtout comment un garçon aussi jeune pouvait me connaître ? Hésitant, je finis par le fouiller.
Je trouvai une bourse d’argent très bien fournie. Donc j’avais raison sur sa condition sociale. Autrement il n’avait rien de probant, hormis ce vieux parchemin. Il le traînait depuis des années vu son état. Sans aucune once de remord, je le dépliai et me figeai en voyant son contenu. C’était un portrait très fidèle, je ne pouvais le nier. Mais me trouver dessus était invraisemblable. La seule personne au monde qui pourrait être à ma recherche était mon fils cadet. Et l’homme sur ce lit n’était pas lui. Il n’avait rien de ses traits, ne me ressemblait en rien, ni à sa mère. Même si j’avais un peu oublié son visage, je ne pouvais pas me tromper.
J’eus beau retourner la question dans tous les sens, aucune réponse ne me vint. Je n’eus d’autre choix que de rester ici afin d’éclaircir ce mystère. Que cela me déplaise ou non. Rangeant ce parchemin dans ma poche, je décidai de me débarrasser de ma cape pour être plus à l’aise. Puis je reportai mon regard vers la fenêtre. Elle n’avait pas de volet, ni même de rideau. C’était contraignant. Je dus utiliser ma cape. J’ouvris la fenêtre pour coincer l’un des pans et la refermai. J’étendis convenablement le tissu pour filtrer le moindre rayon de soleil. Tout ceci au cas où il dormirait jusqu’au matin seulement.
Je pus enfin m’asseoir sur la chaise dans un coin de la pièce. La bougie que le tenancier nous avait laissé brûlait lentement sur la petite table à mes côtés. Je dépliai à nouveau le parchemin et toujours cette même question : qui était-il ?
Mar 12 Jan - 0:39
La condition humaine est absolument dégradante, à bien y regarder. Heureusement, June n’en aurait pas conscience. Un garde royal transporté par un clampin en plein Paris, rien ne pourrait être pire. Mais au fond, la seule chose qu’il finira par retenir, avec le recul, ce sera sûrement qu’il s’est profondément ridiculisé devant un homme qu’il a admiré toute sa vie…
Mais avant tout cela, il faudra d’abord ne pas commettre le pire : faire fuir un homme qu’il a si longuement traqué.
June reprend lentement connaissance après ce qui lui semblera être quelques instants mais aura duré moins d’une heure. Une longue heure de silence qu’il brise d’un grondement de douleur, une nausée pestilentielle s’invitant au creux de son estomac. L’homme serre les dents et grogne de mal être avant de lentement, très lentement rouler sur son flanc, inspirant par le nez pour mieux expirer d’un souffle tremblant. Il n’ose pas ouvrir les yeux, encore désorienté par ce réveil des plus désagréables… avant que l’image de ce visage taillé dans le marbre ne l’assaille à nouveau.
Son mouvement est trop rapide. Suffisamment pour être surprenant à allure humaine, surtout eu égard à son état. Également trop rapide pour sa condition. Il pâlit instantanément, des points blancs dansant devant sa vision, une sensation de perte de contrôle lui faisant serrer les doigts dans les draps rêches. Où était-il ? Il devait se concentrer. Sourcils pincés en une mine plus contrite par la douleur que par le moindre indice d’intelligence, il finit par entrouvrir un œil, la respiration haletante. Il est pathétique. Son père aurait honte de lui.
Il met de longues secondes à assimiler ce qui l’entoure, et dans cette pièce baignée de l’éclat timide d’une simple bougie, la silhouette de l’autre se dessine en un contraste irréel pour June qui se redresse instinctivement, un bras tendu en appui contre le matelas, tremblant sous l’effort, mais refusant de céder.
Et pour la première fois depuis près de quinze ans, les yeux de jade retrouvent le mystère béant d’un océan insoupçonné. Les prunelles de l’étranger sont une madeleine de Proust qu’il ne pourrait justifier ni même expliquer. Pouvait-on seulement être plus impressionnant que ne l’était l’individu face à lui.
Mais le temps n’st pas à la contemplation, non. June porte sa main libre à son buste et de ses doigts tremblants, cherche le parchemin qu’il avait emmené au bout de son monde. Mais rien. L’idée ne l’effleure même pas qu’il puisse être en danger. Qu’il puisse être dépouillé par cet homme. La raison l’avait comme quitté. Sa fascination était plus réelle qu’elle ne l’avait jamais été. Et sans réfléchir d’un suédois affaibli par son état, il lance doucement.
