Malgré un visage souriant et des tentatives de lancer des "bonjour" ici et là à qui voulait bien croiser son regard... Athénaïs constata avec désarroi que ce village était rempli de ploucs pas sympathiques et elle se sentit vexée. Tant pis pour eux, ils se passeront de sa bonne compagnie, tandis qu'elle décida de se rendre à la taverne Le Chat Noir.

La taverne ne se démarquait pas de celles que l'on pouvait trouver ailleurs sur les routes de France. De l'alcool, des habitués, des filles de joie... Elle prit soin de ne pas croiser leurs regards, préférant éviter de les côtoyer le plus possible. L'ombre de son éducation religieuse planait. Tout naturellement, elle s'avança jusqu'au comptoir. Un instant elle observa Elliot sur sa droite. Il empestait l'alcool et la brune avait le nez fin, autant dire que ce n'était pas très agréable.

- Tavernier, un cidre pour moi s'il vous plait.

Un peu de courage n'était pas cher payé. Depuis qu'elle avait goûté à la vie autonome sans les sœurs du couvent, Athénaïs avait appris à déguster un bon verre de vin. Enfin, ici seulement des pommes légèrement pétillantes, rien de méchant.

Elle prit place sur sa chaise et le plus naturellement du monde, elle se pencha vers son voisin.

- Vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que je vous tienne un peu compagnie, Messire ?

Ce n'était pas simplement son allure générale qui empestait l'alcool. Son haleine était également fétide. C'était fort dommage car très honnêtement, tout comme son frère, il avait un très beau minois.

Et puis vint le moment où il se trompa allègrement sur sa démarche. Il souriait comme un bien heureux, tandis qu'Athénaïs arquait un sourcil et se retenait de ne pas lui crever les yeux avec ses dards.

- Vous n'auriez pas assez de pièces pour vous payer une nuit avec moi. Lâcha-t-elle, fièrement, vexée d'avoir tantôt été une cuisinière, tantôt une péripatéticienne. Si les sœurs avaient entendu cela, oh lala ! Elle remarqua à peine son verre de cidre que l'aubergiste venait de poser sous ses yeux en pouffant de rire. Quoique, il paraît que vous souhaitez hériter Messire, vous avez peut-être de l'or à foison... Dit-elle pour lancer le sujet, mais hors de question qu'il pose l'une de ses mains d'ivrogne sur elle ! Athénaïs a du goût, tout de même ! Et euh, des préceptes religieux hein surtout...

Malgré les litres d'alcool qu'il avait dû ingurgiter depuis un bon moment, son esprit suivait la conversation. Sceptique quelques instants, Athénaïs prit un regard de biche. Tant qu'elle ne le chagrinait pas, peut-être serait-il prompt à laisser sa langue se délier et lui révéler le pourquoi du comment.

- Vos alliés Messire ? Qui sont-ils ? Auriez-vous l'extrême gentillesse de m'apprendre quelles sont vos qualités, vous démarquant de votre frère, faisant de vous le baron idéal ?

Même en décidant de ne rien lui révéler, déjà il lui donnait quelques miettes. On parlait donc d'au moins plusieurs personnes suffisamment fortes pour prendre de force son héritage.

La sorcière ne pouvait se satisfaire de si peu, ainsi, elle ignora le geste de la main d'Elliott. Elle posa un coude sur le comptoir, appuya sa tête sur sa main et se pencha en avant, légèrement. Elle paraissait ainsi plus lascive. Et comme il lui avait fait comprendre qu'elle était à son goût, cela devrait l'encourager à parler. Si les sœurs du couvent la voyait faire, misère... Heureusement, elle n'était pas prête non plus à délasser légèrement son corset !

- Vous avez déjà trop parlé Messire et je suis une femme très, très curieuse.

Que Dieu lui pardonne ces comportements, tout cela seulement dans le but d'arranger et de mettre un point final à cette histoire, évidemment... Elle n'était surtout pas du genre à trouver un certain plaisir à potentiellement séduire...

