No hope no love no glory

Tout semble étrangement simple, ainsi présenté par ses soins. Peut-être que cela tenait à son caractère ou à sa place dans la meute. Peut-être, simplement, qu'Antoine est de nature protectrice. Était-ce le propre des loups ? Eve avait du mal à y croire. Ça lui semble même insensé. Ceux qu’elle a pu connaître par le passé étaient territoriaux et brutaux. Antoine semblait… tout l’inverse de ceci. Et si la vampire aurait en d’autres circonstances douté de la bonne foi du loup… Il y a quelque chose dans le poids tranquille d’une main chaude reposant contre la sienne qui réveille ses sens. A-t-on déjà vu créature centenaire ainsi courber l’échine devant la malice de ce qui est plus jeune que soi ? Eve relève les yeux sur lui et tremblerait presque visiblement. Il y a de la peur dans ses yeux. La peur d’être blessée. La peur d’être rejetée.

Mais il n’en fait rien. Ne rétracte son offre en aucun cas. Il n’est pas en train de fuir. Il fait même les pas nécessaires pour la rejoindre là où elle est plutôt que de persister à la faire venir à lui. Sûrement ce choix avait-il été judicieux. Toute l’attention de la jeune femme portée sur lui.

Rassurant, la tension, si elle ne disparaît pas, coule contre ses sens et la rappelle à l’ordre. Prunelles azures perdues sont celles tout aussi claires de son vis-à-vis. Y avait-il vraiment une autre option ? Une solution à la détresse qui rôde et tente désespérément de la dévorer à tout instant ? Non, elle ne tremble pas… Ce n’est qu’une impression, pas vrai ? Laisse échapper un rire qui pourrait être un sanglot, mais aucun son n’en provient. Hoche doucement la tête, boucles d’or dansant doucement dans le mouvement. Regard brillant d’une pointe d’espoir qu’elle ne devrait pas accorder avec tant de facilité.

Mais elle est déjà à terre. Comme rouée de coups par la vie. Et cette main tendue… Elle n’ose plus la laisser lui échapper. Pathétique qu’elle est, à ainsi se raccrocher à ce qui n’est pas sien. Eve devrait avoir honte, mais elle inspire doucement et prononce, la voix trop douce. Elle a rendu les armes, et ça se voit dans l’entièreté de sa posture.

« Oui… Je suis prêt… »

D’un geste maladroit, c’est de la paume de sa main qu’elle repousse toute dernière trace d’humidité de son regard. Jette un dernier regard à son bureau et relâche doucement la poignée de la porte – et la prise d’Antoine… Est-ce du regret qui lui serre le cœur ? Quelle sotte – pour retourner à son bureau et récupérer son épée. Trop habituée à ne plus se fier à rien.

Pourtant son regard s’arrête sur la boîte trônant là et c’est après quelques secondes d’hésitation, statique, finissant de lier le fourreau de sa lame à sa ceinture, qu’elle récupère finalement le présent offert. Lorsqu’elle se tourne à nouveau vers Antoine ? Le rose contre ses joues est autant une preuve de gêne que de ce malaise incertain qui est désormais le sien. Était-ce seulement acceptable ? D’un mouvement maladroit – si peu caractéristique d’elle… Pourquoi se sent-elle intimidée, tout d’un coup ? –, elle oppose doucement, comme pour se justifier.

« Il serait dommage de laisser tout ça se perdre… »

Non, elle n’en avait pas envie. L’idée lui nouait même l’estomac… Mais quelque part, entre ses mains, elle tient la preuve que tout ceci est réel. Une raison de ne pas s’accrocher à la main du loup, pour le simple principe de ne pas le laisser se sauver. De peur de voir tout à nouveau s’écrouler.

Une fois à nouveau à portée, elle s’humecte les lèvres et demande une dernière fois, luttant contre la peur une ultime fois avant de céder.

« Et vous… ? Êtes-vous sûr… ? »

Il semblait prêt. Plus prêt qu’elle ne le serait jamais. Mais comment nier l’évidence ? Nier qu’elle se raccrochait inconsciemment à lui. Qu’il allait, le temps qu’il le lui accorderait, vivre d’Antoine comme d’un roc ? Eve ne perd pas de sa superbe, non. Pourtant, nul autre que lui en ce monde n’aura jamais vu la jeune femme aussi ouvertement en demande d’être acceptée.

Peut-être même, en demande d’être aimée.