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Dim 17 Jan - 21:38
Elle passait une mauvaise journée et c’était votre faute.
Qu’on se le dise : si elle avait su, elle ne se serait jamais assise à côté de vous. Elle ne se serait pas assise tout court, d’ailleurs, elle aurait pris son morceau de pain, sa pomme, et puis elle serait rentrée — même si elle avait faim, face à vos sentiments, cela pouvait attendre.
Mais elle s’était assise. Et maintenant, vous voilà. D’abord, elle ne vous remarque pas. Elle est trop occupée à fustiger dans ses pensées le pauvre bougre qui lui a donné cette fringale, juste en la bousculant. Il ne pouvait pas manger à l’heure, comme tout le monde ? Et regarder devant lui, tant qu’à faire.
Ça s’était passé ainsi :
D’abord elle était Béatrice, marchant dans les rues de Paris loin des foules, avec la mission très sérieuse d’acheter une nouvelle épée pour les chasses à venir (on lui avait parlé d'un coéquipier, qu'il était temps pour elle) et puis elle ne l’était plus. Non, cette fois elle était Joseph, et Joseph était très fatigué, il avait beaucoup travaillé aujourd’hui et n’avait pas eu le temps de grignoter quoi que ce soit, et il pensa à sa femme, si elle l’apprenait, elle lui dirait « mon bon Joseph, tu sais bien qu’il ne faut pas sauter les repas », et d’ailleurs il pensa à sa cuisine, sa bonne soupe d'oignons, et ça lui donnait encore plus faim et —
Et maintenant, elle était Béatrice, et son ventre gargouillait malgré un déjeuner d’une taille tout à fait raisonnable. Si elle pouvait trouver beaucoup à redire sur le gîte que lui offrait Constantin, force était de constater que son couvert éclipsait largement celui du monastère où on l’avait entraîné : Même s’ils ne mangeaient ensembles que le soir, l’ambiance à table était presque chaleureuse (pour peu qu’on omette les regards noirs d’Alfred). Déjà, on se parlait, et c’était beaucoup. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, ses repas se prenaient dans un silence de mort tandis qu’une des sœurs lisait la bible à voix-haute.
Peu importe. Une pomme et un morceau de pain suffirait à tromper son souvenir d’appétit. C’est comme ça qu’elle termine sur le banc, avec vous : les autres sont pris par des tourtereaux (ugh) et sur celui là-bas, un chat qu’elle préférait ne pas déranger. Elle ne resterait pas longtemps, de toute façon.
Elle mange, la tête ailleurs. C’est à cause de ça, sans doute, qu’elle se met à divaguer. Elle pense à Paris, et combien la ville contraste avec le quotidien vécu alors. Tellement de bruit ! Tellement de gens ! Parfois, on l’interpellait dans la rue. Les nonnes, elles, ne la regardaient jamais.
Ce n’est pas la première fois qu’elle y vient, mais c’est la première fois qu’elle y marche seule.
Elle pense aux longues balades, aux rires qui éclatent dans les rues (avec qui les partageaient-elles ?), ses pensées se mêlent : elle pense à son frère, à ses parents qui marchaient devant eux, elle pense qu’ils ne sont plus, qu’elle ne les reverra jamais, elle pense à la dernière fois qu’elle les a vu sans savoir que c’était la dernière fois, aux derniers mots échangés alors (elle ne les retrouvait pas), et puis quelle dommage pour sa sœur, sa femme, sa fille —
Sa sœur ?
Théodora comme Castia se portaient au mieux.
Elle cligna des yeux plusieurs fois et se rendit compte qu’ils étaient humides. Pour qui s’apprêtait-elle à pleurer ?
Et puis vous sursautez. Sa pomme, marquée de ses dents, lui échappe et roule dans la poussière. Vous marmonnez un excuse.
Elle passe une mauvaise journée, et c’est votre faute.
Avec un claquement de langue audible, elle ramasse son fruit par le pédoncule : sans surprise, la partie croquée est devenue noire de saletés. Elle n’avait même pas eu le temps d’en manger la moitié. Un morceau de pain, ça restait maigre comme repas, même pour apaiser l’appétit d’un autre.
Elle se rend compte qu’elle aimerait pleurer, et se dit que c’est tout de même un peu disproportionné pour une pomme, il y a des choses plus graves, il y a tout une famille de perdue, le feu la mort les blessures la douleur.
Bon, là, ça commençait à suffire. Elle se masse la tempe, agacée par vos humeurs.
Elle vous demanderait bien c’est quoi votre problème, mais malheureusement, elle le connaît et le partage. Alors elle se tourne vers vous, parce que sinon vous n’aviez pas fini, et elle aimerait manger ce qu’il lui reste de pain en paix puisque sa pomme était fichue (par votre faute), et ne tenait pas non plus à partir parce que ça ne se faisait pas, de réveiller un chat qui dort.
C’est cela, oui, certainement. Ce n’est pas du tout l’empathie pour cette situation qu’elle ne connaît que trop bien, et que vous connaissez mieux qu’elle encore, qui l’oblige à vous demander : « Monsieur ? Vous allez bien ? »
Merci pour vos larmes, mais non merci. Elle les a déjà ravalé : C’était votre problème à vous, pas le sien. Elle, était une source tarie.
« Vous faites peine à voir. » Elle ne commenterait pas l'état de votre coeur.
Qu’on se le dise : si elle avait su, elle ne se serait jamais assise à côté de vous. Elle ne se serait pas assise tout court, d’ailleurs, elle aurait pris son morceau de pain, sa pomme, et puis elle serait rentrée — même si elle avait faim, face à vos sentiments, cela pouvait attendre.
Mais elle s’était assise. Et maintenant, vous voilà. D’abord, elle ne vous remarque pas. Elle est trop occupée à fustiger dans ses pensées le pauvre bougre qui lui a donné cette fringale, juste en la bousculant. Il ne pouvait pas manger à l’heure, comme tout le monde ? Et regarder devant lui, tant qu’à faire.
Ça s’était passé ainsi :
D’abord elle était Béatrice, marchant dans les rues de Paris loin des foules, avec la mission très sérieuse d’acheter une nouvelle épée pour les chasses à venir (on lui avait parlé d'un coéquipier, qu'il était temps pour elle) et puis elle ne l’était plus. Non, cette fois elle était Joseph, et Joseph était très fatigué, il avait beaucoup travaillé aujourd’hui et n’avait pas eu le temps de grignoter quoi que ce soit, et il pensa à sa femme, si elle l’apprenait, elle lui dirait « mon bon Joseph, tu sais bien qu’il ne faut pas sauter les repas », et d’ailleurs il pensa à sa cuisine, sa bonne soupe d'oignons, et ça lui donnait encore plus faim et —
Et maintenant, elle était Béatrice, et son ventre gargouillait malgré un déjeuner d’une taille tout à fait raisonnable. Si elle pouvait trouver beaucoup à redire sur le gîte que lui offrait Constantin, force était de constater que son couvert éclipsait largement celui du monastère où on l’avait entraîné : Même s’ils ne mangeaient ensembles que le soir, l’ambiance à table était presque chaleureuse (pour peu qu’on omette les regards noirs d’Alfred). Déjà, on se parlait, et c’était beaucoup. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, ses repas se prenaient dans un silence de mort tandis qu’une des sœurs lisait la bible à voix-haute.
Peu importe. Une pomme et un morceau de pain suffirait à tromper son souvenir d’appétit. C’est comme ça qu’elle termine sur le banc, avec vous : les autres sont pris par des tourtereaux (ugh) et sur celui là-bas, un chat qu’elle préférait ne pas déranger. Elle ne resterait pas longtemps, de toute façon.
Elle mange, la tête ailleurs. C’est à cause de ça, sans doute, qu’elle se met à divaguer. Elle pense à Paris, et combien la ville contraste avec le quotidien vécu alors. Tellement de bruit ! Tellement de gens ! Parfois, on l’interpellait dans la rue. Les nonnes, elles, ne la regardaient jamais.
Ce n’est pas la première fois qu’elle y vient, mais c’est la première fois qu’elle y marche seule.
Elle pense aux longues balades, aux rires qui éclatent dans les rues (avec qui les partageaient-elles ?), ses pensées se mêlent : elle pense à son frère, à ses parents qui marchaient devant eux, elle pense qu’ils ne sont plus, qu’elle ne les reverra jamais, elle pense à la dernière fois qu’elle les a vu sans savoir que c’était la dernière fois, aux derniers mots échangés alors (elle ne les retrouvait pas), et puis quelle dommage pour sa sœur, sa femme, sa fille —
Sa sœur ?
Théodora comme Castia se portaient au mieux.
Elle cligna des yeux plusieurs fois et se rendit compte qu’ils étaient humides. Pour qui s’apprêtait-elle à pleurer ?
Et puis vous sursautez. Sa pomme, marquée de ses dents, lui échappe et roule dans la poussière. Vous marmonnez un excuse.
Elle passe une mauvaise journée, et c’est votre faute.
Avec un claquement de langue audible, elle ramasse son fruit par le pédoncule : sans surprise, la partie croquée est devenue noire de saletés. Elle n’avait même pas eu le temps d’en manger la moitié. Un morceau de pain, ça restait maigre comme repas, même pour apaiser l’appétit d’un autre.
Elle se rend compte qu’elle aimerait pleurer, et se dit que c’est tout de même un peu disproportionné pour une pomme, il y a des choses plus graves, il y a tout une famille de perdue, le feu la mort les blessures la douleur.
Bon, là, ça commençait à suffire. Elle se masse la tempe, agacée par vos humeurs.
Elle vous demanderait bien c’est quoi votre problème, mais malheureusement, elle le connaît et le partage. Alors elle se tourne vers vous, parce que sinon vous n’aviez pas fini, et elle aimerait manger ce qu’il lui reste de pain en paix puisque sa pomme était fichue (par votre faute), et ne tenait pas non plus à partir parce que ça ne se faisait pas, de réveiller un chat qui dort.
C’est cela, oui, certainement. Ce n’est pas du tout l’empathie pour cette situation qu’elle ne connaît que trop bien, et que vous connaissez mieux qu’elle encore, qui l’oblige à vous demander : « Monsieur ? Vous allez bien ? »
Merci pour vos larmes, mais non merci. Elle les a déjà ravalé : C’était votre problème à vous, pas le sien. Elle, était une source tarie.
« Vous faites peine à voir. » Elle ne commenterait pas l'état de votre coeur.
Mar 19 Jan - 19:01
Vous auriez pu ne même pas les remarquer, mais deux jeunes femmes - fort belles puisqu'elles captivent les regards de l'instant - passent non loin avec leurs éventails. Elles sont de hautes naissances, cela se voit rien qu'à leurs atours.
"Diane, ne serait-ce pas le Marquis de Sercey, là-bas ?"
"Oui ma sœur, je le reconnais bien."
"Et si nous allions lui parler ?"
"Certainement pas ! Cet homme est un goujat !"
