La mission avait été aisément mise en place. Un ensemble d’une vingtaine de personnes, toutes volontaires, avaient offert de traquer le récemment disparu héritier des van Heil. Sans surprise, le maréchal des armées avait mis en œuvre les moyens nécessaires à la recherche de June. Une partie de la garde était sur le pied de guerre suite à l’annonce de la nouvelle par les différents partisans de la cour, son entourage, mais aussi Victoire de France elle-même. Le peuple, attiré par l’idée de la gloire, s’était hâté de trouver le jeune homme dans Paris… Mais si enlèvement il y avait, Paris n’était-elle pas justement la plus attendue des caches ?
L’ensemble du groupe a chevauché à quelques heures du crépuscule, voulant profiter des dernières lueurs du jour. L’air bat contre les visages, une battue improvisée se dirigeant vers le sud de la capitale. C’est rendu aux limites de la ville que les différents binômes se sont dispersés. Surveillant le bon déroulement de l’opération, et ce jusqu’à ne plus entendre les fers battant le sol, Eve tourne un regard vers Gabriel et d’un commun accord, les deux soldats reprennent leur route. Ce n’est qu’une fois rendus aux abords des carrières qu’Eve cesse l’avancée de sa monture, observant le terrain escarpé s’étendant à perte de vue devant eux.
« Je crois qu’il est grand temps de se salir les mains… »
Puisque vous étiez déjà hors de Paris lorsque le Duc a été retrouvé, vous n'aurez pas l'information avant votre retour.
Nota Bene : Si vous n'aviez pas terminé votre rp au moment de l'intervention, ce n'est pas un problème. Vous pouvez le continuer et prendre en compte cette intervention à la fin de celui-ci. De cette manière, vous ne serez pas bloqués.
Un regard en direction de Gabriel et elle lui offre une légère moue ennuyée. L’endroit pourrait être parfait pour tendre le moindre piège… Ce qu’elle ne parvenait cependant pas à comprendre, c’était comment l’un des meilleurs éléments de son armée avait pu être si facilement enlevé. L’appartement n’avait montré aucune trace de combat, malgré une légère odeur de sang. Mais celle-ci s’était rapidement justifiée par l’escarmouche dont June avait été victime dans la journée. Une vengeance ? Une revanche contre un homme si haut placé serait certainement justifiée dans ces temps difficiles, où peste, pauvreté et les premières traces d’une possible famine commençaient à se présenter.
« Je doute effectivement que les travailleurs se risquent à cacher June sans avoir fait montre d’une demande de rançon… Ils n’y gagneraient rien. »
Si ce n’était un possible incident diplomatique… Et cette seule idée fit frissonner Eve.
« Profitons de la lueur du jour pour nous enfoncer dans les flancs les plus escarpés. Certaines carrières ont révélé des passages, grottes et tunnels… Peut-être gagnerions-nous à nous aventurer en ces parties… ? »
La question était rhétorique, en est la preuve le pas assuré d’Eve alors qu’elle descend avec peu de crainte les rebords escarpés. Gants à ses mains, elle se retient aux rochers lorsque les chemins se font plus complexes. La descente n’est pas l’endroit le plus propice aux discussions. Et contourner les zones de travail signifie également que les reliefs y sont mal assurés…
[Devant Eve et Gabriel, le prochain pan de roche à descendre pour atteindre le fond de la cavité n’est pas bien solide. L’un des deux manque de tomber… Lequel va donc rattraper l’autre ?
Lancer de dé (1), celui au chiffre le plus petit se casse la binette.]
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Leur descente était jusque-là sans accroche. Gants souillés n’étaient qu’une démonstration d’humanité pure et simple lorsque l’on sait qu’elle aurait certainement pu bondir et ne rien risquer de trop important pour sa propre vie. Oh qu’il était amusant, pourtant, d’imaginer la jeune fille vêtue de ses plus beaux tissus tentant de s’échapper dans un labyrinthe vertical de roches et de froideur. La chaleur du jour contre la pierre serait presque rassurante si l’obscurité qui se peignait au fond des gorges n’était pas si poignante. Elle n’y trouve pas de défaut, le réconfort de l’obscurité une protection dont elle ne saurait, par nature, pas se défaire.
