Trop frêle pour porter les responsabilités qu'on veut lui imposer, Lallie les balaye d'un revers de la main, agissant à l'exact opposé. A la cour on se murmure ses dernières excentricités, son manquement à l'étiquette, et l'indignité qu'elle représente pour la Couronne. Lallie s'affirme, cependant pas de la meilleure façon. Elle repousse toutes les attentes qu'on fait porter sur ses épaules, et chérit une liberté illusoire qu'elle souhaiterait avoir.

Au fond, Lallie n'est qu'une enfant blessée, souffrant d'une situation dans laquelle on l'a projetée. Blessée par la déception de l'accueil français, blessée de voir sa mère s'éloigner, la jeune fille n'a trouvé que la colère pour s'exprimer. Sa rage est un moyen d'attirer l'attention, et manifester sa détresse.

Chaque dispute la mortifie un peu plus, désolée des répercussions que son comportement apporte. Elle s'en veut de nuire à sa mère. La tête pleine de contradictions, entre l'amour qu'elle porte à sa mère et ses propres désirs. Et plus elle souffre, plus elle se renferme, plus les querelles fleurissent.

Lallie est une rêveuse, qui rêve de liberté et de tranquillité. Tous ces regards qui jugent ses moindres gestes la rendent méfiante, distante. Elle déteste ces mêmes regards qui attendent une certaine conduite qu'ils ont décidé être la bonne, mais qui ne lui correspond pas. Parfois elle s'y plie par respect pour sa mère, parfois c'est trop.

Car si il n'y a qu'une chose que Lallie espère réellement, c'est ne pas être une simple image façonnée, mais être elle-même. Qui que soit ce « elle ».


  Contrairement à ce qu'on pourrait croire, elle connaît parfaitement l'étiquette * Elle a du mal à effacer son accent germain, et il ressort encore plus quand elle est en colère * Une très jolie écriture * Amoureuse de fauconnerie * Possède un couple de canaris jaunes * Piètre danseuse qui marche sur les pieds de ses partenaires * Maîtrise le piano et la harpe * Parle fort * Un poil coquette quand elle veut * Grande romantique dans l'âme, elle rêve encore au prince charmant * Sort se promener dans les jardins dès qu'elle a besoin de se vider l'esprit * A un peu appris le langage des fleurs * Court dans les couloirs du palais

 
 

  Si tout pouvait redevenir comme avant, comme à cette époque où ils formaient une famille unie, bien loin de cette France qui lui pèse tant.

Lallie se souvient d'une enfance dorée, choyée par des parents aimants. Leur mariage n'était peut-être pas d'amour, néanmoins ça ne les empêchait pas de couvrir leurs enfants d'amour. Basile de deux ans son cadet, un petit frère qu'elle chérit depuis sa naissance, malgré les tensions qui existent actuellement.

Lallie regarde avec nostalgie les fratries, rêveuse quand elle repense à ses aînés laissés dans son pays natal. Issus du premier mariage de leur père, loin d'être frein à leur relation, la petite se rapproche naturellement d'eux. On pouvait entendre leurs rires d'enfants résonner dans le palais, surtout ceux de la jeune princesse, enjouée et énergique. Véritable rayon de soleil pour sa famille.

Lallie sent encore son cœur se serrer à la pensée de son père. Si rien n'enlève la forte affection qu'elle éprouve pour sa mère, c'est de lui qu'elle se sentait la plus proche. Il lui a insufflé son amour pour la fauconnerie, après des heures passées ensembles à dresser ces oiseaux de proie. Ou bien ils partaient tous deux se promener à cheval. Des moments qui paraissent désormais lointains, presque oubliés.

Lallie aimait cette vie tranquille, où personne ne faisait peser de poids sur ses frêles épaules. On s'amusait encore de ses quelques écarts, des illusions qu'elle seule semble apercevoir. Depuis toute petite, Lallie voit des choses sans les comprendre. Des choses qui l'intriguent et l'effraient, auxquelles personne ne croit. Aujourd'hui, on s'agace si elle tente d'en parler. Alors elle ignore – tente du moins – persuadée de sombrer chaque jour un peu plus dans la folie.

La descente eux enfers commence par la peste. Parmi ses nombreuses victimes, il y a son père. Une perte dont Lallie souffre toujours, sans vraiment parvenir à s'en remettre. Sa famille s'effondre, et ce n'est que le début.

Et puis il y a la lettre. Celle qui désigne sa mère comme la nouvelle souveraine de France. Pays méconnu pour la jeune princesse, autrement que des histoires racontées dessus, dont elle s'imagine alors de belles choses. La désillusion est cruelle. A son arrivée, ce sont des regards froids qui l'accueillent, jugeant ses moindres gestes et paroles. On la toise sans l'accepter, on fait comprendre que son accent dérange. Incapable de s'intégrer malgré ses efforts, Lallie explose et se renferme.

Elle sait qu'elle ne fait pas l'unanimité à la cour, sa mère non plus. Mais c'est un choc lorsque l'on attente à sa vie. Sauvée de justesse, le coupable prend la fuite. Et la princesse s'isole d'avantage, refusant dès lors de sortir de ses appartements. Puisqu'on ne veut pas d'elle, qu'on l'oublie, ce sera mieux ainsi.

Pourtant, après des semaines de solitude et de réflexion, Lallie revient sur sa décision. Sa rage soudainement ravivée, décidée à ne pas se laisser faire.

Son retour, elle le fera la tête haute. Du moins, c'est ce qu'elle espère faire croire.