« Je vous ai cherché partout. »
Désespéré. Voilà ce que June devait sembler être à cet instant précis. Et peut-être que le grand blond aurait raison. Le visage de l’humain est pourtant figé dans une peinture curieuse, mêlant admiration et incertitude, trainant un visible voile de douleur.
« Vous aviez promis de revenir nous chercher. »
Pourquoi sa voix a-t-elle tremblé ? Parce qu’il mentait à moitié ? Parce que l’individu face à lui n’avait jamais rien promis. Parce que mis face au fait accompli, June se sentait étrangement vulnérable. Parce qu’un rêve n’est jamais censé devenir réalité… C’était sans compter que tout pourrait bien vite virer au cauchemar.
Mais avant tout cela, il faudra d’abord ne pas commettre le pire : faire fuir un homme qu’il a si longuement traqué.
June reprend lentement connaissance après ce qui lui semblera être quelques instants mais aura duré moins d’une heure. Une longue heure de silence qu’il brise d’un grondement de douleur, une nausée pestilentielle s’invitant au creux de son estomac. L’homme serre les dents et grogne de mal être avant de lentement, très lentement rouler sur son flanc, inspirant par le nez pour mieux expirer d’un souffle tremblant. Il n’ose pas ouvrir les yeux, encore désorienté par ce réveil des plus désagréables… avant que l’image de ce visage taillé dans le marbre ne l’assaille à nouveau.
Son mouvement est trop rapide. Suffisamment pour être surprenant à allure humaine, surtout eu égard à son état. Également trop rapide pour sa condition. Il pâlit instantanément, des points blancs dansant devant sa vision, une sensation de perte de contrôle lui faisant serrer les doigts dans les draps rêches. Où était-il ? Il devait se concentrer. Sourcils pincés en une mine plus contrite par la douleur que par le moindre indice d’intelligence, il finit par entrouvrir un œil, la respiration haletante. Il est pathétique. Son père aurait honte de lui.
Il met de longues secondes à assimiler ce qui l’entoure, et dans cette pièce baignée de l’éclat timide d’une simple bougie, la silhouette de l’autre se dessine en un contraste irréel pour June qui se redresse instinctivement, un bras tendu en appui contre le matelas, tremblant sous l’effort, mais refusant de céder.
Et pour la première fois depuis près de quinze ans, les yeux de jade retrouvent le mystère béant d’un océan insoupçonné. Les prunelles de l’étranger sont une madeleine de Proust qu’il ne pourrait justifier ni même expliquer. Pouvait-on seulement être plus impressionnant que ne l’était l’individu face à lui.
Mais le temps n’st pas à la contemplation, non. June porte sa main libre à son buste et de ses doigts tremblants, cherche le parchemin qu’il avait emmené au bout de son monde. Mais rien. L’idée ne l’effleure même pas qu’il puisse être en danger. Qu’il puisse être dépouillé par cet homme. La raison l’avait comme quitté. Sa fascination était plus réelle qu’elle ne l’avait jamais été. Et sans réfléchir d’un suédois affaibli par son état, il lance doucement.
« Je vous ai cherché partout. »
Désespéré. Voilà ce que June devait sembler être à cet instant précis. Et peut-être que le grand blond aurait raison. Le visage de l’humain est pourtant figé dans une peinture curieuse, mêlant admiration et incertitude, trainant un visible voile de douleur.
« Vous aviez promis de revenir nous chercher. »
Pourquoi sa voix a-t-elle tremblé ? Parce qu’il mentait à moitié ? Parce que l’individu face à lui n’avait jamais rien promis. Parce que mis face au fait accompli, June se sentait étrangement vulnérable. Parce qu’un rêve n’est jamais censé devenir réalité… C’était sans compter que tout pourrait bien vite virer au cauchemar.
Mar 12 Jan - 22:44
Les mots de ce garçon ne faisaient pas sens. Absolument pas. Je n’avais jamais fait une promesse pareille, même à ma famille. Bien que le portrait était le mien, je commençais à croire qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Je lui laissais une chance de s’expliquer clairement pour démontrer ensuite qu’il se trompait d’individu.