"Pourquoi donc, Marie-Isabelle ?"
"Vous n'avez donc pas entendu les dires qui courrent sur lui ?"
"Expliquez-vous enfin !"
"Il a refusé de rencontre la Marquise de Bellevallée, au motif que sa figure lui était intolérable à regarder !"
"Non ?! Vraiment ?!"
"Absolument, j'ai vu la lettre, et c'était bien signé de la part du Marquis, croyez-moi !"
"Eh bien... Quelle goujat."
"Je ne vous le fais pas dire, ma soeur ! Parait-il que la jeune Françoise s'est faite rouer de coups par son père tant il était furieux ! La pauvre avait apparemment les jambes toutes bleues de ce que j'ai réussi à glaner à ses domestiques..."
"Quelle horreur... Les hommes se croient vraiment tout permis !"
"Scandaleux... Mais que pouvons nous y faire ?"
"Rien sans doute. Rentrons vite au château, Mère nous y attend surement."
Et les voilà qui s'éclipsent, entourées de leurs propres domestiques qui n'osent pas vous lancer de regards.
Bruits de couloirs?
Vous auriez pu ne même pas les remarquer, mais deux jeunes femmes - fort belles puisqu'elles captivent les regards de l'instant - passent non loin avec leurs éventails. Elles sont de hautes naissances, cela se voit rien qu'à leurs atours.
"Diane, ne serait-ce pas le Marquis de Sercey, là-bas ?"
"Oui ma sœur, je le reconnais bien."
"Et si nous allions lui parler ?"
"Certainement pas ! Cet homme est un goujat !"
"Pourquoi donc, Marie-Isabelle ?"
"Vous n'avez donc pas entendu les dires qui courrent sur lui ?"
"Expliquez-vous enfin !"
"Il a refusé de rencontre la Marquise de Bellevallée, au motif que sa figure lui était intolérable à regarder !"
"Non ?! Vraiment ?!"
"Absolument, j'ai vu la lettre, et c'était bien signé de la part du Marquis, croyez-moi !"
"Eh bien... Quelle goujat."
"Je ne vous le fais pas dire, ma soeur ! Parait-il que la jeune Françoise s'est faite rouer de coups par son père tant il était furieux ! La pauvre avait apparemment les jambes toutes bleues de ce que j'ai réussi à glaner à ses domestiques..."
"Quelle horreur... Les hommes se croient vraiment tout permis !"
"Scandaleux... Mais que pouvons nous y faire ?"
"Rien sans doute. Rentrons vite au château, Mère nous y attend surement."
Et les voilà qui s'éclipsent, entourées de leurs propres domestiques qui n'osent pas vous lancer de regards.
Jeu 21 Jan - 14:22
Si vous aviez combien de fois elle a entendu cette réplique ! Et elle reste toujours aussi peu convaincante. Béatrice ne se gêne pas pour vous le signaler d’un haussement de sourcil dubitatif, avant de se rabattre contre son siège, les bras croisés. Le regard qu’elle vous lance alors est perçant, mais pas hostile : elle cherchait à savoir à qui elle avait à faire, au delà de l’homme endeuillé d’une famille partie en flammes.
« Béatrice. »
D’elle, vous n’obtiendrez que cela : avec votre allure de noble, elle préfère ne pas divulguer à quelle défunte lignée elle appartient. Lorsqu’elle s’était trouvée seule au monde, lorsqu’elle comprit qu’elle ne reverrait plus jamais ses parents, c’était le silence, cette abandon sourd qui l’avait frappé. Les amis de sa famille ne l’étaient plus, ne l’avaient jamais été, tout comme les siens dont elle n’entendit plus un mot. Et même si elle se persuada que c’était pour le mieux, quand on marchait sur la voie qu’elle s’apprêtait à emprunter, ce n'était qu'un mensonge de plus pour cacher combien elle s’était sentie trahie et aliénée.
À votre tour de la sortir de ses pensées avec votre question. Elle regarde son pain, sa pomme, puis vous sourit :
« Vous êtes un fin observateur. » C’est d’autant plus ironique sur ses lèvres, dans ses yeux.
Elle s’apprête à déplorer son repas quand son attention est attirée ailleurs. Une conversation a lieu juste sous votre nez, et comme c’est commode, puisque vous en êtes le sujet principal. Les ragots s’enchaînent et le visage de Béatrice se durcit, avant de perdre toute contenance quand le titre de Françoise surgit de nulle part. La sorcière devint blanche comme un linge.
Sacrée coïncidence — juste alors qu’elle pensait aux amis qui n'étaient plus... Quoiqu’elle y pensait tous les jours : ça devait bien lui arriver tôt ou tard.
Elle aurait préféré tard.
Elle finit par se tourner vers vous avec une expression indéchiffrable, une expression qui vous cherche, ou essaie, tout du moins, et finit par dire :
« En voilà des manières déplorables. » Ce n’est pas comme si elle avait débarqué chez un grand cardinal, insulté son valet et critiqué l’état de sa maison, quelques jours auparavant. « Mais les vôtres sont pires encore si ce qu’elles racontent est vrai. On ne vous a jamais appris que c'est ce qu'il y a à l'intérieur qui compte ? » Peut-être que les amis qui ne l’étaient plus l’étaient encore un peu pour elle.
« Béatrice. »
D’elle, vous n’obtiendrez que cela : avec votre allure de noble, elle préfère ne pas divulguer à quelle défunte lignée elle appartient. Lorsqu’elle s’était trouvée seule au monde, lorsqu’elle comprit qu’elle ne reverrait plus jamais ses parents, c’était le silence, cette abandon sourd qui l’avait frappé. Les amis de sa famille ne l’étaient plus, ne l’avaient jamais été, tout comme les siens dont elle n’entendit plus un mot. Et même si elle se persuada que c’était pour le mieux, quand on marchait sur la voie qu’elle s’apprêtait à emprunter, ce n'était qu'un mensonge de plus pour cacher combien elle s’était sentie trahie et aliénée.
À votre tour de la sortir de ses pensées avec votre question. Elle regarde son pain, sa pomme, puis vous sourit :
« Vous êtes un fin observateur. » C’est d’autant plus ironique sur ses lèvres, dans ses yeux.
Elle s’apprête à déplorer son repas quand son attention est attirée ailleurs. Une conversation a lieu juste sous votre nez, et comme c’est commode, puisque vous en êtes le sujet principal. Les ragots s’enchaînent et le visage de Béatrice se durcit, avant de perdre toute contenance quand le titre de Françoise surgit de nulle part. La sorcière devint blanche comme un linge.
Sacrée coïncidence — juste alors qu’elle pensait aux amis qui n'étaient plus... Quoiqu’elle y pensait tous les jours : ça devait bien lui arriver tôt ou tard.
Elle aurait préféré tard.
Elle finit par se tourner vers vous avec une expression indéchiffrable, une expression qui vous cherche, ou essaie, tout du moins, et finit par dire :
« En voilà des manières déplorables. » Ce n’est pas comme si elle avait débarqué chez un grand cardinal, insulté son valet et critiqué l’état de sa maison, quelques jours auparavant. « Mais les vôtres sont pires encore si ce qu’elles racontent est vrai. On ne vous a jamais appris que c'est ce qu'il y a à l'intérieur qui compte ? » Peut-être que les amis qui ne l’étaient plus l’étaient encore un peu pour elle.
Ven 22 Jan - 22:18
Cette réplique là non plus, Béatrice ne la trouvait pas convaincante.
Pourtant, même si elle ne vous connaissait pas, vous ne lui sembliez pas du genre à dissimuler vos pensées véritables — et les intuitions de la sorcière s’avéraient rarement erronées : elles les voyaient comme son pouvoir qui percutait avant elle. Les lèvres plissées, les yeux tout autant, elle vous considéra un instant avant de déclarer :
« C’est pour ça que je vous ai laissé le bénéfice du doute. Si ce qu’elles racontent est vrai. Vous êtes observateur, mais un peu dur de la feuille, Monsieur de Sercey. » C’est un sourire taquin mais amicale qui fleurit sur ses lèvres : détendre l’atmosphère et, peut être, vous changer les idées. Rien de mieux qu’un démon dans le présent pour vous faire oublier ceux du passé !
Mais elle reprend bien vite son sérieux lorsque vous évoquez les deux chipies, regardant les pavés où elles se tenaient il y a cela quelques instants. Elles étaient déjà loin sans doute, mais leurs commentaires, prononcés avec une légèreté dégoûtante, perturbaient encore Béatrice.
Et puis vous dites une telle énormité qu’elle se sort aussi tôt de cet état pour vous dire :
« Quoi ? Non ! Enfin, Monsieur, réfléchissez. » Ce n’est pas dit avec le ton du dédain, mais bien celui de l’encouragement sincère. « Si vous cédez à la demande du marquis, ça servira juste à lui montrer que sa technique fonctionne. Vous tenez vraiment à voir votre nom traîné une nouvelle fois dans la boue ? À apprendre qu’il a encore battu sa fille parce que vous refusiez un autre de ses caprices ? »
Elle secoua la tête, comme si la question lui était destinée, ou qu’il fallait vous aider à y répondre. Elle finit par soupirer, croisant les bras avec l’air de ne plus savoir quoi faire de vous. Ultimement, elle se rendait bien compte que c’était votre choix : elle n’est qu’une sorcière dont vous avez gâché le repas. Et pourtant, elle ne peut s’empêcher de croire que vous ferez la chose juste : c’est ce qui semblait vous motiver, après tout, à dire une telle bêtise.
Vous lui rappeliez son frère — toujours à foncer la tête la première dans le danger au nom de ce qui était moral. Et s’il courrait si vite dans les embrouilles, c’était bien parce qu’elle était légère, cette tête.
Elle réalisait que maintenant qu’il était parti, c’était à elle qu’avait échoué cette mauvaise habitude.
« Si vous comptez vraiment rendre visite au marquis, n’oubliez pas de prendre un gourdin avec vous. » C’est bien sûr dit sur le ton de la plaisanterie, mais elle le pense un peu quand même. Elle prit une nouvelle bouchée de son pain pour se tempérer. « Il mériterait qu’on lui enseigne les bonnes manières, et comment on traite une enfant. »
Pourtant, même si elle ne vous connaissait pas, vous ne lui sembliez pas du genre à dissimuler vos pensées véritables — et les intuitions de la sorcière s’avéraient rarement erronées : elles les voyaient comme son pouvoir qui percutait avant elle. Les lèvres plissées, les yeux tout autant, elle vous considéra un instant avant de déclarer :
« C’est pour ça que je vous ai laissé le bénéfice du doute. Si ce qu’elles racontent est vrai. Vous êtes observateur, mais un peu dur de la feuille, Monsieur de Sercey. » C’est un sourire taquin mais amicale qui fleurit sur ses lèvres : détendre l’atmosphère et, peut être, vous changer les idées. Rien de mieux qu’un démon dans le présent pour vous faire oublier ceux du passé !