Tout était bien calme. Bien trop calme. Elle qui n’aura jamais cru aux coïncidences, qui se bat encore contre les lignes qui se dessinent par-dessus celles du charmant Gabriel, n’aurait jamais cru pouvoir un jour tomber si bas. Ce n’est pourtant pas le manque de précaution qui lui aura fait défaut. D’autres penseraient certainement qu’il tient à un chef des armées d’être téméraire et brave. Elle, sait qu’il est avant tout de son devoir de rester stratège. Se jeter dans la gueule du loup n’était pas une option viable. Pas lorsqu’elle se trouvait en compagnie d’un humain de chair et de sang.
Mais l’ironie apprécie toujours autant planter ses crocs contre les flancs du vampire. Une seconde d’inattention suffit à laisser une parcelle rocheuse céder sous ses pas, et si ses sens de créature lui hurlent de se rattraper à une vitesse qui ne se justifierait en rien, elle n’aura jamais le temps de le faire. Non. Car à ses côtés, Gabriel semble mu par ce qu’elle associera à un parfait élan d’adrénaline, et ne reconnaîtra pas, à tort, comme étant un instinct tout aussi bestial que le sien. Des gestes qui ravivent un pincement si mélancolique en elle alors que les bras du brun se referment sur elle, la protégeant de l’impact.
Si la chute ne fut pas des plus périlleuse, elle reste pourtant quelques secondes prise au dépourvu, à fixer les yeux si bleus de l’autre homme avant de se détourner, se redressant avant de le remercier d’une voix basse. Elle n’a même pas l’occasion de l’aider à se redresser, non, il semble presque… Bleu contre bleu, la plaisanterie la laisse incertaine alors qu’elle observe l’homme, ses vêtements salis, et l’absence presque évidente de désagrément physique suite à la chute. Eve pince les lèvres et baisse les yeux. Ce n’était pas le moment de laisser ses méninges tergiverser plus que de raison. Non. Et le rappel à l’ordre de Gabriel, aussi doux soit-il, la ramène à l’instant présent.
« Allons-y. »
Elle passe près du soldat et effleure son bras de la main, croisant une seconde son regard avec un petit sourire en coin. Elle ne se l’explique pas, non. Mais elle finit par reprendre l’avant de leur recherche, et s’engouffre lentement dans la cavité. Oh, elle regretterait presque de ne pas avoir pris de lampe à huile, si ses yeux n’étaient pas naturellement accommodés à l’obscurité. Elle avance le long de la galerie, s’interroge un bref instant sur la possibilité qu’il s’agisse de l’une des connexions aux catacombes de Paris et se tourne vers Gabriel, attendant qu’il soit à sa hauteur pour souffler près de lui, refusant d’être trop bruyante.
« Essayons de ne pas nous séparer. Je ne veux pas perdre encore l’un de mes hommes. »
La lueur de l’entrée de la galerie est encore suffisante pour distinguer ce qui les entoure, et sans plus attendre, elle reprend sa marche, incertaine quant à ce qui pourrait se tenir devant eux.
C’était une question d’habitude. Comme si la façon de faire était si bien gravé dans chacun de ses os qu’elle ne réalisait pas que la luminosité ne permettrait pas à un être humain de voir plus loin que le bout de son nez. Le soleil couchant au dehors n’apportait presque plus sa lueur jusqu’au creux de la cavité dans laquelle ils s’étaient enfoncés. Et c’est avec un rire léger et bien trop détendu pour la situation qu’elle répondit à Gabriel.