— Vous allez commencer par vous calmer. Et ensuite vous allez tout m’expliquer depuis le début en commençant par qui vous êtes.
Je l’ai vu tâtonner à la recherche de quelque chose, sans douce ce vulgaire parchemin. Je regardai une dernière fois la feuille et tendis l’un des coins vers la bougie. Il prit feu sans mal. La petite flamme rongea le rectangle rongé par le temps. Petit à petit, il disparut. Lorsqu’il n’en resta qu’un bout sans aucun tracé, je le laissai choir à terre et l’écrasai de ma semelle. La lueur étouffée, je me laissai retomber contre le dossier de la chaise. Ce n’était pas d’un grand confort malheureusement. Un coude sur l’accoudoir et deux doigts posés sur ma tempe, j’observai le suédois.
— Nous n’avons pas toute la nuit. Soit vous crachez le morceau, soit je fais en sorte de m’effacer de votre mémoire et ce ne sera pas sans douleur.
J’étais du genre patient, mais je n’allais pas attendre ses explications une éternité. Je n’ai jamais eu aucun problème avec la torture de mes ennemis. S’il croyait me connaître, il allait être servi.
— Vous allez commencer par vous calmer. Et ensuite vous allez tout m’expliquer depuis le début en commençant par qui vous êtes.
Je l’ai vu tâtonner à la recherche de quelque chose, sans douce ce vulgaire parchemin. Je regardai une dernière fois la feuille et tendis l’un des coins vers la bougie. Il prit feu sans mal. La petite flamme rongea le rectangle rongé par le temps. Petit à petit, il disparut. Lorsqu’il n’en resta qu’un bout sans aucun tracé, je le laissai choir à terre et l’écrasai de ma semelle. La lueur étouffée, je me laissai retomber contre le dossier de la chaise. Ce n’était pas d’un grand confort malheureusement. Un coude sur l’accoudoir et deux doigts posés sur ma tempe, j’observai le suédois.
— Nous n’avons pas toute la nuit. Soit vous crachez le morceau, soit je fais en sorte de m’effacer de votre mémoire et ce ne sera pas sans douleur.
J’étais du genre patient, mais je n’allais pas attendre ses explications une éternité. Je n’ai jamais eu aucun problème avec la torture de mes ennemis. S’il croyait me connaître, il allait être servi.
Mer 13 Jan - 2:26
Tout ce qu’il a toujours détesté, il en a fait démonstration en ces quelques instants qui ont suivi son réveil houleux. June se hait et c’est dans la noirceur qui emplit subitement son regard à l’information qu’il devait retrouver son calme que quiconque pourrait deviner ce qui se tramait dans la tête du jeune homme. Il déglutit et se passe une main sur le visage, essayant de reprendre ses esprits… Et se laisse distraire par le bruit singulier d’une page s’enflammant, le craquement du parchemin partant en fumées trop distinctif pour être raté. Et s’il y a un instant il se serait sûrement redressé pour l’en empêcher… à quoi bon ? L’homme qu’il avait devant lui était la preuve vivante que ses souvenirs n’avaient en rien été altérés. Si cela était même possible, June dirait qu’il le trouvait encore plus séduisant aujourd’hui qu’à leur première rencontre. Comme figé dans le temps. Rien n’avait changé. Rien.
Alors June a été docile, pour une fois dans sa vie. Il a ramené ses jambes fléchies un peu plus contre lui pour se rééquilibrer et il a enfoui son visage entre ses mains, fermant les yeux le temps que ses pensées redeviennent plus claires. Peut-être que de l’extérieur cela passera pour un mouvement de dévastation. Mais quelque part tout au fond de lui, le soldat n’a jamais été plus heureux.
« Sankta Lucia. »
Ce nom roule sur la langue de June d’un ton beaucoup plus assuré et ferme. La douleur lui vrille encore les sens, mais il est enfin capable de relever ses prunelles sur ces deux bijoux d’azur. Comme si la mer s’était invitée dans un regard perçant, une tempête prête à s’abattre, déchaînée. Il ne détache pas son regard de lui. Osait espérer qu’il n’aurait pas oublié.
« Elle est le saint-patron d’une nuit éternelle où toute la Suède s’illumine en une procession de chants et lumières. »
Il se pince les lèvres et baisse les yeux, avant de les fermer, cherchant ses souvenirs. Cherchant les mots de sa grand-mère, les images d’une nuit qui a marqué June jusqu’à ce jour.