Mais elle reprend bien vite son sérieux lorsque vous évoquez les deux chipies, regardant les pavés où elles se tenaient il y a cela quelques instants. Elles étaient déjà loin sans doute, mais leurs commentaires, prononcés avec une légèreté dégoûtante, perturbaient encore Béatrice.
Et puis vous dites une telle énormité qu’elle se sort aussi tôt de cet état pour vous dire :
« Quoi ? Non ! Enfin, Monsieur, réfléchissez. » Ce n’est pas dit avec le ton du dédain, mais bien celui de l’encouragement sincère. « Si vous cédez à la demande du marquis, ça servira juste à lui montrer que sa technique fonctionne. Vous tenez vraiment à voir votre nom traîné une nouvelle fois dans la boue ? À apprendre qu’il a encore battu sa fille parce que vous refusiez un autre de ses caprices ? »
Elle secoua la tête, comme si la question lui était destinée, ou qu’il fallait vous aider à y répondre. Elle finit par soupirer, croisant les bras avec l’air de ne plus savoir quoi faire de vous. Ultimement, elle se rendait bien compte que c’était votre choix : elle n’est qu’une sorcière dont vous avez gâché le repas. Et pourtant, elle ne peut s’empêcher de croire que vous ferez la chose juste : c’est ce qui semblait vous motiver, après tout, à dire une telle bêtise.
Vous lui rappeliez son frère — toujours à foncer la tête la première dans le danger au nom de ce qui était moral. Et s’il courrait si vite dans les embrouilles, c’était bien parce qu’elle était légère, cette tête.
Elle réalisait que maintenant qu’il était parti, c’était à elle qu’avait échoué cette mauvaise habitude.
« Si vous comptez vraiment rendre visite au marquis, n’oubliez pas de prendre un gourdin avec vous. » C’est bien sûr dit sur le ton de la plaisanterie, mais elle le pense un peu quand même. Elle prit une nouvelle bouchée de son pain pour se tempérer. « Il mériterait qu’on lui enseigne les bonnes manières, et comment on traite une enfant. »
Dim 24 Jan - 16:20
Ce petit son qui vous avait échappé, c’était bien un rire ? Le rictus de Béatrice s’agrandit en conséquence. Si elle ne s’efforçait pas de se parer ainsi de ses grands airs, elle rayonnerait presque de fierté — et puis disons-le, votre éclat était plaisant à l’oreille comme à la vue. Elle posa les yeux sur vous, jaugeant de votre état, et l’espace d’un instant, sentit vos ténèbres reculer.
Bien.
C’était donc effectivement comme cela qu’il fallait procéder.
« C’est bien ça le problème. Vous vous seriez rendu chez lui pour déguster le thé au lieu de lui jeter à la figure comme il le mérite. »
Elle s’assombrit. Déjà à l’époque, elle trouvait la présence du patriarche corrosive : la pourriture qui lui rongeait le cœur était contagieuse. Et bien sûr, qu’elle considère Françoise comme une amie n’aidait en rien son jugement. Maintenant, elle ne l’était plus, et bien malgré elle, Béatrice se sentait bête de s’inquiéter de son sort : ce n’était pas une délicatesse que lui avait étendu la noble.
Sa situation était compliquée — et alors ? La sienne aussi, et bien plus, et pourtant elle n’en faisait pas tout un fromage.
Ce qui ne la décourageait pas de prendre sa défense devant un parfait inconnu, pour changer des circonstances sur lesquelles elle ne pouvait agir que de loin.
Votre question l’arrête : elle réalise bien qu’elle dépasse les bornes, se trahit petit à petit. Elle se tait un instant, et cette fois, appuie son esprit sur le vôtre volontairement : étiez-vous digne de confiance, monsieur de Sercey ? Les lèvres mentent mais pas les âmes.
Et pas les yeux non plus.
N’étaient-ils pas les reflets de celles-ci ?
Les vôtres ont vu beaucoup — plus qu’elle encore.
Lorsque vos lèvres s’étirent dans un sourire, sa chaleur ne monte pas jusqu’à eux. Vous avez des yeux qui mentent — non.
Elle avait des yeux qui mentent, à vous, aux autres, à elle, tout le monde. Leur feu était éteint, mais pas mort : c’était des bûches encore chaudes. Le testament d’un grand incendie. Ou peut-être des vicissitudes de son existence : à chaque jour son souffle qui attisait les braises — était-ce vraiment le vent qui gardait le feu sage, ou elle-même ? Au nom de quoi ? De quelle peur ? De s’immoler ? De la colère incendiaire qui lui dévorait les mains, lui donnait envie de tout —
Elle cligna des paupières plusieurs fois avant de se rappeler où, et qui, elle était. Elle s’était complètement perdue, et n’était plus sûre dans quelle personne : il lui semblait s’être croisée dans ce plongeon.
« Euh... Oui. »
De quoi parliez vous déjà ?
Comment est-ce qu’on parlait, d’ailleurs ?
« Le... Le marquis est un homme abject. » Elle joua avec les doigts de sa main libre pour se rappeler leur sensation. Son corps. Ses sentiments. « Je pense que les tueurs qu’il a lancé sur vous — » Elle se reprit. « ... Les rumeurs, sont une preuve suffisante. Il tient à son prestige et ne reculerait devant rien pour le faire prospérer. »
Elle ferma les yeux, retrouvant son air hautain. Puis elle le perdit aussitôt en se remémorant votre blague qu’elle gratifia d’un regard mi-amusé, mi-narquois.
« Parfait pour le gourdin. Tout gentilshommes devraient se targuer d’en posséder son exemplaire. »
Elle hocha la tête d’un air exagérément noble, mais retrouva vite son sérieux.
« Blague à part, c’est un adversaire de choix. Je vous plains d’avoir attiré son attention. Enfin, » il était temps de se dédouaner de cette histoire. Pour quelqu’un qui devait faire profil bas, elle en avait beaucoup trop dit. « c’est ce qu’on dit de lui, en tout cas. Et comme vous l'avez vous-même concédé, les rumeurs prennent souvent racines dans la vérité. » Sur ce point, elle était en désaccord complet, et c'est pour cette raison qu'elle avait remplacé votre toujours par un peut-être.
Bien.
C’était donc effectivement comme cela qu’il fallait procéder.
« C’est bien ça le problème. Vous vous seriez rendu chez lui pour déguster le thé au lieu de lui jeter à la figure comme il le mérite. »
Elle s’assombrit. Déjà à l’époque, elle trouvait la présence du patriarche corrosive : la pourriture qui lui rongeait le cœur était contagieuse. Et bien sûr, qu’elle considère Françoise comme une amie n’aidait en rien son jugement. Maintenant, elle ne l’était plus, et bien malgré elle, Béatrice se sentait bête de s’inquiéter de son sort : ce n’était pas une délicatesse que lui avait étendu la noble.
Sa situation était compliquée — et alors ? La sienne aussi, et bien plus, et pourtant elle n’en faisait pas tout un fromage.
Ce qui ne la décourageait pas de prendre sa défense devant un parfait inconnu, pour changer des circonstances sur lesquelles elle ne pouvait agir que de loin.
Votre question l’arrête : elle réalise bien qu’elle dépasse les bornes, se trahit petit à petit. Elle se tait un instant, et cette fois, appuie son esprit sur le vôtre volontairement : étiez-vous digne de confiance, monsieur de Sercey ? Les lèvres mentent mais pas les âmes.
Et pas les yeux non plus.
N’étaient-ils pas les reflets de celles-ci ?
Les vôtres ont vu beaucoup — plus qu’elle encore.
Lorsque vos lèvres s’étirent dans un sourire, sa chaleur ne monte pas jusqu’à eux. Vous avez des yeux qui mentent — non.
Elle avait des yeux qui mentent, à vous, aux autres, à elle, tout le monde. Leur feu était éteint, mais pas mort : c’était des bûches encore chaudes. Le testament d’un grand incendie. Ou peut-être des vicissitudes de son existence : à chaque jour son souffle qui attisait les braises — était-ce vraiment le vent qui gardait le feu sage, ou elle-même ? Au nom de quoi ? De quelle peur ? De s’immoler ? De la colère incendiaire qui lui dévorait les mains, lui donnait envie de tout —
Elle cligna des paupières plusieurs fois avant de se rappeler où, et qui, elle était. Elle s’était complètement perdue, et n’était plus sûre dans quelle personne : il lui semblait s’être croisée dans ce plongeon.
« Euh... Oui. »
De quoi parliez vous déjà ?
Comment est-ce qu’on parlait, d’ailleurs ?
« Le... Le marquis est un homme abject. » Elle joua avec les doigts de sa main libre pour se rappeler leur sensation. Son corps. Ses sentiments. « Je pense que les tueurs qu’il a lancé sur vous — » Elle se reprit. « ... Les rumeurs, sont une preuve suffisante. Il tient à son prestige et ne reculerait devant rien pour le faire prospérer. »
Elle ferma les yeux, retrouvant son air hautain. Puis elle le perdit aussitôt en se remémorant votre blague qu’elle gratifia d’un regard mi-amusé, mi-narquois.
« Parfait pour le gourdin. Tout gentilshommes devraient se targuer d’en posséder son exemplaire. »
Elle hocha la tête d’un air exagérément noble, mais retrouva vite son sérieux.
« Blague à part, c’est un adversaire de choix. Je vous plains d’avoir attiré son attention. Enfin, » il était temps de se dédouaner de cette histoire. Pour quelqu’un qui devait faire profil bas, elle en avait beaucoup trop dit. « c’est ce qu’on dit de lui, en tout cas. Et comme vous l'avez vous-même concédé, les rumeurs prennent souvent racines dans la vérité. » Sur ce point, elle était en désaccord complet, et c'est pour cette raison qu'elle avait remplacé votre toujours par un peut-être.
Jeu 28 Jan - 10:57
La question n’était pas de vous convaincre, mais de se dédouaner. À vos protestations légitimes, elle se contente d’un sourire et d’un haussement des épaules laconiques — comment parvenait-elle à l’exécuter, avec le poids d’une famille entière reposant sur elles ? Peu importe, de ça, tout comme de ce que vous préfériez croire.
« Les on-dit étaient particulièrement véhéments. »
S’ils n’étaient pas dans les rues de Paris mais réunis autour d’une tasse de thé, nul doute que Béatrice en aurait bu une gorgée très bruyamment sans vous lâcher des yeux. Vous étiez averti, et c’était tout ce qui comptait — de savoir contre quel ennemi vous vous battiez, et de la laisser en dehors de ça. Puisqu’elle n’avait plus la qualité de vie d’une noble, autant qu’on ne lui impute pas des problèmes qui ne concernaient qu’eux.
Elle haussa un sourcil devant votre tentative de la rassurer, et vous considérant un nouvel instant, mais sans partir, cette fois. Et puis elle acquiesça, détournant les yeux comme pour vérifier que des oreilles indiscrètes ne se mêlaient pas à la conversation. De toute façon, le marquis ne pourrait pas faire grand chose contre elle : elle avait déjà tout perdu. C’était, comme toujours, l’église dont la sorcière craignait véritablement le pouvoir.
