Ven 12 Mar - 17:55
Alors apparut changé en perlece vieux monde calcaire
Le lendemain de leur retour à Paris, juste alors qu’elle s’éveillait dans ce lit qu’elle n’imaginait pas pouvoir lui manquer, elle s’attendit à trouver un monde nouveau. Différent, au moins, sous le prisme de cette expérience acquise dans le sang et les cendres. Une véritable chasseuse, avec une mission tout aussi vraie à son actif.
Pourtant, aussitôt que ses pensées vagabondaient, Béatrice se trouvait acerbe, comme l’eau de la mer avec laquelle elle s’était noyée, l’eau sombre, froide, profonde, du fiel bestial qui l’avait possédé.
Ce qu’il restait de Laurent gardait le silence.
Constantin, quant à lui, l’encouragea à rester deux jours en convalescence. Si rester statique déplaisait forcément à quelqu’un d’aussi têtue que Béatrice, force était de constater que son inquiétude, au moins, la touchait peut être un peu.
Mais un peu seulement.
Au troisième jour, elle décida de quitter le lit pour se dégourdir les jambes, évitant le Cardinal comme son serviteur de peur qu’il ne l’attache aussitôt au matelas.
Elle marcha sans destination dans les rues de Paris, son itinéraire influencé seulement par l’aura des foules qu’elle pressentait au loin. Comme une lettre peu éloquente dont on se serait débarrassée à la va-vite, son visage ne cessait d’arborer cette expression de chiffon. On disait des balades qu’elle éclaircissait l’esprit, mais il apparut à Béatrice qu’il se produisait tout le contraire : le soleil suspendu à son cou délaissait le collier pour devenir une corde qui lui serrait la gorge.
Elle en avait rêvé, cette nuit, les solaires Botherel réduit en morceaux dans les statues du Palais d’où suintaient le sang. Son esprit, face à tant d’abject, mélangeait tout. La comtesse avait dit : un hommage. Elle ne voyait nulle révérence à ses cadavres de pierres.
Elle secoua la tête. En contraste saisissant avec les idées noires et bleus qui l’affligeaient, la verdure du grand parc fleurissait dans des teintes feuilles et rosées. Un vent frais ébouriffait les branches des arbres comme la main d’un parent bienveillant, avant que les pétales bourgeonnants se fassent emporter au gré de son souffle dans une folle aventure. Ce genre de spectacle l’étonnait toujours : qu’il puisse exister des choses si belles, et d’autres si laides, à quelques dizaines d’heures d’intervalle.
Ses yeux suivirent les couleurs, frôlant les quelques badauds du parc, jusqu’à s’arrêter sur l’un d’eux. Le crâne rasé, le dos solide, une taille qui la forçait à tendre la nuque. Ne s’agissait-il pas de...?
Dur à dire à revers, mais l’âme, elle, ne mentait pas. Soulevant ses jupons pour ne pas trébucher, Béatrice acta de trottiner jusqu’à lui, désormais de bien meilleure humeur à l’idée de trouver un ami dans ce parc. Ses jambes douloureuses se rappelèrent aussitôt à elle, et elle termina son parcours en marchant.
— Sadie !
C’était comme apercevoir une source après une pèlerinage interminable dans le désert, voir le ciel après avoir exploré les cavernes ou sentir le soleil sur sa peau après une nuit sempiternelle. Elle manqua presque de lui sauter au cou, avant de se rappeler qu’elle ne portait pas des gants pour rien, et résolut plutôt de s’asseoir à côté de lui dans l’herbe sans s’inquiéter de la terre ou de l’herbe mouillée qui pourrait souiller sa jupe.
— ... Bonjour, lui dit-elle après une courte pause, se remémorant tout juste la politesse la plus élémentaire.
Avec quelqu’un d’autre, sans doute crèverait-elle de honte d’avoir agi avec si peu de raffinement, mais l’air sévère du garçon la mettait à l’aise d’une façon un peu étrange. Si les cernes de ses yeux trahissaient ses mauvais rêves et une plaie violacée, à sa lèvre inférieure, témoignait encore du combat féroce contre la bête, force était de constater que son regard était déjà un peu plus lumineux que lorsqu’il avait parcouru l'étendue verte du jardin.
