Tout un tas de questions flottait dans sa tête et c'est un peu dans la lune qu'il rallia le buffet, la tenue bleue d'Antoine lui permettant de le retrouver assez aisément. ça et le fait que le buffet s'était considérablement déserté après l'annonce des premières danses.

- Pardonnez moi Antoine, fit-il pour toute excuse à sa disparition, le Vicomte hochant simplement la tête, tandis que le Marquis reprenait place à ses côtés, Ai-je manqué quelque chose?

il se passa une main sur le visage tandis que les différentes odeurs se bousculaient déjà à son museau, tandis qu'il observait les personnes présentes et surtout la piste de danse.
Il voyait Eve qui semblait aller bien, il voyait aussi du coin de l'œil son jumeau. Quelques têtes qu'il connaissait et il soupira légèrement, suivant les événements.

Et toujours, dans un coin de son esprit, le grondement du loup qui ne s'était pas calmé.

Son visage lisse restait impassible. En revanche une triste déception avait obscurci ses yeux d’enfant. Mihnea avait toujours trouvé la Foi incohérente, d’où son manque de discernement à l’encontre du Grand Cardinal.
La piste s’était refroidie. Il pouvait laisser Constantin retourner à son repas. Mais son interlocuteur lui trouvait une nouvelle idée. Mihnea trouvait incongru de mentionner une famille quand lui-même n’en avait mentionné qu’une personne. Et soudain l’espoir fut ravivé en se souvenant que son père était accompagné d’un jeune homme blond. Son regard se braquait instantanément sur la piste de danse. Il repérait sans mal un grand blond qu’il venait de croiser il y a peu. Son espoir se fracassait comme les vagues contre les rochers. Ce n’était pas lui. Lorsqu’il remarquait Eve plus loin, il remarquait le jumelage des deux personnages et ceci achevait tout espoir.

— Hélas, non. Merci de votre aide.

Mihnea se tournait vers le buffet. Il se faisait servir un verre de vin qu’il absorba avec une rapidité déconcertante, puis il reposait son verre sur la table sans plus de cérémonie. Il adressait un faible sourire à Constantin et lui souhaitait une bonne soirée avant de s’éclipser dans les jardins, l’âme en peine.

Eleanor suit tendrement Constantin, d’un pas rapide et amusé. Tout sourire, elle l’a remercié d’avoir poussé son mari à danser avec Calla… peut-être que cela apaisera leurs relations ?

A la vue de Béatrice, un sourire malicieux éclaire les traits tendres de la jeune femme.

_ Enchantée de vous rencontrer..!

Elle s’apprête à lui répondre quand Constantin décide de se réfugier auprès des buffets. Docilement, elle lui engage le pas, cherchant, du regard, la jeune femme qui vient de se présenter. Elle aimerait tant lui parler ! Aimable lui a parlé d’elle tant de fois… Et elle a mentionné Côme !

Mais son attention est de nouveau capturée par l’approche d’un jeune homme. Polie, elle reste en retrait sans intervenir, mais sa peine… lui serre le cœur. Touchée, elle pose une main sur sa poitrine et s’approche d’un pas pour lui proposer son aide. Déjà, l’inconnu s’en va ! Un soupir s’arrache de ses lèvres et elle tourne les yeux vers Constantin.

_ Pauvre garçon…  Peut-être profiterai-je de cette soirée pour chercher cette personne, pendant qu’Aimable s’amuse ! Sourit-elle avec tendresse, Merci de m’avoir aidé ! Je suis heureuse qu’il puisse profiter de cette soirée ! Où est votre amie ? J’ai bien crainte que nous ne l’ayons perdue en chemin… Est-elle votre cousine elle aussi ? N’est-ce point ce qu’Aimable m’a dit ? Peut-être se fait-elle assaillir de demandes et n'attend-t-elle que notre secours !

Le buffet est entouré de bien des invités. Et si deux groupes semblent s’amasser en retrouvailles, deux jeunes hommes restent à l’écart. Oh, ne serait-ce pas les sucreries à leurs côtés ? N’osant pas interrompre les deux charmants hommes au regard rivé sur la piste de danse. Peut-être l’une de leurs convoitises se trouve-t-elle sur le plancher dédié ? Lançant un regard curieux en direction du couple qu’observe avec insistance le grand homme brun, elle ne peut s’empêcher de souffler près de l’autre homme à ses côtés.