« Si vous le dites, Monsieur de Sercey. De toute façon, je ne fais que répéter des rumeurs. » Elle regarda ses ongles comme si cette affaire ne lui faisait ni chaud ni froid. « Pour ce que ça vaut, dans l’hypothèse où j’avais partagé un avis personnel avec vous... » Ses yeux quittèrent l’extrémité de ses mains pour se plonger dans les vôtres. « ... Ça aurait été sous réserve de vous juger digne de confiance. Appelez ça une intuition. »
Les gens comme vous ne proféraient pas de mensonges bas. Les vôtres étaient plus insidieux, et par conséquent, il était capital pour l’un comme pour l’autre d’agir selon un code d’honneur — ainsi vous pouviez rejoindre votre public, vous écouter déblatérer des palabres et acquiescer en vous félicitant de votre vertu de surface.
Ainsi, vous seriez dupes, comme tous les autres.
Dès que la conversation quitta la question du Marquis de Bellevallée, elle se redressa, soudainement bien plus intéressée si l’on en croyait la lueur de ses pupilles bleues-vertes. Rien ne la prépare à votre trait d’humour, sublimé par le sujet grave que vous abordiez à l’instant : le changement de ton est comique et elle éclate de rire. Elle ne rit pas comme un homme, à plein poumon, mais comme une noble, cachant son sourire derrière une main pudique.
Lorsqu’elle retrouva ce qu’il lui restait de sérieux, ce fut pour agiter la paume dans votre direction, pour se prétendre fatiguée de vos bêtises.
Mais ça vous changiez les idées, n’est-ce pas ?
Il était temps de rebondir, et avec une blague encore plus révoltante que la vôtre.
« Vous ne perdez pas de temps, Monsieur de Sercey. » Les commissures de ses lèvres tremblaient : elle se retenait de rire à son propre humour. « D’abord, vous me parlez de votre gourdin de gentleman, et maintenant vous m’invitez à déjeuner. » Elle ferma les yeux et secoua la tête, imitant l’attitude d’une noble choquée par ce qui se déroulait sous ses yeux et dans ses oreilles. « Tout simplement scandaleux. Je n’ose pas imaginer la prochaine étape. »
Béatrice se leva du banc et épousseta ses vêtements, invitant d’un geste le marquis à faire de même. Une fois qu’il fit debout, elle ne put s’empêcher d’ajouter :
« Mais tout de même. On vous fait si peu la conversation pour que vous ressentiez le besoin de m’en remercier ? »
Son ton taquin dissimulait une inquiétude légitime.
« Les on-dit étaient particulièrement véhéments. »
S’ils n’étaient pas dans les rues de Paris mais réunis autour d’une tasse de thé, nul doute que Béatrice en aurait bu une gorgée très bruyamment sans vous lâcher des yeux. Vous étiez averti, et c’était tout ce qui comptait — de savoir contre quel ennemi vous vous battiez, et de la laisser en dehors de ça. Puisqu’elle n’avait plus la qualité de vie d’une noble, autant qu’on ne lui impute pas des problèmes qui ne concernaient qu’eux.
Elle haussa un sourcil devant votre tentative de la rassurer, et vous considérant un nouvel instant, mais sans partir, cette fois. Et puis elle acquiesça, détournant les yeux comme pour vérifier que des oreilles indiscrètes ne se mêlaient pas à la conversation. De toute façon, le marquis ne pourrait pas faire grand chose contre elle : elle avait déjà tout perdu. C’était, comme toujours, l’église dont la sorcière craignait véritablement le pouvoir.
« Si vous le dites, Monsieur de Sercey. De toute façon, je ne fais que répéter des rumeurs. » Elle regarda ses ongles comme si cette affaire ne lui faisait ni chaud ni froid. « Pour ce que ça vaut, dans l’hypothèse où j’avais partagé un avis personnel avec vous... » Ses yeux quittèrent l’extrémité de ses mains pour se plonger dans les vôtres. « ... Ça aurait été sous réserve de vous juger digne de confiance. Appelez ça une intuition. »
Les gens comme vous ne proféraient pas de mensonges bas. Les vôtres étaient plus insidieux, et par conséquent, il était capital pour l’un comme pour l’autre d’agir selon un code d’honneur — ainsi vous pouviez rejoindre votre public, vous écouter déblatérer des palabres et acquiescer en vous félicitant de votre vertu de surface.
Ainsi, vous seriez dupes, comme tous les autres.
Dès que la conversation quitta la question du Marquis de Bellevallée, elle se redressa, soudainement bien plus intéressée si l’on en croyait la lueur de ses pupilles bleues-vertes. Rien ne la prépare à votre trait d’humour, sublimé par le sujet grave que vous abordiez à l’instant : le changement de ton est comique et elle éclate de rire. Elle ne rit pas comme un homme, à plein poumon, mais comme une noble, cachant son sourire derrière une main pudique.
Lorsqu’elle retrouva ce qu’il lui restait de sérieux, ce fut pour agiter la paume dans votre direction, pour se prétendre fatiguée de vos bêtises.
Mais ça vous changiez les idées, n’est-ce pas ?
Il était temps de rebondir, et avec une blague encore plus révoltante que la vôtre.
« Vous ne perdez pas de temps, Monsieur de Sercey. » Les commissures de ses lèvres tremblaient : elle se retenait de rire à son propre humour. « D’abord, vous me parlez de votre gourdin de gentleman, et maintenant vous m’invitez à déjeuner. » Elle ferma les yeux et secoua la tête, imitant l’attitude d’une noble choquée par ce qui se déroulait sous ses yeux et dans ses oreilles. « Tout simplement scandaleux. Je n’ose pas imaginer la prochaine étape. »
Béatrice se leva du banc et épousseta ses vêtements, invitant d’un geste le marquis à faire de même. Une fois qu’il fit debout, elle ne put s’empêcher d’ajouter :
« Mais tout de même. On vous fait si peu la conversation pour que vous ressentiez le besoin de m’en remercier ? »
Son ton taquin dissimulait une inquiétude légitime.
Mer 3 Fév - 21:56
La journée ne se passait pas si mal, finalement.
Tout comme elle vous avait tiré de vos mélancolies, vous la tiriez de son ennui : et qu’il était plaisant de converser avec quelqu’un qui partageait sa répartie. Ça ne la rendait que plus fière de vous en boucher un coin. Devant ces hypothétiques rumeurs cependant, elle ne peut qu’hausser les épaules, amusée par cette perspective, tout en guettant du coin de l’œil si certains badauds étaient un poil trop attentif à ce qu’il se passait sur ce banc.
« Soyez tranquille, Monsieur de Sercey. » dit-elle en passant une main distraite dans ses cheveux. « En ce qui me concerne, personne n’ira me battre. »
Elle n’avait plus le père pour — et de toute façon, jamais aucun de ses parents n’auraient porté la main sur elle comme le marquis sur Françoise. Quant à Constantin, non seulement ce n’était pas son genre, mais en plus se blesserait-il sûrement tout seul, s’il essayait.
Le regard de Béatrice pétilla devant votre mise en scène, ravie que vous vous prêtiez à ce jeu qu’elle ne cherchait même pas à lancer. Croisant les bras sous sa poitrine, la tête légèrement penchée tandis qu’elle vous considérait sous toute votre hauteur (Vous étiez grand. Pour changer.), elle répondit :
« Désespéré ? Non. » Elle ne s’en donnait pas l’air, mais vous traitait avec toute son indulgence.
Ce n’était pas du désespoir qu’elle avait ressenti de vous — Il vous en restait, et c’était sans doute ça le plus douloureux. Vous feriez mieux de faire comme elle : Vous moquer de tout, ne jamais y mettre du vôtre, traiter les choses comme sans importance peu importe leurs dimensions, pour ainsi vous assurer de ne rien gagner, mais aussi de ne rien perdre.
« Mais vous avez cet air mélancolique. » Elle devait se retenir de claquer ses doigts devant vos yeux, par moment. « Mon cher, revenez avec moi, et restez-y. »
Elle se tourna dos à vous, guettant la rue, sans vérifier si vous étiez là ou non. Il fallait bien vous lâcher la main, un peu. Où est-ce que vous pourriez vous rendre ? Un endroit de préférence convivial, dans un bâtiment qui tenait debout, mais pas très cher. Sans doute était-ce beaucoup demander à Paris, d’autant plus que les établissements de la ville ne lui étaient pas familiers.
Elle finit par se retourner vers vous, prête à ajouter quelque chose, avant d’être distraite par le bout de votre doigt. Elle suivit celui-ci du regard jusqu’à retrouver le cadavre de sa défunte pomme. Ah, ça. « Je vous rassure, » maugréa--telle avec autant de gentillesse qu’elle parvint à conjurer, « elle n’était pas très bonne. » Elle ne rivalisait surtout pas avec celles qu’elle avait goûté, plus jeune, à l’ombre des pommiers du verger familial.
« Un repas ? Une collation suffit. » Surtout pour la faim de quelqu’un d’autre. Elle plissa les yeux, enfilant à nouveau son air de noble qui ne sort jamais de chez elle. « Vous dites en tout bien tout honneur, puis cherchez à allonger l’après-midi autant que possible... Monsieur de Sercey, je... » Ce qu’elle s’apprêtait à rajouter restera à jamais un mystère : elle sortit de son personnage pour rire un peu, incapable de poursuivre. Les yeux qu’elle posa sur vous alors étaient très doux, à des années lumières de cet air agacé dont elle se parait en permanence.
« Je pense que je vous ai suffisamment taquiné comme ça. De toute façon, vous n’êtes pas mon type. » Elle regarda ses ongles, pour tempérer cette joie pétillante qui la poussait à la culpabilité. « Je connais encore mal les rues de la capitale. Avez-vous un endroit particulier en tête ? De préférence pas trop fréquenté. »
Elle réalisa que ses mots pouvaient être très mal interprétés aussitôt qu'ils quittèrent sa bouche. Les joues légèrement rougies, elle ajouta très vite : « Je n’aime pas les foules. »
Tout comme elle vous avait tiré de vos mélancolies, vous la tiriez de son ennui : et qu’il était plaisant de converser avec quelqu’un qui partageait sa répartie. Ça ne la rendait que plus fière de vous en boucher un coin. Devant ces hypothétiques rumeurs cependant, elle ne peut qu’hausser les épaules, amusée par cette perspective, tout en guettant du coin de l’œil si certains badauds étaient un poil trop attentif à ce qu’il se passait sur ce banc.
« Soyez tranquille, Monsieur de Sercey. » dit-elle en passant une main distraite dans ses cheveux. « En ce qui me concerne, personne n’ira me battre. »
Elle n’avait plus le père pour — et de toute façon, jamais aucun de ses parents n’auraient porté la main sur elle comme le marquis sur Françoise. Quant à Constantin, non seulement ce n’était pas son genre, mais en plus se blesserait-il sûrement tout seul, s’il essayait.