Pourtant, aussitôt que ses pensées vagabondaient, Béatrice se trouvait acerbe, comme l’eau de la mer avec laquelle elle s’était noyée, l’eau sombre, froide, profonde, du fiel bestial qui l’avait possédé.
Ce qu’il restait de Laurent gardait le silence.
Constantin, quant à lui, l’encouragea à rester deux jours en convalescence. Si rester statique déplaisait forcément à quelqu’un d’aussi têtue que Béatrice, force était de constater que son inquiétude, au moins, la touchait peut être un peu.
Mais un peu seulement.
Au troisième jour, elle décida de quitter le lit pour se dégourdir les jambes, évitant le Cardinal comme son serviteur de peur qu’il ne l’attache aussitôt au matelas.
Elle marcha sans destination dans les rues de Paris, son itinéraire influencé seulement par l’aura des foules qu’elle pressentait au loin. Comme une lettre peu éloquente dont on se serait débarrassée à la va-vite, son visage ne cessait d’arborer cette expression de chiffon. On disait des balades qu’elle éclaircissait l’esprit, mais il apparut à Béatrice qu’il se produisait tout le contraire : le soleil suspendu à son cou délaissait le collier pour devenir une corde qui lui serrait la gorge.
Elle en avait rêvé, cette nuit, les solaires Botherel réduit en morceaux dans les statues du Palais d’où suintaient le sang. Son esprit, face à tant d’abject, mélangeait tout. La comtesse avait dit : un hommage. Elle ne voyait nulle révérence à ses cadavres de pierres.
Elle secoua la tête. En contraste saisissant avec les idées noires et bleus qui l’affligeaient, la verdure du grand parc fleurissait dans des teintes feuilles et rosées. Un vent frais ébouriffait les branches des arbres comme la main d’un parent bienveillant, avant que les pétales bourgeonnants se fassent emporter au gré de son souffle dans une folle aventure. Ce genre de spectacle l’étonnait toujours : qu’il puisse exister des choses si belles, et d’autres si laides, à quelques dizaines d’heures d’intervalle.
Ses yeux suivirent les couleurs, frôlant les quelques badauds du parc, jusqu’à s’arrêter sur l’un d’eux. Le crâne rasé, le dos solide, une taille qui la forçait à tendre la nuque. Ne s’agissait-il pas de...?
Dur à dire à revers, mais l’âme, elle, ne mentait pas. Soulevant ses jupons pour ne pas trébucher, Béatrice acta de trottiner jusqu’à lui, désormais de bien meilleure humeur à l’idée de trouver un ami dans ce parc. Ses jambes douloureuses se rappelèrent aussitôt à elle, et elle termina son parcours en marchant.
— Sadie !
C’était comme apercevoir une source après une pèlerinage interminable dans le désert, voir le ciel après avoir exploré les cavernes ou sentir le soleil sur sa peau après une nuit sempiternelle. Elle manqua presque de lui sauter au cou, avant de se rappeler qu’elle ne portait pas des gants pour rien, et résolut plutôt de s’asseoir à côté de lui dans l’herbe sans s’inquiéter de la terre ou de l’herbe mouillée qui pourrait souiller sa jupe.
— ... Bonjour, lui dit-elle après une courte pause, se remémorant tout juste la politesse la plus élémentaire.
Avec quelqu’un d’autre, sans doute crèverait-elle de honte d’avoir agi avec si peu de raffinement, mais l’air sévère du garçon la mettait à l’aise d’une façon un peu étrange. Si les cernes de ses yeux trahissaient ses mauvais rêves et une plaie violacée, à sa lèvre inférieure, témoignait encore du combat féroce contre la bête, force était de constater que son regard était déjà un peu plus lumineux que lorsqu’il avait parcouru l'étendue verte du jardin.
Ven 2 Avr - 12:48
La voix cristalline le surprit, lame vive lacérant des pensées dont il ne garda aucun souvenir et le ramenant au monde. Sadie prit une inspiration, ne sachant depuis quand il la retenait, et le parfum de sa jeune amie se fit omniprésent maintenant qu'il avait de nouveau conscience des environs. Du tout de suite et du maintenant.
Les choses reprirent forme. L'herbe, le parc, les êtres déambulant sous les frondaisons verdissantes, timides face à l'arrivée du printemps. Les bruits, les odeurs, si différentes de celles qui hantaient sa vue et lui brûlaient la gorge quelques secondes plus tôt, dans le calme invisible d'une absence aussi douce qu'absolue dans son horreur.