« Il est tendre de voir pareil homme ainsi regretter de ne pas danser avec sa douce. »

Subtilisant une mignardise au buffet, le visage de la jeune italienne s’illumine à la saveur si douce s’emparant d’elle. Elle se sent à nouveau comme cette adolescente à la cour de Florence. Quelle douce nostalgie.

« Quel délice. La cour de France est à la hauteur de tous les dires. »

Avoir de nouveau Gabriel le fit se détendre, tandis que les deux hommes discutaient à mi- mots. Son attention fut cependant vite attirée par une voix féminine à ses côtés et le Vicomte, curieux, tourna la tête pour observer un visage totalement inconnu.

- Excusez-moi ? souffla-t-il doucement avant qu’il ne tourne la tête vers Gabriel… et ne le rappelle à l’ordre d’un touché sur le bras, Ha. Peut-on lui reprocher? La Duchesse d'Orléans est définitivement ravissante.

Mais déjà cette demoiselle se détournait pour se concentrer sur le buffet mais plutôt que de retourner à son observation il se tourna vers elle, regardant là où elle avait pioché, amusé.

- Si vous avez aimé cette bouchée alors je vous conseille l'assiette qui est sur votre droite. Vous m'en direz des nouvelles,  lui sourit-il, Madame...?

Voile un rire amusé d’une main gantée et tourne un regard amusé vers le jeune homme près d’elle. Il semblait tout à fait charmant, comparé à celui qu’elle avait croisé au carré des dames. Offrant une douce révérence à cet inconnu, elle incline également gracieusement la tête en direction de l’homme brun semblant avoir le béguin pour une duchesse. Ces deux-là feraient un couple charmant… Mais un regard vers le militaire donnant la mesure à ladite dame d’Orléans lui laissait présager un bien curieux triangle amoureux. Ah, si elle avait su.

« Serena de Medici. » Son accent chante tout naturellement là où son français s'était jusque-là présenté comme impeccable. Une pause et elle chuchote doucement, un sourire mutin aux lèvres. « Mais la France nous appelle communément de Médicis. »

Mais qu’importe son nom, elle se redresse et s’approche curieusement de l’homme, observant ce qu’il venait de lui indiquer d’un air curieux.

« Se pourrait-il que vous soyez le créateur de ces douceurs ? S’il en est ainsi, je serais certaine de retenir votre nom. » Puis d’un rire amusé. « Et s’il en est autrement, je présume que je ne pourrais jamais oublier le nom d’un bel homme. »

Ces deux hommes sont absolument charmants. Un sourire délicat aux lèvres et elle note la rougeur sur le visage d’Antoine. Pouvait-il être davantage à croquer ? Elle en doutait sincèrement. Mais elle n’insiste pas et lui souffle doucement.

« Je suis votre obligée, Messire de Saulx… C’est un plaisir de faire votre connaissance. »

Quelle ironie était-ce là, qu’en leurs peaux humaines nul d’entre eux ne puisse se reconnaître. Pourtant c’est d’un sourire absolument radieux qu’elle lui souffle ses plus sincères remerciements. Plus personne ne la complimente, aujourd’hui. Il n’y avait qu’Oscar et –

Verra-t-il la lueur de tristesse dans son regard ? Mais elle ne se permet pas la moindre détresse supplémentaire. Repousse doucement ses boucles brunes et détourne doucement le regard.

« Que diriez-vous d’une coupe pour oublier que nous sommes visiblement tous deux peu habitués à cet exercice… ? »

Le Vicomte ferma une seconde les yeux tandis qu'il sentait le regard bleu du marquis brûler sa nuque. Ou peut-être était-ce sa gêne ?

- Avec plaisir, souffla-t-il juste, tandis qu'il reprenait une nouvelle coupe.

Son regard glissa un instant sur Gabriel qui lui sourit, et qu'il maudit un court instant de ne pas prendre l'initiative, avant qu'il ne se reprenne. Il pouvait le faire sans trop rougir, il en était sûr.

- Je m'étonne de vous voir seule. Vous a-t-on fait l'affront de vous ignorer?

Parfait. Ses joues brûlaient un peu moins que tout à l'heure. Le Vicomte se reprenait.

- A moins que vous n'ayez simplement pas envie de danser...?

L’air distrait, elle tourne son regard vers les iris améthyste de son compagnon de l’instant et ne peut réprimer un sourire.

« Savez-vous garder un secret ? » Peut-être. Peut-être pas. Elle baisse les yeux et rajoute, plus bas. « Mon cavalier ne veut plus danser avec moi. »

Quelle autre façon avait-elle de dire la vérité ? Antoine entendrait ce qui lui plairait. Mais il pourrait aussi sans peine noter qu’elle ne porte ni alliance, ni le moindre signe d’une union passée ou récente. Elle n’insiste pas et relève ses prunelles sur lui, ne cherchant pas à alourdir l’ambiance.

