Cet homme semblait très doux et d’une gentillesse à toute épreuve. Lorsqu’il proposa de marcher un peu pour faire connaissance, May s’apprêtait à accepter – après tout, il fallait bien qu’elle sache qui était supposé la ‘protéger’ durant l’année à venir, n’est-ce pas ?

Mais elle ne s’était pas attendu à ce qu’il… ramasse quelque chose ? Avait-elle été assez sotte pour égarer un accessoire qui lui aurait appartenu ? Elle ne se le serait jamais pardonné ! Déjà qu’elle était suffisamment ridicule comme cela, inutile d’en rajouter, tout de même…

Mais déjà le Duc était dans son dos et avait attrapé sa chevelure pour…. La coiffer ?!! « Euh… Ah, m-mais monsieur… » Trop tard cependant, il paraissait sûr de lui et May ne trouva pas les mots pour le freiner dans son élan. Elle ne voulait pas le vexer. Lorsqu’il eut fini, la jeune femme laissa ses doigts divaguer sur la coiffure et compris qu’elle avait maintenant deux tresses sur l’arrière du crâne.

« Oh… Merci monsieur… » Elle se sentait un peu bête d’avoir paniqué de la sorte. En relevant les yeux, cependant, May aperçue June, non loin. Il était avec une jeune femme qu’elle ne discernait pas très bien, dans le noir à peine éclairé. Elle se demandait s’il aimerait bien sa coiffure…

Oh, ainsi il n’était pas noble. Bon, tous ses maigres espoirs de mariages partaient donc en fumée, comme la mèche de ces bougies qui brillaient tout autour d’eux. Bien, qu’il en soit ainsi, dans ce cas. Cela ne devait pas empêcher Françoise de faire honneur à son titre, à son rang et à son savoir-être. Elle était une noble dame après tout ! Peut-être que si elle se distinguait suffisamment… Bon, chaque chose en son temps.

« N’ayez crainte, il en faudrait bien davantage pour me rebuter, monsieur Scar… Permettez que je vous appelle par votre diminutif ? » Elle préférait tout de même demander avant, afin d’établir qu’elle ne voulait pas non plus se montrer grossière ou insistante en une quelconque mesure.

« Vous êtes en France depuis longtemps, Monsieur ? » Elle eut une idée un peu saugrenue « Si vous chercher emploi, sachez que je pourrais demander à mon père de m’allouer les services d’un garde du corps ! C’est que Paris peut être une ville dangereuse, après tout… » Peut-être en avait-elle fait trop, pour ne pas changer. Françoise hésitait, ne savait plus trop sur quel pied danser. Il lui arrivait de penser encore à ce fameux « valet » qu’elle avait vu s’évanouir dans la nature. Elle espérait qu’il aille bien.

Anna. De ces noms simples mais qui restent en tête, roulent sur la langue et font vœux de mémoires à plus d’une œuvre ? Emmanuel acquiesça afin de marquer qu’il avait bien compris. « Je vous fais confiance pour ne pas tomber dans des ennuis, dans ce cas, je serais un bien piètre protecteur, je dois dire… ahah… » S’il rit, c’est d’un soupçon d’humour et de beaucoup d’amertume.

Lui qui n’avait rien su protéger de sa famille ou de ses amis proches – pour la plupart -, qui pouvait encore oser dire qu’il avait l’étoffe d’un protecteur digne de ce nom ? Non, vraiment, il n’arrivait pas à se souvenir pouvoir il était venu infliger sa présence ici à cette jeune femme, à la peau blafarde et aux yeux de vins. Une vampire ? Il ne lui posera pas directement la question. Elle lui rappelait simplement sa grande amie partie loin de la France, maintenant.

Il était seul.
Non.
Ou presque.

Emmanuel secoua la tête avant de reprendre. « Oui, tâchons d’en profiter. Et, par ailleurs… Je suis désolé sur mon cache-œil vous mets mal à l’aise. Je ne peux l’enlever mais je peux essayer de le dissimuler sous ma chevelure, si cela à votre préférence. » Ne pas froisser la jeune femme.

Nouvelle révérence, Inesis s’empara délicatement de sa main gantée pour venir y déposer doucement ses lèvres avant de leur rendre leur liberté. « Inesis Brenzins, Madame. Je suis honoré qu’une personne telle que vous me soit assignée afin que je la protège au mieux. »

Il en était tout à fait capable, si tant est que la personne en face de lui n’était tout simplement pas une créature, elle aussi. Mais il devait se fondre dans la masse, agir comme il se devait de le faire. « Avez-vous des envies particulières, Dame Hélène ? Peut-être qu’une balade dans ces jardins, de nuit, saura vous plaire ? Je les connais assez bien et je pourrais vous montrer quelques endroits dont il est appréciable de se souvenir. »

Il taira bien entendu le fait que s’il les connait, c’est majoritairement parce que son compagnon l’y avait emmené lorsqu’ils passaient la soirée ensemble. Ce n’était ni le lieu ni le moment. « Où vous irez, j’irais, ma Dame. » S’il devait jouer le rôle du chevalier servant, autant y aller de bout en bout.