Un être plus jeune aurait pu s'agacer de sa propre inattention, de cette garde éventrée et dispersée aux quatre vents. Mais ainsi était l'âme. Un être plus jeune aurait pu prendre peur face à ce néant, ou plus rien ne persistait d'autre que le manque de contrôle et une chute impossible à arrêter. Mais ainsi était l'expérience. Le lycan avait depuis longtemps cessé d'essayer de diriger ces moments égarés faisant défaut à l'état d'alerte constant, épuisant, dans lequel il vivait depuis bientôt plus d'une vie d'homme. L'esprit avait ainsi besoin d'évasion pour ne pas se fracturer. De souplesse et d'abandon. Au moins pouvait-il se permettre de ne pas s'en tenir rigueur quand cela lui arrivait dans un lieu où il n'avait que peu de chance d'être pris en défaut.
Et, après tout, les surprises ne sont pas désagréables par nature.
Sadie tourna la tête vers la frêle humaine se hâtant dans sa direction. Une brève inquiétude plissa ses traits. Sens de nouveau ancrés dans le présent, les détails s'empilèrent un à un ; l'allure claudicante, l'air fatigué, les traces de lutte ou de chute ou de tout tableau qu'elle trouverait bon de peindre en vérité. Et il ne s'offenserait d'aucune oeuvre que la jeune femme lui présenterait, si elle le souhaitait.
Un bref soupir chassant son tracas avant que son amie ne se laissât tomber en un nuage de jupons et de mèches blondes à ses côtés. Le lycan lui sourit. Amusé, comme souvent avec elle, par l'effervescence et l'énergie d'une si petite chose.
« Dame Béatrice, bonjour, » la salua-t-il.
Il ne lui fit pas l'affront de commenter son état, la jeune humaine en ayant très certainement une conscience déjà bien accrue dans ce peuple fait de paraître et d'image. Mais la manière avec laquelle elle venait de se laisser tomber sur l'herbe sans autre forme de procès lui rappela que Béatrice n'était pas toujours aussi attachée aux coutumes de bienséance que le voudrait la société. Un fait que Sadie oubliait, parfois. Surtout quand le destin faisait en sorte de les tenir hors de vue l'un de l'autre pendant de longues périodes.
« Il y a longtemps que nous ne étions pas retrouvés. Comment allez-vous ? » s'enquit-il, sans insister sur l'évidence tacite que quelque chose n'allait pas.
Il inclina la tête sur le côté avec un brin de malice, mains reposant paumes ouvertes sur ses jambes croisées.
« Est-ce la venue du printemps qui vous enjoue ainsi ? »
Just a little hush, babe;
my veins are busy
But my heart's in atrophy —
my veins are busy
But my heart's in atrophy —
La voix cristalline le surprit, lame vive lacérant des pensées dont il ne garda aucun souvenir et le ramenant au monde. Sadie prit une inspiration, ne sachant depuis quand il la retenait, et le parfum de sa jeune amie se fit omniprésent maintenant qu'il avait de nouveau conscience des environs. Du tout de suite et du maintenant.
Les choses reprirent forme. L'herbe, le parc, les êtres déambulant sous les frondaisons verdissantes, timides face à l'arrivée du printemps. Les bruits, les odeurs, si différentes de celles qui hantaient sa vue et lui brûlaient la gorge quelques secondes plus tôt, dans le calme invisible d'une absence aussi douce qu'absolue dans son horreur.
Un être plus jeune aurait pu s'agacer de sa propre inattention, de cette garde éventrée et dispersée aux quatre vents. Mais ainsi était l'âme. Un être plus jeune aurait pu prendre peur face à ce néant, ou plus rien ne persistait d'autre que le manque de contrôle et une chute impossible à arrêter. Mais ainsi était l'expérience. Le lycan avait depuis longtemps cessé d'essayer de diriger ces moments égarés faisant défaut à l'état d'alerte constant, épuisant, dans lequel il vivait depuis bientôt plus d'une vie d'homme. L'esprit avait ainsi besoin d'évasion pour ne pas se fracturer. De souplesse et d'abandon. Au moins pouvait-il se permettre de ne pas s'en tenir rigueur quand cela lui arrivait dans un lieu où il n'avait que peu de chance d'être pris en défaut.