Le regard de Béatrice pétilla devant votre mise en scène, ravie que vous vous prêtiez à ce jeu qu’elle ne cherchait même pas à lancer. Croisant les bras sous sa poitrine, la tête légèrement penchée tandis qu’elle vous considérait sous toute votre hauteur (Vous étiez grand. Pour changer.), elle répondit :
« Désespéré ? Non. » Elle ne s’en donnait pas l’air, mais vous traitait avec toute son indulgence.
Ce n’était pas du désespoir qu’elle avait ressenti de vous — Il vous en restait, et c’était sans doute ça le plus douloureux. Vous feriez mieux de faire comme elle : Vous moquer de tout, ne jamais y mettre du vôtre, traiter les choses comme sans importance peu importe leurs dimensions, pour ainsi vous assurer de ne rien gagner, mais aussi de ne rien perdre.
« Mais vous avez cet air mélancolique. » Elle devait se retenir de claquer ses doigts devant vos yeux, par moment. « Mon cher, revenez avec moi, et restez-y. »
Elle se tourna dos à vous, guettant la rue, sans vérifier si vous étiez là ou non. Il fallait bien vous lâcher la main, un peu. Où est-ce que vous pourriez vous rendre ? Un endroit de préférence convivial, dans un bâtiment qui tenait debout, mais pas très cher. Sans doute était-ce beaucoup demander à Paris, d’autant plus que les établissements de la ville ne lui étaient pas familiers.
Elle finit par se retourner vers vous, prête à ajouter quelque chose, avant d’être distraite par le bout de votre doigt. Elle suivit celui-ci du regard jusqu’à retrouver le cadavre de sa défunte pomme. Ah, ça. « Je vous rassure, » maugréa--telle avec autant de gentillesse qu’elle parvint à conjurer, « elle n’était pas très bonne. » Elle ne rivalisait surtout pas avec celles qu’elle avait goûté, plus jeune, à l’ombre des pommiers du verger familial.
« Un repas ? Une collation suffit. » Surtout pour la faim de quelqu’un d’autre. Elle plissa les yeux, enfilant à nouveau son air de noble qui ne sort jamais de chez elle. « Vous dites en tout bien tout honneur, puis cherchez à allonger l’après-midi autant que possible... Monsieur de Sercey, je... » Ce qu’elle s’apprêtait à rajouter restera à jamais un mystère : elle sortit de son personnage pour rire un peu, incapable de poursuivre. Les yeux qu’elle posa sur vous alors étaient très doux, à des années lumières de cet air agacé dont elle se parait en permanence.
« Je pense que je vous ai suffisamment taquiné comme ça. De toute façon, vous n’êtes pas mon type. » Elle regarda ses ongles, pour tempérer cette joie pétillante qui la poussait à la culpabilité. « Je connais encore mal les rues de la capitale. Avez-vous un endroit particulier en tête ? De préférence pas trop fréquenté. »
Elle réalisa que ses mots pouvaient être très mal interprétés aussitôt qu'ils quittèrent sa bouche. Les joues légèrement rougies, elle ajouta très vite : « Je n’aime pas les foules. »
Mer 10 Fév - 22:15
Hurt and grievebut don't suffer alone
Il ne saisit pas la perche qu’elle avait laissé tomber par accident — mais il n’en eut pas besoin pour transformer le rosé doux de ses joues en un rouge pâle mal assumé.
Moi qui me faisait une joie de votre compagnie.
Elle baissa les yeux. C’était une blague. De l’humour, se répéta-t-elle. Une boutade. Son vocabulaire, mis à genoux devant ses pensées brouillonnes, s’arrêtaient là. Ce n’était certainement pas le moment de retrouver le cœur de la jeune fille qu’elle avait été, et la sensibilité aux charmes masculins qu'il amenait avec lui. Certes, jusqu’ici, leur après-midi s’était rangée sous le couvert du passé, mais n’était-elle pas celle qui n’avait cesse de tirer Monsieur de Sercey loin de celui-ci ? Il était hors de question d’y retomber à son tour.
Elle secoua la tête pour chasser ces idées fleur bleue, et se gorgea d’assurance maladroite comme l’on se gorge de vin. En piste.
Oh, mais vous pouvez toujours vous en réjouir. Platoniquement. J’ai conscience d’être irrésistible alors je préférais mettre les choses au clair. Elle secoua lentement la tête, comme si ce constat était bien malheureux. Un vrai poids à porter chaque jour sur ses maigres épaules de jeune fille. Atlas en personne pâlissait devant la lourdeur de la — d'accord, peut-être qu’elle emmenait cette pensée un peu trop loin.
Ah, et voilà qu’elle recommençait. Elle se parlait à elle-même comme Oscar le ferait, pour lui donner un peu de courage. Lorsque, plus jeune, l’idée des bals l’angoissait, il se mettait à genoux à côté d’elle, lui prenait les mains, et lui racontait des énormités plus grosses que lui pour la faire rire et lui donner confiance. Figures-toi que le soleil n’existait pas, avant. C’est Maman qui l’a inventé en te donnant ton autre prénom, et puis voilà qu’une grosse boule est apparue dans le ciel, toute inspirée.
Elle baissa les yeux, sensible à combien il était là, mais lorsqu’il ne l’était plus. Parfois, tout ce qu’elle entreprenait lui semblait faux : tous les mots, tous les gestes — l’addition de ses fantômes qui la hantait, qu’elle devait incarner par delà la tombe pour qu’ils existent encore un peu en ce monde.
Elle déglutit. Un salon de thé me semble être une idée merveilleuse. Voilà qu’elle s’était assagie, reprenant les morceaux éparpillés de son sérieux en efforçant de ne pas se couper sur leurs lames. Son regard se posa finalement sur ce bras tendu, et elle le saisit prudemment, comme l’on lève les mains pour apaiser quelques créatures inquiétantes.
Sa peau était couverte de l’épaule jusqu’à la main, mais sans doute son pouvoir s’interloquerait de cette proximité nouvelle. Déjà que son cœur ne tenait plus en place.
Vous risquez de les attirer, oui. Vous n’êtes pas sans ignorer que les femmes adorent les mauvais garçons. Ils commencèrent à marcher, à une vitesse qui permettaient aux petites jambes de Béatrice de suivre les enjambés bien plus vastes de Gabriel. Vous êtes militaire, monsieur de Sercey ? Vous disiez fréquenter des soldats... La poigne de son bras trahissait un entraînement rigoureux. Elle espérait très fort qu’il ne sente pas ses propres muscles sous le tissu de sa manche, dont Béatrice avait terriblement honte. Si elle s'efforçait de s'entraîner avec des lames légères, les mouvements répétés à la lueur de la lune avaient fini par marquer son corps de bien des façons.
Entre les bleus aux jambes, la poigne de sa main, les formes de ses bras, elle ne se sentait plus jeune fille. Peut-être n'était-ce pas une si mauvaise idée d'au moins en renouer avec les sensibilités.
Moi qui me faisait une joie de votre compagnie.
Elle baissa les yeux. C’était une blague. De l’humour, se répéta-t-elle. Une boutade. Son vocabulaire, mis à genoux devant ses pensées brouillonnes, s’arrêtaient là. Ce n’était certainement pas le moment de retrouver le cœur de la jeune fille qu’elle avait été, et la sensibilité aux charmes masculins qu'il amenait avec lui. Certes, jusqu’ici, leur après-midi s’était rangée sous le couvert du passé, mais n’était-elle pas celle qui n’avait cesse de tirer Monsieur de Sercey loin de celui-ci ? Il était hors de question d’y retomber à son tour.
Elle secoua la tête pour chasser ces idées fleur bleue, et se gorgea d’assurance maladroite comme l’on se gorge de vin. En piste.
Oh, mais vous pouvez toujours vous en réjouir. Platoniquement. J’ai conscience d’être irrésistible alors je préférais mettre les choses au clair. Elle secoua lentement la tête, comme si ce constat était bien malheureux. Un vrai poids à porter chaque jour sur ses maigres épaules de jeune fille. Atlas en personne pâlissait devant la lourdeur de la — d'accord, peut-être qu’elle emmenait cette pensée un peu trop loin.
Ah, et voilà qu’elle recommençait. Elle se parlait à elle-même comme Oscar le ferait, pour lui donner un peu de courage. Lorsque, plus jeune, l’idée des bals l’angoissait, il se mettait à genoux à côté d’elle, lui prenait les mains, et lui racontait des énormités plus grosses que lui pour la faire rire et lui donner confiance. Figures-toi que le soleil n’existait pas, avant. C’est Maman qui l’a inventé en te donnant ton autre prénom, et puis voilà qu’une grosse boule est apparue dans le ciel, toute inspirée.
Elle baissa les yeux, sensible à combien il était là, mais lorsqu’il ne l’était plus. Parfois, tout ce qu’elle entreprenait lui semblait faux : tous les mots, tous les gestes — l’addition de ses fantômes qui la hantait, qu’elle devait incarner par delà la tombe pour qu’ils existent encore un peu en ce monde.
Elle déglutit. Un salon de thé me semble être une idée merveilleuse. Voilà qu’elle s’était assagie, reprenant les morceaux éparpillés de son sérieux en efforçant de ne pas se couper sur leurs lames. Son regard se posa finalement sur ce bras tendu, et elle le saisit prudemment, comme l’on lève les mains pour apaiser quelques créatures inquiétantes.
Sa peau était couverte de l’épaule jusqu’à la main, mais sans doute son pouvoir s’interloquerait de cette proximité nouvelle. Déjà que son cœur ne tenait plus en place.
Vous risquez de les attirer, oui. Vous n’êtes pas sans ignorer que les femmes adorent les mauvais garçons. Ils commencèrent à marcher, à une vitesse qui permettaient aux petites jambes de Béatrice de suivre les enjambés bien plus vastes de Gabriel. Vous êtes militaire, monsieur de Sercey ? Vous disiez fréquenter des soldats... La poigne de son bras trahissait un entraînement rigoureux. Elle espérait très fort qu’il ne sente pas ses propres muscles sous le tissu de sa manche, dont Béatrice avait terriblement honte. Si elle s'efforçait de s'entraîner avec des lames légères, les mouvements répétés à la lueur de la lune avaient fini par marquer son corps de bien des façons.
Entre les bleus aux jambes, la poigne de sa main, les formes de ses bras, elle ne se sentait plus jeune fille. Peut-être n'était-ce pas une si mauvaise idée d'au moins en renouer avec les sensibilités.
