Mar 9 Mar - 2:19
Engage with the painas a motive
Pourquoi est-ce qu’elle avait dit ça ? À l’abri derrière sa tasse de thé tiède, il lui semblait presque entendre l’écho de ses mots, cette phrase absurde, cette phrase bête. La prochaine fois que nous nous verrons... Un hasard, tout au plus, certainement pas une décision consciente. Quelle chance qu’elle soit la seule sorcière ici, qu’il ne puisse pas entendre ses pensées brouillonnes cingler les unes sur les autres.
Elle termina calmement sa boisson, imitant le geste gracieux de Gabriel, avant de reposer la porcelaine avec un sourire affable. Au tour de la pâtisserie, désormais. L’idée que Monsieur de Sercey n’attende qu’elle pour partir — ou pire ! la regarde manger, ne la mettait pas du tout à l’aise. Elle s’efforça d’avaler les morceaux comme si de rien était, à défaut de les savourer : et c’était bien dommage car depuis qu’elle n’était plus personne, rares étaient les occasions de manger des gourmandises aussi sophistiquées.
Béatrice manqua presque de s’étouffer lorsqu’il la qualifia de soleil. Sans qu’il ne le sache, sans doute, Gabriel venait de lui offrir un compliment cher à son cœur. On pouvait louer sa beauté, ses traits délicats, sa grâce — cela, bien sûr, lui faisait plaisir, mais c’était des qualités propres, presque indissociables des jeunes filles de sa naissance, de son âge, de son éducation.
En revanche, combien de ces demoiselles de bonne famille, toutes autour d’eux, pouvaient se targuer d’être solaire ?
Combien pouvaient se targuer d’incarner l’astre qui décorait le blason Botherel ?
Je... Merci.
Elle lui sourit, un peu désolée, encore incertaine.
La conversation reprit son cours, sa légèreté — Béatrice se baignait dedans. Elle fut tout aussi embarrassée lorsqu’il ne dédaigna pas l’idée de la revoir. Tout, autour d’elle pourtant, était éphémère : les instants ne duraient pas et les gens non plus. L’idée qu’ils puissent se recroiser un jour, tous les deux intacts, tous les deux volontaires, détachés du hasard, lui parut presque surréelle.
Mais ça ne mènerait à rien.
Car les instants ne duraient pas, et les gens non plus.
Vous avez raison. Son ton devint un peu plus lourd. Sa pensée de l’instant avait tiré les chaînes de son pont-levis.
À quoi est-ce qu’elle jouait ?
Ma présence sera un cadeau bien suffisant. Encore l’une de ces blagues...
Elle avala le dernier morceau de sa pâtisserie avant de s’essuyer les lèvres avec la serviette laissée à sa disposition. Son regard baignait du même éclat, mais paraissait d’un coup plus acéré.
Un caprice qui n’avait aucun sens, ce garçon. Qu’elle soit charmée, ou touchée d’amitié, les choses se termineraient de la même façon : une mort, un deuil, et puis plus rien. C’était absurde de s’attacher à quelqu’un hors de l’église, plus encore que s’attacher à ceux dedans, tout aussi éphémères : absurde et cruel d’apprécier la présence de quelqu’un qui ne nous connait pas, ne pourra jamais nous connaître.
Elle n’aurait pas de funérailles. Avec le temps, elle avait fait la paix avec cette idée : ses parents comme son frère, après tout, n’en avaient pas eu et n’en demeuraient pas pour le moins des gens nobles. Mais ils avaient eu des larmes, des sanglots, des cauchemars aussi, des souvenirs viciés là où elle n’aurait que le silence — de la vie de Monsieur de Sercey, elle disparaîtrait sans qu’il ne sache jamais pourquoi, sans qu’il ne sache quelle créature horrible avait répandu ses entrailles.
... Nous avons assez traîné, ne pensez-vous pas ?
Elle se leva de sa chaise, bien là, et pourtant plus vraiment.
Elle termina calmement sa boisson, imitant le geste gracieux de Gabriel, avant de reposer la porcelaine avec un sourire affable. Au tour de la pâtisserie, désormais. L’idée que Monsieur de Sercey n’attende qu’elle pour partir — ou pire ! la regarde manger, ne la mettait pas du tout à l’aise. Elle s’efforça d’avaler les morceaux comme si de rien était, à défaut de les savourer : et c’était bien dommage car depuis qu’elle n’était plus personne, rares étaient les occasions de manger des gourmandises aussi sophistiquées.
Béatrice manqua presque de s’étouffer lorsqu’il la qualifia de soleil. Sans qu’il ne le sache, sans doute, Gabriel venait de lui offrir un compliment cher à son cœur. On pouvait louer sa beauté, ses traits délicats, sa grâce — cela, bien sûr, lui faisait plaisir, mais c’était des qualités propres, presque indissociables des jeunes filles de sa naissance, de son âge, de son éducation.
En revanche, combien de ces demoiselles de bonne famille, toutes autour d’eux, pouvaient se targuer d’être solaire ?
Combien pouvaient se targuer d’incarner l’astre qui décorait le blason Botherel ?
Je... Merci.
Elle lui sourit, un peu désolée, encore incertaine.
La conversation reprit son cours, sa légèreté — Béatrice se baignait dedans. Elle fut tout aussi embarrassée lorsqu’il ne dédaigna pas l’idée de la revoir. Tout, autour d’elle pourtant, était éphémère : les instants ne duraient pas et les gens non plus. L’idée qu’ils puissent se recroiser un jour, tous les deux intacts, tous les deux volontaires, détachés du hasard, lui parut presque surréelle.
Mais ça ne mènerait à rien.
Car les instants ne duraient pas, et les gens non plus.
Vous avez raison. Son ton devint un peu plus lourd. Sa pensée de l’instant avait tiré les chaînes de son pont-levis.
À quoi est-ce qu’elle jouait ?
Ma présence sera un cadeau bien suffisant. Encore l’une de ces blagues...
Elle avala le dernier morceau de sa pâtisserie avant de s’essuyer les lèvres avec la serviette laissée à sa disposition. Son regard baignait du même éclat, mais paraissait d’un coup plus acéré.
Un caprice qui n’avait aucun sens, ce garçon. Qu’elle soit charmée, ou touchée d’amitié, les choses se termineraient de la même façon : une mort, un deuil, et puis plus rien. C’était absurde de s’attacher à quelqu’un hors de l’église, plus encore que s’attacher à ceux dedans, tout aussi éphémères : absurde et cruel d’apprécier la présence de quelqu’un qui ne nous connait pas, ne pourra jamais nous connaître.
Elle n’aurait pas de funérailles. Avec le temps, elle avait fait la paix avec cette idée : ses parents comme son frère, après tout, n’en avaient pas eu et n’en demeuraient pas pour le moins des gens nobles. Mais ils avaient eu des larmes, des sanglots, des cauchemars aussi, des souvenirs viciés là où elle n’aurait que le silence — de la vie de Monsieur de Sercey, elle disparaîtrait sans qu’il ne sache jamais pourquoi, sans qu’il ne sache quelle créature horrible avait répandu ses entrailles.
... Nous avons assez traîné, ne pensez-vous pas ?
Elle se leva de sa chaise, bien là, et pourtant plus vraiment.
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