Sans même s’en apercevoir, Victoire avait fait ralentir sa monture. Pas énormément, loin de là. Mais suffisamment pour que ses paroles ne glissent pas aux oreilles du Duc et de ses comparses, un peu plus loin devant. « Que voulez-vous dire ? Est-ce là une mise en garde car vous pourriez me trahir à tout moment ? » Victoire ne comprenait pas où Stanislava voulait en venir.

Mais après y avoir repensé, tout fit sens à ses yeux. Ou presque. Oui, il est vrai que prendre des décisions trop hâtives pouvaient mener vers une mauvaise gestion du Royaume. Mais concernant sa propre sécurité, la Reine se dit qu’elle pouvait être apte à prendre cette décision elle-même. « Mon grand-père, lorsque j’étais plus jeune, m’a dit qu’il avait recruté lui-même son garde du corps, également. Je me dis qu’afin de lui faire honneur, je pourrais faire de même. »

Et puis ainsi, ledit garde du corps, exempt de toute responsabilités gouvernementale, n’aurait pas d’attaches ou d’intérêts autres que la protection de Victoire, le cas échéant. Elle voyait ainsi un modèle viable pour sa propre protection. « Et ainsi, mes enfants seraient également protégés. » Car ils étaient ce que Victoire avait de plus précieux au monde. Et cette couronne n’y changerait jamais rien.

Victoire était partagée, tirée entre deux eaux de fleuves frères. Dans un sens, elle appréciait le franc parler de Stanislava, qui ne laissait nulle place au doute, qui lui permettait de ne pas avoir à se poser de questions. Pas le moins du monde. C’était bien, d’ailleurs, l’une des rares fois que cela lui arrivait. Avant Stanislava, une seule personne avait réussi à endiguer de la sorte le flot de ses interrogations. Et c’avait été Jean. Ce souvenir, simple et fugace, échauffa le cœur de la Reine. Il serait toujours avec elle, quoi qu’il advienne. Ses enfants en étaient la preuve vivante.

Mais la balance penchait également du sens inverse. La mercenaire avait validé ses craintes en mettant en mots les risques qu’encourraient Victoire à l’engager. Accepter une rondelette somme pour l’abattre elle et ses enfants ? C’était une hypothèse plausible. Pourtant… Pourtant quelque chose soufflait à la Majesté que si c’était une volonté de la rousse, elle ne l’aurait pas dit aussi ouvertement. Ce serait se mettre des bâtons dans les roues soi-même et cela ne faisait pas sens.

Non pas que Victoire ait des connaissances poussées en matière d’assassinats, mais elle était, quelque part, persuadée que cette jeune femme qui se trouvait à ses côtés ne lui mentait pas. Alors, elle mesura le pour et le contre de cette décision à venir et laissa donc la lente chevauchée se poursuivre en silence pendant quelques minutes. Et puis, enfin, le dénouement. « Sans doute que je prends des risques en décidant cela, Stanislava mais… Considérez-vous comme engagée. » Elle aurait tout le temps d’apprendre à la connaître après tout.

« Si vous voulez bien me suivre, je pense qu’il est de mon devoir de vous faire visiter le palais royal, désormais. » Et d’essayer de lire à travers les lignes, si elle y parvenait.