« Le 13 Décembre 1576… Je vous ai rencontré dans les bois enneigés encerclant Tröllathan… »
Toute sa vie l’avait mené jusqu’à cet instant. Un chemin tout tracé par Dieu. Et June, naïf, pense avoir trouvé le terme de son voyage…
Alors June a été docile, pour une fois dans sa vie. Il a ramené ses jambes fléchies un peu plus contre lui pour se rééquilibrer et il a enfoui son visage entre ses mains, fermant les yeux le temps que ses pensées redeviennent plus claires. Peut-être que de l’extérieur cela passera pour un mouvement de dévastation. Mais quelque part tout au fond de lui, le soldat n’a jamais été plus heureux.
« Sankta Lucia. »
Ce nom roule sur la langue de June d’un ton beaucoup plus assuré et ferme. La douleur lui vrille encore les sens, mais il est enfin capable de relever ses prunelles sur ces deux bijoux d’azur. Comme si la mer s’était invitée dans un regard perçant, une tempête prête à s’abattre, déchaînée. Il ne détache pas son regard de lui. Osait espérer qu’il n’aurait pas oublié.
« Elle est le saint-patron d’une nuit éternelle où toute la Suède s’illumine en une procession de chants et lumières. »
Il se pince les lèvres et baisse les yeux, avant de les fermer, cherchant ses souvenirs. Cherchant les mots de sa grand-mère, les images d’une nuit qui a marqué June jusqu’à ce jour.
« Le 13 Décembre 1576… Je vous ai rencontré dans les bois enneigés encerclant Tröllathan… »
Toute sa vie l’avait mené jusqu’à cet instant. Un chemin tout tracé par Dieu. Et June, naïf, pense avoir trouvé le terme de son voyage…
Mer 13 Jan - 13:05
Le nom de cette fête me fit frissonner. C’était ridicule qu’un tel événement annuel puisse me bouleverser à ce point. Et pourtant c’était le cas. Je tâchais de ne rien en montrer et me demandais pourquoi parlait-il de cela ? Le regard fixé sur le garçon, j’attends la suite. Ses explications étaient parfaitement inutiles.
— Je sais très bien en quoi ça consiste.
C’était un demi-aveu. Cette fête m’était très familière malgré mes origines étrangères. Des souvenirs me revinrent de ces processions que j’avais vu et des visages illuminés par la chaleur des bougies. Rien ne pouvait sembler plus vivant à cet instant. Cacher dans l’obscurité comme un être infâme, j’observais ce défilé avec le désir insatiable que je voulais un être pour pourfendre mes propres ténèbres. Si me repaître du sang de certaines demoiselles de la procession ne m’avait rien apporté, j’avais alors désiré la Sainte des Saintes : la Lucia. Voilà pourquoi par deux fois j’ai tenté de me l’approprier et par deux fois Dieu la protégea.
La date qu’il mentionna ne fit que raviver ma frustration. Cette nuit-là, je n’avais parlé à personne si ce n’était les vampires qui m’accompagnaient et… la Lucia. Celle que j’avais prise pour la première que j’ai rencontré. Elles se ressemblaient, sans doute des parentes. Mais je n’avais rencontré personne d’autre. Se pourrait-il qu’il m’ait vu ?
— Qu’avez-vous vu exactement ce jour-là ?
L’idée de devoir éliminer cet homme se faisait plus pressante. Hors quelque chose eut l’effet d’un déclic quand je sortis de mes songes et revis le visage de mon interlocuteur. Une familiarité. Le scrutant, je crus reconnaître quelques traits communs avec la petite Lucia. Ses yeux notamment et ses lèvres. La couleur de ses cheveux était la même. C’était impossible !
— Lucia est représentée par une jeune fille.
Mais le curiosité était trop forte. Je me levai et m’approchai du lit. Lui prenant le menton d’une main sans aucun ménagement, je lui fis lever la tête pour qu’il me regarde.
— Vous mentez.
Pourtant plus je le regardai et plus ses yeux brillaient comme cette nuit-là à la lueur des bougies. Je me penchai vers lui, ma seconde main venant prendre appui sur le matelas.
