Elle l'écouta et comprit que cet objet n'était pas seulement beau en apparence, mais également dans sa signification pour feu le baron. Un certain héritage d'amour se cachait derrière.

- Il est d'autant plus magnifique. Pardonnez-moi pour cette question, mais si votre père le gardait précieusement, cela n'a jamais mis madame la baronne mal à l'aise puisqu'il représentait son premier amour ?

Son regard se posa de nouveau sur l'ornement exceptionnel de son jabot.

- Et votre frère, vous ne pensez pas qu'il soit jaloux de ne pas le posséder ? Je suppose qu'il va de paire avec le titre de baron.

Ses paupières se plissèrent en le regardant replacer l'objet de tant de convoitises sur son jabot. Entre son éclat particulier, les souvenirs auxquels il était rattaché et l'envie d'Elliot de le posséder, cela ne l'étonnerait même pas qu'il puisse conférer un genre de pouvoir et que Théodose ne se doute de rien. Peut-être devrait-elle lui demander de le tenir dans ses mains, pour le voir d'encore plus près et remarquer quelque chose ?

- N'est-ce pas étrange que cet objet soit devenu intéressant soudainement à ses yeux ? Me permettriez-vous de l'examiner Messire ?

Elle prit à deux mains l'objet précieux. De près, il était évidemment encore plus beau. Elle l'observa sous toutes ses coutures et remarqua qu'il ne s'agissait pas d'une simple pierre, comme elle l'avait cru au départ. Un liquide se mouvait à l'intérieur et il était fort beau dans la lumière. Les paillettes étaient très jolies et intrigantes.

- Vraiment ravissant Messire ! Je pensais que c'était une pierre massive, mais nenni. Savez-vous quel est ce liquide ? Je n'ai rien vu de tel. Sont-ce des paillettes d'or ? Outre la valeur sentimentale, cet objet doit avoir une forte valeur marchande !

Toujours précautionneusement, elle lui rendit l'objet, ne voulant pas se donner un air de vautour ou de femme vénale. Bon, d'accord, elle l'était un peu et avait songé que cet homme pourrait être un bon parti à épouser, mais là elle travaillait... Un peu de sérieux...

Peut-être avait-il raison et la pauvre Athénaïs faisait partie de ces péons pouvant si facilement être roulés par des marchands peu scrupuleux. Car tout ce qui brille n'est pas d'or. Néanmoins, si cet objet attirait le regard également d'Eliott l'alcoolique...

- Je ne serais pas surprise d'apprendre que cet objet est atypique, puisqu'il a soudain gagné l'intérêt de votre frère, tout comme le titre de baron, si j'ai bien compris.

Était-ce là une impasse ? En tout cas, la venue du médecin les surpris tous les deux. Et puis surtout, il pimenta le moment et ne manqua pas d'arracher un grand sourire à Athénaïs, très amusée qu'on puisse l'imaginer en tant qu'épouse d'un baron. La réaction de ce dernier valait bien son pesant de cacahuètes. Elle avait très envie de se jeter à son bras pour jouer l'épouse, mais... Elle avait comme un doute sur le fait que cela serait bien accueilli.

- Messire s'occupera de sa mère avec beaucoup d'attention, j'en suis sûre. Quant à moi, je ne me prétends pas médecin, loin de là, mais je suis sage-femme, peut-être pourrai-je la veiller puisque je suis ici ? Qu'en dites-vous Messire qui n'est pas mon mari ?

Oui bon, il fallait bien qu'elle taquine un peu...

Tout aussi respectueusement, elle salua le médecin. Puisqu'il congédia la domestique, ils se trouvèrent tous les deux en tête à tête. Pas déplaisant, au passage le tête à... Ah, mais qu'était-ce ? De l'argent ? Pour aller à la taverne où elle a été jetée comme une malpropre... ? Elle avait comme un doute, mais bon, elle était débrouillarde, elle trouverait bien une solution pour manger ce soir. Au moins, un toit lui était garanti et ça elle n'allait pas cracher dessus ! Elle prit les pièces que lui offrit le baron et l'en remercia.

- C'est fort aimable Messire. Mais vous savez, je doute que je puisse manger ce soir à la taverne. Disons que le poids des consommations de votre frère aura eu raison du bon sens du tavernier et que... j'ai été mise dehors. Mais qu'importe. Au pire je ne mangerai pas. A moins que vous vouliez que je vous prépare un petit quelque chose en cuisine ? Ah mais, vous avez congédié votre domestique alors j'imagine que ce soit vous n'avez pas d'appétit... Vous avez l'air épuisé, je dois vous assommer à papoter ainsi. Je me débrouillerai en ville, merci pour l'argent !

Rater un repas n'aurait évidemment pas été dramatique, mais la faim se faisait ressentir. Heureusement, la sorcière était tombée sur un couple de paysans absolument adorables avec qui elle pu partager son pain et son vin, se délestant d'une partie de ses pièces.

La nuit tombée, elle se retrouva en quelques sortes à la rue. Bien évidemment, elle pouvait retourner chez le baron pour veiller son épouse et même dormir. Néanmoins, elle n'était ni fatiguée, ni encline à juste se retrouver au chevet de la mère des jumeaux.

Lui revint alors en mémoire l'histoire de la bête sauvage supposée appartenir à Elliot. Il était évident qu'il ne pourrait pas la cacher à l'auberge si réellement il en avait une en sa possession. Et la très curieuse Athénaïs était désireuse de mettre un terme à de fausses rumeurs... Ainsi, elle marcha en direction de la forêt, en prenant soin de retirer ses gants, en prévision, sait-on jamais...

La sorcière avançait à pas prudents, faisant en sorte d'écouter le moindre bruit qui pourrait l'alerter dans la nuit. Et jusqu'ici, rien du tout ! C'était presque décevant. Et comme elle est d'un naturel curieux et têtu, elle décida de prolonger un peu sa promenade du soir en s'enfonçant davantage dans les bois.