« Ce serait aussi une façon bien facile de nous repérer… »
La plaisanterie est légère, Eve n’a pas lieu de croire qu’une quelconque âme se trouve encore dans la galerie. La réverbération les avertirait bien en amont. C’était du moins sa sotte croyance. Leurs pas les mènent toujours plus loin, et ce n’est pas l’interrogation avortée de Gabriel qui la fit stopper net, non. Ce cri. Ce cri lui hérisse le derme sans qu’elle puisse le contrôler. Et sans réfléchir, même si la lumière vient de loin, ce sont ses réflexes forgés par des années de fuite qui frappent ses sens en premier. Plaquant un peu brusquement Gabriel contre la paroi pour éviter que leurs silhouettes ne se dessinent dans le champ du faisceau lumineux lointain, elle se colle au soldat, le regard rivé vers l’autre extrémité du tunnel, ses doigts gantés doucement posés contre les lèvres du soldat.
Non. Non, elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas risquer la vie de Gabriel. Elle avait entendu la légère inflexion dans sa démarche depuis qu’il avait réceptionné sa chute. Et si la culpabilité n’est pas la bienvenue, elle s’est malgré tout trouvé une place contre ses côtes, là où elle la laissera tapie de peur qu’elle n’explose à sa face. Non. Non elle ne pouvait pas risquer de mettre Gabriel davantage en danger. Instinctivement, sa main libre se glisse à la garde de son arme. Et dans un souffle, elle refuse de risquer sa vie. Pas lui.
« Reculez. »
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Rien ne se passait jamais comme prévu, pas vrai ? Eve commençait à en prendre amplement conscience qu’elle avait soit une malchance indécente, soit… Gabriel était un facteur de chaos absolument impossible à maîtriser. Là, collée contre lui, la respiration lente, comme un prédateur et non pas comme une proie, elle n’arrive pas à croire qu’il se détourne, et surtout, qu’il refuse de se soumettre à un ordre direct. Eve voudrait protester. Voudrait planter ses crocs dans la gorge de l’homme pour le faire taire et le neutraliser, mais l’idée n’est pas viable. Pas plus que l’espoir de retenir cet homme, de toute évidence.
Eve aurait pu protester, s’agacer profondément de ce qui n’était plus une démonstration de témérité mais bel et bien de la pure inconscience. Elle tend pourtant la main pour le rattraper, mais il s’est bien vite échappé. Et si leurs pas dans l’obscurité n’étaient pas l’apanage du silence, la course de Gabriel éclatait en un ricochet bruyant dans la galerie. La lueur avait beau s’éloigner, et peu importe qu’il se soit agi de simples plaisantins, risquer ainsi de compromettre leur position était purement et simplement les mettre tous les deux en danger. Et pour tout ce qu’Eve n’appréciait pas l’idée, elle n’avait à aucun instant hésité à forcer sur faux semblants humains pour rattraper Gabriel. Sa brise sur l’avant-bras gauche de l’homme est ferme, tant et si bien qu’elle sait sans la moindre once de doute qu’à moins de se débattre il ne pourra poursuivre. Resserrant sa prise et tirant sur l’homme pour le retenir, elle le foudroie du regard lorsqu’elle capte enfin son regard, l’envie de le houspiller plus que présente.
Non, son insolence ne resterait pas impunie. Mais maintenant n’est pas le moment opportun.
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Tout s'est passé bien plus vite qu'Eve ne l'aurait souhaité. Il n'aura fallu que quelques secondes pour que leur course ne cesse, et c'est au son de douleur de Gabriel qu'elle réalise subitement son erreur. Elle qui avait cru que leur précédente chute n'avait pas fait trop de dégâts commençait déjà à remettre en question toute leur situation. Est-ce qu'un élément lui avait manqué ? Bleu contre bleu, leurs regards se heurtent alors que le soldat referme sa main sur le poignet fin du vampire, et dans un élan de force, et sûrement de douleur, la voilà repoussée.
L'inquiétude se dessine une seconde sur ses traits alors qu'elle voudrait le rappeler à l'ordre. Lui dire que tout ceci est un immense piège, et que le danger, même s'il est incertain, pourrait les laisser en très mauvaise position. Mais les mots de Gabriel se perdent contre ses sens alors qu'en un battement unique son cœur s'emballe. Non. Pas maintenant. Pas maintenant.