— Mais si c’est la vérité, pourquoi m’avoir cherché ? N’avez-vous jamais imaginé que je puisse simplement être un fou qui en veut à la vie de la Sainte ?
Quelque part, cette accusation n’était pas infondée. Mais je voulais qu’il prenne de lui-même conscience de la folie qui l’a pris à me chercher. Moi, un être au corps froid, au battement de cœur faible et à la soif de prendre la vie humaine. Qu’espérait-il trouver une fois face à face ? N’avait-il pas senti le souffle de la mort lui caresser l’échine ce soir-là ?
Et Dieu, pouvait-il voir que sa brebis avait malgré tout retrouvé son prédateur ?
— Je sais très bien en quoi ça consiste.
C’était un demi-aveu. Cette fête m’était très familière malgré mes origines étrangères. Des souvenirs me revinrent de ces processions que j’avais vu et des visages illuminés par la chaleur des bougies. Rien ne pouvait sembler plus vivant à cet instant. Cacher dans l’obscurité comme un être infâme, j’observais ce défilé avec le désir insatiable que je voulais un être pour pourfendre mes propres ténèbres. Si me repaître du sang de certaines demoiselles de la procession ne m’avait rien apporté, j’avais alors désiré la Sainte des Saintes : la Lucia. Voilà pourquoi par deux fois j’ai tenté de me l’approprier et par deux fois Dieu la protégea.
La date qu’il mentionna ne fit que raviver ma frustration. Cette nuit-là, je n’avais parlé à personne si ce n’était les vampires qui m’accompagnaient et… la Lucia. Celle que j’avais prise pour la première que j’ai rencontré. Elles se ressemblaient, sans doute des parentes. Mais je n’avais rencontré personne d’autre. Se pourrait-il qu’il m’ait vu ?
— Qu’avez-vous vu exactement ce jour-là ?
L’idée de devoir éliminer cet homme se faisait plus pressante. Hors quelque chose eut l’effet d’un déclic quand je sortis de mes songes et revis le visage de mon interlocuteur. Une familiarité. Le scrutant, je crus reconnaître quelques traits communs avec la petite Lucia. Ses yeux notamment et ses lèvres. La couleur de ses cheveux était la même. C’était impossible !
— Lucia est représentée par une jeune fille.
Mais le curiosité était trop forte. Je me levai et m’approchai du lit. Lui prenant le menton d’une main sans aucun ménagement, je lui fis lever la tête pour qu’il me regarde.
— Vous mentez.
Pourtant plus je le regardai et plus ses yeux brillaient comme cette nuit-là à la lueur des bougies. Je me penchai vers lui, ma seconde main venant prendre appui sur le matelas.
— Mais si c’est la vérité, pourquoi m’avoir cherché ? N’avez-vous jamais imaginé que je puisse simplement être un fou qui en veut à la vie de la Sainte ?
Quelque part, cette accusation n’était pas infondée. Mais je voulais qu’il prenne de lui-même conscience de la folie qui l’a pris à me chercher. Moi, un être au corps froid, au battement de cœur faible et à la soif de prendre la vie humaine. Qu’espérait-il trouver une fois face à face ? N’avait-il pas senti le souffle de la mort lui caresser l’échine ce soir-là ?
Et Dieu, pouvait-il voir que sa brebis avait malgré tout retrouvé son prédateur ?
Mer 13 Jan - 15:50
Chaque mot que June prononce semble raviver quelque chose de profond chez le grand blond. Mais il n’arrête pas. Parle de ce moment qu’il a vécu avec la même certitude que celle qui l’a poussé à chercher son vis-à-vis le temps de sa courte vie. Et ses questions, chacun de ses mots semblait pousser à croire que June ne s’était bel et bien pas trompé.
« Vous… et cet homme en votre compagnie plus tôt. »
Parce que c’était bien ça. Parce que June devait se justifier, inconscient du danger qu’il encourt. Pourquoi lui, si perspicace d’ordinaire, se laissait-il avoir par un homme qui n’avait en rien un comportement digne de confiance ? Aveugle au danger imminent, il s’humecte les lèvres et ne détourne plus les yeux.