Mar 23 Fév - 22:20
Engage with the painas a motive
Ils restaient tout deux à distance raisonnable de l’autre. Si Béatrice supposait Monsieur de Sercey galant, elle, pour sa part, cherchait tout bonnement à éviter ce qui ne la regardait pas. Elle ne trouvait cela ni délicat, ni moral, d’utiliser un don comme le sien à la première occasion : et pour une fois qu’elle vivait quelque chose d’un tant soit peu détaché de l’église souterraine, il était hors de question de gâcher cette illusion avec ce même pouvoir qui la condamnait à la vie qu’elle menait aujourd’hui, qu’elle vivait hier, et qui perdurerait au lendemain.
L'un n’exclut pas l’autre. Nous dirons que nous le sommes tous les deux... Si à des degrés différents. Elle était de toute évidence en haut de la pyramide. L’espace d’un instant, elle fut tentée de rajouter qu’elle même pouvait tout aussi bien être une mauvaise fille, avant de concéder que :
1. Ça sonnait horrible.
2. Non, vraiment, elle en grinçait des dents.
3. Cela ressemblerait fort à un mensonge, et elle préférait ne pas en professer.
La route se poursuivait en même temps que leur conversation. Béatrice haussa un sourcil à la fierté dans sa voix, quand Monsieur de Sercey confessa bel et bien appartenir à l’armée. Quelque part en lui, elle avait senti son bonheur remuer comme un chien devant une friandise. Elle trouva la chose touchante et, si son expression ne le trahissait, se sentit même un peu envieuse. Si elle survivait 6 mois, 1 an, 5 ans, est-ce qu’elle évoquerait son métier de chasseuse avec la même révérence ? Ils étaient tout les deux des protecteurs, des guerriers, et des survivants, mais l’un, au moins, avait le choix de se hisser à cette hauteur alors qu’on tirait l’autre de force.
Oh, ça ! Monsieur de Sercey avait l’air de quelqu’un qui finirait derrière une épée peu importe les chemins sinueux qu’emprunterait son destin, là où Béatrice ressemblait davantage à une petite princesse qui s’était égarée à la périphérie de l'existence d'un autre.
À autre chose qu’impressionner les demoiselles, vous voulez dire ?
Elle se tournait vers lui dans un battement, avant qu’ils ne pénètrent à l’intérieur du salon de thé. Leurs bras se détachèrent, et Gabriel ouvrit la porte en homme galant — Béatrice, pourtant, ne semblait pas décider à rentrer. Jetant un coup d’œil méfiant à l’intérieur, elle resta un instant à ressentir les alentours comme un chat guette un danger : de ce qu’elle retirait de cette courte analyse, les lieux n’étaient pas bondés. Ouf.
Elle reprit aussitôt la joie et l’assurance que le marquis devait désormais lui connaître. Elle s’approcha, passant à moitié la porte, avant de tourner la tête dans sa direction. Oh, mais voyez le verre à moitié plein, Monsieur de Sercey. Vous avez au moins l’attitude d’un prince charmant. Quel dommage que je n’ai pas une once de sang bleu dans les veines. Et, haussant les épaules, elle s’avança.
Comme supposé devant la devanture, toutes les tables du salon n’étaient pas occupées. Il régnait, dans l’endroit, une atmosphère tranquille et détendue qui leur ferait le plus grand bien.
L'un n’exclut pas l’autre. Nous dirons que nous le sommes tous les deux... Si à des degrés différents. Elle était de toute évidence en haut de la pyramide. L’espace d’un instant, elle fut tentée de rajouter qu’elle même pouvait tout aussi bien être une mauvaise fille, avant de concéder que :
1. Ça sonnait horrible.
2. Non, vraiment, elle en grinçait des dents.
3. Cela ressemblerait fort à un mensonge, et elle préférait ne pas en professer.
La route se poursuivait en même temps que leur conversation. Béatrice haussa un sourcil à la fierté dans sa voix, quand Monsieur de Sercey confessa bel et bien appartenir à l’armée. Quelque part en lui, elle avait senti son bonheur remuer comme un chien devant une friandise. Elle trouva la chose touchante et, si son expression ne le trahissait, se sentit même un peu envieuse. Si elle survivait 6 mois, 1 an, 5 ans, est-ce qu’elle évoquerait son métier de chasseuse avec la même révérence ? Ils étaient tout les deux des protecteurs, des guerriers, et des survivants, mais l’un, au moins, avait le choix de se hisser à cette hauteur alors qu’on tirait l’autre de force.
Oh, ça ! Monsieur de Sercey avait l’air de quelqu’un qui finirait derrière une épée peu importe les chemins sinueux qu’emprunterait son destin, là où Béatrice ressemblait davantage à une petite princesse qui s’était égarée à la périphérie de l'existence d'un autre.
À autre chose qu’impressionner les demoiselles, vous voulez dire ?
Elle se tournait vers lui dans un battement, avant qu’ils ne pénètrent à l’intérieur du salon de thé. Leurs bras se détachèrent, et Gabriel ouvrit la porte en homme galant — Béatrice, pourtant, ne semblait pas décider à rentrer. Jetant un coup d’œil méfiant à l’intérieur, elle resta un instant à ressentir les alentours comme un chat guette un danger : de ce qu’elle retirait de cette courte analyse, les lieux n’étaient pas bondés. Ouf.
Elle reprit aussitôt la joie et l’assurance que le marquis devait désormais lui connaître. Elle s’approcha, passant à moitié la porte, avant de tourner la tête dans sa direction. Oh, mais voyez le verre à moitié plein, Monsieur de Sercey. Vous avez au moins l’attitude d’un prince charmant. Quel dommage que je n’ai pas une once de sang bleu dans les veines. Et, haussant les épaules, elle s’avança.
Comme supposé devant la devanture, toutes les tables du salon n’étaient pas occupées. Il régnait, dans l’endroit, une atmosphère tranquille et détendue qui leur ferait le plus grand bien.
Ven 26 Fév - 18:21
Engage with the painas a motive
Elle s’amusa malgré elle de sa réponse, surprise de la répartie nouvelle de Monsieur de Sercey. Si c’était un jeu, Béatrice mordrait à la corde comme un chien en colère et ne la lâcherait plus avant de le quitter par une victoire totale et absolue.
C’était la guerre.
Lorsqu’ils comptent les épouser, Monsieur de Sercey. Vous préférez laisser vos conquêtes aux abois ?
Le sourire qu’elle lui lança alors était tout bonnement magnifique. L’air de quelqu’un qui avait déjà gagné et le savait très bien. Il disparut lorsque, voulant tirer sa chaise, les doigts de la sorcière frôlèrent ceux du garçon. Se reculant comme si elle venait de saisir du charbon chaud, elle re resta interdite alors qu’il se décala pour lui laisser la place de s’installer.
Si à une époque, on se parait de toutes les délicatesses en la présence de Béatrice qui n’avait pas à lever le petit doigt pour que les portes s’ouvrent, les chaises se déplacent, les tables se mettent et les baignoires se remplissent, force était de constater qu’elle était révolue depuis longtemps. Le geste du Marquis avait le mérite de la surprendre et, même si elle évita son regard pour cacher sa gratitude lorsqu’elle s’assit, de la toucher.
Qu’est-ce que je vous disais ? dit-elle la voix basse et les joues aux couleurs de pétales de roses, Un prince charmant.
Elle releva des yeux vides de certitude et d’humour, des yeux qu’on ne pouvait décrire que par ce qu’ils ne possédaient pas.
Enivrée par l’odeur sucrée qui régnait dans l’air, Béatrice concéda à commander un chou à la crème et un thé à la pomme. Certes, la faim qui l’avait poussé à s’acharner sur un pauvre morceau de pain n’était pas sienne, mais cela ne l’empêcherait pas d’y trouver son compte malgré tout. Le temps qu’on leur amène le goûter, Béatrice se redressa sur sa chaise et tourna la tête.
Il y avait, dans le salon, des femmes dont l’innocence peignait les traits et les gestes. Leurs rires timides, cachés derrière un éventail. Leurs œillades à Monsieur de Sercey, qui, devait admettre Béatrice, n’était pas désagréable à regarder. Leurs doigts légers et délicats qui découpaient à la cuillère un morceau de pâtisserie. Béatrice comprit, amère, qu’elle aurait du se trouver à l’une de ses tables en compagnie de Françoise ou de son fiancé si seulement ses parents n’avaient pas fait ce qu’ils avaient fait —
et le plus rageant, bien sûr, était de ne pas savoir quoi.
La question du Marquis la tira de ses pensées. Elle resta les yeux écarquillées un instant de trop, comme s’il venait de lui rappeler qu’elle était quelqu’un. Mais surtout, surtout, c’était la première fois qu’il l’appelait par son prénom. Accrochant les bords de la nappe avec ses doigts timides (il lui fallait impérativement triturer quelque chose), elle finit par admettre :
Je ne suis personne.
Son ton était grave. Puis elle releva les yeux, parée d’un sourire comme une armure en or. Ni marquise, ni soldat, pour commencer. Pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. Elle se surprit à vouloir lui confier son nom, son nom complet, avant de réaliser qu’il lui manquait encore un élément, au sujet de ce galant Monsieur de Sercey. Vous ne m’avez pas dit votre prénom.
C’était la guerre.
Lorsqu’ils comptent les épouser, Monsieur de Sercey. Vous préférez laisser vos conquêtes aux abois ?
Le sourire qu’elle lui lança alors était tout bonnement magnifique. L’air de quelqu’un qui avait déjà gagné et le savait très bien. Il disparut lorsque, voulant tirer sa chaise, les doigts de la sorcière frôlèrent ceux du garçon. Se reculant comme si elle venait de saisir du charbon chaud, elle re resta interdite alors qu’il se décala pour lui laisser la place de s’installer.
Si à une époque, on se parait de toutes les délicatesses en la présence de Béatrice qui n’avait pas à lever le petit doigt pour que les portes s’ouvrent, les chaises se déplacent, les tables se mettent et les baignoires se remplissent, force était de constater qu’elle était révolue depuis longtemps. Le geste du Marquis avait le mérite de la surprendre et, même si elle évita son regard pour cacher sa gratitude lorsqu’elle s’assit, de la toucher.
Qu’est-ce que je vous disais ? dit-elle la voix basse et les joues aux couleurs de pétales de roses, Un prince charmant.
Elle releva des yeux vides de certitude et d’humour, des yeux qu’on ne pouvait décrire que par ce qu’ils ne possédaient pas.
Enivrée par l’odeur sucrée qui régnait dans l’air, Béatrice concéda à commander un chou à la crème et un thé à la pomme. Certes, la faim qui l’avait poussé à s’acharner sur un pauvre morceau de pain n’était pas sienne, mais cela ne l’empêcherait pas d’y trouver son compte malgré tout. Le temps qu’on leur amène le goûter, Béatrice se redressa sur sa chaise et tourna la tête.
Il y avait, dans le salon, des femmes dont l’innocence peignait les traits et les gestes. Leurs rires timides, cachés derrière un éventail. Leurs œillades à Monsieur de Sercey, qui, devait admettre Béatrice, n’était pas désagréable à regarder. Leurs doigts légers et délicats qui découpaient à la cuillère un morceau de pâtisserie. Béatrice comprit, amère, qu’elle aurait du se trouver à l’une de ses tables en compagnie de Françoise ou de son fiancé si seulement ses parents n’avaient pas fait ce qu’ils avaient fait —
et le plus rageant, bien sûr, était de ne pas savoir quoi.