Et, après tout, les surprises ne sont pas désagréables par nature.
Sadie tourna la tête vers la frêle humaine se hâtant dans sa direction. Une brève inquiétude plissa ses traits. Sens de nouveau ancrés dans le présent, les détails s'empilèrent un à un ; l'allure claudicante, l'air fatigué, les traces de lutte ou de chute ou de tout tableau qu'elle trouverait bon de peindre en vérité. Et il ne s'offenserait d'aucune oeuvre que la jeune femme lui présenterait, si elle le souhaitait.
Un bref soupir chassant son tracas avant que son amie ne se laissât tomber en un nuage de jupons et de mèches blondes à ses côtés. Le lycan lui sourit. Amusé, comme souvent avec elle, par l'effervescence et l'énergie d'une si petite chose.
« Dame Béatrice, bonjour, » la salua-t-il.
Il ne lui fit pas l'affront de commenter son état, la jeune humaine en ayant très certainement une conscience déjà bien accrue dans ce peuple fait de paraître et d'image. Mais la manière avec laquelle elle venait de se laisser tomber sur l'herbe sans autre forme de procès lui rappela que Béatrice n'était pas toujours aussi attachée aux coutumes de bienséance que le voudrait la société. Un fait que Sadie oubliait, parfois. Surtout quand le destin faisait en sorte de les tenir hors de vue l'un de l'autre pendant de longues périodes.
« Il y a longtemps que nous ne étions pas retrouvés. Comment allez-vous ? » s'enquit-il, sans insister sur l'évidence tacite que quelque chose n'allait pas.
Il inclina la tête sur le côté avec un brin de malice, mains reposant paumes ouvertes sur ses jambes croisées.
« Est-ce la venue du printemps qui vous enjoue ainsi ? »
Dim 4 Avr - 12:11
Alors apparut changé en perlece vieux monde calcaire
C’était quelque chose, quand les bonnes manières de Sadie surpassaient les siennes. Sentant déjà le rouge lui chatouiller les joues, Béatrice se contenta de baisser les yeux, d’un coup un peu honteuse, sans parvenir à l’être vraiment, hochant la tête et répondant à son bonjour par un autre, presque chuchoté — un réflexe — le saluant pour la seconde fois en une minute.
Cette fois, au moins, avec davantage de pudeur, cette qualité qu’on exigeait des jeunes femmes de son âge.
Sa question, pourtant simple politesse, la rappela à elle-même. Elle sentit l’une de ses mains posées sur son jupon tressaillir, manquant d’effleurer la plaie à sa lèvre comme si ce simple sous-entendu avait suffi à la rouvrir. Oh, elle espérait ne pas être trop mal au point, peinant à accorder le moindre crédit à son propre jugement sur ce sujet là. Mais l’amitié de Sadie lui était précieuse, et il était la dernière personne à laquelle elle souhaitait se présenter sous un mauvais jour.
Ne serait-ce pour ne pas l’inquiéter.
Peut être aurait-il eu été plus sage de simplement tourner les talons, une fois ce dos familier aperçu, mais elle n’aurait pu s’y résoudre. Après tout ce qu’il s’était passé, elle devait s’accrocher à ce qu’il restait de bon, dans cette existence révoltante.
Il lui semblait ne pas avoir d’autres qualités qu’un joli visage et une assurance factice que les gens confondaient avec du charisme : c’était d’autant plus difficile de se regarder dans le miroir dès que sa beauté était mise à mal. À son réveil, elle avait sauté du lit avant d’aller vérifier l’état de Constantin, Scar, et Caelestis. Lorsque vint le moment de vérifier le sien, elle était restée figé devant la glace, abasourdie devant le nombre de plaies à ses bras, ses jambes, les bleus qui avait éclos partout sur son corps comme si c’eut été une branche de forsythia.
Bien entendu, cet attachement à ce qu’il lui restait de beauté ne serait d’aucune utilité au combat. Ce n’est pas comme si les loups garous décideraient soudain de la frapper moins fort la prochaine fois qu’elle en affronterait un sous réserve de son joli minois — et ce n’est pas comme si, non plus, il lui restait le moindre fiancé à impressionner pour ne pas que meure sa mère.
