Stanislava était encore debout uniquement du à l'adrénaline. Et aussi peut-être à son désir de vivre. La respiration laborieuse, les yeux légèrement dans le vague, elle tentait de rester debout, observait péniblement la bête devant elle, crut entendre des mots être murmurés par la créature, mais c'était peut-être du à la perte de sang. Elle eut tout juste le temps de voir les brûlures sur son corps là où son épée l'avait touché que Sébastien se tenait devant elle, visiblement inquiet. Elle réussit tant bien que mal à esquisser un sourire.

-Je vous avait dit… que je l'aurai…

Et tout devint subitement noir.

Urgh… Ca fait longtemps que je ne m'étais pas trouvé dans cet état.

Voilà bien une dizaine de minutes que Stanislava était réveillée et elle n'avait pas bougé d'un poil, fixant bêtement le plafond. Elle n'avait pas osé réveillé Sébastien pour l'instant. Elle avait vérifié doucement le bout de ses doigts et ses orteilles pour vérifier qu'elle n'avait pas rêvé et qu'elle avait tous ses membres. Qu'elle avait bien battu la bête?

Elle l'avait vaincu.

Stanislava sentit une vague de soulagement la parcourir à cette simple idée. Mais sentiment qui ne dura pas longtemps. Elle avait encore tant de questions. Et elle savait qu'elle n'aurait pas de réponses de si tôt.

Elle soupira finalement et leva enfin la main pour secouer doucement Sébastien et le réveiller.

-Sébastien…

Sa voix était un peu enrouée. Et quand elle déglutit, elle réalisa quelque chose d'assez problématique : elle avait soif. Elle avait perdu pas mal de sang après tout.

La réaction de Sébastien lui arracha un bref rire. Elle réussit à se redresser en position assise et dégagea la couverture qui couvrit ses jambes pour observer le bandage. Une main dégagea son épaule de la chemise - appartenant probablement au capitaine - et effleura à peine les bandages sur son épaule.

-J'ai connu mieux… et j'ai connu pire, vous savez, ajouta-t-elle en montrant son avant-bras droit ornée d'une belle morsure de lycans.

Son regard émeraude observa longuement le capitaine, s'attarda peut-être un peu trop longtemps sur sa gorge avant qu'elle ne se détourne avec un effort monstre.

-Comment va Catherine? Je vais devoir lui présenter mes excuses pour sa porte. Je paierai s'il le faut.

-Vous savez que je ne peux pas vous promettre une chose pareille.

Surtout pas lorsqu'on endossait le rôle de garde du corps. Nulle doute que la Reine avec des ennemis et en endossant cette fonction, elle était pleinement conscience des risques qu'elle encourait. Elle n'avait pas le droit de se plaindre. C'était sa vie maintenant.

Stanislava haussa un sourcil. Il était vrai qu'elle s'était faite attaquée mais était-ce vraiment une raison pour rejeter tout le monde? Ne devrait-elle pas plutôt cherché un peu de réconfort? Quelque chose la dérangeait. Même si la bête n'était plus, la vampire avait encore un doute. Et elle n'aimait pas où ce doute dirigeait son esprit.

Plongée dans ses réflexions, elle s'apprêtait à poser une nouvelle question à Sébastien quand elle fut interrompue par les aboiements du petit chien qu'elle avait sauvé l'autre. Elle tapota le matelas pour l'inviter à monter dessus et le récompensa de gratouilles.

-Ca a l'air d'aller mieux, toi. Un vrai dur à cuire, hm?

Stanislava remercia le capitaine et mangea avec une certaine lenteur. La soif qu'elle avait ressenti un peu plus tôt s'était comme évaporée, englouti par les questions qui l'assaillait.

-Est-ce Catherine qui m'a soigné? J'espère qu'elle n'est pas déjà partie, j'aimerais la remercier de vive voix, au moins.

Une demi-heure fut suffisante pour que Stanislava se mette martèle en tête. Si au début, elle tenta de s'occuper comme elle le pouvait en jouant avec le chien, ses pensées se firent de plus en plus frénétiques. Et après le soulagement, l'inquiétude, voilà que venait la frustration.

Voir cette marque de claque sur son visage, Stanislava aurait trouvé la situation drôle. Mais non, là, elle avait juste envie de hurler contre elle-même. Surtout après les révélations que venait de lui servir Sébastien.

-Sébastien… quand j'ai rencontré Catherine la première fois, la nuit où je suis arrivée, elle m'a dit qu'elle devait aller voir son enfant…

Ce détail qui lui avait paru anodin prenait désormais un tout autre sens. Si elle n'avait jamais croisé le fils en question, c'était parce qu'il n'était plus. Elle n'avait pas remarqué dans le feu de l'action mais Catherine avait été seule le soir de l'attaque. Il n'y avait pas eu d'enfant. Et si l'enfant, c'était…

Est-ce que j'ai tué son enfant une seconde fois?

Cette simple question lui glaça le sang et son teint devint livide alors qu'elle cherchait le regard de Sébastien.

-Qu'est-ce que… qu'est-ce que vous avez fait du cadavre de la bête ?

Evidemment. Évidemment!

Quand quelque chose vous hante et rôde pendant deux mois, la première chose que l'on fait quand on arrive enfin à bout c'est de le brûler. Stanislava mentirait si elle disait qu'elle n'avait pas pratiqué cette méthode par le passé.

Catherine était partie, la bête aussi, et avec ça, les réponses à toutes ses questions.

C'était fini.

-Aaaaaaaaaaaaaaaah….

La tête entre les jambes, soupirant longuement, Stanislava s'avoua vaincue.

-… C'est quoi l'alcool le plus fort de la taverne?

-Va pour la gnôle d'Ovide, accepta Stanislava avant de s'allonger à nouveau.

Lorsque Sébastien fut parti, elle se redressa pour se changer et le fit avec plus de lenteur que prévu. Elle n'avait pas osé regarder l'état de ses blessures pour l'instant et les refaire seule n'était jamais une mince affaire. Une fois habillée, c'est en récupérant ses armes qu'elle remarqua qui lui manquait toujours sa dague en argent.

Le petit chien sur les talons, elle descendit les marches jusqu'à la taverne et accueilla les applaudissements et l'ovation avec une certaine gêne mais non sans une pointe de fierté. Elle prit place à l'une des tables et demanda comme elle l'avait souhaité l'alcool le plus fort et le but cul-sec. Elle tenait bien l'alcool en général mais elle devait bien avoué que celui complétait bien ses attentes.

-Le temps de bien me remettre de mes blessures... Je dirai quatre ou cinq jours ? Pourquoi ? Je vais vous manquer, Sébastien ? Demanda-t-elle sur un ton taquin.

On dirait que la gnôle faisait déjà son effet.

Stanislava regarda Sébastien, un peu prise au dépourvu. Mais pour un court instant. Son regard passa de son visage à la main posée sur la sienne avant de la retirer lentement, la lever et venir agripper le col de son manteau et l'attirer vers elle pour plaquer ses lèvres contre le sienne.

-Et vous avez osé me dire que rien ne se passerait entre nous, souffla-t-elle contre sa bouche avant de l'embrasser à nouveau.

Elle venait de frôler la mort, pour la énième fois, elle pouvait bien oublier ses tracas pour une soirée, non ?