« Je ne viens simplement pas de cette région. Une jeune demoiselle ayant quitté la fête à la hâte a eu la gentillesse de me confier ses tickets pour que je puisse malgré tout danser. Hah, vous savez, ne dit-on pas que les absents sont toujours coupables ? »

Un hoquet d'indignation.

- Quoi?

Constater que la demoiselle ne semblait pas avoir d'engagement ne lui permis en aucun cas d'effleurer sur l'instant la vérité. Sans doute tiquera-t-il d'apprendre que Serena n'est pas là depuis longtemps, le mettant sur la bonne piste quand à son impossibilité d'avoir pu croiser un potentiel cavalier.

- C'est regrettable pour cette demoiselle, mais au moins vous a-t-elle permis d'être parmi nous ce soir.

Une hésitation. Et franchement, il ne sut exactement par quel miracle (ou pression) il parvint à sortir la phrase suivante sans bafouiller.

- Sachez... que si vous désirez vous mêler à la piste de danse, je serais honoré d'être votre cavalier.

Serena lui lance un regard curieux et peut-être, juste peut-être, le rouge fait chauffer ses joues. Une œillade discrète au grand homme brun derrière lui et la voilà forcée de réaliser que… Il semble bel et bien lui avoir demandé une danse de son plein gré. Rajustant l’une de ses boucles brunes derrière son oreille, c’est avec une pointe de gêne qu’elle lui répond.

« J’en serai sincèrement ravie, si le cœur vous en dit. »

Récupérant doucement ses tickets, elle dépose celui numéroté de la danse en cours et le dépose sur le bord du buffet avant de l’approcher un peu plus, sa coupe déposée à son tour pour ne pas engendrer la moindre catastrophe.

« Nul doute que vous avez dû être sollicité… Choisissez celle qui pourrait vous rester. »

Puis d’un ton un peu plus doux et bas pour ne pas être entendus.

« Pensez-vous qu’il faudrait que j’offre une danse à votre ami… ? Il semble… En proie au désarroi. »

Eleanor est surprise du verre que lui confie Constantin et un sourire éclaire ses traits. Elle boit une petite gorgée de son verre avant de soupirer de soulagement, tournant les yeux vers son mari. Ses yeux noisette s’emplissent d’un amour que seul Dieu peut comprendre alors qu’elle resserre l’emprise de ses doigts sur son verre.

_ Et oui ! Je le lui ai appris, comme beaucoup de choses ! Se vante-t-elle avant de murmurer avec connivence à son ami, Même à traire les vaches, bien qu’il ait peur de leur faire mal en pressant leurs pis.

Elle laisse échapper un rire et c’est avec une certaine fierté qu’elle suit son mari du regard.

_ Votre cousine est des plus habiles, elle aussi, complimente-t-elle avant de tourner les yeux vers le Cardinal. A sa remarque, elle se contente de lever légèrement un sourcil – dubitative ? Peut-être mais ce ne serait pas le premier secret qu’elle garde scellée entre ses lèvres. Elle l’écoute avec attention, observant Béatrice avec une certaine sollicitude : toujours prête à aider son prochain, il lui est difficile de rester en arrière.

_ Oh… Bien. En tous cas, je suis prête à intervenir si elle en ressent le besoin ! Déclare Eleanor en fronçant les sourcils d’un air déterminé, sans se départir de son sourire. Son caractère entêté… a vaincu plus d’une fois les hésitations d’Aimable après tout. Puis elle redirige son attention vers Constantin.

_ Et vous, mon Père, savez-vous danser ? Allez-vous me faire croire que Côme ne vous a jamais entraîné ? Glisse-t-elle, amusée, les yeux tendrement plissés, Qui aurait crû vous voir vous amuser de la sorte avec ce bagolu…  

- Le plaisir sera mien que de partager une danse en votre compagnie.

Petite victoire ne pas être, pour le coup, celui dont les joues chauffaient ici. Heureusement pour lui, sa requête fut accordée et c’est une partie du stress qui l’habitait qui disparut d’un bloc, tandis qu’elle lui proposait ses tickets et qu’il refermait ses doigts sur le ticket portant le numéro 2. Le premier vraiment, alors que Serena lui faisait confidences. Ce fut son tour d’afficher une certaine tristesse, avant qu’il se reprenne.