Pourtant, elle se sentait dépossédée, et cela même de choses qu’elle ne devrait pourtant pas perdre si vite.
— Je pense que je vais bien.
Une phrase anodine qui, prise littéralement, le devenait beaucoup moins. Elle ouvrit la bouche pour lui renvoyer la question avant d’être aussitôt distraite par le reste de ses mots. La venue du printemps ? Qu’est-ce que cela ferait d’elle, une fleur ? Elle était tout au plus une rose dont il ne restait que les épines.
— Oh. Vous vous appelez Printemps, maintenant ?
Sourire radieux. Peut-être survivaient encore quelques pétales, finalement. Mais puisque l’heure était à la conversation...
— Si vous faites référence à la célébration à venir, j’avoue être moins... excitée que je ne devrais l’être.
Pour ne pas dire qu’elle redoutait celle-ci. Mais avec toutes ces jeunes filles mortes, immortelles statues, cela lui semblait vulgaire de fêter quoi que ce soit, et encore plus lorsqu’il s’agissait d’une réception qui leur aurait sans doute plu.
— Et vous, Sadie ? Vous allez l’air... Bien. C’est le cas ?
Les apparences étaient parfois trompeuses.
Cette fois, au moins, avec davantage de pudeur, cette qualité qu’on exigeait des jeunes femmes de son âge.
Sa question, pourtant simple politesse, la rappela à elle-même. Elle sentit l’une de ses mains posées sur son jupon tressaillir, manquant d’effleurer la plaie à sa lèvre comme si ce simple sous-entendu avait suffi à la rouvrir. Oh, elle espérait ne pas être trop mal au point, peinant à accorder le moindre crédit à son propre jugement sur ce sujet là. Mais l’amitié de Sadie lui était précieuse, et il était la dernière personne à laquelle elle souhaitait se présenter sous un mauvais jour.
Ne serait-ce pour ne pas l’inquiéter.
Peut être aurait-il eu été plus sage de simplement tourner les talons, une fois ce dos familier aperçu, mais elle n’aurait pu s’y résoudre. Après tout ce qu’il s’était passé, elle devait s’accrocher à ce qu’il restait de bon, dans cette existence révoltante.
Il lui semblait ne pas avoir d’autres qualités qu’un joli visage et une assurance factice que les gens confondaient avec du charisme : c’était d’autant plus difficile de se regarder dans le miroir dès que sa beauté était mise à mal. À son réveil, elle avait sauté du lit avant d’aller vérifier l’état de Constantin, Scar, et Caelestis. Lorsque vint le moment de vérifier le sien, elle était restée figé devant la glace, abasourdie devant le nombre de plaies à ses bras, ses jambes, les bleus qui avait éclos partout sur son corps comme si c’eut été une branche de forsythia.
Bien entendu, cet attachement à ce qu’il lui restait de beauté ne serait d’aucune utilité au combat. Ce n’est pas comme si les loups garous décideraient soudain de la frapper moins fort la prochaine fois qu’elle en affronterait un sous réserve de son joli minois — et ce n’est pas comme si, non plus, il lui restait le moindre fiancé à impressionner pour ne pas que meure sa mère.
Pourtant, elle se sentait dépossédée, et cela même de choses qu’elle ne devrait pourtant pas perdre si vite.
— Je pense que je vais bien.
Une phrase anodine qui, prise littéralement, le devenait beaucoup moins. Elle ouvrit la bouche pour lui renvoyer la question avant d’être aussitôt distraite par le reste de ses mots. La venue du printemps ? Qu’est-ce que cela ferait d’elle, une fleur ? Elle était tout au plus une rose dont il ne restait que les épines.
— Oh. Vous vous appelez Printemps, maintenant ?
Sourire radieux. Peut-être survivaient encore quelques pétales, finalement. Mais puisque l’heure était à la conversation...
— Si vous faites référence à la célébration à venir, j’avoue être moins... excitée que je ne devrais l’être.
Pour ne pas dire qu’elle redoutait celle-ci. Mais avec toutes ces jeunes filles mortes, immortelles statues, cela lui semblait vulgaire de fêter quoi que ce soit, et encore plus lorsqu’il s’agissait d’une réception qui leur aurait sans doute plu.
— Et vous, Sadie ? Vous allez l’air... Bien. C’est le cas ?
Les apparences étaient parfois trompeuses.
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