« J’ai pris la place de ma sœur, je voulais vous rencontrer. »
Et si l’homme face à lui croyait encore à un mensonge, June en perdit le fil. Le regard illuminé d’une flamme inexplicable, il observe cet homme qui le scrute, et la façon que ses pensées ont de vriller un instant sous la douleur d’être remué de façon si vive n’y font rien. June est sous le charme d’une créature qu’il ne comprenait qu’à peine, une chimère qu’il a tendrement chérie. Quelque chose délie sa langue, et il avoue, perdu dans ces lagons qui le replongent sans peine à une nuit de décembre.
« Ma grand-mère parlait toujours de l’homme qui l’avait trouvée cette nuit de Sanka Lucia. Elle disait que rien n’avait jamais été plus beau… Que si les monstres avaient cette allure, alors elle les suivrait au bout du monde. »
C’était ce que June avait recherché. Rencontrer le danger et s’en enticher. Et le charme avait été réel. June ne réalise pas. Ne se rend pas compte du danger alors qu’il laisse l’instant s’immiscer sous sa chair, faire battre son cœur si humain d’une volonté qui ne s’expliquait que par une existence éphémère. Contre les lèvres du jeune homme, les notes de ce chant d’hiver qu’il avait entonné dans les neiges glaciales de ces sentiers de son enfance. Ici, seule la bougie posée plus loin éclaire l’échange, et la voix du garçon n’est plus aussi enfantine. Aujourd’hui, elle se fait suave et pourtant toujours aussi sûre alors qu’il tend les doigts pour oser toucher le visage qu’il a redessiné dans ses rêves chaque nuit.
« Je vous ai retrouvé. »
Il était sot. Sot de n’avoir jamais pensé plus loin qu’ici, à cet instant précis. Sot de laisser son cœur se noyer dans l’océan de danger qui s’étend devant lui.
« Vous… et cet homme en votre compagnie plus tôt. »
Parce que c’était bien ça. Parce que June devait se justifier, inconscient du danger qu’il encourt. Pourquoi lui, si perspicace d’ordinaire, se laissait-il avoir par un homme qui n’avait en rien un comportement digne de confiance ? Aveugle au danger imminent, il s’humecte les lèvres et ne détourne plus les yeux.
« J’ai pris la place de ma sœur, je voulais vous rencontrer. »
Et si l’homme face à lui croyait encore à un mensonge, June en perdit le fil. Le regard illuminé d’une flamme inexplicable, il observe cet homme qui le scrute, et la façon que ses pensées ont de vriller un instant sous la douleur d’être remué de façon si vive n’y font rien. June est sous le charme d’une créature qu’il ne comprenait qu’à peine, une chimère qu’il a tendrement chérie. Quelque chose délie sa langue, et il avoue, perdu dans ces lagons qui le replongent sans peine à une nuit de décembre.
« Ma grand-mère parlait toujours de l’homme qui l’avait trouvée cette nuit de Sanka Lucia. Elle disait que rien n’avait jamais été plus beau… Que si les monstres avaient cette allure, alors elle les suivrait au bout du monde. »
C’était ce que June avait recherché. Rencontrer le danger et s’en enticher. Et le charme avait été réel. June ne réalise pas. Ne se rend pas compte du danger alors qu’il laisse l’instant s’immiscer sous sa chair, faire battre son cœur si humain d’une volonté qui ne s’expliquait que par une existence éphémère. Contre les lèvres du jeune homme, les notes de ce chant d’hiver qu’il avait entonné dans les neiges glaciales de ces sentiers de son enfance. Ici, seule la bougie posée plus loin éclaire l’échange, et la voix du garçon n’est plus aussi enfantine. Aujourd’hui, elle se fait suave et pourtant toujours aussi sûre alors qu’il tend les doigts pour oser toucher le visage qu’il a redessiné dans ses rêves chaque nuit.
« Je vous ai retrouvé. »
Il était sot. Sot de n’avoir jamais pensé plus loin qu’ici, à cet instant précis. Sot de laisser son cœur se noyer dans l’océan de danger qui s’étend devant lui.
Mer 13 Jan - 16:48
Je tremblai à l’idée qu’il ait vu l’un des nôtres. C’était évident qu’il s’agissait de celui qui nous avait interrompu à l’époque. Je ne savais pas quoi penser de lui, de ce qu’il attendait de moi. Il était aussi fou que sa grand-mère ! Son instinct de survie ne l’alertait pas à mon sujet. C’était invraisemblable et… je me perdis en réflexion. Des idées bien sombres me traversèrent l’esprit, si bien que je ne fis pas attention à ce qu’il se passait. Sa voix traversa le brouillard. Posant le regard sur lui, je vis que ses lèvres remuaient et son chant me parvint. Limpide.