Elle eut du mal à décrocher son regard de la silhouette de June. A vrai dire, il fallut que la voix de Charles retentisse à nouveau pour remettre les pieds sur terre. Ah, mais quelle idiote ! Ce n’était vraiment pas poli, cette attitude ! Déjà, ses joues rosirent de honte. Elle ne voulait pas donner l’impression au Duc qu’il ne comptait pas. Loin de là, même.

Lorsqu’il l’interrogea sur son avis à propos de cette soirée, May ne put qu’essayer de fournir une réponse aussi complète que possible. « Eh bien… Je dois admettre que je ne suis pas habituée à tout ce… Ce faste. » Elle regarda sa robe « Déjà, je n’aurais de moi-même jamais choisi pareil atour, j’ai l’impression qu’il ne me va pas … » Mais l’heure n’était pas aux plaintes. « Mais j’aime beaucoup ! En plus, oui, je suis déjà venue dans les jardins du palais, pour visiter essentiellement. Mais jamais de nuit ! » Qui sait, peut-être que cela pourrait déboucher sur un tournant à cette conversation ?

Elle n’avait pas peur, elle était tout bêtement impressionnée, voilà tout. Branwen aurait surement rit de la voir comme ça. Elle se trouvait ridicule, il n’y avait pas d’autre mot.

Sadie. Tel était donc le nom de son binôme pour la soirée – et de fait, pour l’année à venir. Victoire savait bien qu’il était question purement symbolique que d’obéir à ce genre de préceptes. Mais la reine appréciait tout de même le principe, c’était pour elle si nouveau qu’une bouffée d’air frais ne saurait lui être désagréable ; loin s’en fut.

« Je suis ravie d’apprendre que ma protection repose entre vos mains, cher Sadie. » Elle était naturelle et presque décontractée en sa présence. Peut-être aurait-elle dû garder davantage de réserve, mais quelque chose chez lui, sans qu’elle ne se l’explique, lui intimait de lui faire confiance. Victoire baissa donc sa garder et lui sourit le plus naturellement du monde. De toute manière, elle avait Sire, le chien de Stanislava avec elle. Et avec tous les gardes postés çà et là, elle pouvait agir de manière inconsidérée au moins une fois sans crainte de retour de flammes.

Elle appréciait d’autant plus l’effort fait de devoir parler français alors que cela n’était visiblement pas son dialecte de naissance. « Oh, bien entendu ; mais votre français est très bon, n’en doutez pas. Souhaitez-vous que je m’exprime en allemand pour vous faciliter les choses ? » Elle ne savait pas s’il était né dans un pays proche, mais elle proposait au moins de lui faciliter la vie autant que possible, si cela était dans ses champs de compétences.

Sébastien n’avait pas remarqué de prime abord – du fait des bougies et de l’obscurité – mais ce visage lui disait vaguement quelque chose. Ne l’aurait-il pas déjà croisé ? Oh, mais si ! Sur le chemin qui revenait de la ville que les mercenaires avaient empruntés afin de livrer à la reine son royal cadeau. Il ne savait toujours pas ce dont il était question, à ce propos, d’ailleurs. Mais c’était un détail parmi tant d’autres et même si la curiosité était un trait persistant chez Sébastien, ce n’était pas sa priorité.

« Je crois que vous m’avez oublié, ahah ! » Il rit, profondément amusé par la situation. « Mais ne vous inquiétez pas, je ne le prendrais pas mal, surtout si vous me devez protection à partir de maintenant. » Il se sentait un peu comme une jeune donzelle dont il fallait à tout prix s’occuper pour la garder des moindres mots de la terre. Inutile de dire que Sébastien n’était pas du tout dans ce genre de profil.

« Et si vous allions marcher un peu ? Cela nous permettra de discuter un peu ! Et puisque vous semblez mieux connaître la ville que moi, peut-être pourrais-je vous soutirer une ou deux information intéressante, allez savoir ! » Comme la meilleure taverne ou le meilleur lupanar des alentours, par exemple.

Bon… Eh bien visiblement il n’aurait pas droit à un beau prince charmant ou une jolie et ravissante jeune femme pleine de fougue pour le protéger pour l’année à venir. Pas de poésie, pas de fleurs et encore moins de réelle démonstration comme quoi la protection de Céline lui importait un tant soit peu. Soit, le roux ferait sans, ce n’était pas non plus un drame. Simplement dommage. Mais bon, lui au moins n’avait pas été planté par son binôme, comme venait de l’être une jeune femme en robe blanche, à l’instant. Oh, Céline aurait voulu ne pas rire de son infortune, mais c’était trop tentant pour ne pas avoir au moins la courbures de ses lèvres remonter un peu.

Lorsqu’on l’interrogea sur sa personne, il reprit son habitude presque théâtrale. Courbette exagérée, il plia devant l’apparent jeune homme. « Céline Bec-de-Corbin, pour vous servir. Je ne suis qu’un humble majordome, j’espère que le destin ne vous contrarie pas trop avec ce genre de rencontre, après tout ! » Des fois que ce dernier ait espéré avoir une personne noble… Céline n’était plus à ne surprise près, après tout. Le tout était de savoir bien les gérer.  

Il savait comment faire. En attendant, ses yeux verts, eux, restaient fixés sur la silhouette du dénommé Noah.