L'odeur du sang la saisit a la gorge alors qu'elle reculerait presque d'un pas pour s'éloigner. Non. Ce n'était pas sa chute. Rien ne coïncidait. Rien en coïncidait que la réalité des faits. Et sans réfléchir ses doigts agrippent le tissu couvrant son bras, révélant des lacérations profondes et rouges. Rouge carmin. Rouge comme le sang qui bat sous cette peau brûlante qu'elle ne peut pas sentir sous ses doigts gantés. Elle reste un instant interdite avant de le relâcher. Cherchant son regard alors que sa gorge se noue. La faim l'étrangle et elle détourne le regard, inspirant profondément. Non. Pas maintenant.
Elle recule d'un pas et procède les mots de l'homme devant elle, avant de forcer contre ses sens. Avancer. Avancer était sa seule solution. Elle a besoin d'une distraction. De tout ce qui ne la rappellera pas à sa nature profonde. Déglutir et répondre, un tremblement léger dans la voix.
« Ne partez plus seul, Gabriel. »
Car ils ne pouvaient pas reculer non. Et elle ne pouvait certainement pas laisser son odeur l'enivrer davantage. Pas un mot de plus avant qu'elle ne reprenne une marche hâtive, suivant la lumière, essayant en vain d'oublier sa soif. D'oublier que le rouge un bref instant s'est mêlé à ses prunelles. Oublier que l'une ses plaies contre ce poignet lui rappelle de sa forme celles pansées il y a quelques nuits de cela. L'obscurité ne cacherait rien. Pas leurs vices. Et encore moins leurs masques brisés.
Faire taire la fureur qui gronde au fond de ses pensées. La peur la prend subitement à la gorge. Elle avait entendu la voix de Gabriel trembler. Elle avait vu la tension se glisser dans chacun de ses membres. Il avait vu. Eve en était certaine. La mâchoire fermement serrée, oubliant la brûlure au fond de sa gorge, celle qui appelait désespérément Eve à planter ses crocs dans la chair chaude de l’homme derrière elle. La même envie que celle qui l’avait tant de fois faite chavirer il y a tant d’années de cela. Il fallait oublier. Oublier au profit de leur poursuite. Elle devait retrouver June, maintenant plus encore qu’avant. Son nom pourrait être Sali par cette bavure. Gabriel pourrait laisser planer le doute sur ce qu’elle était. Des soupçons, même infondés, risqueraient de mettre à mal sa position. Sa vie toute entière. Risquerait de mettre en danger Adam.
Déglutir est un geste pénible alors qu’elle s’enfonce encore dans la galerie, le pas hâté, fuyant l’obscurité vers cette lueur ténue. Fuyant Gabriel et la peur d’être sur la dernière marche de l’échafaud. Une sellette dont elle n’avait pas besoin. Trop de choses étaient déjà si complexes. Alaric de Normandie. Cette créature aux yeux rouges. Désormais la disparition de June. Et il y a quelques jours seulement, l’attaque de la jeune princesse. Tout semblait s’effondrer autour d’elle. Chaque palissade, chaque rempart, chaque espoir. Sa gorge se noue, l’angoisse revenant la prendre contre son gré. Elle pourrait en rire, le souffle court. Rire de l’idée qu’Antoine avait su la réconforter. Avait ouvert la porte du marquis à sa présence, eut-elle besoin d’une épaule sur laquelle se reposer. Mais tout ça n’était plus. N’existait plus. Elle venait de commettre l’erreur de trop. Il n’aura suffi que de ça. Ça et sa candeur idiote. Cette imbécile envie de vivre, d’évoluer aux côtés des humains, ces éphémères pleins de vie. Pourquoi seulement avait-elle toujours voulu jouer du monde qui l’entoure ? Elle aurait dû écouter son frère. Trouver le refuge dans un sommeil éternel.