- Ne vous laissez pas duper. Le marquis sera ravi de danser avec vous, j’en suis persuadé, sourit-il.

Et de tourner la tête en direction du concerné, dont il attira l'attention d'un mouvement.

- N’est-ce pas Gabriel ?

Radieuse d’un plaisir évident, elle aurait certainement d’ores et déjà entraîné Antoine à danser s’ils n’avaient pas été en de si strictes circonstances. Pourtant il n’y a aucun doute quant au sincère plaisir qu’elle ressent à ainsi lui accorder ce qui serait sa première danse. Ici ou bien même depuis des années.

« Vous n’avez idée de combien votre offre me comble, Monsieur. »

Oh, et le voilà désormais à étendre la proposition à son ami brun, Gabriel. Serena ne peut réprimer un léger rire en approchant du marquis, lui soufflant tout doucement.

« Pardonnez-moi d’ainsi vous forcer la main. Mais s’il est une chance de vous subtiliser une danse, je ne saurais m’y refuser… »

Tendant à Gabriel le ticket numéro 3, elle s’étonne d’ores et déjà de n’avoir plus que deux coupons entre ses mains.

« Vous n’imaginez pas la joie que vous deux m’apportez. Merci infiniment. »

Liste de Serena de Medici:

Si Aimable est d’ombres, Eleanor est faite de lumière. D’une lumière invaincue et imbattable.

Pourtant, elle est une femme comme tant d’autres. Humaine, avec ses forces et ses faiblesses. Mais elle a ce regard qui transforme les obstacles en défis, les monstres, en hommes. L’espoir est l’une de ses principales qualités, armé d’une détermination à toute épreuve. Elle a tiré Aimable à la seule force de ses bras jusqu’à ce qu’il s’arrache pour de bon des ombres.

Côme lui ressemble, bien que, contrairement à elle, il renferme sa propre obscurité.

_ Surveiller cette fripouille, dîtes-vous ? Répète-t-elle, la malice dans le regard, Lui prétend que votre « esprit ingénu aurait été en proie à bien des tentations s’il n’avait pas été là pour vous ramener sur le droit chemin »…

Elle imite le ton de Côme, posant une main sur son cœur en un geste grave. Jusqu’à ce que les mots de Constantin attisent sa curiosité : alors, ses yeux pétillant d’espièglerie se tournent vers son ami.  

_ Polisson ?

Elle s’approche d’un pas.

_ Dîtes m’en davantage, invite-t-elle. Habituée à marchander, elle reprend une gorgée de son champagne.

_ En échange, je vous fournirai une anecdote sur un membre de la famille De Bayard – ou même la mienne ! Celui de  votre choix. N’est-ce point un marché équitable ?

Son sourire révèle toute son expertise. Et Constantin se doute probablement de toutes les fois où Aimable est tombé dans le piège de ce regard uni au sien.

Après une longue absence, Mihnea reparaissait. Il avait repris contenance, chassé sa tristesse et comptait désormais s’éclipser de ce bal. À présent, il cherchait Rozhan du regard. Après une si belle retrouvaille, il ne pouvait pas disparaître sans prévenir. Ce serait incorrect.

Il est des individus dont on ne saurait jamais se séparer par le cœur. Les vies s’étiolent et les histoires s’éloignent. Les fleuves coupent les ponts et les masques se forment pour mieux se briser. Mais il est des liens si solidement tissés qu’ils en deviennent incassables. Rozhan sent sous sa paume la brûlure d’une histoire dont trop de pages leur avait été arrachées. Sourit tendrement à l’amertume d’une âme dont il connait pourtant intimement la douceur et souffle prudemment.

« Pas le moins du monde. » Ôtant prudemment sa main de son visage, c’est vers Mihnea que Rozhan lance un léger sourire désolé. « Pardonne-moi, je dois m'éclipser un instant... »

Mais... Quelque chose dans le regard de Mihnea porte un goût de finalité. Relâchant un instant Sadie, c'est d'un toucher rassurant contre le bras du jeune infant qu'il chuchote.

« Je viendrais te trouver. Ne quitte pas Paris sans un adieu. »

Les retrouvailles en ces lieux lui semblaient désormais bien aigre douces. Lançant un regard en direction des autres convives, si son regard croise celui d’émeraude d’un autre homme il lui offrira le plus léger des sourires. Que son cœur se torde ou se brise, ses doigts se glissent contre le coude si finement brodé du vêtement de Sadie et l’engage sans plus un geste vers le balcon.