La question du Marquis la tira de ses pensées. Elle resta les yeux écarquillées un instant de trop, comme s’il venait de lui rappeler qu’elle était quelqu’un. Mais surtout, surtout, c’était la première fois qu’il l’appelait par son prénom. Accrochant les bords de la nappe avec ses doigts timides (il lui fallait impérativement triturer quelque chose), elle finit par admettre :
Je ne suis personne.
Son ton était grave. Puis elle releva les yeux, parée d’un sourire comme une armure en or. Ni marquise, ni soldat, pour commencer. Pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. Elle se surprit à vouloir lui confier son nom, son nom complet, avant de réaliser qu’il lui manquait encore un élément, au sujet de ce galant Monsieur de Sercey. Vous ne m’avez pas dit votre prénom.
Dim 28 Fév - 17:49
Engage with the painas a motive
Elle détourna les yeux sans se départir de son sourire maladroit et de son air mal assuré. Béatrice, disait-il. Un bon départ. L’océan dans ses yeux se voila d’une tempête sans foudre. C’était bien là le problème : Juste Béatrice, Béatrice et rien d’autre. Ce qu’il prenait pour un début s’avérait être sa conclusion. La poigne de l’Église lui briserait les os avant qu’elle n’obtienne un autre nom, et pour la trahison de trois de leurs membres, jamais sa lignée ne serait réinvestie.
Au moins ses autres frères et sœurs pourraient grandir en paix, se construire avec les pièces qu’on leur offrait là, dans cette autre existence, avec ces chances et ces possibilités. Mais Béatrice avait eu le loisir, pendant ces 15 ans, de s’imaginer un avenir qui dépendait sur cette allitération : Béatrice Botherel. Il n’en restait que la poussière des étoiles ainsi effleurées, la vacuité de ses efforts réduits à néant, et le sang, celui qu’elle verserait et celui des créatures qu’elle percerait de son épée.
Elle était, tout au plus, une lame émoussée qu’on réservait aux ennemis les plus pitoyables en attendant qu’elle ne casse.
C’est aussi une fin.
Pourtant, on ne trouvait nul apitoiement dans le regard qu’elle lui lança alors. Elle était un peu désolée, oui, pour lui mais pas pour elle. Elle aurait aimé pouvoir lui conter monts et merveilles sur la vie qu’elle menait, mais les chasses se ressembleraient toutes jusqu’à ce que l’une diffère : la dernière, celle par laquelle elle périrait.
Elle finit par inspirer et secouer la tête : elle n’était pas ici pour penser à ça, et encore moins pour peser sur le cœur de Monsieur de Sercey. Il semblait déjà à la sorcière qu’il se battait avec suffisamment de démon.
Oh mais je vous assure que je le peux. Les ciels battus de nuage s’éclaircirent pour rendre tout son sens à son troisième prénom. Constatez par vous même.
Dommage que le marquis ne soit pas dupe. Lâchant les pans malmenés de la nappe, Béatrice s’appuya sur le dos de sa chaise, les bras croisés, considérant le défi lancé. Quelque chose ? En échange ? Elle le fixait avec un air bougon jusqu’à ce qu’un bras ne passe devant sa (merveilleuse) figure : de part et d’autre de la table, on déposait breuvages et pâtisserie.
Béatrice vida cinq cuillères à sucre dans son thé avant de l'y tourner par un mouvement distrait. Le rose continuait de faire brûler ses joues.
... Ma gratitude. Elle lui sourit avant d’ajouter : C’est déjà bien plus que vous ne méritez.
Pourtant, elle ne pouvait pas nier en savoir bien plus à son sujet que lui au sien. Au choix, elle ne dirait rien, ou s'en tiendrait à une vérité obscure : elle s’appelait Béatrice Botherel, dont les parents et le frère avaient été exécuté pour trahison envers la couronne et désormais, elle était au service de l’église pour se repentir d’un crime dont elle n’avait pas idée.
Elle ne doutait pas un seul instant qu’après tant de révélations, l’ambiance à table garderait ce petit ton léger et bon enfant.
Elle souleva sa tasse jusqu’à ses lèvres sans quitter le marquis des yeux. Puisqu’il voulait jouer à ce petit jeu... Pourquoi, Monsieur de Sercey ? demanda-t-elle d'un air faussement innocent. Vous aviez autre chose en tête ?
Ses taquineries, jusqu'ici, n'avaient cessé de la surprendre, mais il n'irait pas plus loin.
Au moins ses autres frères et sœurs pourraient grandir en paix, se construire avec les pièces qu’on leur offrait là, dans cette autre existence, avec ces chances et ces possibilités. Mais Béatrice avait eu le loisir, pendant ces 15 ans, de s’imaginer un avenir qui dépendait sur cette allitération : Béatrice Botherel. Il n’en restait que la poussière des étoiles ainsi effleurées, la vacuité de ses efforts réduits à néant, et le sang, celui qu’elle verserait et celui des créatures qu’elle percerait de son épée.
Elle était, tout au plus, une lame émoussée qu’on réservait aux ennemis les plus pitoyables en attendant qu’elle ne casse.
C’est aussi une fin.
Pourtant, on ne trouvait nul apitoiement dans le regard qu’elle lui lança alors. Elle était un peu désolée, oui, pour lui mais pas pour elle. Elle aurait aimé pouvoir lui conter monts et merveilles sur la vie qu’elle menait, mais les chasses se ressembleraient toutes jusqu’à ce que l’une diffère : la dernière, celle par laquelle elle périrait.
Elle finit par inspirer et secouer la tête : elle n’était pas ici pour penser à ça, et encore moins pour peser sur le cœur de Monsieur de Sercey. Il semblait déjà à la sorcière qu’il se battait avec suffisamment de démon.
Oh mais je vous assure que je le peux. Les ciels battus de nuage s’éclaircirent pour rendre tout son sens à son troisième prénom. Constatez par vous même.
Dommage que le marquis ne soit pas dupe. Lâchant les pans malmenés de la nappe, Béatrice s’appuya sur le dos de sa chaise, les bras croisés, considérant le défi lancé. Quelque chose ? En échange ? Elle le fixait avec un air bougon jusqu’à ce qu’un bras ne passe devant sa (merveilleuse) figure : de part et d’autre de la table, on déposait breuvages et pâtisserie.
Béatrice vida cinq cuillères à sucre dans son thé avant de l'y tourner par un mouvement distrait. Le rose continuait de faire brûler ses joues.
... Ma gratitude. Elle lui sourit avant d’ajouter : C’est déjà bien plus que vous ne méritez.
Pourtant, elle ne pouvait pas nier en savoir bien plus à son sujet que lui au sien. Au choix, elle ne dirait rien, ou s'en tiendrait à une vérité obscure : elle s’appelait Béatrice Botherel, dont les parents et le frère avaient été exécuté pour trahison envers la couronne et désormais, elle était au service de l’église pour se repentir d’un crime dont elle n’avait pas idée.
Elle ne doutait pas un seul instant qu’après tant de révélations, l’ambiance à table garderait ce petit ton léger et bon enfant.
Elle souleva sa tasse jusqu’à ses lèvres sans quitter le marquis des yeux. Puisqu’il voulait jouer à ce petit jeu... Pourquoi, Monsieur de Sercey ? demanda-t-elle d'un air faussement innocent. Vous aviez autre chose en tête ?
Ses taquineries, jusqu'ici, n'avaient cessé de la surprendre, mais il n'irait pas plus loin.
Jeu 4 Mar - 18:56
Engage with the painas a motive
La tasse de Béatrice manqua de lui échapper des mains lorsque le Marquis éclata dans un rire qu’elle trouva merveilleux, un rire qui rajouta quelques teintes d’écarlate à ses joues malmenées d’humeurs. Comme l’on cache son embarras derrière ses mains, elle se réfugia derrière la porcelaine soulevée du bout des doigts, guettant à travers les vapeurs acidulées de sa boisson les regards en coin des autres clients. Elle qui venait chercher le calme dans ce salon de thé, voilà qu’elle troublait celui des autres...
Avec un regard aussi lourd de sens qu’il était léger de divertissement, elle avala quelques gorgées de son infusion. Les couteaux de cette hostilité brève dirigée à leur encontre se détournèrent, tout comme les badauds autour d’eux. Par un geste gracieux, Béatrice déposa les armes et la tasse.
Je ne savais pas que l'idée de ma gratitude était si désopilante, dit-elle avec une moue boudeuse peu crédible. Elle s’en départit bientôt pour retrouver un sourire pareil au sien. Tant que ça vous fait rire... Avec un haussement des épaules défait, elle secoua doucement la tête, les yeux clos —
Avant de les ouvrir aussitôt qu’il concéda espérer autre chose.
Pas de panique, non, ni d’espoir, mais de curiosité : jamais il ne suggérerait une idée scandaleuse, mais elle restait intriguée, et à un degré, méfiante, qu’il lui demande ouvertement des informations au sujet de sa personne. Cela lui prit une longue seconde à comprendre qu’il cherchait simplement à mieux la connaître.
Oh.
Elle détourna les yeux un instant avant de revenir sur lui. Elle aurait aimé ajouter évidemment, mais ce n’était pas une évidence du tout, non. Elle se sentait d’un coup bête d’oublier qu’au delà d’un prénom, d’une lignée, et d’un destin, il y avait d’autre chose qui composait son identité. Seulement, avec les missions qui s’enchaînaient, et le dépaysement loin de sa famille, sa maison, ce qu’elle avait connu, ce qu’était avant tout Béatrice, elle avait tout le mal du monde à retrouver ces moments plus calmes où se dévoiler.
Cette après-midi en compagnie du Marquis ressemblait bel et bien à un de ces instants tranquilles. Elle craignait de l’avoir gâché avec sa bêtise mais, fixant le visage agréable du garçon, constata qu’il s’en amusait tout au plus.
Bien entendu. Je ne suis pas seulement cruelle, mais aussi perspicace.
Elle s’empara de sa cuillère pour découper un morceau de chou à la crème.
Si vous tenez à vous noyer, Monsieur de Sercey, je veux bien consentir à vous laisser ma tasse. Vous constaterez ainsi que je suis aussi serviable. Elle haussa un sourcil, amusé par son dramatisme, avant de lentement baisser les yeux pour chercher dans sa mémoire ce qui lui plaisait. Elle pensait rarement à des choses agréables après tout.
Une couleur que j’aime... Je dirais le bleu. Disant cela, elle se perdit dans le ciel qui trébuchait dans ses yeux.
Oui, le bleu était une couleur merveilleuse.