Les mots de Gabriel lui échappent, étouffé dans ce bourdonnement de peur qui la retient dans son étau. Quelle amère ironie que d’être le prédateur pris à son propre piège. La poursuite désespérée d’une échappatoire la rendrait presque aveugle au monde autour d’elle, sens aiguisés vrillés par cette noirceur qui la dévore de l’intérieur.
Mais plus rien de tout ça n’était désormais possible. La lumière n’est plus si loin. A-t-elle couru ? Elle ne réalise plus, rongée par le sentiment que les murs pourraient se refermer sur elle. Son souffle court n’est pas dû à l’effort, non. Non, ce n’est pas ça. Ce n’est plus ça.
Les murs sont pourtant bien là. La galerie solide et interminable, intacte, inébranlable. Pourtant, tout s’effondre. Tout s’effondre et le monde ne demande plus qu’à l’engloutir dans ses entrailles.
Rien ne passe plus la barrière de ses sens. L’effroi est si vif, ses griffes plantées contre ses côtes. Elle ne réalise pas le danger face auquel elle s’expose. Sait-il ? Connaît-il l’existence de sa race ? L’air lui semble plus rare, et si elle ne se laissait pas guider par son devoir, par l’illusion de devoir rattraper cette lueur au bout du tunnel, tout aurait certainement été différent. Céder à ses peurs comme lorsqu’elle était enfant. Elle ne veut pas. Ne veut pas tout perdre. Elle a mérité sa place. Mérité d’être ici, en vie.
Tout s’arrête aussi vite qu’elle ne filait. Une poigne si forte qu’elle penserait perdre son souffle, prête à se débattre, mais contre son dos, la chaleur d’un corps a fait frémir là où ses doigts s’agrippent instinctivement au bras qui l’étreint. Le souffle court, l’ouïe lui revient comme l’on sort la tête de l’eau. Graduellement et sans qu’elle ne puisse l’expliquer.
Mais les mots sont un danger. Un danger qu’elle ne réalise que trop tard. Il suffirait d’une lame en cuivre pour que tout cesse. Que d’une morsure pour qu’elle perde l’avantage. Elle repousse instinctivement son bras, ses doigts tremblants, la parole ne lui revenant pas, comme si les cris poussés dans ses pensées ne trouveraient plus jamais écho contre l’air des vivants.
Pourtant Gabriel ne fait rien. Raffermit son étreinte et la maintient, là, étroitement contre lui. Sa voix porte ce grain de colère qu’elle reconnait avec peine. Il sait. Tout est clair désormais. Il sait et il la jettera en pâture à ceux qui veulent la mort de sa race. Mais rien ne vient, toujours rien. Si ce n’est ce calme imposé. Ce devoir de ne pas perdre la raison.
Une inspiration et elle cesse de se défendre, ses doigts reposant contre le bras du soldat. Elle s’efforce de respirer de longues secondes et tente d’assimiler ses paroles. Ce n’était pas le moment. Ils devaient inspecter cette galerie. Ils étaient là pour ça. Gabriel voulait finir leur mission. Ne comptait pas parler de tout ça. Pas maintenant.
Eve n’ose pas se retourner, n’ose pas croiser son regard, comme elle l’a déjà fait tant de fois, et plus encore. Elle hoche lentement la tête, ne démontrant en rien qu’elle n’était pas l’enfant ici, en tout état de cause. D’un geste plus doux, quand bien même encore fébrile, elle finit de repousser le bras du soldat et murmure, sa voix fragile, encore marquée de cette émotion qui ne la lâche toujours pas.
« Vous avez raison. »
S’excuser n’apporterait rien. Non. Elle avance d’un pas, puis deux et encore d’autres. Quelques mètres à peine les séparent, et dans cette pénombre presque totale, elle ose enfin lui lancer un regard. La peine dans ses yeux heurte la colère sourde, et là où jamais avant elle ne l’avait fait, Eve baisse les yeux, honteuse.
Non, s’excuser n’apporterait rien. Mais tout son être se tord de voir l’illusion de l’être aimé abhorrer sa simple existence.