Mais c'est qu'il était plaisant le bonhomme ! Elle sentit un fourmillement au bout de ses ongles, agacée par le comportement de ce pseudo baron. Elle pivota sur sa chaise pour boire cul sec son verre de cidre. Puis, sans même le regarder, elle lança.

- J'ai bien entendu que vous avez peur de parler. Dommage, j'aurais peut-être pu vous aider.

Sa réaction ne la surpris pas du tout. Pire encore, elle s'y attendait et elle pouvait même imaginer la voix de l'une des sœurs lui répétant encore "Mais enfin, tu vas tenir ta langue ! Tu sais bien qu'il faut que tu réfléchisses avant de parler !" Mais que voulez-vous, Athénaïs disait les choses de manière très franche et ça ne risquait pas de changer...

Elle roula des yeux au ciel tandis qu'elle sortit de quoi payer sa consommation. Au moins, elle trouvait les renards mignons, ce n'était pas trop dégradant. Pour essayer de se rattraper, elle sortit de quoi offrir une consommation à Elliot.

- Bonne beuverie Messire.

Elle quitta son siège et un éclat de rire attira son regard vers les prostitués. L'idée la dérangeait, mais si Elliot était un habitué, au vue de sa réaction lorsqu'elle avait pris place auprès de lui, il devait aussi verser dans ce genre de "consommation". Ainsi, elle s'approcha de l'une des filles les moins occupées.

- Bonjour Madame. L'homme au comptoir, vous le voyez souvent ici, seul ?

La sorcière sentit le bout de ses doigts plus simplement lui chatouiller. Elle s'imaginait piquer le tavernier et, comme il l'avait dit, il valait mieux qu'elle sorte tout de suite de cette auberge de pacotille. Sans rien ajouter, puisque de toute façon la fille de joie l'avait ignorée, elle poussa la porte pour sortir prendre l'air. Cela la détendrait peut-être un peu. Pendant qu'elle marchait, ne sachant guère ou se rendre à présent, elle massa le bout de ses doigts pour implorer ses dards de ne pas se manifester.

L'air frais apaisa les fourmillements sous ses ongles et sa marche la mena jusqu'aux abords de la demeure de la baronne. En voyant le médecin arriver avec la domestique, Athénaïs se demanda si on ne la houspillerait pas si elle retournait chez eux. Néanmoins l'idée que le médecin ait été un témoin de la lutte entre les deux frères lui traversa l'esprit. Et puis si elle pouvait se plaindre au sujet d'Elliot et de sa grossièreté c'était bonus ! Ainsi, elle se présenta de nouveau à la porte d'entrée.

Elle connaissait maintenant le prénom de l'unique et fidèle servante de la baronne. La sorcière la remercia de lui avoir ouvert et se laissa guider jusque son maître.

- J'ai vu le médecin arriver, à moins que vous teniez à être auprès d'elle pendant qu'il l'osculte, j'aurais une question à vous poser au sujet de votre frère. Je n'ai pas réussi à lui soutirer plus que ce que je vais vous dire... Mais visiblement, il serait aidé d'un groupe pour vous prendre le titre et le pouvoir qu'il inclus. Cela vous dit quelque chose ?

La sorcière prit place dans le même fauteuil qu'un peu plus tôt. Elle écouta le fils de la baronne et fut ravie de constater qu'ils étaient sur la même longueur d'onde.

- Impossible qu'ils aient passé eux-mêmes la frontière, mais des missives par exemple... Votre frère entretenait-il des liens avec les cousins de feu votre père ? Vous en a-t-il déjà parlé ?

Elle voulut lui dire qu'il n'y avait pas besoin d'être de la royauté pour faire ce que l'on veut en France, tant que l'on connait les bonnes personnes, mais pour une fois elle réussit à tenir sa langue.

- Je sais que c'est délicat... Mais avez-vous fouillé ses affaires pour trouver... Et bien quoique ce soit ?

Elle regarda l'objet en question, qu'elle avait remarqué lorsqu'elle l'avait rencontré plus tôt. Cet ornement sur son jabot était d'une taille assez imposante et d'un éclat particulièrement beau.

- Vous en avez hérité après le décès de feu le baron ? C'est une très joli ornement, un bijou de famille ?