Mes doigts le relâchèrent. Le timbre de sa voix avait beaucoup changé, mais la douceur et la ferveur y étaient toujours. Je me reculai jusqu’à heurter le mur. La chambre n’était pas bien grande donc je ne m’étais pas beaucoup éloigné. Je baissai la tête en fermant les paupières. Je ne pouvais l’accepter.
— Non… marmonnai-je.
Je chassai sa voix de ma tête. Il fallait que je parte. Je lui interdis de croire que j’étais le genre de monstre caché sous le lit d’un enfant. Je refusai qu’il s’imagine être en sécurité. Je me refusai à toucher à sa vie.
Il n’avait aucune raison de poursuivre un être idéalisé. Même sous le nom de monstre, il était très loin de la réalité. Il ne pouvait imaginer ce que j’étais et ce qu’il adviendrait de lui à mon contact. Pauvre fou !
— Oubliez-moi.
Mes mots tombèrent telle une sentence.
— Nous ne nous sommes jamais rencontrés.
Je devais profiter de sa surprise et de sa blessure. Tournant les talons sans ne lui jeter aucun regard, je rejoignis la sortie à grandes enjambées. J’ai dévalé rapidement les escaliers étriqués et j’ai quitté l’auberge. Abandonnant ma cape, je devais mettre la plus grande distance entre lui et moi.
J’ai couru et tourné dans plusieurs petites ruelles. Me voici dans l’une d’elles, sombre et étroite. Et grâce à une puissante impulsion et un peu d’élan, je me propulsai sur le toit de la maison adjacente. Les chemins n’avaient aucune contrainte par en haut. Pas de mur pour vous empêcher de bifurquer. Pas de cul-de-sac pour stopper votre progression. Je frissonnai encore à cette rencontre, ses retrouvailles inopinées. Je n’aurais pas dû partir ainsi.
À cette heure-ci de la nuit, il n’y avait plus personne dans les rues. On ne risquait pas de me voir.
J’espérais oublier rapidement cet homme et les souvenirs qu’il avait ravivé en moi.
Mes doigts le relâchèrent. Le timbre de sa voix avait beaucoup changé, mais la douceur et la ferveur y étaient toujours. Je me reculai jusqu’à heurter le mur. La chambre n’était pas bien grande donc je ne m’étais pas beaucoup éloigné. Je baissai la tête en fermant les paupières. Je ne pouvais l’accepter.
— Non… marmonnai-je.
Je chassai sa voix de ma tête. Il fallait que je parte. Je lui interdis de croire que j’étais le genre de monstre caché sous le lit d’un enfant. Je refusai qu’il s’imagine être en sécurité. Je me refusai à toucher à sa vie.
Il n’avait aucune raison de poursuivre un être idéalisé. Même sous le nom de monstre, il était très loin de la réalité. Il ne pouvait imaginer ce que j’étais et ce qu’il adviendrait de lui à mon contact. Pauvre fou !
— Oubliez-moi.
Mes mots tombèrent telle une sentence.
— Nous ne nous sommes jamais rencontrés.
Je devais profiter de sa surprise et de sa blessure. Tournant les talons sans ne lui jeter aucun regard, je rejoignis la sortie à grandes enjambées. J’ai dévalé rapidement les escaliers étriqués et j’ai quitté l’auberge. Abandonnant ma cape, je devais mettre la plus grande distance entre lui et moi.
J’ai couru et tourné dans plusieurs petites ruelles. Me voici dans l’une d’elles, sombre et étroite. Et grâce à une puissante impulsion et un peu d’élan, je me propulsai sur le toit de la maison adjacente. Les chemins n’avaient aucune contrainte par en haut. Pas de mur pour vous empêcher de bifurquer. Pas de cul-de-sac pour stopper votre progression. Je frissonnai encore à cette rencontre, ses retrouvailles inopinées. Je n’aurais pas dû partir ainsi.
À cette heure-ci de la nuit, il n’y avait plus personne dans les rues. On ne risquait pas de me voir.
J’espérais oublier rapidement cet homme et les souvenirs qu’il avait ravivé en moi.