Je le portais beaucoup avant. Hm... J’aime aussi le lilas. La teinte, pas la fleur. Non pas que je n’aime pas la fleur, mais ce n’est pas celle que je préfère. Elle joua avec sa lèvre inférieure d’une main distraite, réfléchissant encore à la question posée. Dans ce cas, je dirais qu’il s’agirait du tournesol. Elle descendit les yeux jusqu’à son collier pour vérifier qu’il était bien là. Cela vous satisfait-t-il, Monsieur de Sercey ? J’ai mérité votre prénom, vous ne pensez pas ?
Avec un regard aussi lourd de sens qu’il était léger de divertissement, elle avala quelques gorgées de son infusion. Les couteaux de cette hostilité brève dirigée à leur encontre se détournèrent, tout comme les badauds autour d’eux. Par un geste gracieux, Béatrice déposa les armes et la tasse.
Je ne savais pas que l'idée de ma gratitude était si désopilante, dit-elle avec une moue boudeuse peu crédible. Elle s’en départit bientôt pour retrouver un sourire pareil au sien. Tant que ça vous fait rire... Avec un haussement des épaules défait, elle secoua doucement la tête, les yeux clos —
Avant de les ouvrir aussitôt qu’il concéda espérer autre chose.
Pas de panique, non, ni d’espoir, mais de curiosité : jamais il ne suggérerait une idée scandaleuse, mais elle restait intriguée, et à un degré, méfiante, qu’il lui demande ouvertement des informations au sujet de sa personne. Cela lui prit une longue seconde à comprendre qu’il cherchait simplement à mieux la connaître.
Oh.
Elle détourna les yeux un instant avant de revenir sur lui. Elle aurait aimé ajouter évidemment, mais ce n’était pas une évidence du tout, non. Elle se sentait d’un coup bête d’oublier qu’au delà d’un prénom, d’une lignée, et d’un destin, il y avait d’autre chose qui composait son identité. Seulement, avec les missions qui s’enchaînaient, et le dépaysement loin de sa famille, sa maison, ce qu’elle avait connu, ce qu’était avant tout Béatrice, elle avait tout le mal du monde à retrouver ces moments plus calmes où se dévoiler.
Cette après-midi en compagnie du Marquis ressemblait bel et bien à un de ces instants tranquilles. Elle craignait de l’avoir gâché avec sa bêtise mais, fixant le visage agréable du garçon, constata qu’il s’en amusait tout au plus.
Bien entendu. Je ne suis pas seulement cruelle, mais aussi perspicace.
Elle s’empara de sa cuillère pour découper un morceau de chou à la crème.
Si vous tenez à vous noyer, Monsieur de Sercey, je veux bien consentir à vous laisser ma tasse. Vous constaterez ainsi que je suis aussi serviable. Elle haussa un sourcil, amusé par son dramatisme, avant de lentement baisser les yeux pour chercher dans sa mémoire ce qui lui plaisait. Elle pensait rarement à des choses agréables après tout.
Une couleur que j’aime... Je dirais le bleu. Disant cela, elle se perdit dans le ciel qui trébuchait dans ses yeux.
Oui, le bleu était une couleur merveilleuse.
Je le portais beaucoup avant. Hm... J’aime aussi le lilas. La teinte, pas la fleur. Non pas que je n’aime pas la fleur, mais ce n’est pas celle que je préfère. Elle joua avec sa lèvre inférieure d’une main distraite, réfléchissant encore à la question posée. Dans ce cas, je dirais qu’il s’agirait du tournesol. Elle descendit les yeux jusqu’à son collier pour vérifier qu’il était bien là. Cela vous satisfait-t-il, Monsieur de Sercey ? J’ai mérité votre prénom, vous ne pensez pas ?
Dim 7 Mar - 15:51
Engage with the painas a motive
Béatrice acquiesça doucement, heureuse qu’ils partagent un amour sincère pour cette même couleur. L’espace d’un instant, elle aurait presque cru être retournée en enfance, où un point commun aussi mineure suffisait à dicter l’intérêt ou le désintérêt pour le fils du voisin ou de l’ami de Papa. Est-ce que c’était cela, avant tout le reste, des gens ? Avant la somme de leurs prénoms, leurs noms, leurs âges, peut être même leur histoire — est-ce que les gens, c’était ce qu’ils aimaient ?
L’idée lui plaisait. Peut-être que de cette façon, elle pourrait bel et bien redevenir quelqu’un, même si jusqu’ici, elle prétendait tout haïr.
N’est-ce pas ? J’ai des excellents goûts.
Elle but une nouvelle gorgée de son thé, noyé de sucre et d’un peu d’acide fruitée. Un goût de nostalgie.
Pourtant, en dépit de toute la prétendue assurance qu’elle avait en ses choix, elle se tortilla sur elle-même lorsque Monsieur de Sercey répéta le nom de sa fleur d’un ton dubitatif. Les roses devaient sans doute être plus convenues pour les jeunes femmes de son teint, de sa légèreté, et, à un degré, de sa répartie.
Des épines...
Et si Béatrice les appréciait elles-aussi, le tournesol n’en demeurait pas moins son petit favori.
Je sais que ce n’est pas un choix traditionnel, mais...
Voilà qu’elle ressentait le besoin de se justifier. Elle avala une nouvelle part de son choux pour se faire taire, sous peine de s’embarrasser davantage.
C’est une fleur qui vous sied plutôt bien je dois l’admettre.
Elle s’arrêta de mâcher, fixant d'un air surprise le Marquis, avant de déglutir, comme si elle se rappelait seulement qu’elle avait quelque chose dans la bouche. Une fleur qui la seyait...? Reposant sa cuillère baignant de crème, elle passa une main dans une des longues mèches de qui encadraient son visage.
À cause de la couleur de mes cheveux ?
Il disait un petit soleil, mais Béatrice avait rarement le sentiment de faire honneur à son troisième prénom. Elle pensa à Aimable, ce grand gaillard qui n’avait lui aussi pas la tête à l’emploi, et se demanda si, l’appelant ainsi : Béatrice Léonie Solaire — la joie, le lion, l’astre d’Hélios — ses parents espéraient faire d’elle une demoiselle courageuse, noble d’esprit, dont on resterait béat de la lumière.
Si elle était un tournesol, c'était seulement parce qu’elle cherchait le soleil, se tournait vers lui, et non pas parce qu’elle l’incarnait.
La sorcière releva la tête lorsque le Marquis se présenta enfin. Gabriel... Avec un petit sourire, elle retourna au fond de son dossier, comme pour pouvoir le considérer dans son ensemble, dans un nouveau contexte, maintenant qu’elle pouvait mettre un nom sur ce visage.
Tiens donc. Un prénom d’ange.
Elle se rapprocha à nouveau, s’appuyant sur la table avec son coude.
Voilà qui achève définitivement votre image de mauvais garçon.
Elle voulut ajouter quelque chose, mais perdit complètement ses mots lorsqu’il se dévoila en un nouveau sourire.
Oh non.
Oh non non non.
Du bout des doigts, elle amena sa tasse à ses lèvres, l’air prétendument tranquille, presque dignifié. Si elle s’évertuait à faire comme si de rien était, ce petit caprice lui passerait forcément.
Quelle dommage, pour la fleur. Elle comprit que poursuivre serait une très, très mauvaise idée juste alors que ses mots lui échappaient des lèvres. Pourtant, elle ne pouvait pas se taire : son ton laissait clairement entendre que quelque chose suivrait. Il était temps d’invoquer le Léonie dont l’avait doté ses parents. Je ne saurais donc pas quoi vous offrir la prochaine fois que nous nous verrons.
Elle cacha sa panique grandissante derrière un sourire assuré.
L’idée lui plaisait. Peut-être que de cette façon, elle pourrait bel et bien redevenir quelqu’un, même si jusqu’ici, elle prétendait tout haïr.
N’est-ce pas ? J’ai des excellents goûts.
Elle but une nouvelle gorgée de son thé, noyé de sucre et d’un peu d’acide fruitée. Un goût de nostalgie.
Pourtant, en dépit de toute la prétendue assurance qu’elle avait en ses choix, elle se tortilla sur elle-même lorsque Monsieur de Sercey répéta le nom de sa fleur d’un ton dubitatif. Les roses devaient sans doute être plus convenues pour les jeunes femmes de son teint, de sa légèreté, et, à un degré, de sa répartie.
Des épines...
Et si Béatrice les appréciait elles-aussi, le tournesol n’en demeurait pas moins son petit favori.
Je sais que ce n’est pas un choix traditionnel, mais...
Voilà qu’elle ressentait le besoin de se justifier. Elle avala une nouvelle part de son choux pour se faire taire, sous peine de s’embarrasser davantage.
C’est une fleur qui vous sied plutôt bien je dois l’admettre.
Elle s’arrêta de mâcher, fixant d'un air surprise le Marquis, avant de déglutir, comme si elle se rappelait seulement qu’elle avait quelque chose dans la bouche. Une fleur qui la seyait...? Reposant sa cuillère baignant de crème, elle passa une main dans une des longues mèches de qui encadraient son visage.
À cause de la couleur de mes cheveux ?
Il disait un petit soleil, mais Béatrice avait rarement le sentiment de faire honneur à son troisième prénom. Elle pensa à Aimable, ce grand gaillard qui n’avait lui aussi pas la tête à l’emploi, et se demanda si, l’appelant ainsi : Béatrice Léonie Solaire — la joie, le lion, l’astre d’Hélios — ses parents espéraient faire d’elle une demoiselle courageuse, noble d’esprit, dont on resterait béat de la lumière.
Si elle était un tournesol, c'était seulement parce qu’elle cherchait le soleil, se tournait vers lui, et non pas parce qu’elle l’incarnait.
La sorcière releva la tête lorsque le Marquis se présenta enfin. Gabriel... Avec un petit sourire, elle retourna au fond de son dossier, comme pour pouvoir le considérer dans son ensemble, dans un nouveau contexte, maintenant qu’elle pouvait mettre un nom sur ce visage.
Tiens donc. Un prénom d’ange.
Elle se rapprocha à nouveau, s’appuyant sur la table avec son coude.
Voilà qui achève définitivement votre image de mauvais garçon.
Elle voulut ajouter quelque chose, mais perdit complètement ses mots lorsqu’il se dévoila en un nouveau sourire.
Oh non.
Oh non non non.
Du bout des doigts, elle amena sa tasse à ses lèvres, l’air prétendument tranquille, presque dignifié. Si elle s’évertuait à faire comme si de rien était, ce petit caprice lui passerait forcément.
Quelle dommage, pour la fleur. Elle comprit que poursuivre serait une très, très mauvaise idée juste alors que ses mots lui échappaient des lèvres. Pourtant, elle ne pouvait pas se taire : son ton laissait clairement entendre que quelque chose suivrait. Il était temps d’invoquer le Léonie dont l’avait doté ses parents. Je ne saurais donc pas quoi vous offrir la prochaine fois que nous nous verrons.
Elle cacha sa panique grandissante derrière un sourire assuré.
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